Robert Levy: COMMENTAIRES A PROPOS DE DEUX INTERVENTIONS DE PHILIPPE WOLOSZKO

COMMENTAIRES A PROPOS DE DEUX INTERVENTIONS DE PHILIPPE WOLOSZKO

Robert Levy

Décembre 2021

Tout d’abord je voulais remercier Philippe Woloszko et l’association A PROPOS  de leur invitation . Je voulais aussi dire  en préambule combien j’apprécie le travail que vous menez ;  il me donne l’occasion encore une fois cette année de reprendre des éléments concernant  notre pratique, qui nous sont indispensables pour réfléchir sur la psychanalyse             dans le monde actuel. Parmi les changements très profonds qu’il subit sur bon nombre de thèmes , l’ un d’entre eux nous intéresse tout particulièrement: la sexualité et le sexuel …

Depuis quelques années, il n’est pas un jour, sans que la question du patriarcat, de l’hétérosexualité et des questions de genre ne   soient abordées avec plus ou moins de précision et d’intérêt .

Il n’est pas du tout hasardeux de dire qu’à travers ces éléments de contestation ce soit en fait la dimension de nos certitudes et par conséquent de nos incertitudes qui soit à travers ces thèmes entamée .Il se trouve que c’est ce thème de l’année que nous avons choisi et j’y rencontre un passionnant intérêt qui va sans doute jusqu’à passer nos concepts analytiques au ‘crible ‘ de ce qui se soutient aujourd’hui des changements notamment introduits par les ‘gender théories‘ ; ce qui forcément implique des développements sur nos questions concernant la différence des sexes, les points d’appui Freudiens et lacaniens de ce qui s’appelle dans notre jargon la ‘sexuation’ mais aussi les commentaires que nous devons construire sur les questions trans et certainement sur les effets produits en terme de changement de sexe , chez les enfants notamment .

Tout autant de questions que je crois que Philippe aborde à sa façon et auxquelles je vais apporter quelques réflexions …

Je commencerai donc par le fait qu’ il nous fait  remarquer que :

‘ ce qu’écrit Freud sur le complexe d’Oedipe en 1923 dans « Le moi et le ça »[1] est le texte dans lequel il développe le complexe d’Oedipe complet. Il est tout à fait surprenant de voir à quel point à ce qu’il avance sur la « bisexualité originelle », ce sont ses mots, il s’arrête, voire n’en tient pas compte ou qu’il en élude les implications et à quel point cela n’a pas été repris par ses élèves, dont Lacan lui-même. Avec l’éclairage porté par des théoriciennes féministes et/ou LGBT, on peut voir et ouvrir là où il n’a pas pu pousser plus loin sa pensée. »

Hypothèses que soutient Philippe à propos du dit ‘complexe d’oedipe’ par rapport à la bisexualité ,…et j’expliquerai tout à l’heure comment cette question a été reprise par les spécialistes des ‘gender théories’.

Evidemment on ne peut pas traiter de cette question sans y ajouter celle que Philippe annonce en exergue de son premier texte : «  Ainsi, dans le discours de l’analyste, la place de la vérité est occupée par S2, le savoir. Si ce savoir, savoir inconscient, se révèle être une certitude, c.- à-d. finalement une croyance l’analyste peut-il faire autre chose que de montrer à l’analysant qu’il a tort, qu’il se trompe? Il ne peut plus, alors, écouter son analysant, puisqu’il n’est plus supposé savoir, il sait! Alors, n’y a-t-il pas dans la théorie analytique des points de certitudes, non reconnus comme tels? »

Le complexe d’oedipe en fait assurément partie , partie d’un savoir dont la certitude n’est pas à mettre en doute ; pourtant que vaut un savoir s2 s’il n’est pas utilisé par une écoute elle même passée par l’analyse ; c’est à dire une écoute dont la théorie serait le résultat dont au un par un nous aurions pu faire l’expérience de cette théorie pour nous même  et surtout par  nous mémé e ?

C’est bien ceci la particularité du ‘savoir du psychanalyste ‘ c’est d’être à la fois un ‘supposé savoir ‘ que lui confère son analysant mais aussi un savoir sans certitude puisque de ‘l’inattendu’ se réalise à chaque cure du fait même qu’il n’y a pas de théorie qui ne passerait pas par l’expérience . C’est ce qui fait la particularité du savoir auquel se réfère l’analyste c’est à dire un savoir sans garantie de vérité puisque le savoir se retravaille dans l’expérience de chaque cure ..

C’est donc un savoir auquel on ne peut pas croire . Je trouve que ce serait une bonne définition du savoir du psychanalyste …

Il me semble que c’est ce que Philippe annonce lorsqu’à contrario il énonce que «  Si ce savoir, savoir inconscient, se révèle être une certitude, c.- à-d. finalement une croyance , l’analyste peut-il faire autre chose que de montrer à l’analysant qu’il a tort, qu’il se trompe? Il ne peut plus, alors, écouter son analysant, puisqu’il n’est plus supposé savoir, il sait! »

Dès lors en effet :

« Si la psychanalyse repose sur une ou des croyances incontestables, en quoi est- elle différente d’une religion? ».

Je vous rappelle que c’est toute la correspondance de Freud avec le pasteur Pfister qui repose sur cette même question: l’analyste est il un pasteur d’a  âmes ?

Mais revenons donc à l’exemple que Philippe prend à propos du complexe d’oedipe pour lequel il pose cette très juste question : « Qu’est-ce que le père à cet endroit? Celui qui incarne la Loi? Est-ce celui qui a un pénis? N’y a-t-il pas une confusion entretenue entre une fonction et le porteur d’un pénis? C’est bien la question que soulève Freud; il y a bien, dans ce texte, cette confusion. »

N’y a t il pas là  en effet une confusion liée en bonne partie à la traduction  française ou en tout cas au fait que ni les psychanalystes et encore moins leurs détracteurs ont lu correctement ce texte et en particulier cette petite note en bas de page à laquelle Philippe fait référence et qui change tout en effet,  car en allemand c’est la première identification à  une entité que Freud a bien du mal à cerner (Vater und Mutter zusammen gesetzen ) c’est à dire ‘père et mère ensemble confondus ‘: ainsi pas de pénis à l’horizon ! 

Faudrait il un pénis en effet pour pouvoir incarner la loi ?

La clinique actuelle nous montre l’inverse et va dans le sens de considérer comme Lacan l’a fait que père et mère ne sont que des fonctions et que celles – ci peuvent même se retrouver parfaitement représentées dans le cas de couples homosexuels avec des enfants .

Je dois dire que j’ai pu le constater à ma grande surprise ayant eu, il faut le dire , pendant un certain temps , tous les a priori contraires  .

Confusion en effet entre père et mère , comme personne , et père et mère , comme fonction , ce que j’avais déjà fait remarquer lors du premier séminaire en citant l’article de Lacan à Jenny Aubry dans lequel il définissait père et mère justement  comme  des fonctions :

« La fonction de résidu que soutient (et du même coup maintient) la famille conjugale dans l’évolution des sociétés, met en valeur l’irréductible d’une transmission – qui est d’un autre ordre que celle de la vie selon les satisfactions des besoins – mais qui est d’une constitution subjective, impliquant la relation à un désir qui ne soit pas anonyme.

C’est d’après une telle nécessité que se jugent les fonctions de la mère et du père. 

De la mère : en tant que ses soins portent la marque d’un intérêt particularisé, le fût-il par la voie de ses propres manques.

Du père : en tant que son nom est le vecteur d’une incarnation de la Loi du désir »[2].

On ne peut être plus clair:  la mère ,comme fonction, contribue donc à la constitution subjective du petit parlêtre  et éventuellement par ses manques dans la satisfaction de ses besoins ce qui paraît tout à fait en rupture avec toute conception d’une ‘bonne  ou mauvaise mère ‘ qualificatif très moraliste ; et le père ,comme fonction , par le vecteur de son nom comme incarnation de la loi du désir ..

 Et en effet Philippe a bien raison de dire que  «  Freud lui-même ne peut pas sortir de cette logique, car tout un aspect de sa théorisation du complexe d’Oedipe, et en particulier de  sa sortie ( déclin, disparition, dépérissement ) en dépend. En plus cela remettrait en cause toute la question du penis-neid, que plus tard Lacan balayera avec le phallus symbolique. »

On peut souligner ici que certaines croyances , celle de Freud par exemple , se construisent autour de la nécessité de rendre logique un mode de théorisation et cela perd peut être de son originalité …

Mais Philippe nous rassure quelque peu lorsqu’il extraie cette remarque très importante :

« Freud avance, là, cette idée inouïe que l’ambivalence, c.-à-d. l’hainamoration et ceci pour les deux parents, n’est pas due à l’identification et à la rivalité qui en découle, ce qu’il a toujours affirmé et soutenu, mais que cette hainamoration est le fait même de la bisexualité. »

Je partage évidemment cette idée assez peu retenue au demeurant que l’importance dans cette affaire d’oedipe n’est pas tant la question du père et de l’identification mais celle de l’ambivalence qui suppose à la fois l’amour et la haine mais aussi et c’est le plus important que cette ambivalence va permette une identification bisexuelle qui va courir toute l’enfance et bien au delà et sera constitutive de ce qu’est un sujet de l’inconscient …

C’est  de cette ‘libre circulation entre les genres’ dont les enfants s’emparent pour se construire , s’essayer à répondre à la question de l’être : suis- je un homme ou une femme ?

Ce qui a un retentissement direct à des questions très actuelles comme celles que je situerai comme étant  la raison de ces dérives modernes à l’évacuation contemporaine de la dimension de l’inconscient qui engendre désormais une certitude du dire sans aucun recul et qui précipite en particulier les enfants dans un passage à l’acte que les adultes dits ‘spécialisés ‘ opèrent pour eux .

Peut – être , peut – on ajouter également qu’un certain courant bien pensant voulant éviter la marginalisation sociale de certains sujets , attribue des vertues vertus de soulagement au fait de changer de sexe puisque ‘la marginalisation sociale était un facteur de risque majeur . Une étude[3] a révélé que les personnes bénéficiant d’un soutien social et d’un accès à des documents d’identification personnels , ou qui effectuaient une transition médicale avec des hormones ou des opérations chirurgicales , présentaient une réduction prononcée du risque de suicide .’

Ces questions ‘trans’ sont une première étape des bouleversements dont nous n’avons pas encore bien pu situer l’envergure et  ni  les conséquences .

C’est donc bien du discours ou des discours dominants dont il s’agit à de ne pas confondre avec celui du sujet et je suis à nouveau d’accord avec Philippe lorsqu’il souligne quelque chose que l’on connaît bien cliniquement aujourd’hui en raison du nombre grandissant d’enfants qui demandent à changer de sexe , à savoir :

« Ainsi, le choix d’objet ne serait-il pas le résultat d’une identification à une image surmoïque? C.à.d. que l’orientation sexuelle serait dépendante du discours dominant, donc du discours du maître, ce qu’on appelle aujourd’hui patriarcat. »  

Mais je dirai plus tôt que c’est lorsque le discours du maître se trouve en difficulté comme celui du patriarcat aujourd’hui , n’assurant plus  sa fonction,  que d’autres discours qui deviennent dominants y suppléent comme celui des ‘gender théories’ qui permettent que l’on passe de l’écoute de l’enfant , à l’enfant à l’écoute , au sens de l’attacher au parcours médical qui aboutira dans certains pays à des opérations chirurgicales irréversibles ..

En d’autres termes on passe de la nécessité des identifications de l’enfant qui peuvent être multiples à lui fixer une identité définitive  qui, bien souvent , ou la plupart du temps n’a sans aucun rapport avec sa demande, inconsciente selon son désir ..

Qu’il faille libérer l’enfant des ‘carcans ‘ de l’anatomie  et plus spécialement de ceux du genre est une chose et peut – être s’autorise – t – on de sa propre parole en tant qu’être sexuel à se considérer comme homme,  femme ou autre ; mais la question reste posée de ce qui autorise le social, en l’occurence via son représentant médical à devoir proposer une certitude de genre à ce qui prend son origine dans tout sujet ..

Car qui sait ce qu’un enfant demande lorsqu’il demande ? 

Je ne pourrai ici à nouveau que suivre ce que Philippe nous indique en rappelant ce texte de Freud de 1932 :

« Il écrit dans la XXXIIIème des nouvelles conférences, ce texte intitulé « La féminité » : « Vous êtes alors invités à vous familiariser avec l’idée que le rapport selon lequel masculin et féminin se mélangent dans l’être individuel est soumis à des fluctuations fort considérables. (..) Vous ne pourrez qu’être dérouté quant à la signification décisive de ces éléments, et tirer la conclusion que ce qui fait la masculinité ou la féminité est un caractère inconnu, que l’anatomie ne peut saisir. (..) Nous disons donc qu’un être humain, qu’il soit mâle ou femelle, a une conduite masculine sur tel point, féminine sur tel autre. Mais vous vous rendrez bientôt compte que cela est pure docilité envers l’anatomie et envers la convention. (..). Si vous me dites à présent que ces faits contiennent justement la preuve que les hommes, comme les femmes, sont, au sens psychologique du terme, bisexuels, j’en conclus que vous avez décidé à part vous de faire coïncider « actif » avec « masculin », « passif » avec « féminin ». Mais je vous le déconseille. Cela me semble inapproprié et cela n’apporte aucune connaissance nouvelle 12». 

Non seulement, il énonce, on ne peut plus clairement, que la masculinité comme la féminité n’ont strictement aucun rapport avec l’anatomie, mais il ajoute que rapporter la masculinité à l’activité et la féminité à la passivité est inapproprié, alors qu’il a largement utilisé cette affaire tout au long de son oeuvre. Il amène une difficulté supplémentaire: à savoir qu’un être humain, qu’il soit mâle ou femelle, est composé d’éléments masculins et féminins d’une façon singulière à chacun et en plus que cela n’a pas de rapport avec l’orientation sexuelle. Finalement, dit-il autre chose que le sexe et le genre n’ont pas de rapport autre qu’une docilité, une soumission à l’anatomie et à la convention. Cela semble absolument congruent avec le discours de nombreuses féministes et théoriciens.nes LGBT que masculinité et féminité sont essentiellement des postures sociales ou des performances; sans que cela ressortisse à la psychologie, comme il dit, c.-à-d. à une logique de l’inconscient féminine ou masculine. Dans l’inconscient, il n’y a ni masculin ni féminin, et ce n’est pas l’anatomie ou la biologie qui permet de déterminer une différence des sexes. Il y a des sujets, dotés ou pas d’un pénis etc., »

Pour fini sur cet élément que je ne développerai pas plus : à la question de savoir ce qui détermine une différence si ce n’est pas l’anatomie ; c’est le travail que Lacan peu à peu initiera en passant du pénis au phallus symbolique et  plus spécialement sur ce qui serait une véritable différence dans la répartition des jouissances ….

Mais sommes – nous arrivés pour autant à l’établissement d’une théorie de la différence en introduisant le terme de Phallus qui , vous l’aurez compris a bien du mal à nos oreilles à se départir complètement de son signifié pénis et ce , même si on le considère comme un signifiant …..

Je crois que c’est sur ce dernier point que Philippe Woloszko nous invite à réfléchir lors de son second séminaire à savoir quelle est la différence entre identité et identification ?

L’identité viendrait donc donner du sens c’est à dire se ranger du côté de l’imaginaire alors que l’identification , plus exactement les identifications seraient plutôt du côté « de ce qu’en dit Lacan. Il écrit en 1949: « Il y suffit de comprendre le stade du miroir comme une identification au sens plein que l’analyse donne à ce terme: à savoir la transformation produite chez le sujet, quand il assume une image »[4].

Ainsi je partage également ce que Philippe en conclut et ce n’est pas une détail :

« , l’identification se présente comme la relation du sujet avec l’autre, en tant qu’objet. Quand le sujet peut reconnaître l’autre en lui-même, il y a identification, sinon il se produit une expulsion en l’autre de ce qu’on ne reconnaît pas en soi. Alors que l’identité, c’est enfin retrouver un moi qui pourrait (illusoirement) être pur de toute relation d’objet. A emprunter à l’autre, ne risque-t-on pas de cesser d’être soi? Celui qui se passe de l’autre est précisément dans la logique identitaire, et non pas du côté d’un processus permanent d’identification[5]. Il apparaît ainsi que l’identité n’est pas un mode relationnel aux autres, au monde extérieur; c’est une relation à soi-même qui vise à exclure tout ce qui n’est pas soi-même, ce qui n’est pas pur. C’est, de ce point de vue, un mécanisme entièrement imaginaire. »

Ce qui nous éclaire assez bien et sur les phénomènes d’exclusion qui sont le résultat des phénomènes identitaires et sur ceux sexistes qui prennent les mêmes  tournures ; les deux éléments se rejoignent quant à la haine qu’ils suscitent …

Je trouve donc tout à fait pertinent de souligner que l’identité se trouve du côté de l’identification sociale et du coup si identité et identification ont la même racine latine, l’identité relève de l’Un, elle est une, unique, mettant en valeur la marque ou la « note » fondamentale de jouissance du sujet. 

Alors que L’identification part du même pour être différente contrairement à ce que l’on pourrait croire ‘intuitivement‘ .

D’où la question suivante : pouvons nous , sous prétexte ‘qu’il n’y a pas d’identité de genre qui précède le langage ‘ soutenir qu’il suffirait d’un acte performatif pour s’identifier à un sexe ou à un autre ?

Quoi qu’il en soit nous sommes plus aujourd’hui dans l’ère du ‘flou’ en matière de différence qui engendre sans doute une relative incertitude angoissante quant à la détermination sexuée ; ce que les enfants reprennent à leur compte dans le discours courant qu’ils perçoivent et qui leur permet en s’affichant garçon alors qu’ils sont filles ou l’inverse leur permettant ainsi de réaliser ce à quoi toute nouvelle génération a pu s’essayer comme forme d’opposition au discours social orthodoxe …

Par conséquent rendre réel ce qui se présente sous une forme revendicative c’est non passeulement user du performatif mais se tromper de discours  et ce surtout si s’il n’y a plus d’évidence aujourd’hui en matière de genre ; ce qui semble  par ailleurs une étape importante  pour sortir de la domination du patriarcat ..

C’est en termes d’idéal ou d’idéalisation que Philippe pose la question , à savoir toute forme d’identité est basée sur des idéaux, la cure ne va pas aider le sujet à se conforter dans une recherche identitaire, bien au contraire. Sauf, si l’analyste lui-même se trouve à identifier ses analysants dans une identité, comme celle d’homme ou de femme. En disant ou en pensant de ses analysants qu’ils sont hommes ou femmes, il ne fait que renvoyer ceux-ci à leurs propres idéaux, soutenus par les siens, dans la représentation de ce qu’est un homme ou une femme. C’est bien ce qui est reproché, à juste titre, à la psychanalyse par des féministes et LGBTQIA+.

Mais ne sommes- nous pas toujours confrontés à ce type de difficulté en effet toute demande n’est-elle pas une demande d’identité au sens de l’idéal du terme ? 

Par exemple je porte un nom qui fait qu’on a pu venir me consulter pour cette identité à laquelle renvoie mon nom mais si moi – même j’y crois , c’est à dire que si je crois qu’on vient me voir parce que je suis juif , pourrais- je si je m’identifie à mon nom entendre la demande qui existe sous cet idéal ?

De même qu’est ce qui se demande à travers la demande de vouloir un analyste homme ou femme ?

Peut on adhérer à cet énoncé ?

Mais Je voudrais souligner que le point essentiel me semble être celui du rapport psyche-soma , c’est à dire de comment un parlêtre peut avoir avec l’ambivalence et la bisexualité qui le constitue, se dire homme ou se dire femme .

Et bien sûr c’est le rapport entre l’image du corps et ce que Dolto a pu appeler l’image inconsciente du corps .

Comment sinon penser aujourd’hui ce grand nombre d’enfants qui prétendent se sentir homme alors qu’ils sont anatomiquement femme et l’inverse .

Je ferai l’hypothèse que si la Culture autorise le discours , alors le refoulement peut ne plus être aussi fort et ni s’exprimer .C’est la première théorie Freudienne qui l’énonce à l’envers à savoir : l’interdit sur le sexe de la société produirait le refoulement et par conséquent la névrose . D’où l’idée un peu radicale de Judith Butler que si le corps existe c’est qu’il est le produit d’une histoire sociale incorporée [6]

En effet les ‘gender théories’ ont permis de changer de discours social et de faire admettre que le genre  te et le sexe pouvaient être différents et en ce sens c’est un progrès puisqu’en effet on peut aujourd’hui considérer qu’un enfant garçon peut jouer à faire du repassage sans que cela remette en question son sexe ; ce qui , il y a encore quelques années n’était pas possible ; si ce n’est dans les crèches où l’on voyait couramment  que les enfants pouvaient jouer à des jeux indépendamment de leur sexe  pour autant qu’on ne fasse pas un coin garçon et un coin fille.

Par conséquent un petit garçon pouvait jouer à faire du repassage alors qu’il était évident qu’il ne voyait pas ça de la part de son père chez lui..

Mais il faut faire un pas de plus pour dégager effectivement l’identité des identifications et considérer que , peut être le désir des parents est impliqué autant dans la façon dont ils relaient le discours  du genre auprès de leurs enfants que de dans la façon dont ils font passer inconsciemment leur désir d’avoir une fille ou un garçon ..

Disons que ce deuxième point n’est pas très facile à aborder si ce n’est au cours d’une analyse ; mais la différence entre genre et sexe n’aurait elle pas contribué à permettre cette transmission puis l’expression de ces enfants à propos de leur revendication de changer de sexe ,?

Je dirai que le réel du corps des enfants ne résiste pas  au désir , en l’occurence des parents .

J’avais été stupéfait en recevant des parents il y a quelques temps par la façon dont ils considéraient comme ‘normal’ le fait que leur petit garçon de 8 ans se déguise en fille et revendique cette pratique . Ils considéraient eux que c’était l’environnement scolaire qui était anormal  de les alerter sur cette pratique .

J’avais alors reçu la maman seule ,qui avaient elle avait évoqué avec insistance que son voeu le plus cher c’était d’avoir une fille et de ce fait elle ‘jouissait ‘ de la réalisation de son désir à travers les pratiques  féminines de son fils, qu’elles rationalisait inconsciemment  en termes de théories du genre …

Il y a aujourd’hui une sorte d’intuition chez les anglo- saxons de cette question de l’image inconsciente du corps dans  par l’introduction dans le dictionnaire du terme de ‘cisgenre’ mot qui correspond à « la personne qui ressent intérieurement son genre comme correspondant au sexe auquel elle a été identifiée à la naissance »[7]ou encore «  désignant une personne dont le sentiment d’identité personnelle correspondu au sexe et au genre qui lui ont été attribués à la naissance »[8]

Il est juste de souligner comme le fait P. Gherovici que « le cisgenre dépasse le clivage trans /non trans .

Il remet également en question la notion de ce qui est normal dans la sexualité et l’identité sexuelle dans un mouvement de dépathologisation de la non – conformité de genre et de sexe »[9].

Pour terminer : ‘que son genre corresponde à son sexe ‘, c’est toute la question que chacun s’est certainement posée ; et enfin rien de plus réel qu’un corps que l’on doit d’investir d’un réel et d’un symbolique qui bien souvent font difficulté, il n’y a qu’à voir les difficultés que rencontrent les adolescents lorsque leurs caractères sexuelles secondaires apparaissent …


[1] S. Freud. Le moi et le ça. O.C. TXVI. P.U.F. Paris 1991. P275. 

[2] J. Lacan, « Notes sur l’enfant », dans Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 373. 

[3] Cité par P. Gherovici P.46 OPUS cité 

[4] J. Lacan. Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience psychanalytique. Ecrits. Seuil. Paris. 1966. P 94.

[5] J. Sedat. In L’apport freudien. sous la direction de Pierre Kaufmann. Bordas. 1993. p170.

[6] E FASSIN Préface à l’édition française des gender trouble Judith butlerParis La découverte 2005

[7] Cité par P Gherovici opus déjà cité P.47

[8] idem

[9] ibidem P.48

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