Séminaire 1 Lyon- 3/10/2019
L’Amour au temps de…
PREMIERE SEANCE : L’AMOUR AU TEMPS DE FREUD, OBSERVATIONS SUR L’AMOUR DE TRANSFERT.QUE POUVONS NOUS EN COMPRENDRE ?
Annick Hubert Barthélémy
Philippe Marchois
Ségolène Marti
Lieu : Agora Tête d’or |
Jeudi 3 octobre 2019 20h30-22h|
Analyse Freudienne
Pourquoi un séminaire sur le thème de l’année :
Ségolène, Philippe et moi avons eu l’idée de relancer quelque chose autour du questionnement du thème de l’année à Lyon afin de mettre en place une dynamique locale qui, en plus du thème d’Analyse Freudienne s’adresse à toutes les personnes quelques soient leurs associations ou leurs appartenances se sentant libres de venir y participer.
Il s’agit ainsi de penser ce lieu comme ouverture aux participants qui le souhaiteraient. Nous pensons aussi solliciter certaines personnes pour venir nous aider sur un thème particulier, ainsi Robert Levy sera là le prochain jeudi du séminaire le jeudi 7 novembre.
Cette ouverture, qui, pour nous, en cette première année est fondamentale, nécessite une forme particulière au niveau de la présentation. Il s’agit moins d’écouter un exposé que de donner son avis, de venir illustrer par son expérience le sens des interrogations et d’exprimer ses doutes par rapport aux propositions avancées.
Les premières pistes de notre réflexion sur ce thème dans ce cadre-là
Qu’est-ce que la psychanalyse a trouvé comme bénéfice à travailler sur l’amour ? et pourtant dès le début l’amour et ses caractères sont présents comme le révèlent les aventures de Breuer avec Anna O., ou comme le montrent certaines anecdotes : « depuis que je viens vous voir trois fois par semaine je n’ai plus besoin de prendre un amant… ». Nous pouvons dire qu’il y a bien une rencontre, une idylle et une rupture.
« L’amour de transfert serait à valoriser comme un état que l’analyse pourrait encourager dans le développement du sujet ? » (L’amour, François Perrier, séminaire 1970-1971). Freud n’a jamais soutenu cette position, d’ailleurs, pour lui, l’amour authentique relève d’une passion pathologique, au sens passif du terme, souffrance que le sujet s’imposerait à lui-même (Réflexions sur l’amour de transfert). Il n’y aurait pas de différence entre l’amour, l’état amoureux et la passion. On aurait bien envie de dé pathologiser l’amour comme le souligne Jacques Sedat (1998) dans la préface au séminaire de F. Perrier. Si l’amour peut être pensé comme un élément non obligatoire de la sexualité et de la passion, qu’est-il ? Peut-être cette autorisation à s’aimer au « nom de quelqu’un d’autre », une autre construction narcissique ? Peut-être ces retrouvailles avec l’objet perdu, un retour de l’archaïque ? Peut-être ce chemin qui permet de sortir de la répétition, dans une alliance avec le désir ? L’amour ne serait-il pas ce masque qui signerait un éternel recommencement pour mieux cacher l’aliénation du sujet dans la demande alors que celui-ci croît atteindre le désir métonymique, une voie nouvelle ?
Il nous est apparu qu’un retour à Freud s’imposait pour démarrer cette première rencontre. Bien sûr, nous aurions pu prendre les textes importants présents dans « La vie sexuelle » in S. Freud (PUF, 1985) comme « Contributions à la psychologie de la vie amoureuse » (chap. 4 1910) et « Pour introduire le narcissisme » (chap.5, 1914) qui semblent répondre directement au thème.
Nous avons choisi plutôt « La technique psychanalytique » (PUF, 1994) et non pas le chapitre 11, « Observations sur l’amour de transfert » 1914-1915, mais le chapitre 6 sur « La dynamique du transfert » qui nous a paru plus intéressant pour commencer notre réflexion commune.
Etude de la dynamique du transfert (p.50-60)
Une première partie
–le postulat de départ : quelques observations qui permettront de faire comprendre comment le transfert se produit inévitablement au cours du traitement et de quelle façon il arrive à y jouer le rôle qu’on sait.
–deuxième postulat : la construction de la nature humaine. Tout individu, par l’action concomitante d’une prédisposition et des faits survenus pendant son enfance, possède une manière d’être personnelle, déterminée, de vivre sa vie amoureuse c’est-à-dire que sa façon d’aimer est soumise à certaines conditions, qu’il y satisfait certaines pulsions et qu’il se pose certains buts
-Ces deux postulats de Freud entraîne quatre conséquences importantes. La première est gouvernée par la répétition. On obtient certains clichés qui, au cours de l’existence, se répètent plusieurs fois, se reproduisent quand les circonstances extérieures et la nature des objets aimés accessibles le permettent et peuvent, dans une certaine mesure, être modifiés par des impressions ultérieures.
La deuxième conséquence montre que, parmi les émois qui détermine la vie amoureuse, une partie seulement parvient à son plein développement psychique. Cette partie, tournée vers la réalité, forme un des éléments de la personnalité consciente qui peut en disposer.
La troisième conséquence suppose qu’une autre partie de ces émois libidinaux a subi un arrêt de développement, se trouve maintenue éloignée de la personnalité consciente comme de la réalité et peut soit ne s’épanouir qu’en fantasmes, soit rester tout à fait enfouie dans l’inconscient et dans ce dernier cas être ignorée du conscient.
La quatrième conséquence : tout individu auquel la réalité n’apporte pas la satisfaction entière de son besoin d’amour se tourne inévitablement avec un certain espoir libidinal vers tout nouveau personnage qui entre dans sa vie et qu’il est dès lors plus que probable que les deux parts de sa libido, celle qui est capable d’accéder au conscient et celle qui demeure inconsciente vont jouer leur rôle dans cette attitude.
-De là vient le rôle du transfert dans la cure analytique : il est ainsi tout à fait normal et compréhensible de voir l’investissement libidinal en état d’attente et tout prêt (comme ceux imparfaitement satisfaits) à se porter sur la personne du médecin. On y retrouve les caractéristiques de départ : cet investissement va s’attacher à des prototypes conformément à l’un des clichés déjà présents chez le sujet en question.
Mais ce transfert n’est pas lié à ce prototype et peut se réaliser aussi suivant les images maternelles, fraternelles…. Cet aspect particulier du transfert, c’est le fait qu’il dépasse la mesure et s’écarte par son caractère et son intensité de ce qui serait normal et rationnel.
Ces particularités sont compréhensibles si l’on songe qu’en pareil cas le transfert est dû non seulement aux idées et aux espoirs conscients mais aussi à tout ce qui a été réprimé et est devenu conscient.
-Pourtant, pour Freud, deux points demeurent obscurs, un transfert est bien plus intenseen analyse qu’au dehors de ce cadre pour les non-analysés et dans l’analyse le transfert peut opposer au traitement la plus forte résistance alors qu’ailleurs il doit être considéré comme l’agent même de l’action curative et de la réussite. Freud propose plusieurs explications
Première idée, on peut utiliser la suggestion quand les associations viennent à manquer, on assure au patient qu’il se trouve sous l’empire d’une idée se rapportant à la personne du médecin et cela lève l’obstacle.
Deuxième idée, si le transfert dans l’analyse devient une résistance c’est que dans l’analyse, la libido ne fonctionne pas de la même façon. En effet, la partie de la libido capable de devenir consciente et de se tourner vers la réalité est devenue moindre tandis que la partie inconsciente et non tournée vers la réalité se trouve accrue d’autant. La libido s’est engagée sur la voie de la régression et a réactivé les imaginations infantiles.
Le traitement analytique suit la libido sur ce chemin et tente de la rendre à nouveau accessible au conscient pour finalement la mettre au service de la réalité.
Il y a donc existence d’un conflit chaque fois que l’investigation analytique découvre des cachettes de la libido. Toutes les forces qui ont provoqué la régression se muent en résistance contre nos efforts pour maintenir le nouvel état des choses. Pour la libérer, il faut faire cesser l’attraction de l’inconscient c’est-à-dire lever le refoulement des pulsions inconscientes et de leurs dérives.
L’analyse a donc à faire face aux résistances de deux sources. La résistance suit pas à pas le traitement et y imprime son empreinte sur toute idée, tout acte du patient qui représente un compromis entre les forces de la guérison et celles qui sont opposent. C’est à ce moment du compromis que surgit le transfert.
D’où vient que le transfert se prête si bien au jeu de la résistance ? L’aveu d’un désir interdit devient difficile lorsqu’il doit être fait à la personne qui en est l’objet. Ce qui se rencontre moins dans les situations de la réalité.
Lorsque nous liquidons le transfert en le rendant conscient nous écartons de la personne du médecin ces deux composantes de la relation affective, le transfert négatif et le transfert positif composé des éléments érotiques refoulés.
Dès que l’analysé est la proie d’une intense résistance de transfert, il se voit rejeté de la réalité en ce qui concerne ses relations avec le médecin et s’arroge le droit d’enfreindre la règle fondamentale de l’analyse.
Au cours du dépistage de la libido échappée au contrôle du conscient, nous pénétrons dans le domaine de l’inconscient. Les émois inconscients tendent à échapper à la remémoration voulue par le traitement mais cherchent à se reproduire suivant le mépris du temps et la faculté d’hallucinations propres à l’inconscient. Or le médecin cherche à le contraindre à intégrer ces émois dans le traitement et dans l’histoire de sa vie, à les soumettre à la réflexion et à les apprécier selon leur réelle valeur psychique. Cette lutte entre le médecin et le patient, entre l’intellect et les forces instinctuelles, entre le discernement et le besoin de la décharge se joue presque exclusivement dans les phénomènes du transfert. C’est sur ce terrain qu’il faut remporter la victoire….
Conclusion : Comme nous le montre particulièrement ce texte, le transfert n’est pas l’amour contrairement à ce que l’on pense couramment. En effet, la réalité étant traitée différemment sur le divan, nous pourrions dire qu’il s’agit d’un mécanisme à rebours en écho à une situation hors divan. Comment donc articuler les deux phénomènes ?