Discussion du texte de Margarita Moreno. Chantal Cazzadori – Congrès 2019 Paris
DISCUSSION DU TEXTE DE MAGARITA MORENO,
Chantal Cazzadori
Paris- Congrès2019
Elle nous situe d’emblée la problématique de la Haine qui circule à l’adolescence, laissant les parents et les adultes enseignants dans l’incapacité d’accompagner certains d’entre eux submergés par cette passion HAINE.
L’adolescent doit donc se séparer des figures parentales pour investir à l’extérieur, d’autres modèles identificatoires qui susciteront des opérations de réédition du stade du miroir et de la métaphore paternelle ; comment cette nouvelle altérité à construire se fera-t-elle alors ?
L’objet « a » qui représente l’objet correspondant au désir, ne peut être désigné par aucun objet réel, dit objet pulsionnel chez Freud, puis transitionnel chez Winnicott, cet objet « a », est bien l’objet d’un manque à Etre. Ce quelque chose qui nous manque et qui manquera toujours, non symbolisé finalement, cette trace de l’objet « a », développé par Lacan devient l’objet du désir identifié à la Jouissance ; qui se détache du signifiant.
C’est durant l’adolescence que va s’absenter le regard et la voix des parents, surtout ceux venants de la mère initialement objet du désir. Le jeune ado va poursuivre et renouveler ses choix d’éventuels partenaires de l’Autre Sexe ainsi que se trouver d’autres pairs.
Apparaîtront dans l’idéal collectif d’un groupe d’appartenance, les marques culturelles qui feront fonctionner le groupe et favoriseront ainsi des processus singuliers de nouvelles métaphorisations vers des identifications possibles. « L’idéal du sujet, conditionné par le groupe, est un idéal extime et non une extériorité » précise Margarita.
Barrer l’Autre, accepter l’interdit de l’inceste, «Tuer » symboliquement le père, sont des opérations psychiques qu’une institution éducative peut privilégier pour ceux dont cet accomplissement au sein de la famille s’avère difficile.
L’expérience relatée par Margarita Moreno, dans une institution « d’éducation compensatoire », où sept jeunes élèves de 12 à 13 ans étaient soumis à des réponses ségrégatives, explicite bien leurs problèmes et leurs conséquences sur les processus d’identification rendus alors impossibles puisqu’aucun projet éducatif n’a pu pallier à ces déficits.
Comme ces jeunes ont manqué d’apports symboliques dans leur propre environnement, ils ont tendance à développer des défenses très fortes qui font chuter les possibilités de se laisser entamer par la communication avec l’adulte-tuteur, voir l’équipe d’encadrement, d’autant moins que celle-ci préjuge de leur incapacité à changer de comportement. C’est ainsi que leur altérité faite de peur de l’effondrement, de fragilité, de méfiance voire de vécu persécuteur, conduit ces jeunes adolescents à se regrouper dans des postures au trait identificatoire commun suscitant de fait leur exclusion.
Pas de mots pour dire leur désarroi, et donc élaborer les conflits. Cette solitude dans la parole non entendue, ni véritablement exprimée les conduit vers la violence dans les rapports humains.
De surcroît, ils présentent un parcours d’immigration, de violence familiale et d’abandon qui marque leur similitude pour un vivre ensemble où les singularités subjectives agrandissent le fossé relationnel.
Dans cette dynamique, la haine a choisi comme bouc émissaire les enseignants de l’institution éducative faisant ainsi échouer – sans transfert d’amour possible – la fonction tierce, de séparation normalement prometteuse d’un devenir singulier à accomplir.
Vécue comme menaçante, revêtant le statut d’étrangers, ces jeunes exclus ne rencontrent-ils pas en effet cette haine originelle, non collective mais qui subsiste et « coexiste avec le plus élaboré » pour chaque sujet, comme l’a exposé Christina Kupfer ?
L’institution renforcée par la cohésion de l’équipe enseignante, soutenue par un « Nous » qui va ségréger certains élèves hors normes, devenus des étrangers menaçants, ne s’est-elle pas mise elle-même en position de bouc émissaire ?
Traversée par la haine des jeunes, trop dérangée dans son altérité constitutive, l’institution a préféré leur exclusion.
Comment faire face à l’idéal collectif, quand une tension entre l’universel et le singulier rend compte du défaut d’homogénéisation du groupe d’appartenance ?
Là encore, le subjectif de chaque « parlêtre » ne se « soigne-t-il » pas au cas par cas ; et ce dans un lieu ouvert sur la thérapie institutionnelle à inventer ?
Chantal Cazzadori
Psychanalyste,
Congrès sept 2019