AVANT PROPOS ET SOMMAIRE REVUE AFP N°27
Au-delà de la haine…des violences inédites ?
Haine, agressivité, identification, perversion, hainamoration : où en sommes-nous de ces concepts ? Génocides, tueries, féminicides, meurtres racistes, discours haineux, violences du néo-management : comment les penser et comment en examiner les sources ?
Peut-on parler de violences inédites ? La haine est-elle seulement ce qui peut rendre compte de ce que nous rencontrons en termes de violences ? N’y a-t-il pas un au-delà où la haine de l’autre n’est même plus présente, permettant sa froide élimination ?
Lacan fait remarquer que le petit d’homme à travers l’invidia rencontre son premier rapport à l’autre dans ce qui constitue une forme particulière de haine, et qui sera déjà ce qui va constituer plus tard le lien social. Si l’inconscient fabrique dans les prémisses de son apparition la systématique élimination de l’autre, la Kultur serait selon Freud ce qui pacifie les pulsions agressives de l’humanité. Comment se constitue dès la plus tendre enfance un espace psychique qui puisse faire la place à un autre différent de soi-même ? Ce qui nous amène à réinterroger ce qu’est un autre pour le sujetet comment la catégorie de l’Autre constitue ce qui opprime et menace le soi-même. Si l’agressivité s’adresse à l’autre semblable, la haine s’adresserait à un Autre essentialisé, une figure qui amalgame et généralise un trait insupportable ; un insupportable lié soit à la complétude de l’Autre dont le sujet se sent exclu, soit au contraire à tout ce qui viendrait décompléter un Autre auquel il se sent identifié.
Une certaine banalité du mal, inhérente à tout sujet, montre à quel point nous sommes soumis à de multiples formes de servitude volontaire, à commencer par la soumission au désir de l’Autre. C’est sans doute là où l’amour et la haine se succèdent sur une même bande de Moebius dans ce que Lacan a qualifié de hainamoration.
Peut-on haïr et tuer sans jouissance ? Comment penser la violence de l’Autre maternel? Avoir la haine serait-il un mode de survie pour certains jeunes ? Par ailleurs, en quoi le discours du capitaliste produit-il des effets de violence désubjectivante ? Ou encore, peut-on faire l’hypothèse que notre monde globalisé, avec ses politiques identitaires, produit des occasions de manifestations de haine à travers la recherche d’un ennemi caché au sein du semblable ? Le réel se trouve forcément aux portes de toutes ces questions, lesquelles seront développées dans ce numéro à partir de points d’appuis théoriques, et cela au moment où la psychanalyse elle-même est la cible d’une haine féroce.
La psychanalyse nous enseigne que l’inconscient est comparable à une grenade dégoupillée qui peut à tout instant exploser vers des formes de violences archaïques et sans qu’aucune identification soit au rendez-vous de l’humanité. Ainsi le devoir de mémoire n’a que peu d’efficacité face au surgissement de ce que l’inconscient laisse caché pour éviter que se répètent les événements tragiques de l’histoire. Même si les notions de haine et de violence insoutenable ont été largement questionnées et analysées à l’occasion d’une actualité tragique relativement récente, nous soutenons que le discours psychanalytique, loin des formules lénifiantes sur la bienveillance, s’avère apte à penser le réel toujours incriminé dans ces événements, et en particulier le Réel de la mort.
a n a l y s e f r e u d i e n n e p r e s s e
n° 27- 2020
Sommaire
Avant-propos
Y a-t-il un au-delà de la haine ?
Introduction
Serge Granier de Cassagnac, Alain Guérin
Y a-t-il un Autre de la haine dans la perversion ?
Robert Lévy
La haine ne s’oppose pas à l’amour mais au symbolique
Philippe Woloszko
Une folie sans Autre
Radjou Soundaramourty
De l’invention bien humaine de la haine
Léandro de Lajonquière
De la haine originelle aux ravages de l’absence d’hainamoration
Introduction
Catherine Delarue, Monique Masson
La violence des mères sur les filles et son rapport à la jouissance autre
María-Cruz Estada, Ángeles Palacio, Paz Sánchez
Haine et altérité
Eva Van Morlegan
Prendre appui sur la haine pour rester vivant ? Ou l’énigme de la violence chez certains adolescents
Anne Costantini
Comment respecter le sujet dans ce climat de violences inédites ? Ce que nous apprennent les autistes sévères
Annick Hubert Barthélémy
Les effets des discours contemporains sur la subjectivité : violences inédites ?
Introduction
Laurent Ballery, Jean-Jacques Valentin
La haine disqualifiée
Michel Ferrazzi
Burn-out professionnel : effet du discours contemporain sur les sujets
Ségolène Marti
Valeurs symptomatiques de la violence. Logique de la ségrégation
Louis Sciara
La haine de la psychanalyse
Anna Konrad
Violences adolescentes : les effets de l’absence d’un Autre barré
Introduction
Chantal Cazzadori, Marta Oms
La haine chez un adolescent meurtrier
Monique Masson
Qu’est-ce qu’un autre pour le sujet dans les groupes d’enfants et d’adolescents :considérations sur l’effet Columbine
Maria Cristina Kupfer
Notes de lecture
Réflexions sur la question antisémite de Delphine Horvilleur
par Joëlle Toubiana et Laurent Ballery
Responsables de la rédaction :
Céline DEVALOIS
Ségolène MARTI
Joëlle TOUBIANA
Comité de rédaction :
Marie Claude BAÏETTO
Catherine DELARUE
Marie Hélène ELBAZ
Serge GRANIER de CASSAGNAC
Roqué HERNANDEZ
Anna KONRAD
Jean-Jacques LECONTE
Robert LÉVY
Monique MASSON
Éric MOREAU
Mercedes MORESCO
Marie-France OSTERERO
Directeurs de la publication :
Maria Cruz ESTADA
Robert LÉVY
Ont également participé à l’élaboration de ce numéro : Laurent BALLERY, Léa CHENAF, Alain GUERIN, Chantal HAGUE, Brigitte HAMON, Joëlle PELTA, Jean-Jacques VALENTIN,
Correspondants
Célia CALVO (Montevideo, Uruguay), Liliana DONZIS (Buenos Aires, Argentine), Norberto FERRER (Barcelone, Espagne), Enrique RATIN (Montevideo, Uruguay), Laura VACCAREZZA (Barcelone, Espagne), Isidoro VEGH ( Buenos Aires, Argentine)