Temps et fonction paternelle : a comme voix et a comme lettre – M.A.Bragança de Oliveira



Dans les textes de Lacan, l’objet a peut être articulé à la fonction du temps. Je voudrais travailler à partir d’un temps où, en relation à la fonction paternelle le a s’articule en tant que voix et un autre temps où le a s’articule comme lettre.

L’objet défini par sa fonction, par sa place comme a, objet qui fonctionne comme reste dans la dialectique du sujet avec l’Autre, ouvre un espace pour articuler deux formes qu’il prend à un certain niveau du champ du désir: l’objet scopique – le regard et la voix comme impératif du super-ego. Ces deux objets viennent compléter la liste commencée par Freud, qui a situé les objets oral et anal.

Sous les divers formes dans lesquelles l’objet a se manifeste, il s’agit toujours d’une même fonction, et de savoir comment il se lie à la constitution du sujet à la place de l’Autre et le représente: a comme reste, comme support du désir de l’Autre.

Au niveau de la phase phallique, qui est centrale, la fonction du a est représentée par un manque, le manque du phallus comme constitutive de la disjonction entre le désir et la jouissance. Ce stage a ici une position extrême. Le stage scopique et celui de la voix sont dans une position de retour qui les met en corrélation, respectivement, avec le stage des objets oral et anal.

Il n’y a pas de conception analytique valable du super-moi qui oublie la liaison de l’objet a, qui est la voix avec l’objet oral, tout comme s’effectue la liaison de la phase anal avec la scopophilie (pulsion scopique).

L’articulation de l’objet a, en tant que voix implique la dimension auditive comme telle et implique aussi la fonction paternelle. Fonction paternelle où se présente la voix du tonnerre. Place du père comme agent de la castration, agent d’interdiction entre la mère et l’enfant: imposition du super-ego qui a besoin d’entrer en question.

La voix de l’Autre doit être considérée un objet essentiel.

Tout analyste sera sollicité à lui céder sa place et à suivre ses incarnations diverses, tant dans le champ de la psychose, comme de la névrose, dans la formation du super-moi.

Si la voix est le produit, l’objet tombé de l’organe de la parole, l’Autre est la place où cela parle.

L’Autre ne pourrait pas être confondu avec le sujet qui parle à sa place, ni même par sa voix. Si l’Autre est ce que Lacan dit, le lieu où cela parle, on ne peut poser qu’un type de problème: celui du sujet antérieur à la question.

Si Freud place au centre de sa doctrine le mythe du père, c’est en raison de l’inévitabilité de la question.

Quand je parle du sujet préalable à la question, je parle de la question du père, où se localise une marque déjà imprimée qui attend la lecture qui est sur le sujet qui vient à parler.

Entre l’enfant et la mère, il y a une tiercéité que l’on peut unir comme modulant, réglant la loi entre l’enfant et la mère, loi qui supporte le sujet. Cette tiercéité, c’est la parole, mais parole articulée, et pas seulement modulation de voix, non seulement parce que la voix s’articule ici en mots/paroles, mais parce qu’elle correspond à l’appel de la mère, où il y a un déploiement, dans le sens d’une tierce place, où la mère désigne son désir. D’où partirait cette parole articulée sur elle même, c’est fondamental non seulement pour sa fonction, ainsi comme celle du langage, mais parce que c’est quelque chose qui module la voix. Il faut que l’Autre devienne cette place, qui prend cette existence supposée par la demande à l’Autre. Jusqu’à ce que cela soit une place, dépend de la tiercéité de cette loi qui passe par l’articulation du désir par la parole, l’Autre maternel a sa place. Mais plus loin que l’Autre maternel, il y a une quelque autre chose que nous pouvons appeler d’objet a.

Qu’est-ce qui rendrait possible que le sujet prenne la voix de ce sujet préalable?

C’est, sur ce point, que Lacan dit que Freud prend la question du père, du père totémique, la première identification chez Freud, l’assassin du père, là où c’est le totem qui parle et prend la voix du sujet. Lacan nous dit que nous devrions aller plus loin. Et pose la question: “(…) c’est seulement le père, ce père apparu de cette identification primordiale, d’où prend la voix dans l’Autre? La voix avec laquelle cette parole vient s’articuler est prise par le père”.

Le père est celui qui met en marche cette fonction qui s’appelle phallique, phallique comme terme de langage, qui permet d’articuler dans la parole quelque chose qui est du désir, mais cette articulation n’est pas sans la voix qui ici s’articule.

Comment est cette voix? Quelle fonction a-t-elle comme origine du super-moi?

Il existe un instrument de musique à vent appelé chofar, que Lacan utilise comme exemple du a comme voix tant qu’il fonctionne au soutien entre le désir et l’angoisse. C’est un objet rituel fait de corne, qui émet lorsqu’il est soufflé un son avec un caractère profondément émouvant et inquiétant. Une émotion inhabituelle surgit par les voies mystérieuses de l’affection proprement auditive, et tous ceux qui sont sous sa portée ne peuvent s’empêcher de s’émouvoir, à un degré réellement insolite. Lacan fait une analogie entre le chofar et la voix qu’il soutient avec la fonction phallique.

Il ne s’agit pas seulement du père, mais si du Nom-du-Père, qui vient constituer la possibilité qu’il existe un signifiant qui attend sa lecture.

Cela veut dire la chose suivante: en premier, qu’il y a une écriture de ce Nom, mais ce qui demeure à l’état d’écriture ce n’est pas le signifiant Nom-du-Père, tant qu’il n’y aura une lecture que l’on fasse de lui, et cette lecture implique la voix. Il y a ici quelqu’un qui est responsable de l’énonciation. Ce sujet n’aurait pas place pour sa responsabilité, si cette fonction de Nom-du-Père avait une faille, comme c’est le cas dans la psychose.

Le Nom-du-Père marque un point de l’annonce de la fonction de manque, parce qu’il ne suffit pas que se présente le désir de la mère, mais que soit en question le père en fonction, en tant qu’articulé à la castration.

Dix ans après l’unique cours intitulé “Les Noms du Père”, Lacan, dans le Séminaire “Les Non Dupes Errent”, indique l’homophonie dans la langue française avec “Les Noms Du Père”. Une telle homophonie ne peut être scandée que par la voix. Et il dit, à cette époque, que, dans les deux phrases, il y a le même savoir. C’est le même savoir dans le sens où l’inconscient est un savoir duquel le sujet peut se-déchiffrer. C’est la définition du sujet. Sujet qui est effet d’un dire en analyse. Sujet tel que le constitue l’inconscient. Le déchiffre celui qui, du fait d’être parlant est en position de procéder à cette opération, ce qui, d’ailleurs, est nécessaire jusqu’à ce qu’on trouve le sens. Et c’est là qu’il se détient, parce que c’est là qu’il faut se détenir. Dans ces deux phrases, le sens sur lequel nous devons nous détenir, bien que ce soit le même savoir, n’est pas le même sens, et non seulement pour des raisons d’orthographe, ce qui nous fait suspecter que quelque chose a trait aux relations de l’écrit avec le langage. Ici s’ouvre une énigme.

Pour continuer de travailler sur le thème, Lacan indique trois dimensions de l’espace habité par l’être parlant: le symbolique, l’imaginaire et le réel. Ainsi il inaugure un nouvel espace – le sien; une autre manière d’opérer
dans l’espace que nous habitons réellement… si l’inconscient existe.

Il prend les lettres S R I et les enlace en un nœud: nœud borroméen.

Nœud fait de trois cercles de fil qui se nouent ayant comme point d’intersection l’objet a, formant un coinçage d’où partent les différentes manières avec lesquelles ces trois cercles se nouent, ayant chacun une orientation déterminée dans l’espace.

Trois dimensions – dit-mension – autre dimension: entre le dire et le dit. Dire constitué en analyse donnant accès au réel de l’inconscient, à lalangue.

Il y a quelque chose dans l’idée de l’erreur, elle a un support: le dupe. Autre manière de le dire: ça commet une erreur. Erreur grossière qui nous prend de surprise et qui montre l’équivocation.

Tout ce que Freud émet consiste toujours à nous dire: il n’y a pas eu autre chose en relation, par exemple, le rêve, si ce n’est le chiffré/le codé.

Si l’inconscient est ce que Freud dit, si les chiffres/les codes qui semblent être élues au hasard mais ne le sont pas, c’est précisément pour avoir une certaine relation avec le désir du sujet.

Le langage est fait ainsi: on a beau s’appliquer sur le codage, il ne libérera jamais ce qui a à voir avec le sens, parce qu’il est à la place du sens et cela fait que la relation sexuelle ne se puisse écrire, car il y a ce trou qui ferme le langage comme tel, de l’accès au réel de l’inconscient, pour cela nous nous référons au réel comme l’impossible.

Ceux qui ne sont pas dupes de l’inconscient ne réalisent pas tous leurs efforts pour s’y ajuster.

Lacan dit: “Ce qui répond au discours de l’analyste c’est ça: ce que vous faites, bien loin d’être œuvre d’ignorance, est toujours déterminité par le savoir inconscient. Et cela fonde un nouveau discours: le discours de l’analyste”.

Il y a une étique qui se fonderait sur la négation à être non dupe, dans la manière d’être chaque fois plus fortement dupe de ce savoir, de cet inconscient qui est notre unique patrimoine de savoir.

Il faut être dupe, c’est-à-dire, s’ajuster à la structure. Structure qui se constitue par le nœud, qui dit de l’enlacement de trois: le réel, le symbolique et l’imaginaire. Nœud construit en analyse par le dire du sujet.

Alors, il y a un temps où le a fonctionne comme voix: ce qui reste de la soumission du sujet soumis au désir de l’Autre, quand le père fonctionne en tant qu’idéal. Dans un autre temps, le a opère en tant que lettre. Ici Lacan devance Freud en situant le père comme impossible. Impossible en relation à ne pas pouvoir écrire la relation sexuelle. En ce temps le a peut seulement être comme cause de désir.

Lacan, dans le Séminaire XXI, dit que l’objet a a deux faces: le a que l’on imagine et le a en tant que topos. Le peu de Réel que nous savons s’écrit dans ce fameux trou, au centre, dans le topos, qu’on ne peut que boucher; et avec quoi ? Avec l’Imaginaire. Mais ça ne veut pas dire pour autant que l’objet a soit Imaginaire. Il est un fait que ça s’imagine avec ce qu’on peut, avec ce qui se suce, ce qui se chie, ce qui fait le regard, ce qui dompte le regard, et puis la voix. Mais le fait que ça s’imagine n’ôte rien de la portée de l’objet a en tant que topos, pour en donner l’image qui n’a qu’un avantage, c’est que c’est une image écrite, celle du nœud borroméen. L’objet a c’est là que ça se noue. L’autre face de a est aussi réelle que possible, seulement par le fait que ça s’écrit: il s’agit de situer l’écrit comme ce bord du réel.

Lacan dit que la question de la voix est très sérieuse pour lui et qu’il y a là quelque chose qui n’est pas une question de timbre, si l’objet a est celui qui dit, on ne peut confondre la phonétique avec le phonème. La voix peut être strictement la scansion avec laquelle lui, Lacan, nous raconte tout ça. Il y a quelque chose qui est lié au temps que l’on met à dire les choses, vu que l’objet a est lié à cette dimension du temps. Et cela est complètement distinct de ce qui a à voir avec le dire.

Le dire non est la voix. Lacan donne un autre pas en nous indiquant une autre dimension où le sujet se détache de son dire pour prendre ce qui est dit, ce qui est différent de l’exhibition de la voix en tant qu’un témoignage pathétique de son coinçage.

Que se fasse l’expérience de l’analyse, cela ne garantie pas que l’on prenne en compte la dimension entre le dire et le dit, vu qu’il ne s’agit pas seulement de faire de l’ analyse, mais, bien, en quelle position le sujet se trouve pour prendre en compte la dimension de son dire. Dans l’expérience de l’analyse, ce qui est déterminant ce n’est pas un savoir, mais un dire. Ça ne peut être qu’un savoir parce que c’est un dire. Et qu’on se dise qu’il faut écrire ça; c’est la manière qu’a trouvé Lacan pour nous faire sentir la dimension de ce qui subsiste au savoir inconscient. Comme pas supplémentaire, Lacan nous avertit que, lorsqu’il nous dit que l’inconscient ne découvre rien, c’est parce qu’il n’y a rien à découvrir dans le Réel, vu qu’il y a là un trou. L’inconscient – il faut l’inventer pour voir où est le trou: il faut voir où est le bord du réel de l’inconscient. Le réel est supposé. Il faut le déloger de cette supposition qui le subordonne à ce qui s’imagine et à ce qui se symbolise.

 

Maria Auxiliadora Bragança de Oliveira

Práxis Lacaniana/Formação em Escola

I Colóquio Franco-Brasileiro de Psicanálise –“Os Nomes do pai na Clínica Psicanalítica”

30 de abril de 2010

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