Leandro de Lajonquière
CARTEL DU PROTOCOLE 2012/14
Je vous adresse ce texte en témoignage du parcours réalisé auprès de mes collègues de cartel et dans le sens d’accomplir la tâche qui était la nôtre : « reconnaître les membres de AF) dont la pratique clinique et théorique relèverait de l’éthique psychanalytique telle que l’association la soutien à travers son expérience » (Article 8 des statuts). La liste est le résultat de la construction collective d’un consensus. Chaque nom – retenu ou refusé – l’a été à l’unanimité des membres du cartel.
Lors du tirage au sort, ce jour là, j’ai entendu dire pas mal de choses concernant la tâche du cartel, par exemple : « personne s’en souvient du destin réservé aux listes précédentes », « l’idée même de la suppression du cartel du protocole a été déjà soulevée », « il y a eu une fois un cartel qui a nommé tout les membres », « la tâche du cartel est contradictoire : on ne peut pas établir une liste puisque à AF il n’y a qu’une seule catégorie de membres » et finalement « AF n’est pas comme les autres associations en ce qui concerne l’éthique ».
C’était dans ce contexte que ma participation au cartel est démarrée. De toutes ces phrases celle que m’agaçait le plus c’était la dernière : je me disais alors ça va commencer cette histoire de dire que notre association n’est pas comme les autres, que ces autres se sont toutes déviées de l’éthique sauf bien évidement AF, etc. Toujours cette même chanson. Cette phantasme de ne pas être comme les autres c’est une illusion qui revient toujours un peu par tout. Une illusion qu’à mon avis fait obstacle à la psychanalyse et à sa transmission. Un marqueur de ce qui est refoulé dans la fondation de toute association, issue de la séparation d’une autre. Les associations sont confrontées aux enjeux de la transmission d’une expérience –celle de l’invention de la psychanalyse par Freud. Donc les associations courent ainsi le risque de tomber dans le piège le plus classique comme ces parents qui déclarent élever leur enfant dans le but de ne pas répéter ce qu’ils jugent avoir été le pêché éducatif commis par leurs propres parents. Il s’agit de la même illusion quand nous insistons dans le fait de nous – les analystes – être si différents des autres mortels, à tel point de constituer une catégorie à part dans la cité.
Alors, j’ai suis allé finalement lire les statuts de notre association et la première idée qui m’est venue rapidement à l’esprit c’était : mais ça ne tient pas la route ! Après, bien évidement, j’ai ris de moi-même. Peut être vous ne le savez pas, mais ma première formation universitaire a été une licence en droit… Donc j’ai dû laisser tomber cette insistance à vouloir réécrire les statuts de façon claire et distincte afin d’enlever cette apparente contradiction entre la tâche du cartel du protocole, l’institution de la passe et le fait qu’il y ait une seule catégorie de membres.
L’article 4 déclare qu’AF est composée de « membres, praticiens ou non de l’analyse freudienne ». Donc, les membres puissent être praticiens ou non. Je crois entendre : cliniciens praticiens ou psychanalystes praticiens. D’autre part, il y aurait de membres d’AF qui ne sont pas praticiens du tout, qui peut être ne l’ont jamais été ou d’autre qui se sont arrêtés temporairement ou définitivement de pratiquer la psychanalyste pour les raisons le plus diverses. Tous les membres doivent cotiser au membre titre de membre, annonce-t-il en suite l’article 5.
Il y aurait alors vraiment une seule catégorie de membres ? Oui, mais …. Oui, tout le monde est soumis à la même cotisation et chacun compte un vote à l’assemblée générale. Tout le monde est susceptible d’être élu ou d’être tirer au sort le moment venu pour ainsi assurer de tâches associatives diverses. Cependant, les statuts reconnaissent que les membres ne sont pas tous pareils. Il y aurait ceux que à un moment donné ont en effet une pratique de l’analyse freudienne (à la place de l’analysant ou à la place de l’analyste) et d’autres qui en revanche ne la pratique pas. Mais cette différence ne se traduit pas en catégories différentes de membres au sein de l’association.
Cependant l’article 8 déclare qu’AF « se propose de reconnaître ceux de ses membres dont la pratique clinique et théorique relèverait de l’éthique psychanalytique …. »
Alors, première remarque : la pratique psychanalytique est toujours clinique et théorique, il ne peut avoir une sans l’autre. Pas de surprise de ce côté là. C’est vrai que Freud précisait que la psychanalyse comportait trois dimensions la recherche, la clinique et la théorie. Mais à mon avis les deux formulations reprennent la même idée.
Bon, je continue. Selon l’article 8, il pourrait y avoir de membres qui n’ont pas aucune pratique de la psychanalyse. D’autre part, il pourrait y avoir aussi de membres dont leur pratique clinique et théorique ne relève pas de l’éthique psychanalytique telle que l’association la soutien. Une chose est sûre, les statuts ne disent jamais que ceux qui nom pas cette pratique clinique et théorique seront exclus, ni pénalisé par exemple à cotiser le double, ni empêchés de faire valoir leur vote. Bref, il y a toujours une seule catégorie de membres. C’est-à-dire il n’y a pas de catégorie, il n’y a que de membres.
L’article 8 prévoie donc l’existence de deux cartels du protocole afin de faire reconnaitre l’existence d’une différence réelle qui serait déjà là à l’ouvre au sein des membres, mais sans pour autant établir le but d’élaborer deux catégories séparées. Le cartel n’a alors que reconnaitre ce qui est supposé être déjà à l’œuvre et qui ferait la singulière richesse d’AF.
Alors, la grande question est celle-ci : des membres tirés au sort doivent se mettre d’accord sur deux choses : l’élucidation de quelques repères éthiques et l’établissement d’une liste. Toute la difficulté est là. Ce n’est pas que la tâche soit impossible. Nous l’avons accomplie et sans revenir à de critères universitaires. Cependant, l’article 8 rappel l’impossibilité de formater l’éthique psychanalytique et donc elle est au cœur du cartel.
Il m’a fallu du temps pour arriver à attendre cela. Alors, l’article 8 institut un groupe « sans garanties ». Nos noms ont été tirés au sort, donc notre travail ne se justifie que de notre pratique, de notre désir de déployer la psychanalyse, ainsi que de notre volonté de faire vivre notre association. Nous ne sommes pas de « sachant ». Les statuts ne nous reconnaissent aucune qualité imaginaire et donc ils ne nous accordent aucun pouvoir de mettre les gens dans des casses différentes. Notre devoir n’était que de reconnaitre une différence qui est supposé être là. Notre démarche est d’une part dépourvue de toute garantie et d’autre part elle n’a pas pour but la livraison de garanties parmi les membres qui ont vu – de façon contingente – leur pratique reconnue. Autre cartel, autre moment, autre travail, ergo une autre liste.
En réalité la différence que le cartel doit reconnaître afin de faire vivre l’esprit fondateur est déjà à l’œuvre au sein même du cartel. E qui se porte garant de ça ? Et bien le tirage au sort ! Par ailleurs, tirage au sort de mon propre
nom sans lequel je n’aurais jamais m’est porté « volontaire » pour entreprendre se travail pendant les deux ans qui se sont passés.
Merci de votre aimable attention
Léandro, 30/10/2014.