Et si c ’était la haine (religieuse) qui ait inédite. Léandro de Lajonquiere. 28/09/19
Et si c ’était la haine (religieuse) qui ait inédite.
Léandro de Lajonquiere. 28/09/19
Congrès AF 2019
Merci à Joëlle Toubiana, car elle nous envoie l’enregistrement de la pluralité de voix du séminaire de Robert Lévy, qui contribue à la création d’une nouvelle discursivité à partir de Freud, Lacan et quelques autres, car c’est à propos de ces voix enregistrées, ces accents, que nous pouvons faire un travail textuel qui nourrit les liens au-delà des mers/mères, des territoires et des pairs-pères.
Merci à Léandro avec qui, pour la deuxième année consécutive, je suis heureux de partager une réflexion en cours.
Déjà l’année dernière, Leandro était interrogé par l’histoire et ses temporalités; cette histoire « en souffrance », qui pousse et se répète, toujours actuel et qui attend un destinataire transferentiel, qui peuve y lire quelque chose de cet insu-portable. Robert nous a également rappelé l’année dernière que ce qui se répète, c’est parce qu’il n’a pas pu s’inscrire en raison de la dimension du réel dont il est vecteur; que l’inconscient est discontinuité, «béance par où la névrose se noue avec le réel; vide de la cause où Freud trouve quelque chose de l’ordre du non-réalisé qu’ aspire à être réalisé», pris dans une joussance sans fin; inconscient qui se révèle par l’élucubration d’un savoir symbolique et le savoir sur la joussence qui l’anime.
Cette année, Leandro nous rappelle l’histoire de la barbarie de l’humanité à travers laquelle la violence est toujours présent, affirmant que la haine pouvait cependant être inscrit à une époque de l’histoire qui coïncide avec l’invention du monothéisme, inédit jusqu’ à ce moment. Pour cela, il se plonge dans le Moïse dont Freud fit sa lecture que constitue un retour renouvelé à celui qui, dans sa discontinuité, se répète pour Freud lui-même, en ce qui concerne la question du père et de ses trous, ses vides, cause du désir d’une psychanalyse laique, bien que, comme le dit Lacan, Freud n’arrive à s’éloigner pleinement de la religion à travers de l’amour du père présent dans la première identification. Si, comme vous le dites, chaque élément psychique est un produit soumis à la temporalité discursive, thèse valable autant pour ladite histoire de l’humanité que pour l’émergence du sujet de l’inconsciente, dans quelle mesure pouvons-nous rester freudiens et ne pas aller à ce que Lacan appelle le moulin des discours, sachant qu’il n’y a pas de haine ou au-delà de la haine sans discours qui le soutienne, discours qui vocifère avec la frérocité du surmoi et qui a leurs porte-parole, exécuteurs et bureaucrates qui obeissent. Pourquoi ne pas aller à l’éthique, pour faire la contre au débat actuel sur les religions et les discours qu’elles génèrent?. Nous pouvons reconnaître un point commun entre la discontinuité de l’inconscient et la question toujours perdue des origines: origines du monothéisme, origines du Père (Urvater), origine de la haine du père assassiné, origine du refoulement (Urverdrängung),là où le savoir se heurte au réel et se structure, comme dit Lacan, dans le support mythique de certaines sociétés; mythes auxquels Freud recourt avec Œdipe, le père de la Horde et Moïse. Lacan souligne deux paradoxes, l’un qui lie le père, tout amour, à la religion et l’autre qui le lie au maître des jouissances, alors qu’il possède toutes les femmes quand il ne lui en arrive même pas une. Quel est le lien entre Œdipe , le père de la Horde et Moïse, se demande Lacan ?. Les mythes sont le rêve de Freud, qui révèle le meurtre du père d’une part et la féminisation du père de l’autre, et que Lacan relance avec les formules de la sexuation.Lacan rappelle que la référence freudienne ne peut être sérieusement abordée sans faire intervenir, au-delà du meurtre et de la jouissance, la dimension de la vérité en jeu qui ne peut que se mi-dire et que le mythe incarne. L’importance du déni de la mort du père dans le monothéisme juif qui articule le désir au symbolique et permet à Freud de souligner que le père ne soit jamais ce que nous pensons, s’ouvrira aux versions du père, aux Noms du Père avec Lacan, qui souligne l’importance du Père réel en tant qu’agent de la castration. Lacan ajoute que dans la mort du père semble être la clé de ce qui est énoncé et pas seulement en termes mythiques, mais dans tout ce que la psychanalyse soutient et ajoute que le but extrême de la psychanalyse est l’athéisme à condition de donner au « Dieu est mort » le sens de « rien n’est plus permis ». Il ne vous semble pas que pour comprendre la déchirure de l’émergence du monothéisme juif dans la subjectivité antique, il serait nécessaire de révéler le déni du féminin, parce que, comme vous le dites, la haine des Juifs et la haine des femmes vont de pair et ne peuvent pas être confondues avec le narcissisme de petites différences ni avec le mépris raciste, bien qu’il y ait un plus-de-jouir dans chacune d’elles. Par ailleurs, les femmes font partie de la communauté des frères et ne sont pas seulement des objets d’échange, pourtant la promotion de l’universel dans le monothéisme laisse de côté les versions du féminin, et c’est pour ça que Lacan dit que «les femmes auront quelque chose à dire. Il me semble que si nous prenons l’ inedit de la haine dans son côté ne-dit, et le mettons en résonance avec le maudit/mot dit réel sexuel dont parle Lacan à télévision et avec le déni du réel de la mort, nous reconnaîtrions les vérités indomptables dont Radjou a parlé, qui ne cessent jamais de s’écrire, d’être dites ou pensées et résonnent dans le moulin formé par les 3 intersections du nœud borroméen, produisant des excès, à l’ombre de la jouissance phallique, d’une autre jouissance ou de la jouissance de l’Autre; jouissance supplémentaire ou jouissance que si elle existait, il ne devrait pas; jouissance auquelle, du côté gauche des formules de sexuation on veut l’appliquer la solution finale, mais du côté droit, pas-toutes soumises à la castration, pas-toutes phalliques, permet, sans crainte de l’ouverture , explorer d’autres manières, non religieuses, de « faire avec le vide » dans une communauté plurielle ouverte à tous les métissages et non en masse. Si nous écrivons hainamoration comme « Amo-dio », si le stade du miroir nous permet, comme vous le dites, de sortir de l’indifférencié, dans la mesure où il s’ouvre à l’intervalle incontournable entre l’amour, la haine et l’indifférence en tant que passions de l’être, il vous semble qu’on pourrait penser à un passage possible de «l’Amo-dio » au No-todio?, qui nous permettrait de penser à un amour qui ne passe pas par le Maître, par la logique ségrégationiste de l’ universel (côté gauche du tableau de la sexuation) par les discours d’amour, mais qu’il reste ouvert à la pluralité des amours, des langues et des cultures, un par un? Peut-être pourrions nous explorer par cette voie cet « vrai amour qui débouche sur la haine», dont parle Lacan à la fin du séminaire 20. En ce qui concerne la psychanalyse et la démocratie, nous pourrions nous demander s’ils font un bon ménage, à la lumière, par exemple, de la création du réseau « Zedig »; Ce qui est clair, c’est que cela nous engage à repenser la politique et l’éthique de la psychanalyse afin de ne pas être ségrégués ni consommés par le discours dominant. En ce sens, au-delà des monothéismes, des vérités politiques, religieuses ou scientifiques uniques qui suscitent des passions, un territoire «sans Dieu» s’ouvre, qualifié par Lacan de «pas-tout» qui permet des possibilités d’invention qui ne passent pas pour l’universel, dans son visage idéal ou féroce et laisse vivre la dimension de l’altérité.