Le symptôme 5 – Construction et déconstruction – R. Lévy
LE SYMPTÔME – Construction et déconstruction, Séminaire V, Robert Lévy, 7/04/2010
Sans doute êtes-vous informés d’un certain nombre de brulots contre la Psychanalyse, dont un qui va sortir la semaine prochaine de Michel Onfray. Maintenant, la psychanalyse sert à contrario à vendre des livres…Ce qui a très certainement un impact… Du fait de la sortie de ce livre, il me semble que cette année de travail destinée au symptôme, nous oblige à préciser un certain nombre d’éléments qui ne peuvent pas être balayés par cette vague de contradictions.
C’est en effet une occasion de pouvoir répondre à la critique selon laquelle la psychanalyse ne soigne pas ou qu’elle n’est pas vérifiable scientifiquement.
Il est vrai que le terme Lacanien : « la guérison vient de surcroît » prête à quelques confusions et ce, surtout si on ne lui adjoint pas qu’il s’agit, non pas de « guérir de surcroît », mais de « faire avec le symptôme ».
Tout d’abord il n’a échappé à personne que la notion de « faire avec le symptôme » n’est que l’élément tronqué d’une citation de Lacan dans laquelle il s’agit d’un savoir y faire avec le symptôme. Ce « savoir y faire » nous renvoie à la fois à la dimension du réel et à ce que une fin d’analyse peut nous apprendre comme question à ce sujet.
Alors qu’attend-t-on, quant au symptôme, à la fin d’une analyse ? C’est une question importante que l’on se doit de ne pas éviter.
S’agit-il de mieux jouir de la vie ? En sachant que cette jouissance, que l’on pourrait revendiquer à la fin du parcours, est l’origine même du symptôme, ou en tous cas, que le symptôme en est l’indice. Comment donc envisager l’idée que l’on pourrait alors, en bout de course, évacuer le sens du symptôme et la vérité qu’il recelait, alors que la clinique nous apprend sans cesse qu’à vouloir évacuer le symptôme on n’a de cesse que de le voir resurgir sous une autre forme, c’est-à-dire selon un nouveau mode de construction et d’expression.
Il faut bien alors faire le constat, qu’en dépit des meilleures intentions thérapeutiques, il y a une rencontre avec un réel irréductible du symptôme dont le sujet demeure incurable. Ainsi, ce n’est pas le symptôme qui est incurable mais la part de réel dont le sujet est affublé.
Bien au contraire de sa disparition, le symptôme peut manifester une augmentation du malaise du sujet que l’on qualifie, en tout cas selon Freud de : « Réaction thérapeutique négative ».
C’est curieux car c’est vraiment quelque chose qui a été complètement abandonné de notre culture lacanienne la « réaction thérapeutique négative », alors que c’est une des manifestations, que je trouve des plus fortes, de ce qui se passe dans les cures. C’est-à-dire une forme de transformation du symptôme au cours d’une cure que l’on oublie parfois et que l’on fait passer, très souvent, pour de la résistance ; ce qui est à la fois vrai et faux.
C’est une résistance en effet parce que le patient en augmentant d’un cran son angoisse manifeste par là que la cure l’amène au plus près de son désir ; et c’est faux qu’il s’agisse d’une simple résistance puisque la réaction thérapeutique négative se révèle être une défense contre la part de réel à laquelle le sujet se trouve confronté du fait même du travail de sa cure.
Par conséquent ce n’est pas parce que ça va plus mal, que ça va plus mal du point de vue du symptôme. Ce qui est bien difficile à faire admettre au public de notre post modernité qui attend un traitement rapide et efficace. C’est du reste un des arguments développé contre la psychanalyse. C’est là que l’on est en difficulté de dire « ce n’est pas parce que l’on croit aller plus mal que l’on va plus mal. » C’est quelque chose d’absolument inadmissible bien évidemment selon les critères habituels du soin.
Tel patient obsessionnel, par exemple, se retrouve face à des crises d’angoisse d’autant plus importantes qu’ayant cessé bon nombre de ses rituels, il se retrouve alors confronté à la question de son désir de mort envers ses proches et, par conséquent se plaint de l’intolérabilité de cette vérité cachée jusqu’alors, par, ce qu’on appelle maintenant, TOC.
En effet, on retrouve là une espèce de psychopathologie, héritée de Freud : ces conduites obsessionnelles qui n’étaient autre que des défenses contre l’angoisse. Quand les défenses tombent, l’angoisse monte d’un cran. Est-ce que cela va plus mal ou est ce que cela va mieux ?
Ainsi, si l’analyste quant à lui, à la différence des psychothérapeutes, n’attend pas de voir disparaitre le symptôme, c’est qu’il sait que le symptôme est un signe du retour du refoulé et un mode de satisfaction de la pulsion, satisfaction avant tout substitutive.
Le symptôme est une tentative de solution et en ce sens déjà peut être un certain mode de suppléance, mais nous allons revenir sur ce point, car en effet, c’est toute la question de la psychanalyse face au symptôme dans la façon dont elle est à même ou pas de pouvoir produire un nouveau mode de suppléance, ce qui se révèle bien différent que de proposer une guérison.
Pour toutes ces raisons il s’agit donc de faire avec le symptôme et on peut dès lors distinguer « savoir » et « faire » qui suppose là encore un « savoir faire avec le réel » qui comme le dit Lacan :[1] « l’abord du réel est étroit. Et c’est de le hanter que la psychanalyse se profile ». Mais alors de quel réel finalement le symptôme se propose t-il de donner une solution ?
Une réponse possible est celle que Freud appelle le compromis, comme solution à l’exigence pulsionnelle dont la fonction est alors celle d’une satisfaction substitutive qui ne se déploie néanmoins dans toutes ses dimensions que sous transfert. C’est pourquoi il n’y a pas de savoir faire avec le symptôme sans aborder la fin de l’analyse et d’une certaine façon sans dire quelque chose également de ce que la passe pourrait bien nous apprendre à ce sujet. L’expérience de l’analyse révèle également que, nonobstant le fait que la disparition du symptôme n’implique pas forcément sa guérison, elle montre également qu’il n’y a pas non plus modification de sa cause ou de la position du sujet dont il fait entendre la vérité. Le symptôme fait entendre la vérité du sujet.
En d’autres termes comment un sujet s’en sort de sa façon de faire avec son objet, en l’occurrence l’objet qui cause son désir, puisqu’on peut dire que les aléas de la construction de tout symptôme sont liés à ce qui se trouve de plus proche de la constitution même du sujet, dans la mesure où le sujet ne rencontre sans cesse que cette inadéquation à l’objet, qui est la cause même de son désir.
On pourrait imager cette assertion en rappelant que ce qui est impossible à dire, c’est précisément ce qui nous fait parler incessamment dans le but de finir par dire, ce que, pour des raisons de structure nous ne
parvenons pas à dire.
De ce fait c’est bien dans la cure, c’est-à-dire avec la présence bien réelle de l’analyste, que le symptôme devient un message déchiffrable pour le sujet, lui-même sous transfert, avec l’Autre du transfert. L’analyste est aussi l’objet avec lequel le sujet devra s’engager à trouver une autre solution à l’exigence de la pulsion et donc à modifier sa position à l’endroit de sa jouissance.
Vous entendez bien qu’il ne s’agit pas de renoncer à sa jouissance du coté patient mais qu’en revanche l’analyste n’est, quant à lui, pas là non plus pour en jouir. Par conséquent le symptôme que traite une analyse c’est celui qui inclut l’Autre de la parole et de la jouissance, propre à chacun. C’est pourquoi il est transféré comme jouissance et comme satisfaction substitutive sur la personne réelle de l’analyste, au lieu de l’Autre donc, comme la jouissance qui lui est supposée. Donc le transfert est de deux natures, d’une part d’une nature économique en tant que jouissance et d’autre part de nature structurale dans le sens où ce qui est transféré est quelque chose qui a trait au grand Autre.
Grand Autre qui, suivant le moment où l’on va en parler, est pendant longtemps la mère pour le petit enfant, qui est ensuite le référent du trésor des signifiants, ce qui a sans cesse fonction d’être à la place d’un référentiel. On peut presque dire le révérenciel de ce qui fonde le signifiant comme ce qui est la loi même du langage. Il n’y a pas d’autre loi que celle du signifiant.
Vous entendez bien qu’il ne s’agit pas de renoncer à la jouissance comme telle.
C’est pourquoi j’avais déjà évoqué que l’analyste tenait quelque chose de l’ordre de l’amour de transfert dont il est l’objet et de ce fait, que ce que le sujet aimait le plus au monde, était son symptôme. C’est cela qui fonde aussi l’amour de transfert.
Alors on passe à une difficulté supérieure puisque, une fois ceci posé, c’est dire que ce qui peut se modifier du symptôme tient en fait au mode de construction même du transfert. C’est-à-dire qu’il y a quelque chose d’intimement lié dans l’idée que l’on peut modifier le symptôme avec le fait que c’est le transfert qui se construit. Par conséquent, cela signifie également que c’est de la fin d’une analyse dont il s’agit dans ce savoir y faire avec le symptôme. Puisque, si le symptôme est lie de façon si intime avec la construction du transfert, au fond, il n’y a que dans cette fin que l’on peut penser que quelque chose de ce symptôme puisse également se modifier. Ce qui en découle est l’hypothèse d’un passage du symptôme au sinthome ou autrement dit que l’on suppose que le savoir inconscient puisse faire le poids face au réel.
Or ce qui reste du symptôme ou bien d’une analyse n’est pas de l’ordre d’un savoir manipulable dans le réel, mais de l’ordre du sinthome qui lui, garde un sens dans le réel. Le sujet ne peut savoir ce qu’il est dans le transfert ni non plus que l’Autre n’existe pas et n’est en fait qu’un lieu de transfert de sens. L’issue d’une fin d’analyse est bien de savoir y faire avec ce qui reste comme résultat de toute expérience analytique à savoir : « réduire toute invention au sinthome »[2].
Il faut bien ici déjà pouvoir distinguer ce qui différencie le symptôme du sinthome. Nous dirons pour faire vite que le symptôme est du côté de la construction, au sens du compromis, et que le sinthome est de celui de l’invention, au sens d’ « in venire », de ce qui s’impose au sujet.
Ainsi, savoir y faire avec le symptôme c’est déjà déconstruire ce symptôme pour permettre l’effectuation donc d’un sinthome, c’est-à-dire produire une invention.
Que s’agit-il de déconstruire, si ce n’est précisément ce qui fonde le transfert à en tant qu’amour ? En gardant cette idée qu’il y a une partie intimement liée entre transfert et symptôme. Par conséquent, déconstruire le symptôme, c’est déconstruire quelque chose qui a trait à ce qui était au fondement même de l’amour, au sens de l’amour de transfert. Mais pas n’importe quel amour, il s’agit de ce que le sujet aime dans son symptôme et c’est bien ce qu’il transfère sur la personne de l’analyste, il transfère l’amour de son symptôme et ce n’est que dans cette mesure que l’analyste devient objet cause du désir de son patient.
La difficulté est le paradoxe suivant : l’analysant ne peut pas renoncer à l’amour pour son analyste car ce serait renoncer à son symptôme. Ainsi nous entendons que fin d’analyse rime avec s’adapter, non pas tant avec la réalité, mais avec l’inexistence de l’Autre ou, ce qui revient au même, avec la castration. C’est à dire la castration de l’Autre en tant qu’elle implique qu’il n’y ait pas de garantie de la vérité et donc par conséquent, pas plus de vérité de l’amour. Vous savez que par ce détour de l’inexistence de l’Autre, au sens où il faut bien s’apercevoir que du coté de la vérité il n’y a aucune garantie possible, que par conséquent, l’amour en est affecté. Ce point ultime qui garanti quelque chose de l’idéal. C’est du reste en ce point que l’on peut considérer qu’il s’agit alors de la chute de l’idéal qui engendre celle du sujet supposé savoir et non l’inverse car on peut toujours ne plus positionner son analyste en place de sujet supposé savoir, le destituer de cette place là, tout en maintenant l’idéal intact par ailleurs , ce qui est l’issue de bon nombre d’analyses . .
C’est intéressant car essayer de positionner ces éléments-là va permettre de pouvoir comprendre comment on peut très bien se défaire du sujet supposé savoir en s’appuyant sur une forme d’idéal, c’est-à-dire sur quelque chose qui continue à faire consistance du coté du grand Autre.
Alors au fond, l’amour du névrosé c’est toujours celui, symptomatique pour le père c’est de celui là dont il s’agit dans le transfert. Or Lacan annonce qu’il n’y a pas moyen de se passer, non pas du père, mais du Nom du père car pour tenir l’hypothèse de l’inconscient il faut supposer le Nom du père. Vous voyez quelque chose d’intimement lié au grand Autre. Donc pas moyen de s’en passer car si c’était le cas nous devrions nous passer également de l’inconscient, ce que la science par ailleurs, ne manque pas d’opérer.
Alors qu’elle est l’hypothèse thérapeutique qui reste jouable dans ce cas ? Eh bien c’est celle qui amène justement Lacan à formuler qu’en matière :[3] « Du Nom du père il s’agit de s’en passer […] à condition de s’en servir ». Il semble qu’il n’y ait donc d’autre issue que celle d’inventer un moyen « s’en servir ».
La Question alors qui se pose est la suivante : inventer est ce décidable ? En guise de réponse momentanée, je reprendrai volontiers cette citation que l’on attribue à Picasso : « je ne cherche pas je trouve ». Pour se servir du Nom du père, il s’agit de se faire un nom propre comme Picasso, comme Joyce et pour ce qui concerne les analysants, cela ne suffit pas puisque le deuxième temps est de pouvoir le réduire, par la suite, à la catégorie d’un nom commun. C’est l’opération la plus compliquée : il ne suffit pas de s’en pas
ser à condition de s’en servir au sens du nom propre, un nouveau nom propre, puisque il faut aussi pouvoir se défaire, de telle sorte qu’il devienne un nom commun.
Voici peut être une indication qui permet à la fois de faire avec le symptôme et dans le même temps, de faire avec le Nom du père en appliquant au transfert sur l’analyste cette invention sinthomatique de se faire un nom propre que l’on peut réduire à n’être plus que nom commun.
Mais si une fin d’analyse, de même que faire avec le symptôme, a trait au sinthome, c’est-à-dire à quelque chose de l’ordre de l’invention, c’est sans doute en raison de cette idée Lacanienne que l’on retrouve dans le séminaire II selon laquelle, en tant qu’analyste, nous devons donner à chaque analysant la possibilité qu’il parvienne à s’articuler autour du non sens qui le fonde. Il s’agit de pouvoir s’organiser dans une sorte de nouvel imaginaire qui ne passe pas par le sens donc par la métaphore, mais par quelque chose opposé à la métaphore qui, elle, est toujours créatrice de sens.
Je crois qu’il est dès lors tout à fait clair qu’il ne peut s’agir en aucun cas d’une fin d’analyse ou d’un faire avec le symptôme sur le mode de la sublimation, qui elle, par définition, a recours forcément aux jeux de la métaphore pour pouvoir se déplacer sur d’autres enjeux pulsionnels.
La sublimation est d’ailleurs en elle-même, tout comme le symptôme, une construction sur le mode de la formation de compromis. Sur ce point l’opposition symptôme sublimation est la suivante : le symptôme est une satisfaction substitutive à partir de fixations alors que la sublimation est l’élévation de l’objet à la dignité de la chose. Or, il n’y a pas de « re »trouvailles avec l’objet mais une trouvaille, comme je l’évoquais à propos de Picasso, qui n’est autre que ce que l’on appelle l’invention. Et comme l’explique Lacan dans le séminaire VII[4]. « La sublimation nous est représentée comme distincte de cette économie de substitution où se satisfait d’habitude la pulsion en tant qu’elle est refoulée. Le symptôme c’est le retour par voie de substitution signifiante de ce qui est au bout de la pulsion comme son but. C’est ici que la fonction du signifiant prend toute sa portée, car il est impossible, sans la mettre en jeu, de distinguer le retour du refoulé de la sublimation comme mode de satisfaction possible de la pulsion. ». Ici, c’est la fonction signifiante qui prend toute sa portée puisque si on ne la met pas en jeux, on ne peut pas distinguer le retour du refoulé de la sublimation comme mode de satisfaction. C’est intéressant de souligner cet élément que Lacan propose. La sublimation est donc un destin pulsionnel différent et spécifique. Freud voit quant à lui dans la sublimation ce qui fait lien social, dans la mesure où la capacité de sublimation est celle qui permet d’échanger le but qui est à l’origine sexuel contre un autre, qui n’est plus sexuel, mais qui est psychiquement parent avec le premier.[5]
Alors que le symptôme, lui, témoigne de la façon dont chacun jouit de son inconscient, ou bien de la façon dont chacun fait exister hors de l’inconscient un de ses éléments, en dévoilant son statut de condensateur de jouissance. Le symptôme est une jouissance par voie de substitution signifiante en tant que retour du refoulé ; ce qui pendant le long détour d’une analyse le situe comme un mode de jouir conforme au fantasme du sujet et au grand Autre de son inconscient. C’est pourquoi en analyse la déconstruction du symptôme passe forcément par un nouveau détour d’une satisfaction substitutive de la libido passant par le défilé des signifiants de l’histoire du sujet qui n’est pas forcément, justement, du ressort de la sublimation.
Le symptôme apparaît bien alors comme limite du réel et le fantasme révèle sa limite comme condition de fiction fondamentale. Ce qui est contemporain de cette déconstruction c’est que le sujet ne sait pas encore que l’Autre n’existe pas. Le sujet du symptôme est un nom de jouissance, il se détermine comme objet produit et comme cause. En ce sens on peut aussi dire que la fin du symptôme comme la fin d’une analyse, se situe dans le moment d’un savoir sur le fait que l’Autre n’existe pas ; c’est-à-dire de la chute du sujet supposé savoir comme place de l’idéal. La Chute de l’idéal est donc à la fois contemporaine de la modification du symptôme et de la fin d’une analyse. C’est-à-dire que la conception que l’on peut avoir du grand Autre est celle que l’on pourrait définir comme un signifiant maitre, vidé alors de sa jouissance, en quelque sorte un non sens. Selon Lacan, le non sens est lié au fait que l’on puisse en bout de parcours, aboutir à vider le grand Autre de son efficacité de jouissance.
Alors que devient ce symptôme post transfert ? Puisque ce symptôme demeure, on ne guérit pas de son symptôme qui est un symptôme sans grand Autre ; donc il a perdu sa fonction de métaphore, de substitution ou tout simplement de restitution de jouissance. Ainsi quand l’Autre se vide de sa jouissance, ce qui reste est le réel du symptôme qui apparaît finalement en tant qu’identité libidinale du sujet ; identité libidinale du sujet que l’on reconnaît alors comme ce que Lacan évoque à un moment donné comme étant le « réellement symbolique » du symptôme.
Autrement dit, ce qui apparaît alors comme séparé de tout sens détermine, non pas la disparition du symptôme, mais une nouvelle relation du sujet avec le langage lui-même. Au fond, qu’est ce qu’une analyse soigne ? Surement pas le symptôme. Mais elle permet que se produise une nouvelle relation du sujet avec le langage.
Cela a très certainement quelque chose à voir avec cette idée que l’on reconnait les personnes qui ont fait une analyse et ceux qui n’en ont pas fait.
C’est le moment à partir duquel il peut se passer des effets nocifs de la jouissance que condensait le symptôme et également, bien sûr, du colmatage qu’il essayait inlassablement de réaliser à l’aide de son fantasme pour colmater ce non sens auquel il était confronté
C’est un point très important car si l’analyste fait fonction d’objet a, de semblant donc d’objet a, ce n’est pas pour retrouver les objets mais pour trouver ce bout de réel et c’est bien là ce qui incombe à chaque sujet. Il ne s’agit pas de « re »trouvailles avec le sujet, comme je l’ai dit tout à l’heure, mais d’invention, de trouver, comme le dit Picasso, un nouveau nouage produit par les effets de cette nouvelle relation du sujet avec le sens et la jouissance qui était impliqués auparavant dans son symptôme. Ce nouveau nouage est ce que Lacan appelle sinthome. Cela invente une nouvelle façon de nouer RSI.
En ce sens, comme Lacan a pu l’alléguer en son temps, il n’y a pas de progrès, c’est cela également qu’il s’agit de dire à propos du symptôme, c’est qu’il n’y a pas de progrès, on n’en guérit pas, même si certaines de ses manifestations peuvent disparaître. En effet, ce qui se produit en fin d’analyse, et c’est déjà beaucoup, est que le symptôme perd son sens de message et son usage de satisfaction substitutive. Ce qui permet au sujet de décider de faire un nouvel usage du symptôme sans Autre.
On n’en guérit pas car cela supposerait un retour à un état antérieur alors
que la question n’est pas tant, comme en médecine, de revenir à un avant le symptôme, mais de trouver ce bout de réel qui constitue son reste, en tant qu’il se construit sur cet irréductible singularité du sujet. De la même façon, une fin d’analyse ne restitue pas le sujet à une normalité supposée préalable au monde. On peut également ajouter à propos de la passe que celle-ci est fondée sur la proposition d’articuler la découverte de l’inconscient à l’invention du sinthome, en tout cas, c’est sans doute ce à quoi les jurys de passe sont particulièrement attentifs ; c’est-à-dire comment le passeur restitue l’invention de sinthome que le passant lui a transmis.
En effet, Guérir du symptôme en reviendrait à poser la question équivalente de savoir si on guérit du sujet ; de même l’idée de la disparition du symptôme aboutirait à pouvoir parler alors de la disparition du sujet. Par conséquent pas de retrouvaille avec un avant ; mais effectivement un faire avec le symptôme qui nous amène inéluctablement à trouver donc ce bout de réel qui le constitue autrement qu’avec les recours habituels de la métaphore et de l’imaginaire d’une retrouvaille avec l’objet , qui vont eux toujours dans le sens de renforcer l’imaginaire c’est-à-dire du ratage du réel. D’où l’idée que la praxis de l’analyste, n’est pas tant d’interpréter l’inconscient, mais de toucher les bouts de réel.
Je reste sur cette idée de rencontre avec le réel car c’est une autre forme de rencontre avec le réel, non traumatique.
Vous comprenez bien la difficulté que nous avons à transmettre ces éléments à un public non averti, encore que, ces éléments vont dans le sens de ce qu’a toujours été la psychanalyse c’est-à-dire une sorte de subversion du discours courant. Cela vient subvertir cette idée de la guérison rapide, peu couteuse et l’idée que le symptôme, c’est vrai, il faut s’en débarrasser…On se heurte, au fond, à la subversion même de la culture.
[1] Lacan Autre Ecrits, Radiophonie Seuil 2001 P.431
[2] Lacan livre xxiii Le Sinthome Paris seuil 2005 P.132
[3] Lacan Joyce Ed. Seuil P.
[4] Lacan L’éthique de la Psychanalyse Paris Ed du Seuil p .132
[5] Freud « La morale sexuelle civilisée et la maladie nerveuse des temps modernes » (1908) in LA VIE SEXUELLE P.U.F 1969 P. 33-34