Le symptôme 1 – Construction et déconstruction – R. Lévy

LE SYMPTÔME – Construction et déconstruction, Séminaire I, Robert Lévy, 22/10/2009

Construction et déconstruction du symptôme, nous voilà partis dans la nouvelle occurrence de travail de cette année, directement issue comme chaque fois de l’année précédente. Les questions de l’identification nous ont en effet amenés de façon assez logique à cette idée du symptôme et surtout de sa modalité de construction et de déconstruction.

Je vais essayer dans ce premier séminaire de faire un tour de cette notion du symptôme en psychanalyse et surtout du sens qu’on peut donner à ce terme de construction. Parce que, évidemment, ce qui est intéressant dans cette affaire, ce n’est pas tant la question du symptôme, encore que vous allez voir, là aussi, qu’il y a un intérêt dans l’histoire de la nosographie dans les secteurs qui maintenant sont entrés dans les mœurs. On parle en effet de symptôme social, symptôme scolaire, le symptôme a vraiment débordé de son lit qui était à l’origine un constituant de la maladie ; puis la médecine s’en est emparée et la psychanalyse a aussi eu sa partie liée avec cette dimension.

Cette dimension de la construction, est autant de constructions différentes, dans les différentes occurrences que le terme de symptôme a pu trouver : symptôme scolaire, symptôme social. Ce qui nous intéresse c’est comment on peut, à partir de ces différents symptômes, interroger ces différents modes de construction.

Tout d’abord, le symptôme comme concept est directement issu de la médecine et de ce qui est observable d’un disfonctionnement qui permette dans un certain nombre de classifications d’aboutir à un syndrome puis à une maladie en recherche d’un diagnostic et enfin d’un traitement.

Alors, vous voyez que la notion de construction du symptôme dans ce cas là, est surtout liée à l’étiologie, son origine et ce qui l’a créé. Evidemment, ces notions d’étiologie vont contribuer à établir un diagnostic et à déterminer une conduite à tenir face à la maladie.

Il va sans dire que les symptômes en médecine n’ont, par définition, pas de sens, c’est un élément très important et que leur construction est le fruit d’un certain nombre d’éléments qui, en amont de leur origine, toujours lié à un disfonctionnement du corps, du soma. D’ailleurs, il est intéressant de délimiter la question du sens, ou non, du symptôme puisque, à la frontière, il s’agit déjà de délimiter tout de suite, le champ de la médecine et de la Psychanalyse. En effet, dire que le symptôme a un sens ou n’en a pas, nous amène rapidement à cette première délimitation ; encore que, dans certaines médecines, notamment chinoise, les symptômes ont aussi un sens. Un sens qui est plutôt lié à une conception philosophique de la vie. Vous voyez que cette notion de sens est importante puisque cette différence a également sonné le développement des DSM, en réduisant le symptôme à un comportement et en évacuant de ce fait toue notion de structure ; telle que celle que la Psychanalyse et la psychiatrie dynamique avaient pu apporter à la nosographie psychiatrique.

Rappelons cette époque qui est encore présente dans la tête d’un certain nombre d’entre nous : il n’y avait pas de manuel de psychiatrie qui ne reprenne les concepts freudiens dans une déformation reprenant les signifiants de la psychanalyse, tout en ayant pour objectif de gérer ce « dire » que pourrait faire surgir la Psychanalyse. Quoi qu’il en soit, les DSM aujourd’hui, s’organisent contre le sujet sans que les psychiatres eux-mêmes, l’aient forcément prévu. Il y aurait beaucoup à dire sur la pertinence de diagnostiques tels qu’ils sont fait au moyen des arbres décisionnels des DSM. Ce n’est plus en effet, loin s’en faut, le discours du sujet qui est pris en compte, mais le résultat d’une cotation des réponses aux questionnaires, étalonnées et validées, soi-disant scientifiquement. Par conséquent, du symptôme au syndrome, il n’y a qu’un pas. Ce pas se retourne même contre la psychiatrie elle-même puisque l’universalisation des arbres décisionnels, l’intégration des étapes computationnelles du traitement de l’information ne nécessite plus la qualification psychiatrique pour le diagnostic, ni d’ailleurs pour le traitement.

C’est la raison pour laquelle, dans une certaine politique de santé, on renvoi dans ce cadre là l’approche relationnelle aux psychologues cognitivo-comportementalistes, la prescription aux généralistes et les psychiatres dans leur laboratoire clinique avec leur souris. Dès lors plus rien n’empêche de promouvoir un morcellement qui fait éclater les entités cliniques Freudiennes : exit la névrose obsessionnelle face au TOC, exit l’hystérie face au trouble dissociatif. Tout concoure à la résorption du singulier par le transnosographique, dans le souci d’accéder enfin à une notion d’universalisation du diagnostic.

Alors on est ainsi passé à une clinique qui se rapproche au plus près de la causalité du phénomène humain à une clinique comportementale, dont les présupposés organicistes sont plus conformes aux modèles de l’expérimentation animale. Mais le symptôme psychanalytique lui-même, présente deux faces : l’une, que l’on peut qualifier de pathologique et l’autre de fonctionnelle. Cette double face est perçue par Freud dès 1914 : « Une partie du symptôme correspond à l’accomplissement d’un désir inconscient, une autre à la réaction contre celle-ci » [1] et c’est bien du conflit entre deux pôles que souffre le sujet ; il serait donc abusif d’identifier le pathologique du symptôme au versant défense et le fonctionnel, sa fonction donc, au versant désir. Une partie seulement, dans cette conception est portée vers l’altérité à laquelle ouvrez le sujet. Il y a une coupure fondamentale de Freud par rapport à Charcot qui inaugure la question du symptôme en psychanalyse puisque pour Freud c’est un dispositif de supposition d’un savoir chez l’autre, d’un savoir dans l’autre. En effet, l’hystérique incarne une énigme à déchiffrer pour un maître et Freud, en lui supposant un savoir sur ses troubles, fait passer du statut du signe qui représente quelque chose (la maladie) pour quelqu’un (le médecin) à celui de signifiant qui représente le sujet pour un autre signifiant : c’est ainsi que Freud fît parler le symptôme. Dès lors il s’agit de la construction du symptôme d’une parole en souffrance à délivrer et sa déconstruction résulterait de sa délivrance. C’est ainsi qu’une place est ouverte pour un autre discours qui n’a plus rien à faire avec la médecine mais avec la question tout à fait nouvelle du désir et de la vérité.

Il faut quand même se remettre dans la situation d’une époque au cours de laquelle, la question du désir et de la vérité par rapport à la maladie était « un ovni » tout de même ! Quelque chose d’absolument en dehors de toute idée et de toute approche de ce que la science appelait la maladie. C’est d’ailleurs de nos jours, à nouveau, la même coupure ; les DSM ont réintroduit cette coupure, la question du désir et de la vérité du sujet par rapport au symptôme, comme étant quelque chose de « martien »… Cela n’a aucun intérêt et aucun sens.

Donc un débat tout à fait important s’ouvre ici puisqu’on a pu alors
reprocher aux psychiatres, au nom de l’hypothèse fonctionnelle, de mettre le sujet en danger en le privant de son symptôme par le moyen de la chimiothérapie ou de certaine thérapie comportementales visant justement à l’éradication du symptôme.

La façon dont chacun s’accroche à son symptôme est évidente déjà chez Freud qui s’y heurte très tôt puisqu’il remarque que même sous hypnose, la suggestion n’en vient pas à bout. Si cette résolution du symptôme est si complexe c’est que dans le symptôme réside la particularité de chacun et donc on peut dire que dans le symptôme, se joue, est assuré et présent, une sorte d’irréductible singularité.

C’est pourquoi, se passer du symptôme serait alors presque équivalent à se passer du sujet.

Quoi qu’il en soit, l’analysant apporte ce symptôme à un sujet supposé savoir le déchiffrer et c’est l’association libre qui va opérer une première mutation du symptôme, construction, déconstruction, reconstruction, voie d’accès à la vérité du sujet.

A cet égard, on peut dire que le passage à l’association libre dans la cure est le véritable passage du symptôme comme signifiant représentant le sujet pour un autre signifiant.

En effet, tant que Freud reste dans l’hypnose et la suggestion, il reste dans une conception médicale, à savoir : c’est le souvenir refoulé qui est la cause du symptôme et par conséquent, retrouver le souvenir refoulé devrait permettre de supprimer cette cause et de ce fait, soigner le symptôme et le faire ainsi disparaître. Vous voyez que l’on est exactement dans la transposition du symptôme au sens médical où là, les déplacements se font sur l’étiologie comme le souvenir refoulé. Retrouver le souvenir de ce symptôme refoulé est une façon de rendre compte de ce qu’a été la construction du symptôme et par conséquent sa résolution, sa déconstruction viendrait à partir du moment où on aura retrouvé ce souvenir.

Alors c’est très important parce que ce renoncement à l’hypnose et à la suggestion marque donc le passage à une conception du symptôme comme littéralement partie prenante du sujet dans une nouvelle conception celle du signifiant qui, dès lors, ne peut plus se poser en termes de suppression mais de fonction. C’est-à-dire que l’on est obligé de se poser la question du symptôme comme fonction à partir de ce moment là, au sens le plus mathématique du terme, fonction donc, pour le sujet : f(x). Voire même, symptôme et sujet dans une espèce de coalescence, de synchronie qui ferait que supprimer l’un, supprimerait l’autre. Et vice versa.

On comprendra alors, pourquoi supprimer le symptôme barre, forcement, l’accès à la vérité du sujet. Ce n’est pas du tout ce que l’on souhaite dans cette approche. Voire même, nous avons l’expérience de savoir combien des séances un peu rapides, qui contribuent ou qui amènent à la levée du symptôme, barre l’accès à quelque chose qui sera une psychothérapie analytique ou une analyse plus tard. Beaucoup de gens s’en vont, parce que du coup, le symptôme ayant disparu, la question même de la vérité disparaît. C’est quand même le point d’attaque si l’on peut dire de ce que la Psychanalyse apporte sur cette dimension du symptôme.

Je crois que l’on peut dire que le fondement du symptôme et de sa construction est lié pour la Psychanalyse à la dimension du désir.

C’est en tout cas ce que Freud révèle dans de nombreuses lettres à Fliess[2]. J’en site une entre autre : « Chronologiquement, la première force motivante, dans la formation des symptômes est la libido. Ainsi, les symptômes comme les rêves sont des réalisations de désirs »

On va s’arrêter un petit peu sur cet amalgame, symptôme égale rêve, au sens où la question du désir est leur mode de construction.

Un symptôme n’est pas un rêve puisque le refoulement, moteur essentiel du rêve, n’est que la condition préalable à la formation (on pourrait dire la construction) du symptôme. Puis dans L’interprétation des rêves[3], on trouvera que : « Les symptômes pathologiques doivent tous être considérés comme des accomplissements de désirs inconscients. ». Point de vue que Freud précisera dans une note de 1914 : « Plus exactement une partie du symptôme(…), une autre à la réaction contre celle-ci ». Il faut remarquer la sagacité de Freud qui déjà en 1907 faisait remarquer que[4] « La science psychiatrique ne cherche pas la raison du délire dans un conflit psychique et elle ne saisit pas les symptômes de ce délire comme une formation de compromis. », nous permet d’entendre un petit peu mieux la position Freudienne quant à la psychiatrie et à la psychanalyse. A la fois il prend pour sien dans lequel lui-même se situe. Il n’a jamais perdu de vue l’intérêt pour la psychiatrie dans son œuvre et en même temps il en fait une critique puisque la notion de compromis, là, est à entendre comme un compromis entre conscient et inconscient qu’établit le symptôme qui se remarque plus facilement lorsqu’il s’exprime par un acte ; en effet la souplesse du matériel verbal fait que le compromis se manifeste par l’ambigüité[5] .C’est ce que Freud nous indique là. C’est pourquoi son choix va plutôt dans le sens du discours au sens où le discours laisse la question de l’ambigüité de ce que Lacan à d’autres moments a appelé l’interprétation qui ne doit jamais être autre chose qu’ambigüe.

Nous devons compléter cette première approche de la construction du symptôme chez Freud par la notion de refoulement cette fois prise dans ses deux versants. Et vous aller voir que c’est important de pouvoir concevoir cette dimension dans ces deux versant puisque le plus habituel c’est celui de[6] « L’échec du refoulement est la condition préalable à la formation du symptôme ». Notons que le symptôme fait plus que de répéter le souvenir refoulé ; il fait retour pour signifier le désir et change le sens du souvenir pénible.

Alors, jusque là c’est plutôt l’occurrence la plus connue du refoulement. L’autre versant un peu moins connu est celui qui concerne les symptômes névrotiques et les actes manqués dont Freud nous dit ceci[7] : « ils se ramènent à des matériaux psychiques incomplètement refoulés, et qui, bien que refoulés par le conscient, n’ont pas perdu toute possibilité de se manifester et de s’exprimer »

Vous voyez que ce qui m’arête là c’est le « incomplètement refoulé », point, que très souvent on ne prend pas en compte.

Evidemment, sur ce dernier point qui concerne les matériaux non complètement refoulés, il nous faut ajouter ce qui est l’idée, au fondement même du symptôme pour Freud[8], la sexualité infantile qui « est la force motrice principale de la formation du symptôme » C’est intéressant justement parce que cette force motrice principale n’est pas celle qui concerne le symptôme au sens habituel causé par le refoulement, mais la part du refoulement qui concerne l’incomplètement refoulé.

En effet, il existe une catégorie de symptômes infantiles, qui ont cette spécificité d’être le résultat, non pas d’
un refoulement, mais d’un manque de refoulement. Dans ce sens, on peut dire que Freud nourrissait l’espoir que[9] « Il est fort possible que l’oubli infantile nous livre le moyen de comprendre les amnésies qui, d’après nos connaissances les plus récentes, sont à la base de la formation de tous les symptômes névrotiques ». C’est vrai, sauf que, cette question d’amnésie, vous voyez bien qu’elle est à prendre dans ses deux versants, un peu contradictoires d’ailleurs…Un premier versant serait celui qui concerne la question du symptôme au sens où il est le résultat du refoulement, du souvenir refoulé et de son retour. Puis cet autre versant de l’incomplètement refoulé, à savoir, les symptômes au sens de l’infantile, du manque de refoulement. Vous voyez que c’est quelque chose qui vient là petit à petit dans une forme de contradiction.

Alors ce qui est intéressant dans tout cela, tout de même, est que c’est très exactement ce que Lacan va reprendre dans cette fameuse conférence de Genève :[10] « Touchons enfin cette expérience que nous faisons tous les jours. Si ce dont nous parlons est vrai, si c’est bien à une étape précoce que se cristallise pour l’enfant ce qu’il faut bien appeler par son nom, à savoir les symptômes, si l’époque de l’enfance est bien pour cela décisive, comment ne pas lier ce fait à la façon dont nous analysons les rêves et les actes manqués ? ». Voilà donc une façon d’amener une certaine forme de mode d’emploi de l’interprétation du symptôme pris dans son mode de construction et envisagé dans les modalités de sa construction initiale puisque c’est celle de l’infantile. Mais Lacan ne s’arrête pas là, puisque somme toute, ce n’est que la mise en œuvre d’une lecture de Freud sur le même sujet. Il s’empare de cette approche Freudienne selon laquelle le symptôme est construit à partir de la libido et de quelque chose de l’infantile pour faire ce pas avec le rêve et nous dire comment on peut interpréter finalement le rêve et le symptôme en se rapportant à son premier mode de construction dans l’infantile.

Alors, il ajoute quand même un élément essentiel en développant le fil de la construction du symptôme dans l’infantile [11] : « Nous savons bien dans l’analyse l’importance qu’a eue pour un sujet, je veux dire ce qui n’était à ce moment là encore que rien du tout, la façon dont il a été désiré. Il y a des gens qui vivent sous le coup, et cela leur durera longtemps dans leur vie, sous le coup du fait que l’un des deux parents-je ne précise pas lequel-ne les a pas désiré. C’est bien ça, le texte de notre expérience de tous les jours. Les parents modèlent le sujet dans cette fonction que j’intitule du symbolisme. Ce qui veut dire strictement, non pas que l’enfant soit de quelque façon le principe d’un symbole, mais que la façon dont lui a été instillé un mode de parler ne peut que porter la marque du mode sous lequel ses parents l’ont accepté. Je sais bien qu’il y a à cela toutes sortes de variations et d’aventures. Même un enfant non désiré peut, au nom de je ne sais quoi qui vient de ses premiers frétillements, être mieux accueillis plus tard. N’empêche que quelque chose gardera la marque de ce que le désir n’existait pas avant une certaine date. »

Il me semble que Lacan introduit ici un nouveau type de construction du symptôme, à savoir que ce n’est plus seulement le symptôme en tant qu’il serait construit à partir du refoulement du désir ; mais le symptôme en tant qu’il se construit chez le sujet à partir du manque de désir de l’Autre ce qui introduit une toute nouvelle dimension dans cette question de construction du symptôme. Ou bien encore les symptômes, et par conséquent leurs constructions, seront différents en fonction dont l’enfant aura été désiré ; et surtout il ne faut pas oublier la position essentielle du désir des parents comme symboligène pour le sujet.

Il affirme donc clairement que le désir des parents est symboligène pour le sujet ce qui est quelque chose d’absolument nouveau quand même. Je vous ra pelle que ce n’est pas du tout comme cela que Freud nous l’apporte. Cette idée, nous rapporte à autant de modes de construction différents, en fonction de la façon dont les parents auront désiré sous une forme ou sous une autre, n’aurons pas désiré cet enfant. Donc la suite symptomatique aura des conséquences évidemment très différentes dans les constructions mêmes du symptôme.

Autant dire que Lacan nous invite ici à un travail avec les parents et ce, qu’il s’agisse du cadre des névroses, comme tout autant de celui des psychoses, et je dirai même encore plus dans ce cadre là. Puisque le symptôme psychotique est un symptôme également structuré. La psychose dévoile quelque chose du désir de l’autre dans son rapport au symptôme et le psychotique, dans ce sens, est parlé par son symptôme dans une langue que lui-même ignore. Ceci pose la question du symptôme de façon différente, le symptôme dans la langue, hors castration.

Mais cela nous amène également à reprendre quelques éléments tout aussi intéressants de notre modernité comme celui dans lequel le travail avec les enfants nous ramène sans cesse à considérer une certaine forme de glissement qui, de la plainte des parents, en vient maintenant à les faire porter plainte au sujet de leurs enfants.

Nous sommes en présence d’une tentative de normalisation d’enfants qui amène comme symptôme un refus de manger ou de faire leur toilette, leurs devoirs, etc. Toute cette nouvelle construction qui au fond, n’est ni plus ni moins que la clinique avec laquelle nous travaillons actuellement ; en sachant bien que, tout de même, ce n’est pas la même chose de ne pas vouloir faire sa toilette ou ne pas vouloir manger, que de désirer, que d’avoir présenté une névrose obsessionnelle. On voit bien qu’il y a une espèce de glissement dans la construction du symptôme dans sa modernité dans laquelle la normalité elle-même, vient construire dans le discours courant, tout un tas de nouveaux symptômes. C’est-à-dire que je trouve que c’est tout absolument impropre de parler de symptôme lorsque un enfant ne fait pas ses devoirs ! Or, c’est entré maintenant dans le discours courant comme étant de l’ordre du symptôme.

Alors, il n’y a plus de disparité des places entre parents et enfants mais au fond, une sorte d’affrontement d’égaux de petits autres. D’où la conclusion très ra pide du manque de conclusion symboligène de la part de ces parents modernes qui se situent dans une sorte d’égalité avec leurs enfants dans laquelle ils revendiquent très souvent de ne plus avoir à leur énoncer, par exemple, les obligations de se laver, coucher, politesse…Il faudrait que cela leur vienne naturellement, que cela soit quelque chose de directement disponible dans l’ordre de ce qu’il est bon de savoir faire quand on est un enfant. Ou alors c’est un symptôme…S’ils ne savent plus faire, c’est alors symptomatique.

Inversement, on trouve dans la névrose obsessionnelle une sorte de politesse imposée au sujet à l’égard de son désir (politesse que vous entendrez au sens de polir, de lisser) dans les symptômes des rituels qui lui permettent ainsi de ne pas accéder à ses désirs de mort, par exemple, à l’égard des autres. Ici littéralement, le symptôme : « polisse le désir ». En ce sens Freud considère fondamentalement que le symptôme a pour fonction de servir, justement, de substitut à la satisfaction sexuelle qui
manque dans la vie du sujet et comme tel, est donc un moyen de jouissance essentiel.

Ainsi, deux axes principaux à l’approche du symptôme chez Freud :

  1. Il a un sens
  2. Il est orienté

Le symptôme touche toutes les parties de la vie, ce qui fera dire à Freud qu’il s’agit d’une « gemeine nervositas », névrose ordinaire qui touche tous les aspects de la vie. L’idée force restant basée sur la différence de construction du symptôme entre une construction qui emprunte au corps ses matériaux pour produire du sens et celle qui se cantonne dans la seule sphère de la pensée ; Vous voyez que cette distinction recouvre d’une part celle de l’hystérie et d’autre part celle de la névrose obsessionnelle. Celle de l’hystérie dans la mesure où elle emprunte son corps et ses matériaux pour produire du sens ; celle de la névrose où le symptôme se cantonne dans la seule sphère de la pensée

Pourtant, si le symptôme a un sens comme on l’a évoqué tout au long de cet exposé, on ne peut pas le réduire à cela puisqu’il comporte aussi une part de non sens tel que celui que l’on rencontre dans la névrose obsessionnelle par exemple, où le sens échappe au sujet c’est-à-dire que ce qui échappe au sujet est le sens de l’acte qu’il se trouve contraint d’exécuter. C’est un non sens.

C’est encore dans cette distinction hystérie, névrose obsessionnelle, que l’on peut voir quelle réalité est mise au service de la jouissance symptomatique puisque dans la première, il s’agit des parties du corps ou système de liens sociaux et dans la seconde, il s’agit seulement ou essentiellement de la réalité mentale. Mais comme nous savons par ailleurs, que le sujet n’a d’accès à la réalité qu’à travers son fantasme, on peut ajouter qu’il va de soi que le référentiel principal du symptôme soit toujours le fantasme ; ou bien encore, qu’il n’y a de symptôme autrement que lié d’une façon ou d’une autre par une origine qu’il trouve dans le fantasme.

Sauf évidemment si l’on réserve ce terme de symptôme à sa définition Freudienne. C’est-à-dire d’une construction dont la cause est le refoulement à laquelle on peut opposer si on peut essayer d’entendre (ce que l’on peut tout à fait faire) qu’il existe des symptômes qui ne sont pas forcément liés au référentiel absolu du fantasme. A ce moment-là, c’est ce qui concerne tout se qui se construit avant le refoulement précisément. C’est-à-dire, au fond avant que le fantasme soit opératoire. On est obligé alors de forcément distinguer même ces deux termes de symptôme en disant qu’il nous faut réserver le terme de symptôme à ce qu’est la définition freudienne à savoir ce qui est le résultat produit par le refoulement. Alors que du coté des symptômes dans l’ordre de quelque chose de plus initiatique c’est-à-dire du coté du manque de refoulement, cela nécessite d’appeler ces constructions, des constructions symptomatiques transitoires comme celles que l’on rencontre dans la clinique infantile d’avant cinq ou six ans et peut–être d’ailleurs aussi dans la clinique des psychoses. Ce n’est pas du tout évident si on repart encore une fois du principe que l’on réserve l’appellation du symptôme à ce qu’en est la définition freudienne à savoir, ce qui vient comme résultat du refoulement. Puisque justement la question du refoulement ne peut pas se traiter de la même façon dans les psychoses que chez le névrosé.

Mais ici on touche, pour terminer ici ce soir, à un point très important qui concerne justement cette question fondamentale : quel type de construction spécifique du symptôme existe dans les troubles liés à la métaphore ou aux troubles de la métaphorisation ?

Un dernier mot sur la résolution du symptôme ou la « guérison de surcroît » puisque c’était le terme utilisé par Lacan tout à fait à bon escient d’ailleurs, mais comme tous ces termes qui ont servit de slogan plus qu’autre chose…Vous voyez bien que la « guérison de surcroit » est le résultat de ce que je viens d’évoquer à savoir que, si on destitue le sujet de son symptôme , forcément c’est le sujet qui disparaît. C’est la raison pour laquelle la préoccupation première de la psychanalyse n’est pas de guérir le symptôme. J’espère avoir été suffisamment clair à ce propos, pour vous dire que dans ce cas là, on barre la route du sujet vers la question de son désir et de sa vérité et que par conséquent, la « guérison de surcroît » signifie que, évidemment, quand on fait une analyse, que l’on se met à cette place ou la cure peut se développer, les symptômes, d’ailleurs très vite, disparaissent, mais au fond ce n’est pas le plus important.

Si on se mettait un objectif de guérison, on serait obligé de reprendre une construction du symptôme sur le mode médical qui n’est au fond, ni plus ni moins que l’objectif des psycho-comportementalistes à l’heure actuelle qui sont dans une droite ligne des différents déplacements que la construction du symptôme au sens où la médecine a permis de faire. C’est une nouveauté, il y en a eu d’autres avant…C’est celle qui représente habituellement la façon de reprendre, à partir d’une soi disant position psychologique du symptôme, l’idée qu’on pourrait s’en passer beaucoup plus vite et beaucoup plus facilement si on essayait de le guérir comme tel, c’est-à-dire comme un comportement, comme un mauvais comportement.


[1] 1S. FREUD L’interprétation des rêves Paris PUF p484 note 1

[2] La naissance de la Psychanalyse, trad. A Berman, PUF Paris 1973, 3°Ed revue et corrigée. P 185 lettre du 31/5/1897

[3] L’interprétation des rêves, trad. Meyerson PUF Paris 1987 p 484

[4] Le délire et les rêves dans La Gradiva de W Jensen Trad Arbex et Zeitlin Gallimard Paris 1990 P. 196

[5] IBID P. 235

[6] Œuvre complètes vol X PUF 1993 P.181 Le trouble de vision psychogène dans la conception psychanalytique

[7] Psychopathologie de la vie quotidienne Trad Payot 1990 P.317

[8] Un enfant est battu in. Névrose Psychose et Perversion PUF Paris 1974 P 243

[9] Opus déjà cité, voir notes 8 P. 59

[10] Lacan La conférence annoncée sous le titre « Le symptôme » fût prononcée au centre R.de Saussure à Genève, le 14/10/19675, d ans le cadre d’un week-end de travail organisé par la Société Suisse de Psychanalyse. Elle fût introduite par M. Fournoy. Elle parut dans le Bloc Note Magique de la psychanalyse 1985 N°5PP5-23

[11] ibidem

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