« Désir de savoir et pratique analytique ». Séminaire d’Anna Konrad -Janvier 2021
« Désir de savoir et pratique analytique »
Anna Konrad
Séminaire sur le thème de l’année: » Aux prises avec le réel de la mort: la passion de l’ignorance ».
Je vous présente un travail un peu sans queue ni tête, comme par touches. Je suis désolée de ce côté patchwork mais je n’ai pas pu synthétiser comme je l’aurai voulu. Je pars de mon sentiment que ça ne va pas trop mal dans ma pratique mais que je n’arrive pas à être auteur. J’ai un étrange sentiment de clivage entre une pratique, ma pratique, qui me semble en progrès avec de plus en plus souvent des patients qui choisissent de faire une analyse avec moi (je précise que je suis psychiatre) et qui semblent y trouver un chemin d’élaboration. Et un brouillard épais sur mon propre chemin de théoricienne de ma pratique ou d’auteur, si je peux me permettre de m’élever à ce niveau pourtant nécessaire. Un ou deux patients qui arrivent dans une période où la fin d’analyse commence à se poser comme question après beaucoup d’années déjà, et une impression en observant leur répétition qu’il manque quelque chose. Des expériences d’entrées en analyse qui contredisent mes attendus antérieurs. Je croyais tout ce qu’on me disait: l’analyse, c’est payer cash, si tu commences avec des feuilles de Sécu, il n’y aura pas d’analyse, tu peux pas être psychiatre et psychanalyste à la fois pour un même patient… mais en fait, il m’arrive qu’un patient commence avec une psychothérapie où j’interviens pour lui comme psychiatre, qui se retrouve deux ans plus tard en analyse, alors que je lui ai précédemment prescrit un traitement médicamenteux, que je l’ai adressé aussi nommément, alors même qu’il était déjà en analyse, dans un lieu pour un traitement psychiatrique en parallèle de son analyse… et pourtant il me décale de la position de médecin vers celui d’analyste.
Je trouve aussi que certains jeunes, ados à peine majeurs, font avec moi un travail d’ordre analytique sans payer du tout leurs séances. Dans les cas auxquels je pense, il est beaucoup question de se déprendre — la parole autour de cette question semble avoir un effet thérapeutique — de se déprendre des discours familiaux parentaux et de leurs conséquences désubjectivantes pour eux.
J’ai par ailleurs développé une sorte de pratique de consultation familiale issue de mon expérience analytique. C’est un peu prétentieux de dire ça et ça m’inhibe un peu. Les symptômes des enfants et des jeunes ados sont si mobiles lorsque la famille se met à parler, lorsque chacun prend la parole finalement de façon personnelle, en tant que parent ou enfant. Prendre le temps en cabinet, organiser les consultations en deux parties, avec les parents, puis l’enfant, ou parfois avec les parents seuls, l’enfant avec ses frères et sœurs pouvant alors souffler à côté. Permettre à l’enfant ou au jeune ado (mon expérience concerne dans ce registre des jeunes où la puberté est déjà présente physiquement mais pas encore employée avec l’objectif de réaliser l’acte sexuel) de prendre la parole en étant porté par la demande de ses parents dans un cadre ou les conflictualités majeures ont déjà été écoutées, abordées dans la consultation familiale de sorte qu’il lui est possible de les prolonger à titre individuel. Dans ce cas, et seulement lorsque les passions majeures de la vie des parents, surtout de la mère, ont déjà été évoquées par elle, l’enfant peut lui-même parler «comme s’il parlait en famille» tout seul à l’analyste. De sorte qu’il n’a pas besoin de franchir un interdit qui est selon moi toujours présent dans la consultation avec l’enfant. Peut-être l’interdit de la révélation d’un fantasme qui n’est pas encore tout à fait le sien, mais qu’il reconnait à une place de structure, d’interdit… Des bribes de réel auxquels s’attache de la jouissance. Dire que ses parents font irruption dans sa chambre pour la surveiller (c’est une ado qui parle) et que c’est insupportable (et insupportablement excitant) n’a pas la même valeur lorsqu’il s’agit d’une révélation sur le comportement des parents ou lorsqu’il s’agit de prolonger une discussion qui est déjà en cours sur la vie de l’ado, sur ses difficultés, sur la vie familiale et les contradictions de chacun en essayant de permettre aux uns et aux autres de s’y retrouver…
Je travaille beaucoup avec les apports de Robert Levy en matière d’infantile. Apports qu’on ne discute pas suffisamment je trouve, je ne sais pas si on le fait ailleurs, peut-être parce que c’est trop difficile de travailler autant que lui… peut-être parce que ça prend du temps. Après tout ça ne fait que 10 ans environ qu’il a publié L’infantile en psychanalyse… Je tiens, comme je le dis assez souvent pour ma part, que son apport sur l’infantile pour une des rares innovations analytiques vraiment neuves de ces dernières décennies, une innovation dans l’articulation de la théorie à ce qu’il est possible d’entendre dans l’opacité du réel. Cette dimension de l’introduction du développement laissée de côté avant lui au profit de la structure et du découpage synchronique mis en avant dans l’enseignement lacanien, la notion de construction progressive de la métaphore au cours du développement, est vraiment quelque chose d’éclairant dans la clinique avec l’enfant et les parents lorsque nous pratiquons la psychiatrie, la psychothérapie et la psychanalyse. Cela permet d’écouter plusieurs dimensions et d’échapper un peu à l’oppression du sens unique (souvent celui de la façon dont le sujet enfant est bafoué), cela permet aussi d’échapper au désir d’avoir affaire à un sujet unique. Eviter ou rester conscient des risques encourus à placer l’enfant comme sujet d’un désir dans un cadre comme thérapeute sans disposer de coordonnées sur là où il en est dans la construction d’un éventuel fantasme inconscient.
Je reviens à propos de cette évocation du travail de Robert Lévy, L’infantile en psychanalyse, certes un peu trop théorique et dont la lecture est un peu aride, mais combien riche dans l’abord de la clinique, à notre vie associative et à nos échanges. Il y a quelques années, nous avions créé à quelques-uns un cartel à AF sur la psychanalyse avec l’enfant, dans lequel nous sommes doucement entrés en conflit autour de positions cliniques, éthiques, théoriques, avec quelques chers collègues et amis. La place des parents dans la consultation était au cœur de ces échanges, la discussion sur la place du sujet enfant… comment, à quelle condition l’enfant était-il sujet dans son parcours thérapeutique ? quelle était la relation avec la demande des parents ? … Des discussions passionnantes mais aussi des butées qui nous étaient propres, une rencontre avec nos limites dans ce qu’il nous était possible de mettre en jeu. Je sentais par exemple dans ces discussions que je ne voulais rien savoir à un certain niveau du colloque singulier avec l’enfant, de cette situation que je trouve si bizarre de tête à tête avec un sujet si différent à tous les niveaux qu’est un enfant.
Une ou deux petites évocations maintenant, concernant mon expérience de ces dernières années : c’est comme si parfois, j’acceptais maintenant de dialoguer avec un sujet enfant. Un jeune sujet autiste décide que je dois lui lire un livre intitulé « Loulou ». L’histoire de l’amitié entre un jeune loup et un lapin. Alors qu’il semble prêter une attention aux images, je me focalise sur les personnages et je mets un peu de temps à réaliser que son doigt ne fait que caresser les barreaux d’une échelle qui se trouve en bas de la page. Je réussis alors à lui dire que c’est l’échelle qui l’intéresse et lui propose de la dessiner. Ce jeune autiste non verbal, à partir de l’échelle, va dessiner en perspective face et profil les scènes de presque toutes les pages du livre. Je pense à la remarque de Cristina Kupfer sur les soudaines manifestations de tendresse qui surviennent de façon inattendue avec un enfant autiste. Ce jeune sujet m’a dit au revoir d’une façon chaleureuse avec le regard et la main, comparée à toutes les fois où il partait, enveloppé dans son absence. Une telle expérience avec un enfant dont la subjectivité est très lointaine me fait sentir que j’ai un peu bougé dans ma position. J’ai été plongée dans un centre de consultation publique, un CMPP, depuis des années déjà, dans un travail avec des sujets dont la subjectivité est très lointaine et j’ai mis beaucoup d’années à accepter, peut-être, de travailler avec eux, à pouvoir condescendre à désirer dans un tel contexte si contraire à mon besoin d’un sujet qui répond.
Un enfant que je reçois au cabinet a été violé par son père biologique. Jamais, au grand jamais je n’aurais pensé pendant des années être un tant soit peu capable d’écouter un enfant dans une telle situation lors même que ma profession officiellement choisie pouvait m’y destiner. Sa mère le dit « dans le déni » car il veut pardonner à son papa, qui lui a demandé pardon, et il ne veut pas le dénoncer à la police. On a pourtant eu un échange. Quelques mots, c’est tout, mais quand même beaucoup, puisqu’on a parlé de la question de sa relation à son papa – il a dit « mon papa il m’aime ». L’enfant avait auparavant pris son dernier courage à la brigade des mineurs, prié par sa mère de dire la vérité parce que c’était important de dire la vérité pas seulement à sa maman et il a dit ce que son papa lui avait fait. Les enfants n’aiment pas faire des révélations. Il y a quelque chose d’interdit dans le fait de révéler et donc çela peut traumatiser.
Dans un travail analytique, on se révèle, on décide de franchir cet interdit de la pudeur, ces barrières de la honte. L’enfant quand il révèle, révèle au-delà de ce qu’il est. Un jeune homme placé vers 14 ans, après des années de négligences et de mauvais traitements, raconte – il a aujourd’hui 18 ans – que c’est d’écouter sa mère pendant des années se plaindre à un vieux psychiatre – se plaindre de ses enfants en racontant aussi sa propre histoire – séances durant lesquelles il était assis à jouer et on ne s’occupait pas de lui, qu’il a réalisé qu’elle avait des vrais problèmes, cette mère qui « déconnait » avec lui. A la psychologue, il racontait ses rêves parce qu’elle lui demandait s’il avait rêvé. Il rêvait beaucoup. Et puis, plus tard, il a décidé de trahir sa mère et ça a été une décision difficile. Il avait 13 ans. Les mesures de protection jusqu’alors imposées avaient surtout permis non de le protéger, mais assurer un espace où quelque chose s’est construit. L’au-delà de lui-même contenu dans sa révélation était sa mère, il fallait qu’il soit prêt à sa colère, à ses reproches, à la séparation physique avec elle. Aujourd’hui, il a une relation à sa subjectivité, il y a un sujet supposé savoir massivement consistant dans la relation de suivi psychologique que je poursuis avec lui dans un cadre d’accompagnement de jeune majeur par l’Aide Social à l’Enfance jusqu’à ses 21 ans. Peut-être s’en sortira-t-il ?
Des professionnels ont travaillé avec le jeune sujet dans son cas, mais aussi avec le sujet lointain —loin de lui en tout cas— qu’était sa mère. Il a organisé quelque chose de signifiant à partir de ces espaces, de ces temps consacrés et dédiés à la subjectivité dans lesquels il était accueilli.
Je trouve intéressant de voir comment l’accueil du sujet peut différer d’un professionnel à un autre, d’une structure ou d’un lieu à un autre. La psychanalyse et notamment la dimension du sujet que Lacan nous a permis d’appréhender nous ouvre vers des possibilités de pratiquer dans des contextes cliniques et des lieux variés. L’analyse de type cure sur le divan est-elle la modalité supérieure, noble, de ces expériences ? Pourquoi nous intéresse-t-elle autant ? Est-ce parce que nous sommes analysants, avons été et resterons analysants ? La fin de cure, pourquoi passionne-t-elle autant les psychanalystes ? On y retrouve le personnel – ma propre relation à l’inconscient – et la notion de transmission de la psychanalyse et donc l’avenir de la psychanalyse. Que l’on associe « lacaniennement » ou non analyse et devenir analyste, il faut faire une analyse pour devenir analyste.
En revenant à nos discussions de cartel sur le sujet enfant et la place des parents dans la consultation, les débats étaient redoublés de relations transférentielles aux théories. Ma propre place de théoriser la nécessité évidente et clinique de prendre en compte le développement qui avait été délaissée en psychanalyse car paraissant trop pris à une époque dans le médical, les processus de maturation de la métaphore comme l’exprime Robert, faisait aussi en quelque sorte de moi une héritière de la doctrine légitime de l’association par la place qu’y occupe Robert Levy. Que je ne réussissais pas à transmettre. Je regrette la suspension de nos débats et échanges. Peut-être ça nous demandait à tous trop de travail et nous en avions à la pelle par ailleurs. Ce qui peut signifier que cette doctrine en quelque sorte du père, on n’en veut pas ou on n’en veut rien savoir.
Mais je me souviens aussi que Robert n’a pas d’élèves, d’après son dire, les collègues qui se sont formés avec lui depuis de longues années, notamment en Espagne, il ne les a jamais considérés comme ses élèves.
Néanmoins, je trouve que son travail sur l’infantile touche à ce que lui-même évoquait voici quelques séminaires comme la fondation d’une nouvelle forme de discursivité. En fait, c’est que dans le cadre de la nouvelle discursivité arrivée dans le monde avec Lacan, qui est celle de pouvoir parler du sujet, de l’effet sujet dans le discours tenu, comme central à l’expérience analytique, que l’idée de rapprocher le développemental et la subjectivité est d’un apport précieux. Avec des articulations théoriques qui se prêtent à être discutées et critiquées et qui entament les compréhensions antérieures dont je me souviens personnellement, puisque j’ai vécu et travaillé avant la publication du travail de Robert.
Mais notre discussion et débat de cartel s’est heurté à de l’inanalysable. De mon côté, il s’agissait peut-être de la question d’accepter la place du sujet ou l’absence du sujet, c’est-à-dire avoir affaire à un sujet qui n’est pas là. Peut-être la question de la fin de cure, se heurte nécessairement au problème du sujet qui n’est pas là. Qui ne répond pas. Qui n’a pas répondu. L’enfant est resté longtemps pour moi un étranger inquiétant. Ce que je prenais et pensais théoriser pour ma pratique dans le travail de Robert, était-ce transmissible ? Jamais à AF il y a eu une attente d’être «élève de» mais par ailleurs inconsciemment sinon consciemment il est peut-être nécessaire de développer une défense de la doctrine ou contre la doctrine d’un maître. Les effets d’aliénation ne peuvent pas ne pas exister dans le transfert, base de l’expérience analytique individuelle et institutionnelle. Le devenir analyste, la qualité du travail mené tout au long de sa vie dépend de la déprise des aliénations et discours que l’on s’impose par amour par exemple, mais rien ne garantit de sortir de ces aliénations.
Est-ce que des élèves peuvent transmettre ? Dans le cas de Lacan, on doit bien constater que des élèves ont transmis et que leur qualité d’élèves, un temps de leur parcours, ne l’a pas empêché mais permis. Est-ce dû au fait que leur maître, en l’occurrence Lacan, était un fondateur de discursivité, dont le discours a donné une règle pour la formation de nouveaux discours ? Ceux-ci à leur tour créaient de nouvelles discursivités issues de cette nouvelle fondation. C’est pourquoi il est impossible de rejouer le jeu de maître et d’élève au niveau de ces discursivités déjà secondes. Même si quelque chose des positions en jeu agit toujours dans les identifications.
Mais pourquoi n’arrivons-nous pas à travailler, discuter, employer en en discutant l’outil conceptuel proposé par Robert Levy dans son travail sur l’infantile, c’est-à-dire en prenant en compte la temporalité singulière chez chaque enfant de la maturation de ses processus de métaphorisation ? Travailler avec la subjectivité des parents et avec celle de l’enfant, organiser la possibilité d’une élaboration autour de cette réalité clinique constituée par le symptôme de l’enfant faisant tenir quelque chose de l’ordre du sinthome, comme l’exprime Robert, pour l’un, l’autre ou les deux parents, de sorte que si une écoute est apportée aux parents à ce niveau, l’enfant peut délaisser son symptôme constitué en l’occurrence par du non-refoulement. Cette qualité du symptôme de l’enfant non comme formation de compromis d’un refoulement et d’un retour du refoulé mais comme un endroit de non refoulement faisant symptôme, si fréquent dans la clinique des petits enfants et même plus tard. Comme si une part du travail possible avec un enfant dépendait de la possibilité que soit désigné un endroit qui répond chez les parents à cette impossibilité de refouler de l’enfant qui fait symptôme.
Mais j’ai l’impression que ce jeu est à l’œuvre bien plus tard encore. Quand je regarde ma pratique avec une ado de 17 ans, je vois que je travaille en interrogeant un endroit où ça ne répond pas chez sa mère qui est pourtant tout à fait absente physiquement de la consultation. Cet endroit concerne un non-refoulement chez sa fille, un interdit en plein jour dans ses échanges avec son grand frère. Matérialisé par des échanges tactiles très poussés que la fille ressent comme consentis pour faire plaisir à son frère, caresses apparemment anodines, non directement sexualisées avec ce frère qui par ailleurs s’exhibe régulièrement nu devant elle. La jeune fille cherche à porter sa relation de transfert avec moi sur le terrain de demander pourquoi elle se lasse de tous ses petits amis avant qu’il y ait eu intimité. Ce serait un symptôme. Elle a déjà précédemment, coupé court à l’exhibition de son frère mais non sans avoir dû en parler à sa mère qui n’était pas officiellement au courant. A présent, elle explique qu’il lui est impossible de construire une intimité avec quelqu’un en dehors de son cercle familial proche: elle raconte les détails de ses histoires amoureuses à son frère ainsi qu’à son père et ses petits copains la lassent presque tout de suite. La pensée possible d’un symptôme fait de non-refoulement en rapport avec quelque chose qui semble tenir lieu de fantasme chez l’un ou l’autre parent me permet de travailler avec certains patients qui ne sont plus enfants. Un refoulement peut intervenir à condition d’interpeller cette jouissance-là chez les parents et une consultation analytique avec le patient adolescent ou jeune adulte est à même de lui permettre de le faire.
Dans l’un de nos derniers séminaires, une distinction était soulignée, par Robert Levy encore, entre la loi du signifiant et la loi juridique, la loi du seul signifiant régnant dans le transfert. Cependant la loi juridique est invoquée souvent par les analystes. Parfois dans un sens normatif, faisant alors de l’analyse une discipline dépendante d’une certaine forme d’organisation sociale. Faisant craindre alors, que cette organisation passant, la psychanalyse n’aurait plus sa place. C’est le risque si métaphore paternelle par exemple est associée à une normativité juridique et sociale concernant la famille construite d’abord sur un couple hétérosexuel dont les enfants sont issus.
Mais la normativité est bien forte et galopante de tout temps chez les analystes. Le juridique s’invite dans les transferts et peut perturber la logique du signifiant. Ou parfois aussi comme interprétation permettre son effectivité, son accueil enfin. Par exemple protéger un enfant pour pouvoir écouter un petit sujet libéré des lourds secrets de sa loyauté à ses maltraiteurs, des parents libérés peut-être eux aussi du fardeau de leur complicité ou mensonges. Tout n’est pas du côté du signifiant ou même si tout est du côté du signifiant, il n’est pas toujours accessible à un travail. Le juridique, c’est aussi les valeurs, les idéaux, ce que défend la loi. On ne peut pas s’en abstraire au nom de la psychanalyse et du signifiant ou alors il faut savoir ce qu’on fait et pouvoir en parler. Je pense que la question de la protection de l’enfant est un bon exemple de cette articulation et un bon exemple pour la psychanalyse confrontée à son époque, aux changements dans les idéaux.
Le désir de savoir est toujours du côté du signifiant. Il y a un moment où l’ignorance de ce qui nous mène n’est plus possible à ignorer entièrement. Pour ma part, je l’associe à la question de la jouissance féminine par le fait que des contextes phalliques différents, des références à différentes voix semblent impliquer des réalités différentes, difficiles à associer entre elles. Revient toujours quelque chose de la non réponse, de la voix qui ne parle plus et qui est difficile à attribuer. Mais pour ce qui concerne le pensable, rien n’est stable. Rien de ce qui s’ouvre reste sans se refermer un jour, me semble-t-il parfois.
J’ai lu un livre qui a très peu d’intérêt, donc je ne vous le conseille pas, je vous donne le titre, Rester freudien avec Lacan, de Danièle Brun. Elle était la femme de Conrad Stein mais elle ne le dit pas, son livre est consacré à des discussions houleuse, lors de séminaires fermés organisés par Lacan au cours de l’année 64-65, l’année de son séminaire L’objet de la psychanalyse, discussions, donc, de textes de Conrad Stein qui ont intéressé Lacan. J’ai commencé ce livre car son titre m’a intéressé, Rester freudien avec Lacan. Selon l’auteure, les lacaniens, convaincus que la lecture de Freud ne donnait pas les clés pour appréhender les ressorts de la psychose, ont véhiculé des effets qui ont accentué le schisme entre lacaniens et non lacaniens. Elle suggère que les lacaniens ont perdu ce que Lacan lui-même avait préconisé, un retour à Freud. Elle résume surtout le travail de Lacan à l’organisation d’un pouvoir et à l’intolérance de l’altérité dans la théorie. Conrad Stein, c’est là où l’histoire présente un certain intérêt, tenait la route en psychanalyse d’après Brun évidemment, mais aussi d’après Lacan. Lacan s’intéressait aux travaux de Stein et essayait de le faire entrer parmi ses élèves. En 64, Lacan a demandé à deux de ses élèves, Conté et Melman, de commenter des textes de Stein. Conté notamment l’a fait avec tact et subtilité. Lacan en parlera en termes de ce que lui, Lacan, a «fait dire à Conté». C’est une marque énonciative du rapport à l’élève. Il s‘agissait d’amener Stein sur le terrain du signifiant alors que celui-ci se situait en référence à l’appareil psychique, en introduisant certains éléments faisant immédiatement penser à l’enseignement de Lacan, tels que la parole, Stein parle du poids de la parole dans l’analyse, du pouvoir de la parole de l’analyste. Il a développé une théorie qui comportait une référence essentielle à la régression entendue dans un sens qui lui était propre, ainsi qu’à un «narcissisme primaire». L’enjeu et la fin de l’analyse étaient pour lui l’apprentissage de la frustration. Entre les deux, il situait une sorte de sujet qualifié de «ça parlant et écoutant» qui n’était ni le patient (il parlait de patients), ni l’analyste, mais ce qui se réalisait dans l’expérience spécifique d’effacement des limites induite par l’expérience psychanalytique.
La situation analytique, autre élément de référence pour lui, entrainait un état proche du rêve et une régression qui conduisait à cet effacement des limites permettant d’entendre dans le témoignage du patient «un sentiment de réparation de l’irréparable» (réparation cependant illusoire qui trouve une fin), de restauration d’un narcissisme révolu dans la jouissance en quelque sorte, un paradis perdu, mais dont il faudra sortir au prix de conflits et de frustrations. Si je me permets de résumer à ma façon ces quelques aspects des apports de Stein, c’est en reconnaissant que je reste tout à fait peu informée et très loin de toute érudition. Je vous recommande la lecture du chapitre intitulé l’«Espace analytique» à la fin de L’Enfant imaginaire, premier ouvrage complet de Stein publié en 1970 et à l’intérieur de celui-ci, le texte intitulé «la double rencontre». Ce texte se lit très bien et fait sentir que celui qui l’a écrit est un analyste. C’est là ce qui m’a intéressé. Aussi bébête que soit la prose de Danièle Brun quand elle ramène toutes les discussions vives du séminaire lacanien à un enjeu de pouvoir sur la psychanalyse, y compris l’étonnante crise de colère de Lacan dont nous avons heureusement une retranscription, le 22 juin 1965, accessible sur le site de l’Ecole Lacanienne de Psychanalyse, elle pose une question intéressante. Elle demande pourquoi un auteur, un psychanalyste qui théorise sa pratique et ça tient la route, ne serait pas un partenaire plutôt qu’un rival, un collègue et non quelqu’un qu’il faudrait forcer à reconnaître sa dette au fondateur de discursivité Lacan pour en faire son élève, alors même qu’il a fait sans doute des emprunts, mais il a reformé ce qu’il a retenu de Lacan dans un autre langage sans devenir lacanien. Tout en proposant quelque chose qui est reconnu comme psychanalyse en particulier par Lacan.
Danièle Brun dit qu’il s’agit d’un cas unique de débat entre Lacan et ses élèves et un psychanalyste non lacanien après les différentes scissions qui ont conduit Lacan à faire école, seul.
Au cours de ce séminaire du 22 juin 65, Lacan se met dans tous ses états. Il dit que la portée de tout son enseignement est suspendue à ce point théorique qui est discuté à ce moment-là. Il ne peut pas accepter qu’on parle comme le fait Stein d’effacement des limites entre l’analyste et l’analysant. Dans un petit texte percutant intitulé Stein chez Lacan, Lacan chez Stein: moments, accessible sur son site, Jean Allouch épingle la phrase essentielle que Lacan énonce lorsqu’il s’agit de mettre en jeu l’argument dernier qui l’oppose à Stein: «L’Autre n’est en aucun cas un lieu de félicité». Lacan ne peut pas accepter que des «notations phénoménologiques» qui désignent des phénomènes qui relèvent de l’imaginaire tiennent lieu de repères de structure et il ne peut pas accepter une gentillesse, une quelconque bonté de l’Autre. L’indignation de Lacan est irrépressible et même à postériori invisibilisée, d’après Brun, jusqu’à ce que la retranscription de ce séminaire soit trouvée ou retrouvée. Allouch tire la conclusion dans son sens. Pour lui, c’est évidemment l’amour mystique qui est insupportable à Lacan, mais il a dû par la suite de son cheminement y revenir et le laisser apparaitre tel que lui-même, Allouch, a identifié l’amour dans l’enseignement de Lacan.
J’ai eu pour ma part à la lecture de ce séminaire du 22 juin 65 l’impression que Lacan est plutôt indigné par une transgression. Il ne se défend pas d’une attaque de son pouvoir, ni d’une interprétation en avance sur lui-même, mais se bat contre l’idée d’un retour en arrière dans le matriciel, dans le maternel comme paradis perdu. Le grand Autre est barré, inaccessible à la connaissance du sujet sinon par l’objet a, « sa seule invention ». Le retour au paradis de Stein résonne avec un interdit, celui de retrouver la mère, de jouir de la mère.
Dans la lecture que j’en fais, Lacan rappelle l’interdit fondamental qui structure les vies humaines et fait vivre le désir. Son ignorance conduit aux déviations doctrinales qui font de la psychanalyse un outil de normation sociale au service du refoulement, au service des paresseux idéaux de bien être, sans plus de pouvoir interrogateur des conditions subjectives.Or celles-ci sont réalisées par des opérations psychiques provoquées par la rencontre avec l’interdit.
Cette interprétation personnelle du sens de l’indignation de Lacan en juin 65, se rapproche de ce qui fait peut-être tenir l’entreprise pour moi psychanalytique et donne sa cohérence à la pratique notamment avec l’enfant, l’interdit de jouir de la mère, motivant la première métaphore du sujet humain. J’en viens aux discussions fort intéressantes qui se sont déroulées dans les derniers séminaires d’AF en 2020. Un psychanalyste, disait R. Levy, si je me souviens bien, est obligatoirement responsable comme auteur puisque dans le cas de la psychanalyse, la théorie est issue de sa pratique directement. Donc, s’il a eu dans sa pratique des conduites contestables au regard de l’éthique qu’il ou elle reconnait comme sienne, son œuvre en porte inévitablement l’empreinte. Chercher l’erreur.
Lacan a séduit C. Millot ou s’est laissé séduire par elle, son analysante. Le monde analytique a ignoré. Ils paraissaient en public, comme couple, personne n’a dit un mot. 40 ans après, le même laps de temps que leur différence d’âge de l’époque, C. Millot a écrit La vie avec Lacan, sur leur histoire. C. Millot révèle-t-elle un secret parfaitement connu mais occulté, assez honteux et oppressant, l’histoire d’un inceste analytique? Elle dit que non. Cela suffit-il pour dire qu’en effet, il ne s’agissait pas de cela, pas d’une transgression au regard de la règle fondamentale de l’expérience analytique, celle de l’abstention de l’analyste quant à sa jouissance sexuelle ? Bien sûr que non. Pour ma part, je pense qu’il s’agissait bien de quelque chose de cet ordre. Ça n’était pas fait pour effrayer Lacan. On peut parler de transgression, c’est moins choquant qu’inceste qui renvoie à des histoires tellement sordides. J’ai moi aussi un peu honte d’énoncer de pareilles affirmations. J’ai écrit une note de lecture à l’époque, en 2016, dans AF Presse. Je me suis mise en colère dans ma lecture contre C. Millot car elle ne répondait pas à mes questions dans son texte. Qu’en était-il de son analyse ? Elle se borne à des notations succinctes, comme si cela ne regardait pas le lecteur et n’était pas le sujet du livre. Cela pourrait sembler justifié. Cela ne l’est pas à mon sens. Elle raconte la transgression de toute règle éthique par le fondateur de discursivité analytique qu’est Lacan, celui qui a lié pour toujours l’issue de l’analyse sur le divan avec la transmission et l’avenir de la psychanalyse, tout en laissant en suspens la question des effets de son analyse par rapport à la transmission de la psychanalyse en ce qui la concerne elle. La transmission, elle l’évoque, mais avec Lacan comme maître, comme enseignant. Elle ne rentre pas dans cette connexion. Et pourtant, elle a apporté une œuvre d’auteure passionnante, des apports particulièrement stimulants sur le mysticisme et sur la perversion. En plus d’être un auteur dont le texte, ce qui est rare chez les analystes, se lit comme une œuvre littéraire. Alors, est-ce que je suis jalouse de sa transgression, comme peut se le demander tout lecteur et lectrice de son petit livre? Comment je me sens concernée? Pourquoi ai-je envie de dire quelque chose? Comme si l’enjeu était de continuer à se taire ou pas sur cette histoire, y compris après qu’elle en ait parlé. Comme si, ne sachant qu’en faire, on préférait ignorer. Stein parait soudain bien rassurant. Il écrit dans La double rencontre: «…les séances du patient ont les meilleures chances de déboucher sur sa psychanalyse si elles sont pour son psychanalyste le lieu privilégié de poursuite de la sienne auquel cas il ne lui coute pas de renoncer à s’engager sur un autre terrain avec celui qui s’en remet à lui » (L’enfant imaginaire, Champs essais, Flammarion 2011, p 370)
Après avoir écrit ma note de lecture en 2016, un personnage qui était actif dans une école de psychanalyse lacanienne m’a contactée en me disant qu’il s’était intéressé à ce que j’avais écrit et me posait une question bizarre: comment je pouvais affirmer sans donner de référence que C. Millot avait écrit quelque part que l’enfant qu’elle désirait de Lacan n’était jamais né? En effet, je ne me souvenais pas où je l’avais lu. L’avais-je lu? Ce personnage m’a dit: tu sais que sans doute elle a lu ta note de lecture ? Et puis ensuite je n’ai plus jamais entendu parler de lui ou plutôt, il me relançait toujours, mais chaque fois que je lui proposais de nous rencontrer pour faire connaissance, il disparaissait. L’ignorance continue. Mais peut-on ouvrir les yeux ici? Robert Levy semble proposer de chercher chez Lacan, dans son œuvre, l’empreinte de son désir d’homme, de ses signifiants. Je propose de retenir dans cette discussion si animée, si houleuse, du 22 juin 1965, la phrase où Lacan parle de ce qui distingue la psychanalyse dans les sciences. «Ce qui nous différencie de n’importe quelle autre objectivation scientifique, c’est que pour l’objectiver, nous sommes forcés, nous et notre désir, de nous mettre dedans» et d’ajouter que «ce n’est pas une visée inatteignable que d’objectiver ce qu’il en est du désir humain en tant que psychanalyste», «en tant que quelqu’un ayant lui-même cette expérience du désir la fait intervenir dans le jeu même de l’investigation».
Lacan a passé ses dernières années à chercher obstinément, véritablement accaparé, comme le décrit Millot, essayant de trouver dans la topologie quelque chose de dernier, quelque chose qui objectiverait la psychanalyse et la rendrait palpable. Elle décrit l’homme Lacan en train de triturer ses ronds de ficelle et sortant lentement de son intérêt pour les autres. L’objet à saisir devait-il permettre à la psychanalyse d’être une nouvelle science ? Lacan qui a si énergiquement renvoyé la science et la médecine à leurs limites, n’a-t-il pas lui-même cherché la clé de la psychanalyse dans une trouvaille objective qu’on peut prendre dans la main, tout à fait comme le chercheur qui désire attraper un objet nouveau et palpable dans le réel de la science? Mais à la différence de la science et du scientifique qui sait ne prendre jamais qu’un morceau du réel dans le cadre de son objectivité, cette recherche de Lacan ne devait-il pas aboutir à dépasser les limites du savoir ?
Débat traduit de l’espagnol par le logiciel Deepl.
RL : un coup de pied à la psychanalyse comme idéal, un coup de pied à …. existe-t-il un cadre analytique sans sujet analytique ? Cette question se retrouve dans tout ce que vous avez commenté. Une question : concernant l’auteur, comment être auteur, je préfère vous demander comment être sujet ; on ne peut pas être analyste sans être sujet, ce qui ne veut pas dire qu’il faut nécessairement être auteur. Ce qu’il dit aussi sur l’élève est intéressant : l’élève est-il un sujet ? Et quand vous dites que les élèves de Lacan ont transmis quelque chose, oui, mais quoi ? Soit ils ont restitué quelque chose qui appartient à la théorie de Lacan, soit ils ont transmis quelque chose de leur être de sujets. Le sujet et l’auteur ne sont pas nécessairement superposables. La question des élèves est donc liée à : être élève, n’est-ce pas peut-être une question d’être élève ?
Vous allez trop loin dans vos questions, vous ne voulez toujours pas vous taire et un analyste est quelqu’un qui ne peut pas se taire et c’est pourquoi Catherine Millot apporte… enfin, comme vous le dites, elle ne donne aucune indication sur elle-même en tant qu’analyste. On peut s’interroger sur les effets produits par la théorie de Lacan… la contradiction qu’il y avait avec sa pratique. La normativité est posée sans fin ; être élève, c’est être dans la normativité d’un auteur et donc cela ne produit pas grand chose. C’est une forme d’aliénation même si elle peut être reconnue comme bonne pour tous les étudiants. C’est pourquoi je pense qu’on ne peut pas être psychanalyste si l’on est un élève. Ce qui est une position très solitaire pour un analyste, puisqu’il ne travaille pas avec un filtre d’étudiants. Je ne pense pas qu’un analyste puisse être fait avec des filtres.
Question de RL : pensez-vous qu’il y a une différence entre l’auteur et le sujet ? Je pense qu’ils ne sont pas dans la même temporalité. Je pense qu’on ne peut pas être analyste si on n’est pas un sujet, mais on ne peut pas non plus être analyste et être un auteur : ni la temporalité, ni le logos.
AK : Vous pouvez les rassembler en pensant que si vous êtes un analyste, vous pourrez parler d’une manière intéressante (rires). Pendant longtemps, j’ai travaillé en imaginant que d’une manière ou d’une autre, même en FA, la parenthèse vide pouvait être associée au fait que je pouvais être un sujet.
RL : avec la limite que vous indiquez par rapport à la question lacanienne des limites ou de l’absence de limites de Lacan qu’apporte C Millot. Différence entre devenir un sujet pour s’assurer quelque chose de son statut d’analyste, mais pour pouvoir ouvrir cette parenthèse où l’analyste attend de son analyste qu’il s’identifie.
VB : la subjectivité… Comment Lacan appelait-il le style ? Et à votre question, Robert : étudiant = sujet ? Dans le discours universitaire, le maître va produire ?
RL : il produira un sujet mais pas d’étudiants.
VB : donc je n’ai pas compris.
Radjou : un analyste est un producteur de discursivité, pas toujours, mais l’analyste est quelqu’un qui permet de produire quelque chose du discours de l’analyste dans une cure. En ce sens, n’y aurait-il pas quelque chose qui permettrait la discursivité ? Vous dites, R, l’analyste est nécessairement en position de sujet… de toute façon, dans le discours de l’analyste, c’est l’objet a qui est en position d’agent. C’est ce qui permet de transformer les discours et la subjectivité. Anna a évoqué le risque que le sujet se tourne vers une conception de l’IAP. Mais l’IPA est du côté du moi, pas du sujet. Il y a quelque chose chez l’étudiant… si nous allons dans le sens du discours universitaire, ce n’est pas la même chose que si nous le prenons du côté de s’élever, il est mis à contribution, activement et aussi passivement. L’objet d’une cure n’est-il pas de transmettre quelque chose ? Qu’arriverait-il à un étudiant s’il subvertissait quelque chose du discours universitaire ? Parce que le sujet où il se trouve en tant qu’agent est dans le discours hystérique. Lacan parle… Marguerite Duras…de cet étudiant Eduardo….
Retrouver le bar dans le grand Autre. Ce qui manquerait précisément dans l’Autre, c’est l’endroit où un sujet peut venir. Où l’Autre n’est pas tout UN. N’est-ce pas ce que vous essayez de transmettre dans un remède ?
RL : C’est ce que l’on a tenté de mettre en place dans l’AF. L’idée de transmission n’est pas celle de formation. Nous avons choisi de ne pas transmettre sous la forme d’un discours universitaire, ce qui est cohérent avec l’idée de ce qu’est ou n’est pas un étudiant dans la position d’un analyste. Il y aura sûrement d’autres façons de concevoir la transmission ? Ce qui est transmis et à partir de quels présupposés du sujet, c’est ce qui fait les différences dans le milieu lacanien. Dans le milieu freudien classique, ils ne sont pas dans la dimension du sujet mais de l’ego. Chez les Lacaniens, il n’y a pas de prêt à porter de ce qui serait un bon élève lacanien.
Radjou : Dumézil n’a pas opté pour une transmission généalogique. En Argentine, ils ont dit que Dumézil avait été formé par des Kleiniens et, même s’ils étaient lacaniens, ils connaissaient par cœur la théorie lacanienne, mais une partie de la transmission par le divan qui, selon Dumézil, n’avait pas « eu lieu ». Il y a un style, une façon de considérer la fin de l’analyse ou d’autres choses qui ne sont transmises que sur le divan.
RL : sauf que le divan ne garantit rien, pas même un divan lacanien. Nous avons vu comment dans le milieu lacanien, les gens qui sont passés par le divan lacanien n’ont toujours pas de mot libéré au sens où l’entend Anna.
FCrozat : ‘ai aimé que vous disiez que chez les enfants, il y a aussi une non-répression qui fait symptôme et qu’il faut voir si quelque chose réagit chez les parents…. sinon, ils sont enfermés… le symptôme est ailleurs et si les parents ne répondent pas, si les enfants ne trouvent pas de réponse à leur recherche familiale dans le fantôme des parents…
AK : Faites-vous le lien avec ce que Robert a dit dans son livre ?
FC : bien sûr que oui.
AK : il y a quelque temps, vous avez dit qu’une cure ne pouvait pas être entreprise avec les enfants si les parents…
Monique : le symptôme de l’enfant était souvent sinthome au niveau du couple parental, de l’un ou de l’autre. Avez-vous trahi votre pensée ?
RL : J’aime voir que cela a traversé tout le monde de manière différente.
Radjou : c’est la transmission.
Marga : la fonction de l’analyste, de l’auteur, de l’auteur est intrinsèque. J’étais intéressé par l’idée qu’on demande à l’adolescent de révéler quelque chose qui le dépasse, par exemple les garçons maltraités, la transgression, la honte, n’est-ce pas aussi ce qui se passe quand on s’autorise, quand on devient auteur ? Bien que cela ne signifie pas que nous soyons tous des créateurs de discursivité, un auteur serait-il celui qui peut révéler quelque chose qui va au-delà de lui-même et qui, à l’adolescence, signifie se séparer de ses parents ?
ICabetas : Je suis un Kleinien et un chercheur en santé mentale, j’ai dû beaucoup citer Lacan pour ne pas mélanger les choses et j’ai été très attiré par lui. Ce que je vais lire à partir d’ici, ce que vous dites sur le retour à Freud. Mais pour continuer avec vous, je dois en apprendre davantage sur Lacan. Comme le dit Vera, c’est une évolution continue et vivre, c’est apprendre.
JJValentin : J’ai fait partie du cartel qu’évoque Anna. Interpellé parce que c’était un cartel difficile. Votre texte est lumineux. Je me suis souvenu que pendant ce cartel, on disait souvent à Anna qu’elle n’était pas du tout comprise parce qu’elle tordait parfois les phrases en disant le sens à la fin, ce qui nous fatiguait beaucoup. Outre l’auteur, Anna utilise le terme « héritier » de l’association. Le texte donne un aperçu rétrospectif de ce cartel, mais je me demande si ma difficulté est de me sentir héritier de la transmission en AF en raison de la place de RL dans celle-ci.
RL : Anna a fait un passage au public de ce cartel.
Anna : nous n’étions pas d’accord tous les quatre et malgré tout, nous avons continué à travailler ensemble pendant un certain temps.
JJV : Vous avez parlé de l’inanalysable. Il m’a été difficile de comprendre ce que vous vouliez dire. L’enfant comme un étranger dérangeant. Il était difficile de traiter un sujet qui n’était pas là. La fin de la cure rencontre un sujet qui n’a pas répondu, je pense que vous parliez de l’enfant, mais peut-être pas seulement.
Anna : cela peut faire référence à la frustration du remède.
JJV : Je ne comprends pas.
RL : ce qu’Anna dit est clair. Tant qu’il y a un Autre en qui on croit et dont on attend réparation, l’analyse n’est pas terminée. La fin de l’analyse ne peut être envisagée que lorsque la place de l’Autre est remise en question. Pour se faire à l’idée qu’il n’y a rien à répondre.
Débat en espagnol :
RL : una patada al psicoanálisis como ideal, una patada a…. ¿hay un marco analítico sin sujeto analista? Esta pregunta está en todo lo que ha comentado. Una pregunta: en torno al autor, cómo ser autor, preferiría preguntarle cómo ser sujeto; no se puede ser analista sin ser sujeto, lo que no quiere decir que haya que ser autor forzosamente. Interesante lo que dice también del alumno: ¿es el alumno un sujeto? Y cuando dice que los alumnos de Lacan han transmitido algo, sí, pero ¿qué? O han restituido algo que pertenece a la teoría de Lacan, o han transmitido algo desde su ser de sujetos. Sujeto y autor no son superponibles forzosamente. Entonces la cuestión de los alumnos está ligada a: ser alumno ¿no es acaso
Usted va muy lejos en sus preguntas, usted sigue sin callarse y un analista es alguien que no puede callarse y por eso sobre lo que Catherine Millot aporta… finalmente, como usted dice, no da ninguna indicación de sí misma como analizante. Podemos preguntarnos de los efectos producidos por la teoría de Lacan… la contradicción que había con su práctica. La normatividad se plantea sin cesar; ser un alumno es estar en la normatividad de un autor y por eso no produce gran cosa. Es una forma de alienación incluso si ésta puede ser reconocida como buena para todos los alumnos. Por eso pienso que no se puede ser psicoanalista si se es alumno. Lo que es una posición de gran soledad para un analista en función, ya que no trabaja con un filtro de alumnado. No creo que un analista pueda hacerse con filtros.
Pregunta de RL: ¿piensa que hay diferencia entre autor y sujeto? Yo creo que no están en la misma temporalidad. Pienso que no se puede ser analista si no se es sujeto, pero ser analista y ser autor tampoco: ni temporalidad ni logos.
AK: Se los puede unir pensando que si se es analista se va a poder hablar de un modo interesante (risas). Mucho tiempo trabajé imaginando que de algún modo incluso en AF el paréntesis vacío podía ir asociado a que yo pudiera ser sujeto.
RL: con el límite que usted indica en relación con la cuestión lacaniana de los límites o el sin límites de Lacan que aporta C Millot. Diferencia entre hacerse sujeto para asegurar algo de su ser analista, pero para poder abrir ese paréntesis ahí donde el analizante espera que se identifique su analista.
VB: subjetividad… ¿lo que Lacan llamaba estilo? Y a tu pregunta, Robert: ¿alumno = sujeto? En discurso universitario, el amo va a producir…
RL: va a producir sujeto pero no alumnos.
VB: entonces no he entendido.
Radjou: un analista si es productor de discursividad, no siempre, pero el analista es alguien que permite que en una cura algo del discurso del analista se produzca. En ese sentido ¿no habría algo de permitir la discursividad? Dices, R, el analista está necesariamente en posición de sujeto… en todo caso, en el discurso del analista, el que está en posición de agente es el objeto a. Eso es lo que permite hacer girar los discursos y la subjetividad. Anna hablaba del riesgo de que el sujeto vire hacia una concepción de la IPA. Pero la IPA va del lado del yo (moi), no del sujeto. Hay algo en torno al alumno… si vamos en el sentido del discurso universitario no es igual que si lo tomamos por el lado de s’élever, se lever, activamente y también pasivamente. ¿Es que el objeto de una cura no es que algo se transmita? ¿Qué pasaría con un alumno si subvirtiera algo del discurso universitario? Porque el sujeto donde está como agente es en el discurso histérico. Lacan habla… Marguerite Duras… de ese alumno Eduardo….
Recuperar la barra en el gran Otro. Justamente lo que faltaría en el Otro es ahí donde un sujeto puede advenir. Donde el Otro no sea todo UNO. ¿No es eso lo que se trata de transmitir en una cura?
RL: Eso es lo que se ha intentado poner en marcha en AF. La idea de transmisión no es la de formar. Hemos elegido no transmitir en forma de discurso universitario, lo que es coherente con la idea que se hace de lo que es o no un alumno en posición de analista. Seguro que habrá otras formas de concebir la transmisión… Qué se transmite y a partir de qué presupuestos del sujeto, es lo que hace las diferencias en el medio lacaniano. En el medio freudiano clásico no están en la dimensión del sujeto sino del yo. En el lacaniano no hay prêt à porter de lo que sería un buen alumno lacaniano.
Radjou: Dumézil no iba por una transmisión genealógica. En Argentina decían que Dumézil había sido formados por kleinianos y, aunque fueran lacanianos, conocían la teoría lacaniana de memoria, pero algo de la transmisión por el diván que decía Dumézil que no había ‘pasado’. Hay un estilo, un modo de considerar el fin de análisis u otras cosas que sólo se transmiten en el diván.
RL: salvo que el diván no garantiza nada, ni siquiera uno lacaniano. Hemos visto cómo en el medio lacaniano, gente pasada por el diván lacaniano, siguen sin tener una palabra liberada en el sentido en que Anna lo evoca.
FCrozat: Me ha gustado que dijeras que en los niños hay también una no represión que hace síntoma y hay que ver si en los padres algo responde… si no, se los encierra… el síntoma está en otro lado y si los padres no responden, si los niños no pueden encontrar una respuesta a su búsqueda familiar en el fantasma de los padres…
AK: ¿lo conectas con lo que Robert ha dicho en su libro?
FC: claro que sí.
AK: Hace tiempo dijiste que no se podía emprender una cura con niños si los padres…
Monique: el síntoma del niño era a menudo sinthome a nivel de la pareja parental, de uno u otro. ¿Traiciono su pensamiento, Robert?
RL: me gusta ver que eso ha pasado a través de cada uno de un modo distinto.
Radjou: esa es la transmisión.
Marga: función de analista, la autoría, autorizarse es intrínseco a ella. Me interesó la idea de que al adolescente se le pide que revele algo más allá de sí mismo, ej. los chicos abusados, transgresión, vergüenza, ¿no es esto tb lo que ocurre cuando uno se autoriza, cuando se convierte en autor? Aunque no quiere decir que todos seamos creadores de discursividad. ¿Sería autor aquel que puede revelar algo que va más allá de sí mismo y que en la adolescencia supone separarse de los padres?
ICabetas: Yo soy kleiniana e investigadora en Salud Mental, he tenido que citar mucho a Lacan para no mezclar y me ha atraído mucho. Lo que voy a leer a partir de aquí, lo que dices de un retorno a Freud. Pero para seguir con vosotros tengo que aprender más Lacan. Como dice Vera, es una evolución continua y vivir es aprender.
JJValentin: yo formé parte del cártel que evoca Anna. Interpelado porque fue un cártel difícil. Tu texto es luminoso. He recordado que durante ese cártel se le decía frecuentemente a Anna que no se la comprendía nada porque a veces tuerce las frases al decir al final el sentido, lo que nos fatigaba mucho. Aparte del autor, un término que usa Anna es ‘heredero’ de la Asociación. El texto da brillo a ese cártel retrospectivamente, pero me pregunto si mi dificultad es sentirme heredero de la transmisión en AF por el lugar que ocupa RL en ella.
RL: Anna ha hecho un pasaje al público de ese cártel.
Anna: no estábamos de acuerdo los cuatro y a pesar de todo nos mantuvimos un tiempo trabajando juntos.
JJV: hablaste de lo inanalizable. A mí me costaba captar lo que querías decir. Niño como extraño inquietante. Dificultad era hacérselas con un sujeto que no estaba ahí. El fin de cura se topa con un sujeto que no ha respondido, creo que hablabas del niño, pero quizá no sólo.
Anna: puede remitir a la frustración en la cura.
JJV: No lo entiendo.
RL: está claro lo que dice Anna. Mientras haya un Otro en el que se crea y del que se espera reparación, el análisis no está terminado. El fin de análisis sólo se puede considerar cuando se cuestiona el lugar del Otro. Hacerse a la idea de que ahí no hay nada que responda.