Jacquemine Latham koenig "L'éducation comme semblant"

L’éducation comme semblant, Travail dans un hopital de jour pour adolescent.

Analyse Freudienne, dont je suis membre, m’a demandé d’intervenir lors de cette table ronde. Même si j’ai quitté l’institution où je travaillais, d’abord comme psychologue, puis comme directrice, depuis plus de 7 ans. Il peut être en effet intéressant pour vous que j’essaie de transmettre quelque chose de l’élaboration que nous avions mise au travail pendant une quarantaine d’années. D’autant plus sans doute qu’il semblerait que cette théorisation à la fois psychanalytique et inspirée de la psychothérapie institutionnelle n’ait plus cours dans ce lieu aujourd’hui. Ou disons que cette théorisation a perdu de sa rigueur même si quelques psychanalystes y travaillent encore.
Il s’agit en fait d’une génération en France qui a beaucoup inventé, innové dans la mouvance de Lacan, de Dolto mais aussi de Oury, Guattari et quelques autres, tenants de la psychothérapie institutionnelle.

Aujourd’hui on ne peut plus créer des institutions de ce type, et l’évaluation, la sécurité et les lois “protectrices” de la jeunesse, tout comme le DSM sont passés par là et le vif du traitement des adolescents en a pris un coup.
Alors de quoi s’agit-il?
C’est donc un hopital de jour pour adolescents souffrant de troubles psychiques, âgés de 13 à 20 ans et disant qu’ils veulent poursuivre leurs études secondaires. C’était cela l’indication : qu’ils disent vouloir poursuivre leurs études secondaires, malgré leurs difficultés. Il fallait ces deux dires: je veux poursuivre mes études ET je suis en difficulté.
Alors quel dispositif accueillait cette parole, sachant que les choses ne se posaient pas tout à fait de la même manière selon que les adolescents avaient moins de 16 ans puisque l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans. Chez les plus jeunes la dénégation des difficultés était plus souvent présente à l’entrée.
L’établissement, qui propose une scolarité en petits groupes (l’institution est agréée pour 54 adolescents) de la cinquième(2ème année de secondaire) à la terminale, (année du baccalauréat).
Mais le personnel n’est composé que de psychiatres et de psychologues, 4 psychiatres et 18 psychologues tous au moins en cure analytique à l’époque, ainsi que 2 rééducatrices/orthophonistes en mathématiques et français.
Ce sont donc les psychologues, possédant une formation adéquate par ailleurs, qui assurent les cours.
Comment est-ce possible, me direz-vous, de tout mélanger?
Nous ne mélangions pas, justement.
Une équipe d’admission est désignée au hasard des disponibilités des professionnels, elle est composée d’un psychiatre et d’un psychologue, et reçoit chaque adolescent et sa famille. Cette équipe est constituée en fonction du niveau scolaire de l’adolescent, afin que le psychologue de l’admission n’assure pas les cours de la classe de l’adolescent qui demande l’admission. C’est le seul critère pour constituer l’équipe d’admission.
Donc ce binôme reçoit l’adolescent et sa famille, puis l’adolescent tout seul, puis prononce-ou pas-l’admission selon que l’un ou l’autre aura pu entendre une demande (demande manifeste pour l’instant) de l’adolescent. Avant de prendre la décision, les deux protagonistes de l’équipe en parlent entre eux, et s’ils pensent que peut-être quelque chose d’un travail est possible, proposent à l’adolescent une journée d’essai. L’équipe revoit ensuite l’adolescent et c’est lui l’adolescent qui décide s’il veut venir dans ce lieu. Il lui est alors précisé que c’est pour le temps qu’il faudra, mais que la sortie se fera dès qu’elle sera possible et envisagée communément.
Dès l’entrée, la sortie est envisagée.
Les deux membres de cette équipe d’admission seront les interlocuteurs privilégiés de l’adolescent pendant son séjour. S’il y a des problèmes dans l’institution, de quelqu’ordre que ce soit, c’est à son équipe d’admission que l’adolescent doit s’adresser. Il est invité à dire ce qu’il fait et à faire ce qu’il dit. La relation avec l’équipe d’admission s’instaure donc sous le signe d’un transfert. Transfert d’abord des membres de l’équipe avec l’institution, de chacun des deux membres réciproquement, mais surtout d’un ou des deux membres de l’équipe vers l’adolescent. Pour ouvrir la possibilité du transfert de l’adolescent, certes vers l’institution (transfert qui est là très vite)mais aussi, au mieux, envers l’équipe d’admission et travailler à ce qu’une demande puisse s’adresser à l’un des deux. Dans ce cas, l’autre travaillera avec la famille ou prendra en charge le traitement médical.
Certains adolescents en resteront au transfert sur l’institution. Selon leur structure, selon la relation transférentielle des protagonistes, mais aussi selon les relations dans l’institution.
Justement, Freud, quand il parle de l’institution note que c’est là que le transfert se joue le plus intensément, mais comme c’est là aussi qu’il est le plus méconnu, il s’y joue sur le mode de la jouissance.
D’où le pari que nous avons fait que ce soit des psychologues analystes/ analysants qui assurent les cours et les nombreux ateliers artistiques et culturels que nous proposons.
Le transfert n’y est pas méconnu et donc le sujet est pris en compte.
Compte tenu du dispositif mis en place, les adultes de l’institution peuvent manier ce transfert en fonction du dispositif. L’idée étant d’ouvrir à l’adolescent la possibilité d’adresser sa parole à l’un de ceux qui l’ont accueilli.
Cela peut d’autant mieux se travailler que chacun des psychologues qui assure cours ou ateliers fait aussi partie d’une équipe d’admission pour des adolescents qu’il n’a pas en cours. L’aspect rivalité tend à se réduire par rapport à d’autres lieux où il y a division du travail.
C’est pourquoi il est important que chacun ait à mener son propre travail analytique.
J’ajoute que la direction de l’établissement était (et helas n’est plus) assurée par un psychiatre et un psychologue, comme les équipes d’admission. Et qui étaient tous deux analystes. J’étais directrice et le Dr Patrick Delaroche médecin directeur.
Des réunions de synthèse régulières à propos de chaque adolescent permettent de travailler cette question du transfert et d’échanger sur la clinique de l’adolescent.
Aujourd’hui les choses ont bien changé: la double direction clinique a disparu, l’exigence d’être en cure n’est plus, je crois,de mise à l’embauche. L’obligation d’évaluation a conduit à une règlementation telle que la prise de risque qui était notre quotidien n’est plus possible. Ainsi, il n’est plus possible, comme il nous arrivait de le faire, de renvoyer dans la journée un adolescent chez lui, ce qui servait parfois à l’arrêter dans sa jouissance et à faire interprétation par exemple.
Les parents sont aussi aujourd’hui bien plus intervenants dans la vie de l’institution, alors qu’avant, ils n’avaient pas le droit de venir à loisir dans le lieu de leur enfant, sauf s’ils avaient rendez-vous.
Une des conséquences de cette évolution (parallèle à celle de la dévalorisation des institutions (au nom du droit à la prise en charge de tous à l’école) est que seuls les plus rejetés du système scolaire se retrouvent en hôpital de jour: beaucoup moins de plus grands, beaucoup moins de bons scolairement, alors que le travail avec ceux-là a été très bénéfique au fil des années. Je vous rappelle qu’aujourd’hui plus de 80% des élèves ont le bac, ce qui fait que cet examen a été dévalorisé.
J’attire juste votre attention sur le fait que seuls les symptômes lourds de la psychose infantile sont pris en compte pour adresser dans les institutions de soins et que par ailleurs l’enseignement est fait souvent au rabais.
Je vous invite à en discuter.

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