Isabel Cerdán "Avec le père tout s’enflamme"
J’ai pensé faire la présentation d’un cas, celui de Clara, une femme de trente quatre ans, unie à son père par des liens économiques (elle reçoit toujours de l’argent de lui), même si elle vit en couple depuis plusieurs années. Elle signe des documents appartenant au père, sans savoir très bien dans quel but, ni de quoi il s’agit. Elle montre ainsi son désir de ne pas savoir, son effort pour ignorer, et elle ne réfléchit pas au fait que sa signature l’engage. Elle se laisse guider par son père dans ses projets professionnels.
La patiente arrive à la consultation après avoir fait tout un périple auprès de médecins, psychologues, un psychanalyste et une psychiatre (qu’elle continue à voir). Actuellement et depuis pas mal d’années elle prend un traitement médicamenteux : antidépresseurs et anxiolytiques. Elle reçoit donc de l’argent du père ; des médicaments du médecin ; figures qui restent celles du maître, destinataire de son symptôme. De toute évidence, on peut dire que les liens économiques sont le symptôme des autres liens qu’elle entretient avec son père ; « économiques » au sens du pulsionnel et de l’économie désirante. Tant qu’elle ne pourra pas se séparer ou faire autrement avec cette économie, elle ne pourra pas se séparer de son père.
C’est en partant de ce cas que je vais essayer d’articuler la théorie et la clinique afin de vous l’exposer et en rendre compte. J’aimerais aussi poser certaines questions comme : comment on devient femme dans un entrecroisement entre histoire et structure ? De quel côté de la sexuation choisit-elle de se positionner ? Pourquoi s’imagine-t-elle captive d’un corps constamment menacé par la maladie et la mort ? Qu’est-ce qui l’a empêchée de sortir de toutes ces identifications afin de pouvoir penser où elle se situe? Les identifications nous constituent. Les quelles sont aliénantes ? Des quelles devons-nous nous déprendre, et quelles sont celles dont on peut se servir ? Quel est son désir ? A partir de cette aliénation au père ou à son compagnon, elle ne peut que parler la lalangue du symptôme. Je voudrais penser tout cela à la lumière d’un axe : celui de la fonction paternelle.
Le thème choisi cette année, celui des « avatars du sexuel » nous a amené à tourner et retourner le problème en réfléchissant à partir des différentes formules de la sexuation et la sexualité féminine entre autres. Il y a encore beaucoup de zones obscures pour moi où poursuivre mes déambulations et, à travers ce travail, je vais voir si je suis capable de « trouver », plus que de « chercher ».
J’ai choisi d’appeler la patiente par son vrai prénom, Clara. Le signifiant fait directement référence a la notion de commandement, celui d’un Autre, de celui dont elle voudrait participer du fait d’ « être fille de » : son père a occupé des postes politiques dans sa ville et à un niveau régional territorial plus large. Il y a six ans, il fut accusé de corruption, incarcéré temporairement et actuellement il reste sous le coup de différents procès judiciaires pour des raisons encore non élucidées.
Clara se présente à la consultation sous une image et un discours la faisant apparaître comme fragile, se montrant menacée en permanence par la survenue soudaine de maladies au stade terminal. Très souvent apparaît dans son discours l’idée d’occuper une place privilégiée, adoptant des postures « anti-système » à l’égard de la société, et faisant en sorte de se faire prendre en charge par d’autres au niveau de son entretien, de ses séances, de son logement.
C’est une femme brune, d’aspect physique assez rural, plus proche du monde de la campagne que de celui de la mode, du design, du journalisme, des études universitaires, ou encore, de celle qui a vécu à Londres, comme elle me le dira plus tard. Son corps, un peu penché en avant et mal assuré, contraste avec cette adolescente qui entrait à la Mairie pour demander de l’argent à son père pour payer les séances avec son psychologue, de sorte qu’elle le recevait ainsi directement des mains du trésorier municipal.
Elle a une sœur, presque âgée de plus de deux ans qu’elle, avec laquelle elle entretient une relation très forte et auprès de qui elle cherche en permanence à savoir si elle fait bien ou mal les choses, si elle est bien habillée etc., en l’appelant continuellement au téléphone, du fait qu’elle habite dans une autre région d’Espagne.
Je voudrais élargir les questions posées initialement. Que se passe-t-il avec certaines femmes quand le père réel attend de l’exercice de sa fonction paternelle qu’il occupe une place privilégiée? Comment peut on faire pour se séparer du père le moment venu ? Que se passe-t-il quand il utilise sa fille comme un objet à son service ? La fille, dans mon cas, de ne pouvoir répondre à la question « qu’est-ce-qu’il me veut ? », entre dans une confusion et se prête à occuper cette place d’objet « a » pour le père, lequel la précipite dans un non-être, raison pour laquelle elle se transforme en un « peu de chose », une incapacité de subjectiver son corps.
Je me demande avec insistance ce qui se passe dans ce moment où le père, affublé de l’attribution phallique, rend possible le passage du sujet de l’ «être à l’avoir », quand la patiente supporte le poids de ce père qui, dans ce cas, a un présence si forte, tant sur le plan imaginaire que sur le plan réel ? Me faisant l’écho d’une citation d’Eric Laurent, on dirait que ce père ne permet pas à ce sujet de devenir responsable de sa jouissance, puisqu’il n’est pas le père « idéal » au sens de maître de la jouissance, maître du désir qu’il va rendre accessible, mais comme celui qui a été jusqu’au fond d’un désir et en a trouvé les restes, c’est-à-dire, comme le disait Lacan, un père non défini en termes de relation avec le phallus, mais avec l’objet « a », ce qui n’incite pas la fille à être reste de jouissance.
Quant à la fonction paternelle, elle peut ne pas être incarnée par le père géniteur mais par quiconque qui entre dans l’économie du désir de l’enfant et de la mère. Je parle de ce père qui agit comme « diplomate », comme représentant de la loi, de ce père qui participe à la triade basique, père-mère-enfant, articulée par le quatrième élément , le phallus, dans lequel le signifiant « père » occupe la place de la métaphore paternelle, faisant ainsi coupure dans la relation mère-fils. Comme le disait Robert Lévy à Madrid : « si c’est une fonction elle est variable, mais si c’est le père le meilleur, c’est néanmoins un signifiant, c’est-à-dire que ce n’est pas le père géniteur qui fait fonction de père ».
Il paraît clair que le père remplit cette fonction : non seulement il a facilement placé sa fille, mais il s’est aussi érotisé en la constituant comme son objet, s’érotisant ainsi beaucoup avec elle et ce faisant, en l’embrouillant.
Le plus difficile pour moi est de se poser les bonnes questions et accepter de ne pas leur donner un sens, d’accepter la valeur du signifiant et de le prendre au pied de la lettre, afin qu’il ouvre et non qu’il ferme l’inconscient de sorte que cela engendre de nouvelles questions.
Le titre de cette intervention a lui-même subi des avatars et je pourrais encore sûrement le modifier en : « Les sœurs s’enflamment» puisqu’elles sont celles qui brûlent. Tout cela comme une tentative de se séparer. Clara revendique le signifiant « brûler » comme ce qui renvoie à l’expression : « j’ai tout gardé pour moi, je n’ai pas dit ce que je ressentais, je n’ai
pas tout sorti ». Le sens de « brûler » c’est quand tu ne peux plus résister, que tu te brûles et, à la fin, que tu brûles, enragé parce que les choses ne te plaisent pas. « Ils se sont moqués de moi parce que je suis originaire d’un village (je zézaie). Mes parents n’ont jamais zézayé, moi et ma sœur, si, et mon frère aussi, puis il est parti étudier ailleurs et maintenant il a un langage châtié. Ils se moquaient des choses personnelles ; de mon père, ils disaient qu’il se rendait dans les maisons closes. Cela m’est arrivé plein de fois (zézaiement : « muchas vezes » au lieu de « muchas veces ») d’être celle qui fait rire, dont on se moque. En ce qui concerne ce que mon père faisait avec des prostituées, cela ne m’a jamais fait souffrir. Maintenant je vois ça comme étant normal. Ma sœur et moi nous le considérons avec de l’humour noir. Sachant comment était mon père… à cette époque mon papa n’avait pas de maison, c’était sa période folle d’homme politique… »
A tout cela, je dois ajouter l’anagramme choisi par la patiente comme marque professionnelle, qui invite encore à penser davantage au poids du signifiant en question comme ce qui est primordial en tant qu’il traduit le lien à sa sœur en les fusionnant toutes deux mais à laquelle sa sœur ne participe pas réellement et qu’elle espère réintégrer le moment venu.
Avec ce travail, j’essaie de pouvoir utiliser le concept de fonction paternelle, loin des tendances actuelles comme le dit Joël Dor, des commentaires psychologisants, pédagogiques et logiques et autres orthopédies rééducatives des obédiences les plus diverses, dont la manie actuelle ne cesse de s’incarner avec cette question du père.
Je voudrais pouvoir faire usage du père comme d’un opérateur symbolique an-historique (qui ne soit pas assignable à une histoire, tout au moins dans le sens d’un ordonnancement chronologique). Et comme le dit Joël Dor, sachant que le père peut être à la fois hors de toute histoire et le point d’origine de ce qui la constitue : « l’homme participe de la nature par son inscription incontournable dans la dynamique oedipienne, fondamentalement ordonnée par la dialectique du désir face à la différence des sexes. » La question avec cette patiente est de savoir comment l’aider à s’approprier son corps, à penser sous un mode subjectif et subjectivant que, ce qui lui arrive, tout en se cachant derrière une hypocondrie, a quelque chose à voir avec son désir.
La peur est l’axe qui conduit d’une maladie à une autre, mais toutes ont un dénominateur commun : la peur d’une maladie mortelle qui puisse survenir tout à coup. J’écoutais l’autre jour les paroles de Marcel Augusto Pérez qui disait : « la mort va devoir entrer dans la chair pour être un corps, le symbole va modifier ce réel. » L’analysante est prise dans une jouissance-souffrance à travers de possibles maladies corporelles, d’une façon presque permanente qui ne lui permet pas de « vivre la mort et mourir la vie » comme le disait Heidegger.
J’établis un parallèle avec le dispositif analytique en m’appuyant sur les paroles de Freud : « en présence, non en effigie ». En sachant que l’analyste est une fonction et que le père aussi, il me semble important de reconnaître l’importance du père de la réalité. Dans le cadre des trois registres et en relation avec le fait que celui qui est en fonction de père n’a donc pas à coïncider avec un homme, le père imaginaire autant que le père réel sont les agents d’une opération. Celui qui est en fonction de père est un représentant de la loi qui fait preuve à un moment précis de son attribution phallique et qui peut dire non. Si c’est le contraire, ce père est un père qui met sa fille en position d’objet-reste d’une jouissance. Comment faire pour sortir de cette place de quasi objet, d’objet de jouissance ? A tout cela s’ajoute une mère qui, bien qu’elle n’apparaisse pas trop dans son discours, est appelée « salope » et se conduit comme une adolescente en faisant part à sa fille de ses petites aventures sexuelles, tant avec les hommes qu’avec les femmes. Clara grandit au contact d’un discours de promiscuité : « dis-le, dis-le avec qui tu as passé la nuit », dit le père, s’adressant à la mère. Mais Clara s’est toujours fait le défenseur du désir paternel, en le protégeant – « mon papa » – et, déversant sur la mère toutes sortes d’injures, elle la culpabilise en lui reprochant ce qui dans son attitude pouvait nuire à la carrière politique de « son papa ».
La présence fortement néfaste de ces parents a laissé une empreinte sur le sujet qui le conduit à lier sexualité et menace de mort en l’articulant à un cancer. Ceci a eu pour effet de déboucher sur une frigidité inhibant son désir sexuel ainsi que tout plaisir possible dans cette rencontre, celle-ci étant même accompagnée de larmes discrètes parce qu’elle se sent coupable de ne pas pouvoir donner satisfaction à son partenaire.
Elle haïssait sa mère, par contraste avec les sentiments amoureux et de respect qu’elle éprouvait envers sa sœur, ne pouvant se séparer d’elle, l’incluant même dans son projet auquel elle-même ne participait pas : « soeurs …» En plus d’avoir déplacé sur elle la question oedipienne, elle était parvenue sur beaucoup de points à s’identifier
avec son partenaire. Qui est sa sœur pour elle ? L’autre, celle que le père choisit ? Au début, jusqu’à l’âge de huit ans elle dormait avec sa sœur. Puis à partir de ce moment elle s’est mise à dormir avec son frère, plus jeune qu’elle de 7ans. Sa peur d’avoir un cancer – un cancer de l’estomac cette fois – remonte au moment où elles ont été séparées. Et à cette même époque elle se rappelle d’une scène où elle avait cru perdre son plus jeune frère, pensant qu’il avait été enlevé, tué…
Plusieurs fois apparaît le signifiant « qu’est-ce que j’ai là en bas ». Face à la possibilité du vide, elle choisit d’avoir entre les jambes « quelque chose » qui peut la tuer : un cancer. Puisqu’il n’est pas permis de choisir entre être un homme ou être une femme, elle reste dans une indétermination, celle de la maladie. A un moment donné elle dira : « je regarde beaucoup le mobile, je suis assez accroc. Les photos sont jolies et l’on peut idéaliser la vie de ces personnes. Un sexologue m’a dit que je pouvais mettre du sexe dans ma vie et cependant, je ne me suis jamais masturbée. Mon fiancé me dit que je n’y met pas du mien pour être féminine, que je ne m’épile pas. J’ai toujours été très peu féminine. Maintenant, je le suis d’avantage. Avant je m’habillais comme un homme, alors que mes amies portaient toutes des décolletés. Mais moi, je ne voulais rien montrer. »
Lacan dit que l’hystérique cherche un maître aux yeux de qui paraître parfaite ou tout au moins friser la perfection. Qu’est-ce qui arrive avec son maître et ses possibles déplacements ? Un maître, c’est-à-dire son père qui est l’autorité suprême dans sa ville, dans son organisation politique, qui lui permet de se dire « fille de… », d’entrer dans la Mairie pour venir lui demander de l’argent pour son psychologue, comme je le disais tout à l’heure. Bref, « la fille pour qui il peut tout ». Il a été en prison pour escroquerie. Il souscrivait aux paroles de sa fille quand elle disait de lui : « la Mairie était sa maison, et lui en était le maître. »
Les fuites nocturnes surviennent jusqu’à l’âge de quatorze ans, alors qu’elle dormait avec son petit frère jusqu’à l’âge de douze ans. La mère recevait cette pisse comme un attaque personnelle quand elle était fâchée. Quand elle
se mit à dormir seule, sa chambre jouxtait celle de ses parents et elle écoutait les bruits provenant de leurs relations sexuelles. Elle en avait honte et à certaines occasions elle se réveillait agitée et en sueur après avoir fait un rêve érotique avec son père.
Elle place la sœur au même niveau que le père à en juger par l’ascendance que les paroles de cette dernière ont sur elle (à celle dont elle fait plus cas), et parfois elle établit une comparaison avec son compagnon, avec qui elle est en couple depuis neuf ans et avec lequel elle vit depuis qu’il est revenu d’Angleterre. Vivre avec lui a été le seul motif qu’elle a mis en avant pour justifier son retour d’Angleterre, parce là-bas, elle n’avait pas d’angoisse, tout était différent. Sa grande sœur et son petit frère sont, quant à eux, partis vivre loin du village, l’un à l’étranger et l’autre dans une autre ville. Mais tous deux habitent dans une grande capitale.
Dans son discours relatif à sa position « anti-système » comme elle l’appelle, deux idées transparaissent : « il est évidemment tout à fait possible d’être dehors tout en jouissant des bénéfices à être dedans » ; « tu tiens de ton père et de ta mère » – lui disent ses parents- , ce qu’elle finit par admettre. Dans le fait de revendiquer d’être dehors, transparaît un mépris concernant ce qu’il en est de la réalité économique (héritages dont elle ne profite pas, vivre avec son fiancé, avoir une maison sans payer d’hypothèque et pratiquement rien concernant les charges). Que se passe-t-il avec la loi, avec le nom du père ?
M’inspirant des paroles de Lacan dans le séminaire VIII, comment se servir de la voiture de papa sachant que ce n’est pas la sienne ? Dans ce cas, « la voiture » n’est pas non plus celle de papa (la voiture est motif de prévarication). Elle veut redevenir la petite princesse.
Quelle est la demande ? Quel est le facteur déclenchant qui rompt l’équilibre ? Son hypocondrie s’est intensifiée après que son oncle – le frère de son père – soit mort d’un cancer. Elle cherche quelqu’un à qui elle puisse s’attacher sans qu’il n’éveille de méfiance. Jusqu’à présent en effet, depuis qu’elle est petite, son itinéraire a été jalonné par des rencontres avec toutes sortes de professionnels. Les prescriptions et les traitements ont produit une désubjectivation. Comment faire marche arrière ? Cela suppose de maintenir le dispositif à travers le temps, orienter le travail de sorte qu’elle puisse s’interroger sur son désir, sur la responsabilité et le devenir de ses actes, sur sa propre sexualité. Comme le disait Radjou : « la cure se dirige de sorte qu’elle agisse sur la position éthique du sujet eu égard au réel et à la vérité, tout ceci malgré l’horreur de ce savoir singulier et de la passion pour l’ignorance qui meut chacun de nous. » Je crois que c’est à partir de ce prisme transférentiel que j’ai fait le choix de ce cas pivot sur lequel penser et réfléchir.
Récapitulant ce que dit Lacan dans son séminaire Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse : « ce qu’il doit faire comme homme ou comme femme, l’être humain doit l’apprendre entièrement de l’Autre (…) il y a un champ ultime, celui de la réalisation sexuelle, dont l’innocent, en fin de compte, méconnaît les chemins. (…) Cela indique que la sexualité est représentée dans le psychisme par une relation au sujet qui se déduit de quelque chose qui n’est pas à proprement parler la sexualité. La sexualité s’instaure dans le sujet par la voie du manque. » Le grand Autre configuré par le langage et les demandes du grand Autre parental et institutionnel.
Clara dira : « je ne sais pas ce que j’ai là, en-bas ». Dans ce non savoir, dans le fait de supporter le vide, elle choisit la maladie, celle qui peut apparaître comme survenant « d’un coup », c’est-à-dire, magiquement.
Ainsi apparaît l’intensité du sexuel dans le discours, sans établir de différences générationnelles, où le père exerce sur les femmes tout son pouvoir : mère, putes, maîtresses, filles… et où la mère se comporte comme une adolescente, batifolant avec des hommes et des femmes, s’épanchant vers ses filles qu’elle prend pour confidentes.
Le devenir de ma patiente est intimement mêlé à celui de sa sœur et, chaque fois que le sexuel apparaît dans le discours, elle y est incluse : « Avant – lui disait-on – ma mère dormait là », dans la chambre à côté de celle de ses parents. Cela incluait les séquences où toutes deux feuilletaient ensemble « le courrier du cœur » des magazines dans lesquelles Clara cherchait, parmi les hommes et les femmes célèbres à la vie amoureuse desquels elle s’identifiait, uniquement ceux qui avaient des maladies mortelles : cancer, sida. Des personnages idéalisés qui paraissaient avoir tout pour eux et qui étaient en fait sûrement menacés, précisément parce qu’ils avaient tout pour eux.
Je voudrais souligner à nouveau l’idée selon laquelle la fonction paternelle ne doit pas être nécessairement représentée par le père biologique, pouvant être incarné par un autre qui n’est pas le papa, c’est-à-dire, pour reprendre les termes de Joël Dor, le père peut être à la fois hors de toute histoire tout en pouvant en être le point d’origine.