argument de l’année
Construction/déconstruction du symptôme
Le “symptôme est un évènement de corps” pour le sujet[1]. De ce fait, il faut maintenir que l’homme a un corps, soit qu’il parle avec son corps, autrement dit qu’il ‘parlêtre de nature'[2] .
Qu’il y ait quelque chose à entendre de la façon dont le corps est le porte parole du symptôme, est une révolution déjà engagée par Freud et poursuivie par Lacan. C’est une façon de prendre à revers la référence médicale du symptôme, entrant dans l’interrogatoire propre au diagnostic et au traitement (cf M. Foucault).
Malgré cela, nous savons que depuis, les successifs DSM se sont réappropriés le symptôme dans un retour au “médicastre” de la parole du sujet, évacuant les structures pour ne plus avoir affaire qu’aux comportements, laissant à nouveau le ‘malade’ hors voix. Cependant, on ne peut plus ignorer que “c’est bien à une étape précoce que se cristallise, pour l’enfant, ce qu’il faut bien appeler par son nom, à savoir les symptômes”[3] . Il faut alors préciser que la construction du symptôme ne sera pas identique s’il survient dans le moment d’une pensée encore métonymique ou bien dans un temps déjà métaphoro-métonymique, c’est-à-dire dans un refoulement déjà constitué. Quoi qu’il en soit, les symptômes se construisent et s’interprètent correctement, comme en témoignent les chapitres de “L’introduction à la Psychanalyse de Freud 17 Der Sinn et 23 Wege Zur Symptom Bildung”, parce qu’ils ont un sens qui renvoie à la ‘réalité sexuelle’[4].
Ainsi il existe une clinique psychanalytique du symptôme qui, dans cette époque décisive de sa construction dans l’enfance nous indique qu’il se construit et s’interprète donc sur le mode du rêve et des actes manqués[5] ; c’est à dire sur le mode du déplacement et de la condensation. C’est également pourquoi, de même que dans le rêve, le signifiant fait trait dans le corps et reste à lire comme une énigme de l’ordre de ce qui est écrit. De la même façon, pour des raisons de figurabilité dans ses différentes constructions et déconstructions, on ne peut ignorer les changements de nom du symptôme qu’opèrent les contextes culturels et historiques. En témoignent les différentes appellations et transformations du nom des symptômes hystériques dans l’histoire récente de notre humanité.
Néanmoins, il existe des cas où la construction échoue: “c’est le symptôme en tant qu’il n’y a aucune chance pour qu’il accroche quelque chose de votre inconscient à vous”[6] .
Lacan reprend alors la première écriture étymologique du symptôme: “le Sinthome” pour montrer, avec Joyce, comment on peut faire relais là où le nouage des trois termes “Réel Symbolique Imaginaire” ne trouve pas à se réaliser avec un nom du père comme quatrième.
En effet, ‘le père comme nom et comme celui qui nomme, ce n’est pas pareil. Le père est cet élément quart (…) cet élément quart sans lequel rien n’est possible dans le nœud du symbolique, de l’imaginaire et du réel. Mais il y a une autre façon de l’appeler: (…) le sinthome[7]’. C’est donc avec ce formidable repérage d’un relais possible du symbolique, là où il vient à manquer, que Lacan nous transmet un outil conceptuel qui va bien au-delà de ce qui peut faire construction dans les psychoses.
- [1] Editions CNRS, 1979.Conférence donnée par J. Lacan dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne 16 Juin 1975 à l’ouverture du 5° Symposium international James Joyce.
- [2] Ibidem
- [3] Conférence de Jacques Lacan du 10/04/75 à Genève sur le Symptôme. Prononcée au centre R de Saussure. In Le Bloc Notes de La Psychanalyse 1985, N° 5, P.5, 23.
- [4] Ibidem
- [5] Ibidem
- [6] Conférence donnée par Lacan Du 16/06/75 à l’ouverture du symposium international James Joyce .Texte établi par J.A.Miller, à partir des notes d’E. Laurent. L’Ane .1982, N° 6
- [7] Ibidem