La cure analytique guérit le sujet. Philippe Wolosko. 28/01/2017

Ce qui spécifie la psychanalyse par rapport à toutes les autres formes

de thérapies, qu’elles soient ou non médicales, c’est qu’elle est la seule à

prendre en compte l’inconscient, dans son économie, sa topologie et ses

effets. L’inconscient, dans la singularité de chacun, en est même son objet

principal. Dès le début, elle s’est affirmée comme une thérapie de l’âme,

même si aujourd’hui, une frilosité certaine tempère cette aspect fondamental

de la psychanalyse; ceci étant à apprécier selon des contextes ayant

beaucoup évolués plus de 120 ans après la publication des « Études sur

l’hystérie “.

Très rapidement Freud, est amené à désarrimer les symptômes de

l’état de maladie, il écrit en 1904: ” Le but à atteindre dans le traitement sera

toujours la guérison pratique du malade, la récupération de ses facultés d’agir

et de jouir de l’existence. ( Cette phrase est bien connue maintenant, mais il

est intéressant d’en citer la suite.) Dans un traitement inachevé, ou n’ayant

donné qu’un succès incomplet, l’on obtient, malgré tout, une amélioration

notable de l’état psychique général, alors que les symptômes, moins graves

maintenant pour le patient, peuvent continuer à exister sans pour autant

marquer ce dernier du sceau de la maladie. » En 1 évoquant ” la guérison

pratique “, il écarte définitivement toute idée de retour à un état antérieur,

fantasme de complétude, et subvertit ainsi la notion de guérison même,

attachée à la médecine. Il ne dit pas que les symptômes ont été réduit

( terme médical ), mais qu’ils sont moins graves pour le sujet et surtout que

ce ne sont pas les symptômes qui le déterminent comme malade. Le concept

de guérison en psychanalyse est dés lors purement subjectif.

La guérison étant subjective, je me suis demandé si finalement la

guérison analytique n’était pas guérison du sujet. Penser la guérison en tant

que guérison du sujet présente au moins deux intérêts. Le premier consiste

en ce qu’on peut s’affranchir complètement du désir de guérir, dans le sens

où Lacan parle, dans le séminaire sur l’éthique, de non-désir de guérir: “

Nous avons à chaque instant à savoir quel doit être notre rapport effectif avec

le désir de bien faire, le désir de guérir. Nous avons à compter avec lui

comme quelque chose qui est de nature à nous fourvoyer, et, dans bien des

cas, instantanément. Je dirai plus, on pourrait de façon paradoxale, voire

1 S. Freud. La méthode psychanalytique de Freud. in La technique psychanalytique. P.U.F. 1977.

P6.

“1

tranchante, désigner notre désir comme un non-désir de guérir. 2 ” En effet,

ce qu’est le sujet ne peut être qu’une question qui ne souffre pas de

aréponse. En effet, ce qu’est le sujet nous échappe dès qu’on peut penser le

cerner ou le comprendre de quelque façon que ce soit. Nous sommes à

l’écoute des manifestations d’un sujet et non pas de savoir qui est ce sujet; ce

qui permet de garder les oreilles ouvertes. Le second intérêt tient en ce que

le sujet n’apparaît que dans le dire de l’analysant, que justement nous ne

savons rien de ce qu’un sujet est comme sujet, c’est lui qui nous l’apprend.

Cela ne se peut que si la cure se déroule, et pour reprendre un mot de Freud

( dans constructions dans l’analyse ) “la tâche de l’analyste” c’est justement

de permettre à la cure de s’effectuer, cela étant le seul désir souhaitable à

l’oeuvre du côté de l’analyste, c’est le désir d’analyste. Ainsi, parler de

guérison du sujet devient analogue, équivalent à permettre à la cure d’aller à

son terme. Ce terme étant déterminé par la demande de l’analysant.

Ce qui fait obstacle à la cure ce sont les résistances; parler de guérison

du sujet englobe les résistances du côté de l’analyste, en tant que ces

résistances peuvent être travaillée à partir du désir d’analyste. Quant aux

résistances du côté de l’analysant, Freud, dans ” Inhibition, symptôme et

angoisse” ( 1926 ) en recense cinq. Trois s’originent du moi: la résistance de

refoulement, la résistance de transfert et le bénéfice de la maladie. Une du

ça: celle responsable de la nécessité de la perlaboration; et celle du surmoi: «

c’est la plus obscure, mais non pas toujours la plus faible; elle semble

prendre racine dans le sentiment de culpabilité ou le besoin de punition

s’opposant à tout succès, et par conséquent aussi à la guérison par

l’analyse 3».

Lacan, comme Radjou l’a montré lors du séminaire du 5 janvier dernier à

Paris, nous permet d’envisager les résistances de l’analysant comme

essentiellement dépendantes des jouissances du sujet : jouissance phallique,

autre ou féminine, de l’Autre, du symptôme, du corps, de l’objet a en tant que

plus de jouir, et masochiste (plaisir dans le déplaisir) émanation de la pulsion

de mort. Amené ainsi, cela devient très compliqué. Pour rendre les questions

plus abordables, je me suis inspiré de ce que Lacan dit dans le séminaire

XVI, ” D’un Autre à l’autre ” lors de la séance du 15 janvier 1969: ” Pour nous

en acquitter nous dirons (que) FREUD écrit : « La jouissance est masochiste

dans son fond »4. Il dit ceci dans le sens où « la jouissance se porterait à

rabaisser le seuil nécessaire au maintient de la vie »5. Il est plus aisé de

parler de jouissance au singulier, en particulier dans son articulation à la

2 J. Lacan. Séminaire VII. L’éthique de la psychanalyse. Version Valas. P258.

3 Sigmund Freud. Inhibition symptômes et angoisse. P.U.F. 1978. P88/9.

4 J. Lacan. Séminaire XVI. D’un Autre à l’autre. Version Valas. P 133.

5 Ibid.

“2

question du sujet ce que nous ferons pour la suite de cet exposé. Nous

entendons par « la jouissance », ce qui en est mobilisable dans une cure,

c’est-à-dire articulable directement ou indirectement ( comme le plus-de-jouir)

autour du signifiant, ce que Radjou a précisé, si je l’ai bien entendu, comme

pouvant être travaillée à partir de la jouissance phallique. Car la cure

analytique guérit par le signifiant.

Cette séance du séminaire XVI est une mine de réflexions concernant le

rapport du sujet et de la jouissance. En effet, la jouissance signe la fin du

désir comme cela est manifeste dans la jouissance sexuelle. Alors que le

désir est précisément issu de la division du sujet, de sa constitution même.

Tel que Lacan l’affirme dans le séminaire XII : « Que le désir est ce qui surgit

de la marque, de la marque du signifiant sur l’être vivant 6 » . La jouissance

tend à effacer cette marque, celle du sujet dans sa division.

Je pense que dire sujet divisé est une tautologie, il n’y a de sujet que

divisé par le signifiant. Parler du sujet c’est parler de sujet divisé. Ainsi

soutenir le sujet, voire guérir le sujet, c’est soutenir la division signifiante du

sujet. Le désir d’analyste consiste aussi à maintenir cet écart de la division,

par exemple l’écart entre énoncé et énonciation.

Alors, est-ce le sujet qui jouit? C’est plutôt le corps, la jouissance est

toujours celle du corps, comme le rappelait Radjou. Ainsi, le corps est d’un

côté articulé par le signifiant c’est-à-dire subjectivé, et d’un autre côté il y a le

corps de jouissance. On peut entendre ainsi ce que dit Lacan: ” la béance

entre le corps et sa jouissance, (…) ce qui la détermine ou qui l’aggrave… et

seule nous importe cette aggravation …c’est l’incidence du signifiant,

l’incidence même de la marque, l’incidence de ce que j’ai appelé tout à

l’heure le trait unaire, qui lui donne donc sa consistance.

Alors ce dont il s’agit se dessine à mesurer l’effet de cette perte, de cet

objet perdu en tant que nous le désignons par (a), à ce lieu sans lequel il ne

saurait se produire, à ce lieu encore non connu, non mesuré qui s’appelle

l’Autre 7 “.

Le corps est ainsi divisé, topologiquement, tel que la topologie du sujet

est celle de la jouissance. Ceci est ma lecture de ce que dit Lacan lors de

cette même séance du séminaire XVI: « Tous les problèmes de la jouissance

sont essentiellement liés à cette division du sujet, mais ce n’est pas parce

que le sujet ne serait plus divisé qu’on retrouverait la jouissance. Il faut à ça

faire très attention.

En d’autres termes, le sujet fait la structure de la jouissance, mais

jusqu’à nouvel ordre, tout ce qu’on peut en espérer, ce sont des pratiques de

6 J. Lacan. Séminaire XII. Problèmes cruciaux pour la psychanalyse. Version Valas. P555.

7 J. Lacan. Séminaire XVI. Op. Cit. P 134.

“3

récupération. Ceci veut dire que ce qu’il récupère n’a rien à faire avec la

jouissance, mais avec sa perte8. »

Je vais illustrer cela par un exemple clinique, qui est une situation d’une

grande banalité aujourd’hui. Il s’agit d’un homme d’une quarantaine d’années,

que j’ai reçu hier pour la première fois. Il apprend que sa femme l’a trompé;

dans la crise de couple qui s’en suit, ils décident, dit-il, d’un commun accord

de tenter l’expérience du libertinage. Après cette expérience, dont une avec

un autre homme dans une relation à trois, ce qui était dit-il un fantasme à lui,

il dit « je suis devenu fou », « j’ai détruit ma femme par une surveillance ( il a

entre autres piraté sa boite mail ) et une tension insoutenable permanente ».

Je vais rapidement déplier cet exemple en rapport avec la question de la

jouissance. Cet accord commun me semble tout à fait logique, peu importe

en l’occurence qui en a eu l’initiative. Il permet à chacun d’eux d’y réaliser

une promesse de jouissance. En ce qui concerne la femme de ce patient, il

affirme qu’elle a été satisfaite ; quant à lui la promesse est double. D’une part

de jouir de sa femme, de la posséder, de récupérer cette jouissance perdue;

et d’autre part de jouir de la réalisation d’un fantasme. Évidemment, ce qu’il

récupère, comme Lacan nous l’a annoncé, n’est que de la perte de

jouissance. C’est cela qui le rend “fou”. Dans sa quête frénétique exercée par

cette surveillance et cette tension, il ne fait qu’obtenir confirmation de ce qu’il

sait déjà: qu’il ne peut plus jouir de sa femme. Il ne lui reste plus qu’une

jouissance masochiste, où il détruit sa femme autant que lui-même. Ainsi,

dans cette quête frénétique, il produit du a : plus-de-jouir, donc perte de

jouissance, a qui est aussi ce qui tombe lors de la division signifiante du sujet

lors de l’entrée dans le langage. Cela se passe comme s’il cherchait à se

“guérir” de sa division, à annuler cette division avec du plus-de-jouir qui ne

fait que la renforcer. Il n’est pas possible de revenir à un état antérieur à la

division, de l’annuler. Ce qui est possible pour un sujet est de se perdre, de

se dissoudre, de s’effacer en tant que sujet dans une jouissance frénétique

quelle qu’elle soit: masochiste, addictive, haineuse etc. Évoquer ici une

jouissance masochiste me semble particulièrement heureux.

En effet, la scientificité comme le discours capitaliste promettent le

bonheur en effaçant le sujet, la division subjective. Dans la jouissance

masochiste, le sujet se met dans la position de l’objet a, du déchet, de ce qui

manque à l’Autre qui est aussi le plus-de-jouir, a. Ainsi, plus il tend à

compléter l’Autre, à dénier sa division, plus il tend donc à s’effacer en tant

que sujet, moins il jouit dans le sens où il produit du a, perte de jouissance.

Plus il cherche à récupérer de la jouissance moins il jouit. Alors, le sujet peut

se précipiter, au sens chimique du terme, se perdre dans cette jouissance, en

l’amplifiant dans une progression géométrique; ou bien il peut décider de

subjectiver cette jouissance, c’est-à-dire d’y mettre du signifiant. C’est de

8 Op. Cit. Sem XVI P135.

“4

cette façon que j’entends, cette surprise pas si rare, de voir certains sujets

changer de place face à une jouissance masochiste. J’ai reçu, récemment

une femme aux prises avec une formidable jouissance où après deux ou trois

séances, elle est passée d’une position de victime de son mari à celle

d’actrice de la situation où elle se trouve, une rectification subjective qui lui

permet d’entrer dans un travail analytique. C’est cela que je nomme

subjectivation de la jouissance, par le signifiant, où se produit une

modification de la topologie du sujet ou ce qui est analogue une modification

de la topologie de la jouissance.

Ainsi, il apparaît que ” la topologie de la jouissance est celle du sujet 9” ,

cela signifie que pour abaisser les résistances, pour diminuer l’espace dévolu

à la jouissance, cause de résistance, il y a lieu de soutenir, de renforcer le

sujet. Cela peut se faire avec deux processus: tout d’abord lorsque quelque

chose de la jouissance peut s’énoncer, quand du signifiant est posé sur une

jouissance, qui se trouve de ce fait subjectivée, alors du sujet peut

apparaître. La psychanalyse étant seule à reconnaître cette jouissance, elle

va dans le sens d’un abaissement des résistances à la cure. Ensuite, quand il

y a du sujet, il y a du désir. Cela laisse donc moins de place à la jouissance.

Et réciproquement, il n’y a pas de sujet dans la jouissance: ” Car justement

dans cette mesure et à mesure même de sa perfection reste entièrement

exclu le « Je » de la jouissance”10 .

Soutenir le sujet, c’est ce que j’entends par guérison du sujet; cela se

produit de soi, lorsque la cure se déroule, s’il s’agit bien d’une cure

analytique. Un soir, lors d’une discussion informelle entre quelques collègues,

nous nous demandions si une cure pouvait se faire avec un mauvais

analyste. La conclusion à laquelle nous arrivâmes fut que la question ne se

pose pas d’un bon ou d’un mauvais analyste, mais d’un praticien qui est

analyste ou pas. Pour que de l’analyse se produise, il est nécessaire qu’il y

ait un analyste. Ainsi, il y a guérison du sujet quand de l’analyse se produit, et

celle-ci ne peut être que par surcroît.

Que veut dire ” guérir le sujet ” ? Déjà ce mot de guérison pose de

nombreux problèmes. Le dictionnaire ” Littré ” nous dit: Recouvrement de la

santé. L’action de faire disparaître la maladie. Et au sens figuré: action de

faire disparaître ce qui est comparé aux maladies du corps. Le sujet est-il

malade? L’étymologie de malade: vient du latin ” male aptus ” mal apte; le

sujet est mal apte car il est mal aisé dans la civilisation. Pour le moins, il est

mis à mal, et pour le dire en une seule phrase: ” tout serait si simple et facile

9 Ibid. P 134.

10 Ibid. P 132.

“5

s’il n’y avait pas de sujet, pas d’inconscient etc.” Parler de guérison, dans le

contexte actuel où la psychanalyse est attaquée de toute part, est aussi un

acte politique, de défense de la psychanalyse et d’affirmation de son utilité

dans le monde dont nous sommes des acteurs. Alors pourquoi guérison du

sujet? Comment guérir quelque chose qui n’est qu’un concept ou un effet?

Bien que Freud n’ait jamais utilisé ce mot, il est constamment présent

dans ses écrits et élaborations. Il met en place la division du sujet dès le

début de sa théorie. Sa première découverte n’est-elle pas le conflit intrapsychique?

Et son dernier écrit ne porte-t-il pas sur la division, la spaltung? Il

n’y a de sujet que divisé. Cette division ne peut être une opposition comme

entre le bien et le mal, le Ying et le Yang etc. Ce qui repose sur une

conception de l’humain excluant l’inconscient. Comme l’a montré Dany-

Robert Dufour , il distingue « l’homme trinitaire » , qui 11 accepte la mort, fait

de la représentation de la mort dans la vie le fondement de son ordre

symbolique et du lien social, et « l’homme binaire » qui veut en fin de compte

l’éradication de la mort. Une conception de l’humain ne peut se faire que

dans une logique ternaire. Les conceptualisations de l’être parlant qu’ont

élaborées Freud et Lacan sont toutes dans cette logique ternaire:

inconscient, préconscient et conscient, puis moi, ça et surmoi pour Freud et

symbolique, réel et imaginaire pour Lacan. Ceci pour dire que la division n’est

pas une séparation qui pourrait être unifiée, comme dans un retour à un état

antérieur ou la retrouvaille d’un objet perdu mais elle est une incompatibilité

radicale à une logique binaire, par les effets du signifiant. Rappelons que le

langage binaire est celui des machines.

On peut reprendre cette question de la division subjective à partir de la

question du moi. Parler du moi amène à soulever le problème sémantique de

la traduction du ” Ich ” allemand qui signifie en même temps ” moi ” et ” je “,

ce qui conduit à bien des confusions.

On peut avancer que le moi constitue un agglomérat du sujet en tant que

sujet de l’énonciation, donc d’une certaine façon du « je », et de toute la

consistance imaginaire dénoncée par Lacan au début de ses élaborations

publiques concernant le moi. Le moi se présente comme une consistance

imaginaire qui recouvre, qui occulte le sujet. C’est précisément sur ce point

que Lacan nous conduit à aller au-delà de “l’égo-psychologie” en différenciant

le moi du sujet. En effet, le moi tend à l’unification de ses composants,

comme d’unifier les exigences du ça et du surmoi en une forme adéquate à la

réalité. Or, la cure amène l’analysant à la perception que cette unité n’est

qu’un fantasme, qu’un leurre imaginaire.

11 Dany-Robert Dufour. Les mystères de la trinité. Gallimard. Bibliothèque des sciences humaines.

1990.

“6

Ainsi, si ce qui est proposé au sujet comme but d’une analyse est de

s’identifier au “moi-fort” de l’analyste, cela ne peut que le perdre encore plus

dans l’imaginaire. Afin de permettre au sujet de retourner à l’usine, d’être

adapté, d’être réparé en tant que moi, ou plutôt en tant qu’outil prêt à l’emploi.

Il ne peut être question de « guérir le moi » en particulier, sur le modèle du

moi-fort de l’analyste. Si l’analyse proposait comme une guérison d’avoir un

moi fort; on pourrait, alors, jauger la qualité d’un analyste à la force de son

moi? Où à la puissance de son ego, de son moi idéal? Bien que … parfois,

dans une captation imaginaire.. Si les analystes étaient dotés d’un fort moi, ils

devraient enthousiasmer les foules qui actuellement recherchent tellement

cet homme fort, providentiel? Aux prochaines élections votez pour un

analyste!

Parler de sujet divisé met en évidence l’existence de l’inconscient,

l’inadaptation du désir inconscient à l’ordre d’un fonctionnement social sans

grain de sable. Je vais illustrer ceci par une blague: un petit garçon allemand

disons de 8 ou 9 ans est parfaitement adapté, il est sage, a de très bons

résultats à l’école et donne toute satisfaction à ses parents si fiers de lui. Sauf

qu’il ne parle pas, personne n’a jamais entendu le son de sa voix. Un jour, à

table, il jette sa cuillère sur la table et dit: ” la soupe est froide “. Tout le

monde est émerveillé de l’entendre et on lui demande pourquoi il n’a pas

parlé avant ce jour. Il répond: ” jusqu’à présent tout était dans l’ordre “. ( En

Allemand: “Bis jetzt alles war in ordnung “). Ce witz montre bien la fonction de

la parole, qui n’est pas de communiquer, comme on dit aujourd’hui à propos

des machines, mais de révéler l’incidence du signifiant, telle que le mot ne

correspond pas à la chose. C’est-à-dire qu’il y a du sujet, sujet divisé, tel qu’il

ne peut jamais faire unité, un. Ainsi, reconnaître le sujet en tant que sujet,

donc divisé, entérine le fait que chacun a une parole, un dire qui lui est propre

et singulier. Le sujet est nécessairement évanescent, incaptable,

insaisissable. Il est l’effet produit à la réponse du manque dans l’Autre, effet

aussi de la cure, où l’analyste ne cède pas sur son désir d’analyste en offrant

un espace d’énonciation. Ainsi, la guérison du sujet est l’effet d’énonciations,

telle qu’elles peuvent se produire dans une cure analytique.

Philippe Woloszko

Paris, le 28 janvier 2017

“7

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