Claude Breuillot"Barbe bleue au pays des bisounours…Essai sur le courage"
Le petit cheval dans le mauvais temps..
Qu’il avait donc du courage,…
Tous derrière et lui devant…
Qu’est-ce que le courage ?
Ce poème de Paul Fort, nous donne à entendre le contraste entre l’insouciance, une certaine innocence, et le risque de l’inattendu, le spectre de ce qui nous tombe du ciel, à notre insu, dans l’impensable de la mort…La brisure de la temporalité qui n’en finit pas. Courage fuyons …la juxtaposition des mots et des signifiants qui marque le paradoxe de l’acte.
Du courage, n’en faut-il pas à nos patients. Franchir le pas…Comme le dit Lacan : « leur désir, c’est notre demande. » Quelle difficulté de ne lâcher sur ses désirs, de quitter les frontières et découvrir seul ce savoir insu : l’inconscient ? Larguer les amarres et tel Christophe Colomb, partir à la découverte au risque de la perte de ses repères de temps et d’espace. Découvrir cet être le plus intime, cet inconnu qui défie le zéro comme origine.
Courage et rituels de passage :
De tous temps, le courage, la ténacité, n’ont-ils pas permis à l’homme de mettre en acte sa bravoure dans un moment symbolique de passage autour de rites et rituels ? Je pense à l’adolescence ; Ces temps peuvent s’inscrire dans le champ du sacré. Mais, il me semble que –de façon plus pertinente pour notre exposé – ces temps impliquent un passage par le corps, une mise en jeu du corps pour de vrai, une question de vie ou de mort, un dépassement impliquant le risque de la perte, d’une partie du corps ou de la vie. L’en-gagement, en cas de réussite, permettra une plus-value : un gain d’autonomie sexuelle. Nous pouvons évoquer ici l’expédition « la Boudeuse » qui quittant le Pacifique, s’approcha de la petite île de Pentecôte au Vanuatu, au milieu de l’étrange peuple Saa qui chaque année reproduit le rite ancestral d’initiation du « saut du gaul » consistant à se jeter de tours de bois de trente mètres de haut simplement attaché par des lianes aux chevilles . Rite que l’on retrouve chez les amérindiens Yuhup.
Pourrait-on écrire que le courage : ce serait vaincre : vaincre sur le désir de l’Autre, le désir des autres, mais également et peut-être avant tout, vaincre sur sa peur ? Vaincre sur le désir de l’Autre, ne serait-ce pas pertinent dans la clinique de la névrose obsessionnelle ?
Les étapes rituelles forment pour ainsi dire une sorte de chemin de croix de toute existence. Mais vous pouvez aussi les voir comme une figuration de votre Odyssée personnelle. La mythologie regorge d’actes particulièrement audacieux dont, la réalisation ou non, permettra : soit le dépassement par étapes successives comme pour les 12 travaux d’Hercule ou encore d’atteindre des niveaux dans un jeu vidéo confrontant le bien et le mal.
Star Wars empreinte les grands thèmes de la religion et de la mythologie. Le succès planétaire particulièrement mérité de cette saga peut-il être détaché des travaux de J.Cambel , dont son réalisateur J. Lucas sera particulièrement friand, travaux imprégnés de lectures psychanalytiques ? Selon lui, le mythe est une métaphore des expériences de la vie. Le cycle de la guerre des étoiles s’apparente à des fouilles archéologiques. Nous pouvons parler de l’odyssée d’un héros d’une identité à une autre. « Dark Vador serait le pouvoir de fascination du mal. En cela il serait séduisant. Mais il est en est une étape essentielle du voyage. Ses expériences permettent de dépasser ses doutes et ses craintes. » Ces rites donneraient de la saveur à la vie. Malheureusement, regarder Star Wars en boucle ne serait pas suffisant pour nos enfants. Comme le dit le proverbe africain : On peut aider un bœuf à se relever que s’il s’efforce lui-même de le faire.
Stiegler écrit :« Une extériorisation sans réintériorisation ne peut que produire de la prolétarisation . »
Une réinvention de l’introjection projective ?
Le courage et la figure du martyr dans Barbe-Bleue :
Barbe-Bleue, rendu si laid et terrible de par sa barbe, eu cependant de nombreuses femmes tout comme le roi d’Angleterre Henri VIII, dont on ne sut le devenir. Le désir de savoir, la pulsion épisthémophilique balaiera très vite la crainte de la mort pour l’accession à la vérité. Il lui faudra dépasser sa peur au risque de la mort, l’approcher au plus près, tel l’étrange peuple Saa, pour lever le secret. Peut-on dire que face à un réel non symbolisé : la disparition des femmes, l’une d’entre elle ne tente-elle pas de mettre fin au mécanisme de répétition ?
Le mot de martyr du latin chrétien martyr du grec martyr, témoin (de Dieu), désigne la personne qui a souffert la mort pour avoir refusé d’abjurer la foi chrétienne, une personne qui meurt, qui souffre pour une cause, que les autres maltraitent. Le martyr est un témoin, du latin testimonium, de testis témoin. C’est une personne qui fait un témoignage, qui certifie, qui affirme une croyance, qui atteste une vérité .
Au cours de mes balbutiements, j’eu la surprise de tomber sur un article de Max Kohn dans lequel il traite du livre de Daniel Mendelsohn : « Les disparus ». Kohn écrit : « Toute une partie est liée à la mort de ces ancêtres dont on a voulu aussi effacer la trace du crime. Il faut d’ailleurs à l’auteur un bon moment pour reconnaître que l’important c’est la vie et non pas la mort. Dans un épisode, il raconte l’assassinat et le viol d’une jeune femme de sa famille. Tout un aspect du livre est placé dans la fascination de la mort et dans le désir de voir et d’entendre ce qui se passe aux derniers instants, d’y être en quelque sorte. Ce n’est pas le seul aspect du livre, bien sûr, car dans l’ensemble il vise à accepter, malgré les traces du passé, le caractère irréparable de la perte. La perte du vécu est générale. Dans le cas d’une victime, il n’y a pas forcément de témoin. C’est plus facile alors d’en faire un martyr. » Souvent dans ce travail d’écriture, je suis frappé par les entrelacs réalisés entre clinique, théorie et lectures diverses. Ces deux signifiants témoin et martyr me semblent ouvrir des perspectives.
Dans la cité, les images de la femme martyre ne sont-elles particulièrement exhibées ? S’il est vrai que la violence faite aux femmes, dans le monde, mérite particulièrement l’engagement de tous, l’envahissement des réseaux sociaux pour cette cause légitime peut apparaître comme un combat homme/femme. Combat de femmes pour les femmes. Les Femens, figures emblématiques du courage au féminin, ont su déjouer cette critique en invitant des hommes à se joindre à leur engagement. Quels en seront les effets ? Les sites féministes, FEMEN, fleurissent à foison et les thèses de Judith Butler traversent le champ Politique comme les avions kamikaze traversaient le ciel d’Okinawa. Au Japon, c’est le Confucianisme, d’origine chinoise, qui autorise ce genre de démarche où un homme de qualité peut exposer sa vie pour le salut des siens et de sa famille en particulier. On promet même aux Kamikaze qu’ils deviendront des Dieux s’ils s’acquittent avec courage de leur mission. On les présente comme des combattants plein de détermination même si bon nombre d’entre eux ne sont encore que des enfants à qui on a forcé la main. Des écolières des environs étaient rassemblées pour saluer les pilotes sur le point de partir. Le gouvernement n’hésitait pas à dispenser d’école à cette occasion. Des fillettes agitaient des fleurs jusqu’à ce que les pilotes soient hors de vue . En est-il différemment des fervents extrémistes islamistes qui éparpillent leur corps dans un souffle ravageur, pour défendre une cause ?
Courage et scolarité : défi, défiance…Héracles à l’école ?
Je me souviens d’un ancien patient, membre de l’Education Nationale,
évoquant sa place dans l’Institution scolaire, au sein de la classe. Ce patient avait été particulièrement assujetti, dans l’enfance comme objet du désir parental. La mère de mon patient, avait été investie comme objet persécuteur, évaluant de façon particulièrement perverse la réussite de son enfant en lui donnant de l’argent quand il réussissait, et en lui en reprenant si ses notes descendaient en dessous de 14. Sa place dans l’Education Nationale tenait au désir de sa mère qui aurait souhaité être enseignante. Cette cure dura près de 10 ans et je vais reprendre ici quelques-unes de ses paroles.
« […] Je suis un petit tyran, détestable et haïssable. J’en veux à mes élèves de cette liberté qu’ils ont de pouvoir apprendre au moment où ils sont prêts. Ils me défient, alors que moi on ne me l’a pas autorisé. […]
[…] Un de mes élèves veut être pompier. Ca me semble anormal. On ne m’a jamais laissé le temps d’exprimer ce que je voulais faire. […]
[…] Ca me met hors de moi quand ils ne réussissent pas un exercice. C’est dopant de les faire réussir. […]
[…] Au début, je voulais qu’ils m’aiment. Je faisais le pitre : un vrai jeu d’acteur. Je les faisais rire. Ca les excitait. Aujourd’hui, j’ai plus de mal. Je me dis qu’ils n’ont pas de désir pour la personne que tu es. Ca me demande d’abdiquer. »
Je note, au cours de cette séance, que j’avais entendu : « Ils n’ont pas de désir pour la personne que tu hais. » D’ailleurs, il aurait pu dire : « Ils n’ont pas de désir pour la personne que je suis. » Ce – tu es – pouvait aussi s’entendre comme une adresse à l’analyste pouvant signifier dans le transfert son propre désir.
Nous entendons dans cette courte vignette clinique le poids porté par l’enseignant, de transmissions inconscientes particulièrement envahissantes et violentes dans le cadre scolaire. Mais ces enseignants sont aussi ballotés depuis plusieurs décennies par des changements incessants de politiques.
De quoi les décrocheurs sont le symptôme ?
On peut penser que le contexte de mondialisation et l’enquête de type PISA (Programme for International StudentAssessment) menée par l’OCDE et publié le 3 décembre 2013, ne peut ne pas contribuer à appuyer sur le sentiment de culpabilité de chaque enseignant comme s’il était l’enfant d’une fratrie que l’on comparait sans cesse à ses frères et sœurs. Je peux constater les effets particulièrement anxiogènes de ces attentes dans le cadre singulier de la cure analytique : désinvestissement, affects dépressifs, voire passages à l’acte violents. Les enseignants ont souvent une culture de la réussite et s’ils sont particulièrement concernés par l’échec scolaire, on entend souvent qu’il vient faire écho à leur propre angoisse de mise en échec de leur pédagogie.
Dans ce contexte, j’ai pu constater de façon très pragmatique, l’augmentation du nombre de jeunes en demande d’analyse âgés de 14 à 20 ans. Ces jeunes souffrent-ils de quoi que ce soit ? Ont-ils une pathologie ? Je ne répondrai pas à ces questions mais si le psychanalyste dans la cité peut s’octroyer un bout de réel, il pourra peut-être amener sa pierre à l’édifice. Ils partagent un élément : celui d’avoir accepté d’être maternés par une école qui les maintenait sous assistance respiratoire alors qu’ils s’essoufflaient. L’assistance scolaire n’est pas que du domaine de la technique, elle demande une attention subjectivante pour accepter qu’un enfant intelligent puisse avoir d’autres désirs que celui de répondre à la demande de l’adulte comme aller en S parce qu’on est bon en maths, alors qu’on a eu difficilement la moyenne depuis des années dans cette matière, et que « grâce » aux bons sentiments d’un professeur, on a été maintenu à flot.
Les décrocheurs recouvrent ces élèves de 16 à 25 ans qui ont quitté le système de formation initiale sans avoir obtenu un niveau de qualification correspondant au baccalauréat général ou à un diplôme à finalité professionnelle classé au niveau V ou IV de
la nomenclature des niveaux de formation. Selon cette définition, le nombre de décrocheurs
s’établit à 140 000 en moyenne chaque année .
De quoi ces décrocheurs pourraient-être le symptôme ? Les signifiants qui traversent l’école ne seraient-ils pas usure, essoufflement, signalements abusifs, décrochage ? Des signifiants qui traversent aujourd’hui l’école mais retentissent chaque jour dans la cité. Ne répondraient-ils pas à une violence institutionnelle, forme de maltraitance, où l’autre en devenir de citoyen n’aurait plus comme seule alternative non économique que la défiance, les incivilités ou la fuite ? Le décrochage : un équivalent de fugue comme tentative de symbolisation ? L’école, désinstituant le sujet dans un discours universitaire totalitaire reposant sur les neuro-sciences, la neurologie, les sciences de l’éducation ne fabriquerait-elle pas des insoumis ? Nous constatons tous comment l’égémonie du DSM a particulièrement traversé la pensée scolaire et pris pour tête de pont le personnel de l’Education Nationale, à son « corps » défendant. Comment venir attaquer un mammouth quand celui-ci, telle la bonne mère, nous pousse irrémédiablement à devenir courageux, performant, endurant, attentif, attentionné, persévérant ? L’enfant croule sous les désirs de l’école.
Le problème n’est pas l’inattention de l’enfant, elle est le symptôme du manque d’attention subjectivante parentale et scolaire. Le #cerveau de demain n’aura t-il pas de décrochage scolaire fruit de la désubjectivation et de l’obsolescence de l’homme ?
C’est fatiguant que l’on demande : à la femme, à l’enfant, au salarié, du courage et de la persévérance quand d’autres récoltent plus-values en jouant à la bourse depuis leur ordinateur.
L’Institution scolaire et les adultes la représentant viendrait-elle symboliser un monde de Bisounours ?
L’Education Nationale donnerait-elle à vivre une forme de religion laïque privée avec ses croyances et son imaginaire tintée de bons sentiments ? Nos enfants ne manquent pas de COURAGE. Ils en ont assez d’être managés par une école qui ne les entend pas dans leur fatigue à répondre à être des bons élèves performants. C’est culpabilisant.
Avec les sciences de l’éducation, la novlangue a fait son entrée à l’école depuis 25 ans. Connaissez-vous l’ORL ? L’observation réfléchie de la langue, ce que tous les parents connaissaient comme la grammaire. Sauf que la grammaire, c’est aussi celle de l’inconscient. Cette première définition : « L’inconscient est structuré comme un langage » apparaîtra pour la première fois chez Lacan sous une forme plus simplifiée dans le séminaire de 1955-1956 (S III, p. 20) : « Traduisant Freud, nous dirons l’inconscient c’est un langage », en sachant que ces deux axiomes contribuent à définir également l’inconscient et le sujet de l’inconscient : « L’inconscient est un concept forgé sur la trace de ce qui opère pour constituer le sujet » (ibid., p. 194). Cette dernière remarque nous amènera forcément à poser que le langage est la cause du sujet .
L’objectif du langage managérial (vague et aseptisé) est de préserver une marge d’interprétation dans le cas où le contexte changerait. Il évoque celui des bureaucrates soviétiques. Le succès du management dépend de la capacité d’évitement de la réalité . Alors que, comme le rappelle Cynthia Fleury, psychanalyste, La politique, dans son grand sens, permet de faire advenir l’autonomie d’un sujet, en tout cas au sein de la démocratie, seul régime où la question philosophique du souci de soi est politique. C’est essentiel. Mais nous sommes aujourd’hui face à d’une machine qui marche sans nous. Les citoyens ont le sentiment d’être passifs et de n’avo
ir plus aucune souveraineté.
Si votre enfant a des problèmes ORL, ne l’emmenez pas chez le médecin. Ce n’est pas une maladie. Entendez le bien… Ce langage prétentieux tend à créer de l’exclusion. Or, si on creuse le fossé avec les parents avec une langue étrangère, on décrédibilise l’école au regard de l’enfant et on provoque de la suspicion. l’Ecole scientiste provoquerait insolence, passage à l’acte contre les profs, défiance. Triste logique.
Education nationale et culture managériale racoleuse :
Dans un texte daté du 18 décembre 2013 traitant de la modernisation de l’action publique , nous pouvons lire : « Ainsi, les dispositifs mobilisables pour accompagner l’évolution de la culture managériale (formations initiales et continues, évaluation à 360°, bilans de compétences, etc.) seront renforcés. Une réflexion sur une meilleure prise en compte de la dimension managériale dans la formation sera menée conjointement par la DGAFP, l’ENA et l’INET. »
Soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? ou la désubjectivation comme effondrement du symbolique à l’école ?
Relisons Barbe-Bleue. Tout comme l’amour rend aveugle, l’argent et son attrait participe à notre aveuglement. On peut l’entendre métaphoriquement.
[…]IL étoit une fois un homme qui avoit de belles maisons à la ville et à la campagne ; de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderies et des carrosses tout dorés. […]
Barbe-Bleue ne propose-t-il pas un monde d’illusion ?
Cependant, ne lâchant pas sur leur désir, bravant la mort jusqu’à l’extrême limite, les autres Anne, les frères, …viendront peut-être changer le cours de l’histoire.
L’enfant est curieux : on peut l’entendre de multiples façons. C’est la recherche d’un point d’impossible à savoir, d’inaccessible, qui viendrait ouvrir le domaine de la connaissance . D’un part la pulsion épistémophilique se renforce de la pulsion sexuelle au risque de subir la pression de l’interdit de savoir. Le destin de cette pulsion aura des répercutions certaines dans l’accès au savoir et au désir d’apprendre. De l’autre l’enfant ne place-t-il pas l’institution scolaire face à une grande perplexité, une inquiétante étrangeté ? Nous serions dans un monde avant Pinel, et par conséquent avant la découverte de la psychanalyse. Le nouveau, dit Lacan, c’est que nous savons maintenant que l’inconscient est un savoir emmerdant. Faut-il continuer à l’aimer, ou bien poursuivre sur son erre (comme un bateau quand s’interrompt la force qui l’a propulsé) pour accéder à un peu plus de réel ?
L’enfant redeviendrait cet être de manque, vide, en demande d’être comblé ? Or, il est juste gavé.
N’est-ce pas l’une des phrases « clé » des adolescents d’aujourd’hui : « Tu me gaves ! » Cette phrase retentit comme un mécanisme de défense, un rejet de l’autre comme espoir ultime d’ex-sister et plus grave, un rejet de l’institution scolaire. Quand l’institution scolaire devient un espace de propagande, elle ne préserve pas l’enfant dans son être le plus intime et ne l’entrevoit que comme élève.
Comme l’écrit l’adolescent Freud à son ami Silberstein depuis l’âge de 14 ans, avec qui il fonda le premier « cabinet secret » , l’Académie espagnole, : « […] Etre étudiant, cela signifie être son propre maître et avoir du temps ; si tu vends ton temps, et te réduis en esclavage plusieurs heures par jour, il te restera peu d’occasions, et peu d’envies, de jouir de la liberté, d’autant plus que tu devras encore faire tes études […] »
L’école et le handicap : un exemple de propagande.
Lacan écrit : « Il n’y a de sujet que d’un dire, de ce dire il est l’effet, la dépendance.
Nous pouvons faire un constat : dans le champ politique, nombre de conseillers généraux tirent la sonnette d’alarme : la gestion du handicap coûte de plus en plus cher. Nous arriverions à une limite qui interroge enfin. Mais qu’en est-il ?
« La seule obligation strictement morale du citoyen découle de cette double volonté de s’engager et d’assumer toutes les conséquences de cet engagement en ce qui concerne son comportement futur ce qui constitue le préalable non politique de toutes les autres vertus spécifiquement politiques. »
Le psychanalyste peut-il, là-aussi, s’octroyer un bout de réel ?
[…]Ce petit Cabinet, je vous défends d’y entrer, et je vous le défends de telle sorte, que s’il vous arrive de l’ouvrir, il n’est rien que vous ne deviez attendre de ma colère. Elle promit d’observer exactement tout ce qui venoit d’être ordonné, et lui, après l’avoir embrassée, monta dans son carrosse et partit pour son voyage. Les voisins et les bonnes amies n’attendirent pas qu’on les envoyât querir, pour aller chez la jeune mariée, tant elles avoient d’impatience de voir toutes les richesses de sa maison. […]
Un rapport du Senat daté du 4 juillet 2012 me mit sur la voix. Je souligne : « Une inflation d’activité préjudiciable à la qualité du service rendu… » et plus loin : « 2-a) La croissance très dynamique des dépenses de PCH (prestation de compensation du handicap) : un sujet d’inquiétude pour les conseils généraux. »
A partir de notre pratique, quelle analyse pouvons-nous en faire ? Nous pouvons nous aider des apports de lacan et de la linguistique. Différencier sujet de l’énoncé et sujet de l’énonciation : » ca parle dans l’Autre (…), c’est là que le sujet, par une antériorité logique à tout éveil du signifié, trouve sa place signifiante. La découverte de ce qu’il articule à cette place, c’est à dire dans l’inconscient, nous permet de saisir au prix de quelle division ( Spaltung ) il s’est ainsi constitué. » Roland Chemama écrit : « Dès lors qu’il parle, dès lors que son désir se constitue au niveau du langage, toujours équivoque et polysémique, on peut entendre un autre discours au-delà de ce qu’il croit vouloir dire. Il y a ainsi division entre le sujet de l’énoncé et le sujet de l’énonciation. »
Soyons pragmatiques : dans un contexte où le psychologue de l’Education Nationale, « signifiant-maître » du soi-disant désir de sujet, souffre d’une identité professionnelle floue par-devant ses collègues enseignants, mais aussi au sein des textes législatifs qui ont du mal, depuis des dizaines d’années, à lui reconnaître un statut : c’est l’institution qui décrédibilise son intention première de faire de l’enfant le centre du dispositif. D’autre part, la suppression de certaines commission et la création des MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) au titre V de la loi du 11 février 2005 n’a-t-elle pas favorisé l’émergence d’un discours porté inexorablement par la saisine quasi systématique des médecins scolaires et de leurs assujettis potentiels : secrétaires de CDES, Infirmiers (ères), inspecteurs et enseignants au grand damne des parents et de leurs enfants ? Quelle est leur formation ? Le recrutement des médecins de l’éducation nationale s’effectue par voie de concours sur titres et travaux comportant l’étude par le jury d’un dossier constitué par le candidat et suivi d’un entretien avec le jury, selon les modalités suivantes.
Le dossier, qui est déposé par le candidat lors de son inscription, comprend :
– une copie des titres et diplômes acquis ;
– un curriculum vitae impérativement limité à deux pages ;
– une note de présentation dactylographiée de cinq pages au plus, décrivant le ou les emplois qu’il a pu occuper, le ou les stages qu’il a pu effectuer, et la nature des travaux qu’il a réalisés ou auxquels il a pris part ; pour un salaire de 4000 à 11000 euros.
On peut lire : « Ils identifient les besoins de santé spécifiques de leur secteur et élaborent des programmes prioritaires prenant en compte les pathologies dominantes et les facteurs de risques particuliers.
A cet effet, ils conduisent des études épidémiologiques.
Ils contribuent à la formation initiale et à la formation continue des personnels enseignants, des personnels non enseignants et des personnels paramédicaux ainsi qu’aux actions d’éducation en matière de santé auprès des élèves et des parents menées en collaboration avec la communauté éducative.
Ils participent à la surveillance de l’environnement scolaire, notamment en matière d’ergonomie, d’hygiène et de sécurité.
Ils assurent les tâches médico-psycho-pédagogiques concourant à l’adaptation et à l’orientation des élèves notamment par leur participation aux diverses commissions de l’éducation spécialisé. »
Le médecin scolaire n’est-il pas un manager de l’Education Nationale, porte-drapeau de l’OMS (organisation mondiale de la santé) et de leurs attributs statistiques ? Sur quelles bases construisent-ils leur diagnostic ? Nous allons essayer de le comprendre par un exemple.
Pour les parents et les enseignants, le médecin et son discours représentent le savoir. Comment ne pas profiter de cette place, de la précarité et de la vulnérabilité des familles face aux problèmes de leur enfant, de leur manque de connaissance, de l’angoisse des enseignants, pour abuser du pouvoir médical et, en second lieu, de celui de la MDPH ? Aujourd’hui, en France, un enfant agité â l’école peut se voir proposer un dossier de handicapé. Des dérives ? De nombreuses familles vont demander des allocations sous la pression de lobbies associatifs. L’école ne travaille plus avec des enfants, elle gère des flux. Le médecin en place de rabatteur? La conséquence : des wagons d’enfants sur la voix du handicap sans discernement, sans diagnostic différentiel, en toute impunité, et souvent dans le non-respect des droits fondamentaux de l’être humain et des droits de l’homme en particulier. Création de dossiers en tous genres. Dans une société du codage, du traçage, de la biométrie, des dossiers en tous genres, le respect de l’anonymat : c’est moderne. L’anonymat est souvent le seul moyen de voir sa vie privée respectée. C’est en cela, le contraire de la transparence ? La violence au quotidien pour de nombreuses familles et une fois de plus la défiance. Bien sûr, il ne s’agit pas ici de nier le handicap. Mais je n’entrerai pas dans un discours clivant entre le Bien et le Mal.
Le père à l’enseignant: « Mon fils à des problèmes en ORL (grammaire). Que faire? » Réponse souvent unanime de l’école: 1) orthophoniste 2) médecin scolaire. Si certains doutent, ceci dit, le doute est important en inscrivant un écart, cependant écoutez autour de vous. On requiert votre attention, autre symptôme. Les médecins et mécaniciens, disciplines stochastiques (selon Aristote) sont confrontés à la perspective de l’échec, expérience qui tempère l’illusion de la maitrise. Ils cultivent une vertu qui n’est pas la créativité (achetée à peu de frais cognitifs pour satisfaire notre moi narcissique dans la société consumériste) mais une qualité plus modeste : l’attention. « Les médecins et mécaniciens, disciplines stochastiques (selon Aristote) sont confrontés à la perspective de l’échec, expérience qui tempère l’illusion de la maitrise. Ils cultivent une vertu qui n’est pas la créativité (achetée à peu de frais cognitifs pour satisfaire notre moi narcissique dans la société consumériste) mais une qualité plus modeste : l’attention. »
L’exemple de la dyslexie et des réseaux de neurologues :
Sabine Prokhoris écrit : « La question qui constitue le cœur de cette discipline, la psychanalyse : celle de l’emprise, à savoir de la dictature de signifiants incorporés, plus forts que des sorts toujours pourtant fissurés. »
Comment l’école et les sciences de l’Education ont creusé le fossé avec les parents ?
Nous avons pu montrer à l’occasion d’un précédent article, comment l’utilisation de sigles comme ORL (grammaire) avait véhiculé l’esprit scientiste d’une école créatrice de violence, prenons comme angle la dyslexie comme autre symptôme actuel. La propagande organisée explique et propose, dans un prêt à penser rassurant et déculpabilisant, par la neurologie, relayée à l’école par la pédagogie et la politique de l’éducation, reprise par sa mutuelle phare : la mutuelle de l’Education Nationale forte de ses réseaux bien connus à tous les niveaux de l’école.
Une forme de corruption ? Confusion des genres ? Conflits d’intérêts ? Réseaux d’influence ? Neurosciences… La très sérieuse inspection académique de Poitiers , reprend les propos de M. Ha.., neurologue et cite la MGEN, en élevant ces diagnostics comme VERITE. On peut lire : « Pour tout un chacun, cette terminologie commune « en DYS », a l’avantage de mettre en exergue l’existence de troubles spécifiques à l’école et donc de participer à leur reconnaissance. C’est nécessaire car la fréquence des DYS est encore gravement sous-estimée. » puis, plus loin : « … Ils représentent un handicap spécial dans la mesure où il n’est pas évident à déceler… » Aucun écart, un discours à résonnance totalitaire. Le gravement sous-estimé, soulignant l’urgence, fabrique la peur et son avatar : le principe de précaution. La prise de pouvoir managériale des médecins scolaires et autres assujettis transforme l’école en bombe à retardement.
Cette croyance repose sur l’inénarrable DSM refusé aux Etats Unis dans sa dernière version et appliqué courageusement par la majorité de nos médecins psychiatres et autres.
La dictature du DSM et celle non moins féroce d’une certaine psychiatrie nous fabriquent une vie de servitude et d’aliénation. « Le malade est invité à se déprendre de toute interprétation subjective de ce qui lui arrive. Il est invité à se regarder comme un autre, à se méfier de ce qu’il éprouve, car tout ce qu’il éprouve doit être interprété en fonction de cette maladie qu’il ne peut connaître et que seul le discours médical peut interpréter. »