LECTURE CROISEE ENTRE LA DYSPHORIEDE GENRE( MELMAN -LEBRUN ) , SUR LES TRANSPOSITIONS DES PULSIONS( S FREUD) et LA NUIT DE LALANGUE (ALBERT N GUYEN). S4

LECTURE CROISEE ENTRE LA DYSPHORIEDE GENRE( MELMAN -LEBRUN ) , SUR LES TRANSPOSITIONS DES PULSIONS( S FREUD) et LA NUIT DE LALANGUE (ALBERT N GUYEN)

SEMINAIRE IV

Robert Lévy

Tout d’abord je voudrais revenir sur notre  dernière demi journée pour reprendre deux questions qui vont nous occuper plus  spécialement ce soir .

La première concerne ce qui-proquo qui a été malheureusement entretenu entre l’objet des deux premières interventions . En effet il est apparu une sorte d’opposition entre les exposés de nos deux collègues alors qu’à mon sens il n’en est rien . 

En effet ils ont tous deux posé des questions qui renvoient chacun à leur façon à la question suivante :

Pouvons nous  réinterroger les signifiants qui représentent nos concepts,en raison de l’introduction d’une nouvelle question quant à la différence des sexes ce qui nous oblige en particulier  à revoir les signifiants ‘castration’ et ‘ Phallus ‘ en sauvegardant le contenu de ce qu’ils représentent …

En effet il n’a pas été question d’annuler ni le concept de ‘castration’ ni celui de ‘Phallus’ et encore moins de remettre en question l’opération du refoulement originaire  .

Cette option nous invite à réfléchir à comment aujourd’hui il n’est  , peut être , plus adapté d’utiliser des signifiants qui renvoient forcément à des signifiés anatomiques raison de ce changement de paradigme sur la question de la différence introduit par la séparation entre sexe et genre  .

Bien sûr nous laisserons aux sociologues la volonté de faire de la sociologie, aux féministes celle de faire de la politique ; mais nous ne pouvons pas laisser les psychanalystes penser que tout est comme avant et qu’il nous suffit de poursuivre avec nos concepts sans aucune incidence de la Kultur  ou encore du ‘contemporain’ 

 Non pas tant qu’il s’agisse de céder en quoi que ce soit à la mode du genre , mais de reconnaître que le renvoi systématique au  signifié du manque en tant qu’il y aurait un sexe déficitaire par rapport à un autre fait perdre de la portée au contenu même du concept de manque  .

 Et si certains se demandent à quoi cliniquement peut servir ce genre de considération , je répondrai tout de suite que de même  que Lacan a  pu opèrer un retour à Freud , il y a pour nous la responsabilité d’assurer un après Lacan qui est forcément lié à notre clinique  qui ne dénature en rien les apports Freudiens et Lacaniens . 

En effet comment pourrions-nous aujourd’hui justifier des aléas de la cure de Marie Bonaparte autour de la focalisation de Freud sur son clitoris ou encore considérer que la masturbation soit une cause majeure de névrose ?

Mais que pouvons – nous également dire aujourd’hui de ce qui serait une revendication dite féminine ? 

Pouvons-nous véritablement après Lacan considérer qu’il s’agit de la revendication du pénisneid ? 

Les formules de la sexuation ne nous invitent-t-elles pas  déjà à penser les choses autrement ?

Mais il y a un second point ou plus exactement une seconde question qui a été révélée de façon très claire lors de notre demi journée ,  c’est celle de notre rapport à la théorie, aux théories comme certitudes, comme croyance ,  pour ne pas dire comme religion . 

En effet n’est – il pas attendu d’un analyste qu’il puisse écouter et je cite Freud ‘chaque nouveau patient comme si c’était le premier’ ? 

Mais également pour être alors un peu plus Lacanien qu’il puisse écouter les patients en ayant pu se défaire de tout à priori théorique qui l’empêcherait d’entendre la surprise que pourrait créer le ou les signifiants apportés dans la cure? Autant dire que nous devons pour pouvoir entendre nos patients nous défaire de nos certitudes fussent – elles théoriques .    

C’est pourquoi la théorie psychanalytique ne peut ressembler à aucune autre puisqu’elle s’élabore à chaque fois dans l’après coup de l’écoute . Ce qui ne veut pas dire pour autant que nous vivions dans une tour de babelle théorique mais ce qui veut dire que l’analyste ne peut s’appuyer sur aucun a priori de certitude si ce n’est qu’il est là pour entendre et pour reprendre une formulation d’Allouche que je trouve remarquable ‘il faut se lever de bonne heure pour finir par se rendre compte que la castration est un don , non pas de l’analyste, mais de son analyse à l’analysant ‘[1]

Est – ce à dire que la théorie psychanalytique n’existerait pas ? La réponse est non bien entendu mais ce qui doit prévaloir c’est qu’elle ne serve à aucun moment de nouvelle religion . 

De religion au sens où elle pourrait rendre compte d’un tout .Si j’entends bien que nous ne pouvons avoir de conception du monde j’y inclus la psychanalyse comme nouvelle conception du monde pour certains et ce n’est su rement pas un hasard si bon nombre de psychanalystes ont eu un parcours préalable important soit dans la religion soit dans la politique . Et en effet une chose est d’avoir une conception du sujet et autre chose est d’avoir une écoute qui prévoit la conception de chaque sujet à la mode d’un concept ou d’un autre …

Ce qui , vous l’aurez compris , ne signifie pas que nous n’avons pas de théorie mais qui signifie que l’analyste au prise avec le discours de son patient est à chaque cure  ‘forcé à réinventer la psychanalyse’ c’est ainsi que je comprends la remarque de Lacan .A quoi j’ajouterai qu’il s’agit bien de ce qui ressort du ‘style’ de l’analyste ; c’est à la façon dont chacun a pu s’approprier la théorie pour en faire non pas sa sauce, mais un style .

D’une certaine façon le thème de notre année de travail nous renvoie sans cesse aux deux questions qui m’ont semblé circuler en filigrane lors de notre dernière demi journée et ce , également dans ce qui s’est faussement présenté comme une opposition de conception théorique  entre nos deux collègues …

Je crois que l’incertitude est en effet angoissante et y compris également pour les psychanalystes qui se doivent néanmoins de sortir de leurs certitudes s‘ils veulent pouvoir entendre quelque chose à ce qu’on leur raconte. 

Entendre quelque chose c’est ce à quoi nous invite me semble – t – il ce changement de paradigme concernant la différence des sexes , pouvoir donc sortir de nos certitudes et envisager d’autres façons de dire la différence ; Gilbert Poletti l’a évoqué  très clairement lors de notre dernière 1/2 journée notamment en rappelant qu’à partir du moment où il y avait deux signifiants il y avait différence . 

Mais sommes – nous pour autant sortis de l’anatomie ; c’est à dire par exemple que pouvons – nous faire de ce réel sans équivalence qui aujourd’hui encore est supporté par une femme qui porte un enfant dans son corps pendant 9 mois  et vit ensuite l’expérience qu’aucun homme jusqu’à ce jour n’a encore pu connaître d ’en accoucher ?

Que faire également de ce réel hormonal  qui implique  que même un homme transgenre opéré est difficilement admissible dans une rencontre sportive de femmes en raison de la persistance chez elle/lui  d’un surplus  testostérone qui lui donne ce plus musculaire évident par rapport aux autres femmes sportives ? 

Il n’est donc toujours pas question de considérer qu’il y a un plus et un moins mais que le réel fait  différence .

La psychanalyse ne peut donc être au service d’aucune idéologie ni d’aucune religion et nous avons trop entendu d’exégèses Freudiennes ou Lacanienne pour ne pas nous méfier de ce qui pourrait ne plus être un exercice laïc. J’entends ici laïque non pas au sens seulement ou des psychanalystes non médecins on non psychologues doivent pouvoir exercer ; mais laïque au sens où il ne suffit pas d’être médecin ou psychologue pour ne pas être laïc en psychanalyse car un analyste dit laïc peut tout à fait faire le médecin ou le psychologue ; en effet la croyance nous guette à chaque interprétation et l’idéologie n’est souvent pas de reste comme ce que l’on peut entendre   parfois dans les supervisions . 

Je crois que la passe et son dispositif  maintenant bilingue à Analyse Freudienne est une façon de signifier très clairement que chaque analyse ne peut tenir son succès  que de la surprise qu’elle a pu produire tant chez l’analysant que chez l’analyste , ce que le dispositif de la passe est censé recueillir pour qu’en effet nous ne formions pas des séries de clones ou encore  moins une ‘bonne famille’ .

Ainsi comme nous l’avons entendu si bien encore lors de cette dernière demi journée ce qui ne cesse pas de faire difficulté c’est le rapport du sujet à son corps ce que d’aucun intitulent ‘sexuel’ ..

Et c’est sans doute une solution sinthomatique   qui se révèle  dans bon nombre des nouvelles appellations censées recenser les situations sexuelles dans lesquelles se reconnaissent , il faut bien le dire plus tôt les jeunes gens , les jeunes genres ..

Après ce préambule ou plus exactement cette introduction je vous propose de poursuivre ces questions a travers les lectures que j’ai annoncées dans mon  titre ..

En d’autres termes , comment retrouver dans les sources théoriques Freudiennes et Lacaniennes une théorie qui ne serait pas du semblant?

Le texte de Freud ‘sur les transpositions de pulsions plus particulièrement dans l’érotisme anal’ que l’on trouve à la fois dans le texte de 1908 ‘charakter und analerotik’ dans les GW au tome  VII et dans  ‘die disposition zur zwangneuros ‘de 1913 au tome VII des même GW .

Pour ma part j’en ferai la lecture dans le chapitre VI de ‘la vie sexuelle’[2]

Ce texte me semble remarquable à plusieurs égards  car il pose la question de savoir ce que deviennent les pulsions ou motions pulsionnelles lorsqu’elles ont perdu leur importance dans la vie sexuelle génitale . Comme si en effet Freud supposait déjà que les pulsions dites partielles n’étaient plus à l’œuvre à l’âge adulte .

Il va donc essayer de traiter d’un point fondamental de la théorie psychanalytique à savoir la constitution du symbolique à partir des transpositions pulsionnelles .

Évidemment ce qu’il nomme ‘primat des organes ‘génitaux’ est déterminant dans cette sexualité dite adulte .

Il va donc tracer une suite logique de transpositions qui vont de l’excrément en passant par l’enfant et aboutissent au pénis avec des étapes intermédiaires si je puis dire qui sont l’argent et le cadeau ..

Mais ce qui fait l’originalité de son propos c’est à mon sens que « ces éléments sont fréquemment traités dans l’inconscient comme s‘ils étaient équivalents les uns aux autres et comme s‘ils pouvaient se substituer sans inconvénient les uns aux autres [3]. »

Freud nous propose de faire cette remarque selon laquelle  dans le langage commun l’enfant et le pénis sont substituables  puisque référés au même signifiant ‘petit’ ..

Et à notre grand étonnement ici il précise :

« c’est un fait connu que souvent le langage symbolique ne tient pas compte de la différence des sexes »[4].

Pourtant alors qu’il était en si bonne voie il poursuit :

« Si l’on explore assez profondément la névrose d’une femme il n’est pas rare qu’on finisse par buter sur le désir refoulé qu’elle a de posséder comme l’homme un pénis »

C’est au dire de Freud ‘une infortune’ dans la vie d’une femme qui l’amène très vite à préciser que ce ‘désir refoulé’ est lui-même la conséquence d’une constitution fortement masculine qui « a de nouveau activé ce désir d’enfant, que nous rangeons comme envie de pénis dans le complexe de castration , et l’a fait devenir par le reflux de la libido, le porteur principal des symptômes névrotiques[5]».

Donc difficile ici d’extraire le désir d’enfant de celui du pénis , lui – même lié de façon intime au complexe de castration qui pour le coup ne peut pas s’entendre autrement que comme la coupure réelle du pénis  c’est à dire un sexe réellement manquant…

Dès lors comme il l’écrit la femme pense que  « la nature a donné à la femme un enfant comme substitut de l’autre chose dont elle a dû la frustrer »[6]

Le désir du pénis est ainsi pour Freud « fondamentalement identique  à celui d’avoir un enfant. »

Mais alors quel est donc cet inéluctable déficit dont la femme souffrirait ‘naturellement ‘ et dont elle subirait ‘l’infortune’ qui fonderait son remplacement par un enfant comme lot de consolation  ?

Ceci dans le cas de la névrose alors que dans le cas contraire, le cas normal ; le désir infantile de pénis peut se transformer en désir de l’homme ; mais malheureusement   l’homme en tant à nouveau qu’« appendice du pénis »..

Qui permet néanmoins à ces femmes d’avoir une vie amoureuse  ‘selon le type masculin de l’amour d’objet , qui peut s’affirmer à coté du type  proprement féminin , dérivé, lui du narcissisme’[7].

Mais  , pour finir , Freud repère  encore un autre cas qui permet de passer de l’amour de soi même à l’amour d’objet c’est celui d’avoir un enfant qui néanmoins renvoie en tant que tel au fait que cet enfant peut aussi être remplacé par le pénis ..Donc quelle que soit la formule , on n’en sort pas .

Et même si Freud évoque un peu plus loin l’idée que dans sa clinique il a pu entendre certaines femmes désirer un homme pour son pénis ( ce qui après tout pourrait s’entendre de la même façon qu’un homme pourrait alors désirer une femme pour son sexe de femme) ; c’est cependant dans le but de garder le pénis comme tel comme régression donc sur le mode de rattraper cette castration dont la femme  est affublée pour des raisons de plus en plus obscures …

Mais il concède néanmoins que  dans ce cas le désir de l’homme peut apparaître ,indépendamment du désir d’enfant .

Quoi qu’il en soit c’est  tout de même  pour « faire passer un fragment de la masculinité narcissique de la jeune femme du côté de la féminité »[8].

Quant à l’enfant lui – même il n’est pas seulement la récompense de ce pénis perdu mais aussi un équivalent de lumpf, expression  déjà utilisée dans l’analyse du petit Hans pour parler de ce qui sort de l’intestin, les féces donc .

C’est ici  pourtant qu’à nouveau Freud nous met sur la voie du langage en nous faisant remarquer également que cette transposition peut être entendue dans l’expression ‘donner un enfant’  « l’excrément est précisément le premier cadeau, une partie du corps du nourrisson dont il ne se sépare que sur l’injonction de la personne aimée et par quoi il lui manifeste sa tendresse même sans qu’elle le lui demande : car en règle générale il ne salit pas les personnes étrangères . »

Ce qu’il y a de plus intéressant dans cette remarque c’est ce constat clinique fondamental qui consiste à rappeler que :

« Il le sacrifie à l’amour , ou bien il le retient pour la satisfaction auto érotique »[9]

Remarque de Freud on ne peut plus éclairante cliniquement  sur ce qui va constituer cet auto érotisme péristaltique  que l’on retrouve chez les enfants  qui se constitue plus tard  sous la forme du symptôme encoprésique face auquel tous les praticiens de la petite enfance ont eu affaire . 

Mais aussi  il, permet de penser cliniquement là encore ce symptôme de jeux autoérotiques  c avec le bol alimentaire, mériycisme  , auquel s’adonnent également de plus jeunes enfants  en le faisant monter et descendre dans leur oesophage  …

Evidemment du cadeau à l’excrément et à l’argent il n’y a qu’un pas que Freud franchira très justement d’ailleurs ..

Il y a donc dans cette transposition une série d’équivalences excréments-pénis -enfants .

Alors que finalement , il , concède une réussite analogique de transposition symbolique plus précisément :

« une analogie symbolique entre pénis et enfant {……}  s’exprime par la possession d’un symbole commun à l’un et à l’autre (le petit ). ». Freud repère donc une véritable substitution du signifiant à l’objet. Ainsi deux cas :pénis , et enfant  ‘le petit’ et  excréments pénis enfant ‘le cadeau’.

Il ne peut néanmoins pas terminer cet article traitant  pourtant de la transposition sans reparler du ‘défaut’ de pénis ‘ chez la femme qui conduit l’enfant à pouvoir envisager que c’est ainsi quelque chose que l’on peut séparer du corps ..

En fait je me demande , arrivé en ce point si toute la théorie Freudienne de cette époque n’est pas calée sur une analyse de la perversion dans laquelle , en effet,  il s’agit de l’horreur du constat du manque de pénis chez la femme ?

N’est – ce – donc pas à partir de cette vision très  psychopathologique que Freud constitue la théorie psychanalytique de la différence des sexes ? 

Une vision donc dans laquelle la substitution du signifiant à l’objet ne peut justement pas se produire dans la perversion puisque à la place de ce vide perçu de la différence des sexes chez la mère , l’enfant ne peut qu’y adjoindre un pénis …

En d’autres termes  l’incertitude qu’engendre toute différence n’est – elle pas remplacée un peu vite par une théorie selon laquelle au lieu de considérer qu’il y a deux sexes et que chacun possède sa spécificité et que c’est cela qui fait différence , il n’y en aurait en fait qu’un seul, le sexe masculin à partir duquel on déclinerait  l’autre , celui de la femme  donc , qui se révèle forcément manquant et présentant un ‘défaut’ au regard de cette conception masculine qui n’est pas sans rappeler la naissance de la femme dans la bible qui est issue de l’extraction d’une côte d’Adam ….

D’ailleurs ce sexe anatomique  de femme ne cesse pas de faire difficulté puisqu’il faut lui retirer le clitoris dans certaines peuplades ou encore le coudre dans d’autres , bref quelque chose demeure insupportable ou encore peut – être impensable du fait même que contrairement au sexe masculin tout n’est pas susceptible d’en être aperçu; et surtout pas sa jouissance qui reste le point le plus énigmatique sans nul doute et celui qui est absolument inappropriable puisque si on peut tenter de s’approprier le corps des femmes avec ces pratiques barbares , la jouissance féminine demeure néanmoins hors de portée de toute appropriation .. J’ai déjà évoqué par le passé que l’on pourrait refaire une lecture du mythe du père de la horde primitive avec ces éléments c’est à dire que le père primitif est à jamais impardonnable de n’avoir pu s’approprier toute la jouissance des femmes alors qu’il avait cru que leurs corps aurait suffi ..

Evidemment la question de la jouissance féminine n’est pas étrangère à ces pratiques et parfois clairement explicitée comme telle . Aussi dans la littérature psychanalytique nous sommes sans cesse renvoyés au ‘mystère ‘ du féminin, au ‘continent noir ‘sur lequel Freud a fini par atterrir sans jamais pouvoir redécoller  . 

Lacan lui même reconsidère la question à partir du masculin avec des modifications qui demeurent pourtant très liées à la question anatomique  en introduisant  le signifiant Phallus .

Nous revenons donc sans cesse du signifiant à la transposition de l’objet mais avec un signifiant Phallus  cette fois qui ne cesse pas de souligner une anatomie manquante qui autorise sans doute Melman à écrire récemment  en s’appuyant sur le dire de Lacan  :

 « ce  signifiant  est  choisi  comme  le  plus  saillant  de  ce qu’on  peut  attraper  dans  le  réel  de  la copulation sexuelle,  comme  aussi  le  plus  symbolique  au  sens littéral  (typographique)  de  ce  terme,  puisqu’il  y équivaut à la copule (logique). On peut dire aussi qu’il est  par  sa  turgidité  l’image  du  flux  vital  en  tant  qu’il passe  dans  la  génération »[10]. que « Ce qui est interne à a fonction paternelle , c’est évidemment la descendance de la lignée . Et à partir du moment ou un père consent à ce que son fils, représentant justement de celui qui aura à poursuivre la lignée , devienne une femme, physiologiquement aussi bien qu’anatomiquement, inapte à la procréation.. C’est une façon de dire laisse tes devoirs et vas jouer[11] . »

Donc Ici les fonctions paternelles réel , symbolique et imaginaire sont rabattues sur une seule : celle ‘du flux vital en tant qu’il passe dans la génération ‘..

Le  recours au signifiant ‘phallus’ prête à mon sens à ce genre de rabattement , même si nous devons envisager le contenu de ce signifiant et peut – être pas sa forme  comme nécessaire avec quelques restrictions tout de même puisque  je dirai pour ma part :

n’y a t il pas ,en effet,  ‘un défaut ‘ non pas du sexe de la femme ; mais un défaut de savoir quant au sexe lui même qui est la source à partir de laquelle s’ordonne justement pour le sujet le champ des possibles ?

Peut être alors l’idée de JJ Rassial développée dans un article sur l’adolescence est intéressante puisqu’il pointe quelque chose que je dis là, mais d’une autre façon :

«  L’idée lacanienne  que  la  Femme  –  c’est-à-dire  lesignifiant  de  la  Femme  –  n’existe  pas  va  dans le  sens d’un  féminin  réduit  au  négatif  du  point  de  vue  de  la libido,  vectorisée  par  le  signifiant.  D’une  part,  le  non(NON) ne permet pas, on le sait depuis Russel, l’invention d’un ensemble qui puisse être nommé par le signifiant ; d’autre part, ainsi, le désir de non-désir, l’aphanisis  hystérique,  trouve  là une  raison  qui  excède  la

névrose. Le féminin, dès lors, ne serait que le nom d’un non  au  phallus,  désignant,  partiellement  ou totalement, du sujet, homme ou femme, la part hystérique,perverse ou psychotique, tout autant que l’orientation masochiste de son rapport à l’Autre.La question est que si, fût-ce au titre de l’objet ou du non-signifiant, et en deçà ou au-delà du maternel, du féminin se rencontre alors, rien n’est non plus assuré du  côté  masculin  :  si  l’Homme  existe,  en  tant  que signifiant,  c’est  –  encore  un  jeu  de  mots  de  la  langue française  au  titre  de  l’Homo,  où  tout  le  monde  se retrouve  du  même  côté,  la  virilité  étant  réservée  à  un père-mort que même le père réel ne saurait égaler. Sans  doute  l’adolescence  réactive-t-elle  cet  enjeu du  féminin,  pour  les  deux  sexes,  comme  position  de

refus à la contrainte du signifiant, rappel d’un asémantique  qui  ruine  la  croyance  en  la  parole.  Premièreraison  d’un  mutisme  adolescent,  d’un  désinvestissement de la parole, d’une attaque contre la langue, cliniquement observable. »[12]

C’est ce qui nous convie sans cesse à ce fait que n’ayant pas de garantie de la vérité l’analyste ne peut  par conséquent , que se trouver du coté de  de l’incertitude , c’est même une nécessité pour qu’il puisse entendre autre chose que ce à quoi il s’attend  ..

L’analyste se trouve  par conséquent sans cesse à devoir creuser un peu plus profond cet écart entre objet et identification . Véritable Trou qui le ramène  à  l’obligation  donc  de ‘réinventer la psychanalyse’.

Au fond l’incertitude peut également être le nom moderne du sexe tout autant ; d’où la multiplication de ses noms  actuels qui transcende , gender fluide etc … Comme je l’ai déjà fait remarquer.

Mais aussi les multiples noms d’identité sexuelles ,ne sont – ils pas également une tentative d’espérer que la science  puisse  nous permette la réalisation d’une jouissance un peu plus satisfaisante que celle toujours conflictuelle de la différence des sexes et de l’identité sexuelle [13] ? . En ce sens je rejoins Melman : en effet la tendance naturelle de l’appareil psychique est toujours la même : tenter de réaliser un rapport plus satisfaisant à l’objet ..La dimension du discours , celle à autrui aurait elle disparue pour autant ?

Il est vrai que le discours du capitaliste est toujours disposé à non seulement proposer des objets supposés satisfaire mais aussi peut – être et c’est cela sans doute ce qui fait notre modernité produire de plus en plus d’identique à soi – même que l’on rencontre dans la multiplication de ces nouvelles définitions identitaires ; il n’y plus que les semblables qui peuvent se réunir …

Pourtant cet espoir se heurte sans cesse au fait qu’Il n’y a  pas de rapport sexuel qui puisse s’écrire parce que c’est la jouissance qui empêche cette écriture alors que c’est la jouissance qui détermine le sujet tout autant comme le fait remarquer  Albert Nguyen en soulignant que « ce sont ces deux éléments qui préfigurent à l’écriture par Lacan des formules de la sexuation et qu’il emprunte à la logique des quantificateurs » .[14]

Il faut y voir ce que Melman souligne et avec quoi je suis d’accord: c’est à dire ce fait que le choix du genre aujourd’hui se présente plus tôt sous forme « d’une alternance d’une bisexualité connue depuis toujours et assumée au gré des circonstances ,des rencontres , des moments , au gré du nombre de joins que j’aurai fumé , à partir du principe que toutes les jouissances me sont permises . »[15]

Mais il ya un élément difficile à suivre dès lors dans le cheminement de Melman c’est l’idée que la perte , est référée à cette idée que « la castration est une  perte  qui doit obligatoirement avoir un sens sexuel »[16]qu’il ne justifie qu’à partir du fait qu’il y aurait une réalité oedipienne qui fait que « ma mère sera livrée aux bras , aux baisers , aux caresses d’un autre »[17].

Oui en effet nous devons considérer cliniquement cet aspect du sexuel d’une castration réelle mais n’est ce pas une façon de traiter par le souvenir écran ce fait ‘qu’il n’y a pas de rapport sexuel ‘ même oedipien ?

Autrement dit la façon dont la jouissance fait irruption dans la vie d’un sujet se rencontre avec le tiers du réel et peut être pas avec le père réel ..Ce qu’on envisage peu en fait c’est combien la jouissance de la mère , en cette occasion la jouissance autre est une invitation à ce rapprochement lorsqu’un père n’est pas là pour tenir sa place .

 Quand je dis un père , je veux dire quelqu’un qui a cette fonction pour la mère ; ça ne signifie pas forcément un homme , ça signifie la place à laquelle une mère peut diriger son désir en ne le réduisant pas à son enfant ..

C’est bien ce dont il s’agira de travailler dans la clinique … 

Mais il faut rappeler qu’avant tout l’enfant est privé de l’objet désiré du fait même de son rapport au langage qui est premier , anticipe donc le mythe œdipien et lui permet également de se construire avec l’aide d’un tiers qui tient l’interdit .

Ainsi , la thèse de Melman  c’est que c’est la sexualisation de l’objet qui permet de le faire passer au semblant d’objet ; il y voit là lorsque ça n’est pas le cas , comme dans notre contemporanéité le fait qu’alors il s’agit d’objets réels ….

Faudrait – il voir là , la cause de l’interchangeabilité des rencontres sur les réseaux sociaux ; ce fait donc que l’objet du désir ayant failli à se transformer en semblant ne peut que se présenter comme réel et par conséquent interchangeable ..? Vous remarquerez que l’on peut très simplement se poser la même question à propos de l’interchangeabilité du sexe . 

« Donc le sexe et le choix du sexe sont ils un accident dans la détermination de l’espèce , un accessoire , ou bien est ce que l’imposition du sexe est constitutive de l’essence du sujet , de son être ? »[18]

Il y a peut être une façon de répondre à cette question en se référant à nouveau à la question de la différence entre identité et identification 

En effet le sujet cherche désespérément depuis sa naissance des relations avec l’autre que l’on peut qualifier d’identifications primaires qui se constituent avec des paroles et de la sympathie .

Mais la psychanalyse introduit la dimension de l’identification en tant que processus de constitution du sujet et par les représentations de soi ; par exemple être autre , être qui .?

Le point central c’est celui qui concerne l’identification imaginaire en tant qu’identification à l’objet perdu  comme idéal du moi et d’un autre coté l’identification symbolique à un objet cause du désir dont le manque est ce qui s’inscrit dans le fantasme inconscient ..

Ce qui va conduire Lacan à produire ce qu’il appelle le stade du miroir comme formateur de la fonction du je .

J’en rappelle rapidement les trois moments 

1/ perception par l’enfant de sa propre image dans le miroir(spéculaire)

2/ regard de l’enfant vers le regard de la mère (identificatoire )

3/ regard à nouveau vers lui même après les mots de la mère  qui lui dit ce qu’il est pour elle , identification donc mais dans les moments 2 et 3 il y a identification mais également une division car cette identification est sa propre division comme sujet puisque elle est prise dans ce qu’il est pour l’autre (la mère ).

Ainsi dès le stade du miroir le moi est le produit des identifications imaginaires et le représentant de l’identité .

Je dirai que c’est à ce niveau , donc des identifications imaginaires que l’actualité des différentes identités sexuées se situe .Et on perçoit très clairement la portée du désir de la mère , je crois que Catherine Delarue nous en avait évoqué un exemple clinique très parlant …

« le moi de la psychanalyse est le lieu des identifications imaginaires subjectives du moi qui dit je » [19]

N’est – ce pas à ce niveau là que l’on peut entendre aujourd’hui les nouvelles revendications de genre ?

C’est à dire d’une construction d’un certain type de rapport imaginaire avec son moi ….

Je m’en remettrai alors à la définition Freudienne du moi « le moi est avant tout un moi corporel, il n’est pas seulement un être de surface , mais il est lui même la projection d’une surface »[20]

Ainsi je répondrai à la question de Melman  de savoir si sexe et choix du sexe sont un accident dans la détermination de l’espèce ou constitutive de l’essence du sujet par ni l’un , ni l’autre , mais le résultat de ce que le moi corporel peut produire à partir de la détermination d’un désir qui n’est pas forcément le sien ….

D’où ces difficultés à l’adolescence qui font ressurgir de façon radicale ces questions du qui suis – je pour l’autre est pour moi – même ….

Je conclurai pour l’instant sur cette citation de Lacan de 1946 :

« L’histoire du sujet se développe en une série plus ou moins typique d’identifications idéales qui représentent les plus pures des phénomènes psychiques en ceci qu’ils révèlent essentiellement l’imago »

D’où la nécessaire relation au contemporain d’un côté et au désir de l’autre de l’autre côté pour se constituer un sexe qui tienne la route …


[1] Mais chers collègues lettre de J Allouche à Patrick Landman et  sa liste de correspondants 12/2/2020

[2] Freud- La vie sexuelle PUF 4e Edition 1973- Traduction J.Laplanche , Denise Berger et coll.   

[3] La vie sexuelle Freud ED PUF P.108

[4] idem

[5] ibidem

[6] idem

[7] idem P 109 

[8] ibidem

[9] idem P. 110

[10] J. Lacan,  «  La  signification  du  phallus  »,  dans  

Écrits,

Le

Seuil, 1966, p. 692. Le texte est de 1958.

03 Chap. 01 / Rassial  20/11/09  13:50  Page 17

[11] Melman opus cité P.21

[12] Rassial le féminin a l’adolescence P. 18

[13]  : CH MELMAN JP LEBRUN La dysphonie de genre Eres 2022 P. 33

[14] opus déjà cité P.46. NGUYEN

[15] idem opus cite melman P.46

[16] ibidem P.47

[17] IDEM P. 52

[18] idem P.66

[19] Raffaela di ambra   Le concept de sujet dans l’élaboration Lacanienne ED AEP P.61

[20] Freud s essais de psychanalyse 1983 ED PUF P. 238

Robert Lévy

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