Le suicide: des manuels de psychiatrie à l´ecoute psychanalytique Maurício Eugênio Maliska. Convergencia, Reims 2017

Le suicide: des manuels de psychiatrie à l´ecoute psychanalytique

Maurício Eugênio Maliska[1]

Convergencia, Reims 2017

 

En considérant le thème de la convocation de ce Colloque, il est venu à moi la possibilité de travailler quelques questions à propos du suicide. Mon désir de travailler sur ce sujet a été réveillé à partir de quelques expériences cliniques avec une certaine position que certains analysants faissaient vers le suicide. Le désir d’approfondir cette question a été augmenté quand je suis tombé sur les Manuels de Prévention du Suicide, destinés aux Professionnels de la Santé sous la direction de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2000) et du Ministère de la Santé du Brésil (BRASIl, 2006), inscrit dans le cadre des actions de la Stratégie Nationale pour la Prévention du Suicide. Les Manuels en question ont un contenu très similaire, puisque ce du Ministère de la Santé du Brésil a été établi à partir de ceux de l’OMS.

De quoi traitent-ils ces manuels ? On peut résumer, d´une manière générale, qu’il s’agit d’une tentative d’instrumentaliser les professionnels de santé (médecins, infirmières, physiothérapeutes et d’autres professionnels, y compris principalement ceux de la santé mentale, les psychiatres et les psychologues) par rapport à des facteurs de risque de suicide et les actions possibles à réaliser pendant la prise-en-charge. Le terme « instrumentaliser » est mis en évidence dans notre texte précisément parce que ici commence le grotesque de la question. Comment équiper les professionnels sous la forme d’un manuel en face d’une themátique très complexe et délicat du point de vue psychologique comme celui-lá ? De plus, le langage utilisé ne fuit pas au genre dans un manuel, c’est à dire, un langage directive, prescriptive, normative, programmatique, positiviste et, essentiellement, préventive, envisagent le suicide comme quelque chose qui peut être prévenue, au mode des plusieurs autres pathologies d’origine somatique inscrits dans le cadre de la prévention.

La première partie des Manuels est consacrée aux facteurs de risque, ils sont les suivants: 1) les facteurs psychiatriques et psychologiques: Troubles (mental, d’humeur, du comportement, de l’anxiété et de la personnalité); Schizophrénie, la Toxicomanie, et les États Mentaux, comme l’impulsivité , la raideur et l’ambivalence. Ils sont considerés encore les facteurs de risque: 2) Socio-démographiques (sexe, âge, état matrimonial etc) et 3) les Facteurs environnementaux (facilité de la méthode, l’exposition au suicide et les tentatives précédentes). Dans la seconde partie du Manuel, ils sont présentées les stratégies pour la prise-en-charge du paciente qui a fait une tentative de suicide. Dans ce moment, nous lisons un défilé d’exigences normatives et réglementaires ; par exemple: «Écoutez avec cordialité; Traitez-les avec respect, L’écoute attentivement, calmement; Comprendre les sentiments de la personne (l’empathie); Donne des messages non verbaux de l’empathie et de respect” (BRASIL, 2006, p. 56). Le manuel fournit également des suggestions des questions que le professionnel peut poser au patient. Ces questions sont doté d’une caracteristique naïf et anti-discursive de la manifestation consciente: «Vous sentez-vous triste ?” (P. 58) ou «Vous avez fait un plan pour mettre fin à votre vie ? “(p. 59).

Ce que dit notre psychanalyse à ce sujet ? D’abord, je confesse à vous que j’ai fait un lapsus à deux reprises en écrivant ce texte. Après avoir étudié attentivement les Manuels, j’ai écrit : Manuel de Prévention du Sujet au lieu de Manuel de Prévention du Suicide, comment c’estait mon «intention». Le lapsus est la bienvenue, car en général, le sujet est prévenu dans le Manuels, à la mesure où il est considéré comme l’objet d’un manuel, de la même façon dont nous traitons le manuel da la télévision, appareils ménagers, de la voiture, de la machine à laver etc.

On peut dire que le suicide cause une incognita, un énigme qui provoque quelque vacuité de sens, un silence qui n’entre pas dans l’ordre (du) signifiant et qui épuise les possibilités de signification. Peut-être, c’est pour cela qu’il est pris, dans le Manuel, de manière trop insignifiante, et ça ne veut pas que dire sans importance, mais aussi sans un signifiant qui représent le sujet pour un autre signifiant. Il y a, dans le Manuel, un évidement du signifiant et aussi du sujet qui pourrait être lá représenté. Dans ce sens, chez Lacan (2005), le suicide vient dans un moment logique où il n’y a plus de parole, où il n’y a plus de signifiant pour égayer la souffrance ou pour mettre dans le registre Symbolique l’angoisse qui est dans le Réel.

Le suicide est un passage à l’acte, et ce terme désigne un moment logique de fonctionnement subjectif qui se caractérise par une cessation de la parole et, au lieu du dire, il vient un acte qui pointe vers une rupture radicale. Pour Lacan (2005, p. 130), « Cette direction d’évasion de la scène, c’est ce qui nous permet de reconnaître, et, vous ver­rez, de le distinguer de ce quelque chose de tout autre qui est l’acting-out, le passage à l’acte dans sa valeur propre ». Échapper de la scène est considéré comme hors de la scène. Quitter définitivament la scène de la vie, c’est ce qui fait le sujet suicide, car il ne met pas en scène quelque chose et dès ce lieu mettre les signifiants qui puissent faire sens, les signifiants qui puissent fonctionner soit sur ​​la scène, soit sur le sujet lui-même.

Le passage à l’acte, selon Lacan (2005), montre précisément la sortie de la scène, qui met un terme. En ce sens, le suicide est un acte qui est différent d’un lapsus, par exemple, parce qu’il n’a rien de l´échec, c´est un acte de succès, qui produit un succès, du point de vue de la mise en œuvre. Il ne vacille pas, il ne oscille pas, il ne suscite pas la pluralité des significations que peut évoquer un lapsus ; en revanche, apporte un non-sens. Cela peut même être vérifié memê empiriquement, car lorsque les gens sont devant un acte de suicide, ils essaient de dire quelque chose, de formuler des hypothèses, de mettre de sens à ce réel que fait la forclusion[2] de tout sens. Chez Harari (2002, p. 89) : “Le réel a une a-version complète du sens”.

Dans le lapsus, il y a un signifiant qui génére une interprétation, car il est un dérivé ou une formation de l’inconscient ; dans le passage à l’acte, il n’y a pas un signifiant que génère une interprétation, mais un acte qui ne derive pas d’une formation de l’inconscient, c’est-à-dire, l’acte n’est pas dans une chaîne signifiante, dans laquelle un signifiant glisse métonymiquement sur un autre signifiant. Par le fait qu´il n´est pas un lapsus, il ne montre pas la division du sujet par la castration. Être manqué c´est être dans le champs du langage qui constitue le sujet. Par le fait qu’il est dans le domaine du langage, le lapsus est soumis à des illusions, à des déceptions, aux échecs de la langue qui montrent son incomplétude ; l’opacité qui le produit.

Pour Lacan (2005, p. 136) « tout ce qui est acting out est ​​l´opposé du passage à l’acte. » Cela signifie que le passage à l’acte est quelque chose complètement différent du acting out. Passage à l’acte est un terme lacanien, et acting out ​​est désigné par Freud (1914) comme un acte symptomatique ; au lieu que le sujet se rappelle et élabore un certain contenu psychique, il répète en acte pour l’analyste.

En ce sens, « L’acting out demande une interprétation, il n’est pas un acte qui se ferme en soi, mais il cherche une ouverture, il demande sens. «L’acting out est, essentiellement, quelque chose qui se montre dans la conduite du sujet. L’accent démonstrative de l’acting out, son orientation à l’Autre, doit être mis en évidence. » (Lacan, 2005, p. 137). Dans l’ acting out, le sujet acte sur la «scène» ; et être sur ​​la scène est un acte à un niveau hautement symbolique et qui demande d´être saisi par le sens. Un acte dont « plus scandaleuse est sa publicité, plus s’accentue sa conduite» (Lacan, 2005, 137). Le sujet, dans l’ acting out, fait comme une pièce de théâtre, à la différence du passage à l’acte dans lequel il quitte la scène. L’acting out doit impliquer l’analyste en ce sens qu’il s’adresse à lui.

La passage à l’acte, dans le suicide, se passe au cause du sujet être fortement identifié à l’objet a, de sorte qu’il ne perd pas l’objet, comme une façon de se constituer, mais il se perd, comme si lui-même avait été l’objet, et dans cette condition, il doit se laisser tomber[3], se laisser jetter, se laisser pendre, se laisser mourir. Chez Lacan (2005, p.125), le passage à l’acte est une “identification absolue du sujet avec [l’objet] a lequel il se réduit. »

L’objet petit a lacanien a un rôle unique dans le passage à l’acte, puisqu’il représente cet objet auquel le sujet s’identifié et c’est avec cet objet qu’il est intimement lié. Être identifié avec l’objet représente un effacement de la position du sujet, c’est-à-dire, le sujet est obscurci par l’ombre de l’objet, étant l’objet. Ce qui apparaît, à ce point, n’est pas le sujet castré, divisé, de quelque manière, par le manque ; mais la tentative de rien manquer, d’être l’objet qui viendra compléter le manque de l’Autre. L’acte suicide est exact porquoi le sujet n’occupe pas une position de sujet. C’est un acte bien réussi, car il ne manque pas, et sans succès, pour le sujet, car il perd la vie.

La position de l’objet qui essaye de compléter la manque de l’Autre montre comment le sujet est identifié à cette position et comment il quitte le lieu de l’objet, dans une jouissance en être cet objet à l’Autre. Une jouissance mortifère, car il se présente comme un objet pour la jouissance de l’Autre et cela est la mort du sujet. Nous savons que le sujet ne cherche pas la mort, son narcissisme ne permettrait pas cela, mais il cherche à tuer cet Autre que l’habite et devant lequelle il se tient comme un objet de juissance.

La Direction de la Cure, alors, semble être d’essayer de faire une manque pour l´émergence du sujet du désir et cela marque une direction complètement opposée à celle des Manuels, dans laquelle il empêche le sujet, dans la mesure où il est considéré comme un objet de la manipulation, de l’instrumentation, soulignant en plus la condition d’objet dans laquelle il est complètement immergé. Le déménagement de l’analyse est autre, il s’agit de faire certains coupe pour que le désir puisse le rétirer de cette condition. Il s’agit d’introduire dans une certaine mesure, la pulsion de mort comme celle qui procédera à des réductions, la désunion, la rupture, l’analyse, en ce que la pulsion de vie se joint à la façon totalisante. La «mort» pour la psychanalyse n’est pas empirique, mais le signifiant de la castration, et il est nécessaire de la présenter comme une pulsion de mort pour ce destin funèbre ne devient pas un acte. Harari a dit (2003, p 59.): «[…] Pour obtenir la mort par suicide, la pulsion de vie doit se séparer de sa face « mort ».

Enfin, dans la psychanalyse, il s’agit d’une autre Episteme, le suicide est analysé dans son imbrication avec la jouissance d’une pulsion de vie pure, visant à transformer cette jouissance mortifère pour un jouissance productif, où est la condition quitter l’objetalization totalisante pour l’assomption du sujet du désir. Et pour cela, nous ne pouvons pas concevoir une forme normative, programmatique et préventive, comme si le sujet pourrait être Manualseado comme une marchandise pour être achetée dans le marché de la jouissance.

 

 

Références

 

BRASIL. Ministério da Saúde. Prevenção do Suicídio: um manual dirigido a profissionais das equipes de saúde mental, Brasília, 10 out. 2006. Disponível em: http://bvsms.saude.gov.br/bvs/publicacoes/manual_editoracao.pdf. Acesso em: 02 nov. 2012.

 

FREUD, S. Recordar, repetir e elaborar (novas recomendações sobre a Técnica da Psicanálise II) (1914). Edição Standard Brasileira das Obras Psicológicas Completas de Sigmund Freud. Vol. XII. Rio de Janeiro: Imago, 1996.

 

________. A psicogênese de um caso de homossexualismo numa mulher (1920). Edição Standard Brasileira das Obras Psicológicas Completas de Sigmund Freud. Vol. XVIII. Rio de Janeiro: Imago, 1996.

 

HARARI, R. O seminário “A Angústia” de Lacan: uma introdução. Porto Alegre: Artes e ofícios, 1997.

 

HARARI, R. El fetichismo de la torpeza y otros ensayos psicoanalíticos. Rosário: Homo Sapiens, 2003.

 

________. Como se chama James Joyce? A partir do Seminário Le Sinthome de J. Lacan. Salvador e Rio de Janeiro: Ágalma e Companhia de Freud, 2002.

 

LACAN, J. O seminário, livro 10: a angústia. Rio de Janeiro: Jorge Zahar Editor, 2005.

 

________. A instância da letra no inconsciente ou a razão desde Freud. In: Escritos. Rio de Janeiro: Jorge Zahar Editor, 1998.

 

OMS. ORGANIZAÇÃO MUNDIAL DA SAUDE. Prevenção do Suicídio: Manual para Médicos Clínicos Gerais. Tradução para o português: Juliano dos Santos Souza e Neury Jose Botega. Departamento de Saúde Mental: Genebra, 2000.

 

______. Prevenção do Suicídio: Manual para profissionais da saúde em atenção primária. Tradução para o português: Janaína Phillipe Cecconi, Sabrina Stefanello e Neury José Botega. Departamento de Saúde Mental: Genebra, 2000.

 

______. Prevenção do Suicídio: Manual para professores e educadores. Tradução para o português: Sabrina Stefanello e Neury José Botega. Departamento de Saúde Mental: Genebra, 2000.

 

______. Prevenção do Suicídio: Manual para profissionais da mídia. Tradução para o português: Juliano dos Santos Souza e Neury José Botega. Departamento de Saúde Mental: Genebra, 2000.

 

______. Prevenção do Suicídio: Um recurso para Conselheiros. Departamento de Saúde Mental e Abuso de Substâncias: Genebra, 2006.

 

______. Who Statement: World Suicide Prevention Day 2008. Department of Mental Health and Substance Abuse: Geneva, 2008.

 

 

[1] Psychanalyste, membre de Maiêutica Florianópolis – Instituição Psicanalítica.

[2] Le terme forclusion, absent dans la langue portugaise, possible seulement à travers une portugaisation du mot français (forclusion), connote que quelque chose est laissé de côté, est rejeté, banni, exclu, mais qui n’a jamais été inclus, est toujours un étranger, hors du jeu.

[3] L’expression «laisser tomber”, traduction littérale par Lacan de Niederkommen, est destiné à marquer le troisième temps de la pulsion, le temps logique réflexive. Il ne s’agit pas tout simplement de tomber ou de se jeter, ce serait un temps active, pas même le temps passive, qui corresponderait à être jeté / tombé, mais un temps réflexive dans lequel le sujet cherche activement la passivité d’être un objet pour l’Autre.

SHARE IT:

Comments are closed.