Jean Jacques Valentin, Thomas Servet et Lola Monleón

CARTEL DU PROTOCOLE 2012/2014

Quelques lignes pour commencer, que l’on trouve à la page 104 d’ « A l’école du sujet ». « Du protocole est attendu que l’on puisse énoncer en quoi Analyse freudienne pourrait attester que l’un de ses membres situe son rapport à la pratique et à la recherche théorique dans l’éthique qu’elle soutient : celle de l’analyse freudienne ». C’est donc Analyse Freudienne qui atteste, et ce au regard d’une éthique de l’Association qui serait déposée dans ses statuts, soutenue par des textes, éthique qui a fait l’objet d’une nomination, comme éthique de la déliaison, ou encore de la division du sujet.

Sans doute pourrait-on également rapporter cette éthique à ce que Claude Rabant appelle l’athéisme de l’inconscient. « S’il y a quelque chance que la psychanalyse nous aide à construire une métaphore paternelle un peu moins étouffante que celle du monothéisme et de ses avatars, avec pour horizon ce que nous appellerons l’athéisme de l’inconscient, nous en sommes encore à balbutier, bien en deçà des poètes, comme l’avouait déjà Freud, le nom de la mort ».
Que désigne cet énigmatique nom de la mort ? Rabant ne le dit pas, mais on peut penser que ce nom de la mort a à voir avec le fait que ce qu’introduit le symbolique dans le réel, c’est la possibilité de l’absence, auquel cas en effet Mallarmé avec son « absente de tout bouquet » ou Celan avec « la rose de personne », seraient à reconnaître, avec leurs ressources propres bien sûr, comme proches de l’éthique psychanalytique.
Mais pour en revenir aux quelques phrases citées au départ, elles sont suivies de quelques autres que voici : « Autant dire que cette définition exclut a priori que quiconque en son nom propre puisse imputer à quelque petit autre que ce soit la preuve de son éthique ou de son manquement, car dans ce cas cela relèverait d’une simple opinion, ou pire d’une morale personnelle qui prétendrait faire école, ce que nous avons exclu a priori. »
Or il nous a semblé que cette exclusion a priori n’était pas sans poser problème, et que d’une certaine manière la question qu’elle soulevait avait constitué le moteur de notre réflexion, de nos échanges dans le cartel .Pour dire les choses plus directement, nous avons pu penser que cette forme d’exclusion a priori éteignait un peu vite la question de la légitimité que l’on pouvait avoir à donner une liste de noms répondant à l’éthique de l’association.

A moins bien sûr que ne se retrouve ici la cohérence des statuts, qui veulent que majoritairement les membres du cartel aient été tirés de la liste précédemment établie, leur présence sur la liste valant alors témoignage de leur capacité à se situer à l’horizon ou dans la proximité de ce nom de la mort qu’évoquait Rabant.

Il se trouve d’ailleurs que l’histoire de notre cartel aura donné, en tous cas au départ, une forme de consistance à cette question de la légitimité, puisque outre le fait que le cartel s’est constitué de façon un peu excentrique par seul tirage au sort, deux des membres prévus initialement ne se sont jamais manifestés, et ce n’est qu’après pas mal de temps que deux d’entre nous ont associé à notre démarche un troisième donc, mais pas un quatrième, si bien que se pose la question de savoir, puisqu’on en est aux entorses, si nous avons fait cartel, ou plus simplement groupe de travail.

Donc une sorte de cartel bancal, dont nous pourrions dire 2 choses. Tout d’abord que ce cartel nous aura permis de mettre ces manquements au service d’une résistance contre une tâche qu’on aura pu ressentir, au moins au départ, comme inquiétante, celle de nommer- l’un de nous dira qu’on avait commencé par faire la liste de toutes les raisons qu’on avait de ne pas faire de liste ; il n’est pas non plus impossible que les échos redoutables de l’expression « donner des noms », voire ceux du mot « liste » nous aient, un temps, retenus. Quoiqu’il en soit, deuxième chose, un cartel dont on peut dire aussi qu’il nous aura permis de maintenir vivante la question de la légitimité à nommer.

Question d’ailleurs que nous n’aurons pas été les seuls à nous poser, puisque si on se réfère aux assises des cartels constituants d’Analyse freudienne de 12/94- et réserve faite, bien entendu, du contexte particulier de ce qu’était la nomination après passe à cette époque- on se rend compte que pour certains analystes, le pas-de-liste qui était revendiqué à l’époque trouvait sa raison dans le fait que Lacan disparu, personne ne pouvait plus s’accorder le droit de nommer.

C’était le cas par exemple d’Alain-Didier Weil qui invitait à avoir « le courage de reconnaître que toutes les nominations ne tenaient qu’à l’énonciation de Lacan, pour autant dit-il que du fait que nous assistions à son séminaire, nous le mettions à une place énonciative particulière où nous étions en position de reconnaître un certain rapport de Lacan à cette loi qui n’était ni la loi du principe de plaisir, ni la loi institutionnelle, mais la loi en rapport avec ce qu’il y a de transcendant dans le langage, une loi dont l’homme n’a pas la maitrise, mais à la disposition de laquelle il se trouve ».

Donc on a cheminé à partir de ce que l’on avait pu ressentir au départ comme un défaut de légitimité, pour arriver à la constatation que ne nommer personne en effet ce serait une option, avec son pendant, nommer tout le monde, ce qui est la même chose, à ceci près que dans ce deuxième cas la décision pourrait s’adosser à une particularité de l’association qui est qu’elle ne comporte qu’une seule catégorie de membres.

Du coup, dans notre cheminement, on a pu être amené à s’interroger sur ce qui est attendu des cartels d’admission. Mais dans la mesure où l’association se donne pour but la formation des analystes, il est difficile d’imaginer que ne seraient admis que des analystes déjà formés. Dès lors, et à partir du moment où le principe de la liste est retenu par les statuts, et sauf à imaginer un refus de type caractériel, les 2 options, nommer tout le monde, nommer personne, pourraient bien avoir pour trait commun le même déni de réalité, celui des différences d’expérience, de compétence osons le mot, en tous cas un même déni du fait que les membres de l’association n’en sont pas au même point dans leur relation à la théorie et à la pratique analytique.N’en sont pas au même point non plus quant à la cure, cette cure dont il est dit qu’elle est l’institution analytique elle-même

Dès lors la question s’est posée à nous de savoir au regard de quoi une liste de noms pourrait être produite, et il nous a paru difficile, une fois la question posée, de ne pas rencontrer la problématique cette fois de la fin de l’analyse. C’est-à-dire qu’au fond il ne suffirait peut-être pas de simplement avancer le fait d’une dissociation entre passe et nomination pour que cette question de la fin de l’analyse s’en trouve repoussée à l’arrière plan.

Surtout peut-être si l’on se rapporte à une remarque assez troublante de Safouan, laquelle viendrait d’ailleurs recouper les observations de Dumézil quand il parle des enseignements de la passe, remarque selon laquelle « aucun analyste n’a jamais attendu la fin de son analyse avant de passer à l’exercice de sa profession, le nombre de ceux ou celles qui continuent, ou qui reprennent leur analyse jusqu’à son terme après ce passage, restant minime »

Mais alors, ce qui signifie, ou signifierait , si on se référe à ce que Lacan nous dit de la fin de la cure, qu’il n’y a pas eu, ou du moins incomplètement, désupposition du sss, ou encore qu’aurait manqué à être produit ce dire désubjectivé dont parle Claude Conté , comme si nous dit-il le Sa allait au-delà de ce que l’analys
ant peut lui-même en assumer, confronté qu’il serait à un réel singulier impossible à soutenir, avec la dimension de trauma qui peut en résulter. Moins un réel dont il conviendrait de faire le deuil, comme le suggère Dumézil, qu’un réel qui viendrait au Sa au moment où le sujet ne pourrait plus le soutenir.

Ce qui du coup pourrait certes accréditer la mise en place d’un dispositif comme le trait du cas, mais ne devrait pas interdire de se poser la question de ce qui vient se jouer dans un tel dispositif dont on nous dit qu’il organise un déplacement des positions énonciatives dans des espaces transférentiels successifs. Autrement dit, comment le Transfert y est-il traité, sur le fond de ces déplacements successifs, de cette circulation signifiante, si l’on sait par exemple que dans la cure, l’interprétation ne consiste jamais qu’à répondre à l’appel inclus dans la parole de l’analysant, et qu’il ne s’agit donc jamais que du rapport de l’analysant à ses propres signifiants.

Au fond, des questions qui en appellent d’autres, qui nous ont fait d’une certaine manière revisiter l’Institution Analyse Freudienne : qu’est-ce qu’une analyse menée à son terme ; si ce terme peut être appréhendé, est-ce la même chose de reprendre au niveau de l’inconscient d’autrui l’expérience faite de son propre inconscient, selon que l’analyse aura été menée à son terme ou non ; qu’est-ce-qui justifie de la mise en place d’un dispositif instituant d’au delà en quelque sorte du contrôle ?

Nous nous sommes aussi demandé s’il convenait de voir dans ces questions la raison du principe de non- garantie posé par Lacan dans sa proposition d’octobre 67 : « Nous ne garantissons personne. Nous attestons seulement que la pratique de tel analyste relève de la formation de l’Ecole. » Il nous aura semblé que non, puisque ce principe renverrait bien plutôt à la question de la responsabilité ultime qu’aurait à assumer l’analyste dans son travail avec son patient.

En revanche, ces mêmes questions nous aurons peut-être renvoyé, d’un éventuel défaut de légitimité chez ceux qui nomment, à ce qui dans l’acte même de nommer, impliquerait de se situer « dans la conséquence de la perte », pour reprendre l’expression de Lacan, sous l’horizon au fond, comme il était dit au départ, « du nom de la mort » qu’évoquait Raban, de telle sorte que le processus de nomination irait d’un sujet divisé, ou possiblement, potentiellement divisé,- si ce n’est au sens de la fin de l’analyse, au sens du moins d’une forme de réconciliation à l’inconscient – d’un sujet divisé, donc, à un autre sujet divisé, celui auquel renverrait tel ou tel nom dans la liste, certes noms au un par un, mais qui ne feraient pas trait de l’idéal.

Et à partir de là, c’est-à-dire aussi dans la suite d’un mouvement qui aura détaché passe et nomination, il nous a semblé que le nom donné dans la liste pourrait renvoyer à plusieurs choses, qui n’en seraient d’ailleurs pour finir qu’une seule, où s’actualiserait la transmission d’un savoir impossible, mais aussi certainement où viendrait se signifier quelque chose du désir d’analyste.

Ce pourrait être, dans le choix que nous en faisons en tant que membres du cartel – il est significatif d’ailleurs que lors de la constitution de la liste, les noms retenus aient été systématiquement associés à des souvenirs très contextualisés, à la mémoire de séquences tout à fait singulières – ce pourrait être donc le nom d’un instant d’émergence du sujet de l’inconscient, le nom donné à un moment particulier d’énonciation, à quelque chose qui dans la tonalité même d’un énoncé témoignerait de la capacité à tenir le sens en suspens, ou encore le nom donné à la capacité à se risquer à la parole, « à l’ouvrir », comme dit quelque part Robert Levy, pour témoigner de sa fonction- analyste, ou ce pourrait être encore le nom donné cette fois au risque de s’affronter à la théorie, en refusant d’élargir à toute compréhension le soupçon jeté sur la compréhension telle qu’elle peut se manifester dans la conduite de la cure, comme mouvement obstiné consistant à ramener l’inconnu au connu.

Une liste serait donc possible, mais évidemment parfaitement restrictive, si elle doit se référer à la seule actualité de ce qui est énoncé ou entendu, voire lu, c’est-à-dire au fond à la seule actualité brûlante de la parole, et dans tel lieu étroitement circonscrit : séminaire, cartel, groupe de lecture, dispositif, une liste parfaitement restrictive aussi au sens où tout cela renverrait au positionnement propre de chacun des membres du cartel au sein de l’Association : ce qu’il y fait, ce qu’il n’y fait pas, ses difficultés propres avec le groupe, ses capacités d’écoute et les empêchements éventuels qu’elles connaissent, etc… Liste restrictive donc, dont les modalités d’établissement laisseraient peut-être entendre que ce n’est pas d’évidence que passe et nomination auront été disjointes.

Une liste, oui alors, toute restrictive soit-elle, mais qui pour finir poserait une question en quelque sorte interne au fonctionnement du cartel lui-même. Dès lors en effet que par chacun des membres du cartel des noms auront été proposés, et des noms ne renvoyant pas nécessairement à des membres de l’Association connus de tous les participants du cartel, sans doute conviendrait-il de se demander comment aura pu être rendu présente, dans sa qualité distinctive, telle ou telle personne proposée, ou telle séquence dont l’un de nous aura été le témoin. Ce qui nous ramènerait à la question du dire dans sa qualité d’énonciation, mais aussi à la question effleurée tout à l’heure de la plus-une-personne, que chacun aura pu à l’occasion être pour les deux autres.

 

Quelques lignes pour commencer, que l’on trouve à la page 104 d’ « A l’école du sujet ». « Du protocole est attendu que l’on puisse énoncer en quoi Analyse freudienne pourrait attester que l’un de ses membres situe son rapport à la pratique et à la recherche théorique dans l’éthique qu’elle soutient : celle de l’analyse freudienne ». C’est donc Analyse Freudienne qui atteste, et ce au regard d’une éthique de l’Association qui serait déposée dans ses statuts, soutenue par des textes, éthique qui a fait l’objet d’une nomination, comme éthique de la déliaison, ou encore de la division du sujet. Sans doute pourrait-on également rapporter cette éthique à ce que Claude Rabant appelle l’athéisme de l’inconscient. « S’il y a quelque chance que la psychanalyse nous aide à construire une métaphore paternelle un peu moins étouffante que celle du monothéisme et de ses avatars, avec pour horizon ce que nous appellerons l’athéisme de l’inconscient, nous en sommes encore à balbutier, bien en deçà des poètes, comme l’avouait déjà Freud, le nom de la mort ».
Que désigne cet énigmatique nom de la mort ? Rabant ne le dit pas, mais on peut penser que ce nom de la mort a à voir avec le fait que ce qu’introduit le symbolique dans le réel, c’est la possibilité de l’absence, auquel cas en effet Mallarmé avec son « absente de tout bouquet » ou Celan avec « la rose de personne », seraient à reconnaître, avec leurs ressources propres bien sûr, comme proches de l’éthique psychanalytique.
Mais pour en revenir aux quelques phrases citées au départ, elles sont suivies de quelques autres que voici : « Autant dire que cette définition exclut a priori que quiconque en son nom propre puisse imputer à quelque petit autre que ce soit la preuve de son éthique ou de son manquement, car dans ce cas cela relèverait d’une simple opinion, ou pire d’une morale personnelle qui prétendrait faire école, ce que nous avons exclu a priori. »
Or il nous a semblé que cette exclusion a priori n’
était pas sans poser problème, et que d’une certaine manière la question qu’elle soulevait avait constitué le moteur de notre réflexion, de nos échanges dans le cartel .Pour dire les choses plus directement, nous avons pu penser que cette forme d’exclusion a priori éteignait un peu vite la question de la légitimité que l’on pouvait avoir à donner une liste de noms répondant à l’éthique de l’association.

A moins bien sûr que ne se retrouve ici la cohérence des statuts, qui veulent que majoritairement les membres du cartel aient été tirés de la liste précédemment établie, leur présence sur la liste valant alors témoignage de leur capacité à se situer à l’horizon ou dans la proximité de ce nom de la mort qu’évoquait Rabant.

Il se trouve d’ailleurs que l’histoire de notre cartel aura donné, en tous cas au départ, une forme de consistance à cette question de la légitimité, puisque outre le fait que le cartel s’est constitué de façon un peu excentrique par seul tirage au sort, deux des membres prévus initialement ne se sont jamais manifestés, et ce n’est qu’après pas mal de temps que deux d’entre nous ont associé à notre démarche un troisième donc, mais pas un quatrième, si bien que se pose la question de savoir, puisqu’on en est aux entorses, si nous avons fait cartel, ou plus simplement groupe de travail.

Donc une sorte de cartel bancal, dont nous pourrions dire 2 choses. Tout d’abord que ce cartel nous aura permis de mettre ces manquements au service d’une résistance contre une tâche qu’on aura pu ressentir, au moins au départ, comme inquiétante, celle de nommer- l’un de nous dira qu’on avait commencé par faire la liste de toutes les raisons qu’on avait de ne pas faire de liste ; il n’est pas non plus impossible que les échos redoutables de l’expression « donner des noms », voire ceux du mot « liste » nous aient, un temps, retenus. Quoiqu’il en soit, deuxième chose, un cartel dont on peut dire aussi qu’il nous aura permis de maintenir vivante la question de la légitimité à nommer.

Question d’ailleurs que nous n’aurons pas été les seuls à nous poser, puisque si on se réfère aux assises des cartels constituants d’Analyse freudienne de 12/94- et réserve faite, bien entendu, du contexte particulier de ce qu’était la nomination après passe à cette époque- on se rend compte que pour certains analystes, le pas-de-liste qui était revendiqué à l’époque trouvait sa raison dans le fait que Lacan disparu, personne ne pouvait plus s’accorder le droit de nommer.

C’était le cas par exemple d’Alain-Didier Weil qui invitait à avoir « le courage de reconnaître que toutes les nominations ne tenaient qu’à l’énonciation de Lacan, pour autant dit-il que du fait que nous assistions à son séminaire, nous le mettions à une place énonciative particulière où nous étions en position de reconnaître un certain rapport de Lacan à cette loi qui n’était ni la loi du principe de plaisir, ni la loi institutionnelle, mais la loi en rapport avec ce qu’il y a de transcendant dans le langage, une loi dont l’homme n’a pas la maitrise, mais à la disposition de laquelle il se trouve ».

Donc on a cheminé à partir de ce que l’on avait pu ressentir au départ comme un défaut de légitimité, pour arriver à la constatation que ne nommer personne en effet ce serait une option, avec son pendant, nommer tout le monde, ce qui est la même chose, à ceci près que dans ce deuxième cas la décision pourrait s’adosser à une particularité de l’association qui est qu’elle ne comporte qu’une seule catégorie de membres.

Du coup, dans notre cheminement, on a pu être amené à s’interroger sur ce qui est attendu des cartels d’admission. Mais dans la mesure où l’association se donne pour but la formation des analystes, il est difficile d’imaginer que ne seraient admis que des analystes déjà formés. Dès lors, et à partir du moment où le principe de la liste est retenu par les statuts, et sauf à imaginer un refus de type caractériel, les 2 options, nommer tout le monde, nommer personne, pourraient bien avoir pour trait commun le même déni de réalité, celui des différences d’expérience, de compétence osons le mot, en tous cas un même déni du fait que les membres de l’association n’en sont pas au même point dans leur relation à la théorie et à la pratique analytique.N’en sont pas au même point non plus quant à la cure, cette cure dont il est dit qu’elle est l’institution analytique elle-même

Dès lors la question s’est posée à nous de savoir au regard de quoi une liste de noms pourrait être produite, et il nous a paru difficile, une fois la question posée, de ne pas rencontrer la problématique cette fois de la fin de l’analyse. C’est-à-dire qu’au fond il ne suffirait peut-être pas de simplement avancer le fait d’une dissociation entre passe et nomination pour que cette question de la fin de l’analyse s’en trouve repoussée à l’arrière plan.

Surtout peut-être si l’on se rapporte à une remarque assez troublante de Safouan, laquelle viendrait d’ailleurs recouper les observations de Dumézil quand il parle des enseignements de la passe, remarque selon laquelle « aucun analyste n’a jamais attendu la fin de son analyse avant de passer à l’exercice de sa profession, le nombre de ceux ou celles qui continuent, ou qui reprennent leur analyse jusqu’à son terme après ce passage, restant minime »

Mais alors, ce qui signifie, ou signifierait , si on se référe à ce que Lacan nous dit de la fin de la cure, qu’il n’y a pas eu, ou du moins incomplètement, désupposition du sss, ou encore qu’aurait manqué à être produit ce dire désubjectivé dont parle Claude Conté , comme si nous dit-il le Sa allait au-delà de ce que l’analysant peut lui-même en assumer, confronté qu’il serait à un réel singulier impossible à soutenir, avec la dimension de trauma qui peut en résulter. Moins un réel dont il conviendrait de faire le deuil, comme le suggère Dumézil, qu’un réel qui viendrait au Sa au moment où le sujet ne pourrait plus le soutenir.

Ce qui du coup pourrait certes accréditer la mise en place d’un dispositif comme le trait du cas, mais ne devrait pas interdire de se poser la question de ce qui vient se jouer dans un tel dispositif dont on nous dit qu’il organise un déplacement des positions énonciatives dans des espaces transférentiels successifs. Autrement dit, comment le Transfert y est-il traité, sur le fond de ces déplacements successifs, de cette circulation signifiante, si l’on sait par exemple que dans la cure, l’interprétation ne consiste jamais qu’à répondre à l’appel inclus dans la parole de l’analysant, et qu’il ne s’agit donc jamais que du rapport de l’analysant à ses propres signifiants.

Au fond, des questions qui en appellent d’autres, qui nous ont fait d’une certaine manière revisiter l’Institution Analyse Freudienne : qu’est-ce qu’une analyse menée à son terme ; si ce terme peut être appréhendé, est-ce la même chose de reprendre au niveau de l’inconscient d’autrui l’expérience faite de son propre inconscient, selon que l’analyse aura été menée à son terme ou non ; qu’est-ce-qui justifie de la mise en place d’un dispositif instituant d’au delà en quelque sorte du contrôle ?

Nous nous sommes aussi demandé s’il convenait de voir dans ces questions la raison du principe de non- garantie posé par Lacan dans sa proposition d’octobre 67 : « Nous ne garantissons personne. Nous attestons seulement que la pratique de tel analyste relève de la formation de l’Ecole. » Il nous aura semblé que non, puisque ce principe renverrait bien plutôt à la question de la responsabilité ultime qu’aurait à assumer l’analyste dans son travail avec son patient.

En revanche, ces mêmes questions nous aurons peut-être renvoyé, d’un éventuel défaut de légi
timité chez ceux qui nomment, à ce qui dans l’acte même de nommer, impliquerait de se situer « dans la conséquence de la perte », pour reprendre l’expression de Lacan, sous l’horizon au fond, comme il était dit au départ, « du nom de la mort » qu’évoquait Raban, de telle sorte que le processus de nomination irait d’un sujet divisé, ou possiblement, potentiellement divisé,- si ce n’est au sens de la fin de l’analyse, au sens du moins d’une forme de réconciliation à l’inconscient – d’un sujet divisé, donc, à un autre sujet divisé, celui auquel renverrait tel ou tel nom dans la liste, certes noms au un par un, mais qui ne feraient pas trait de l’idéal.

Et à partir de là, c’est-à-dire aussi dans la suite d’un mouvement qui aura détaché passe et nomination, il nous a semblé que le nom donné dans la liste pourrait renvoyer à plusieurs choses, qui n’en seraient d’ailleurs pour finir qu’une seule, où s’actualiserait la transmission d’un savoir impossible, mais aussi certainement où viendrait se signifier quelque chose du désir d’analyste.

Ce pourrait être, dans le choix que nous en faisons en tant que membres du cartel – il est significatif d’ailleurs que lors de la constitution de la liste, les noms retenus aient été systématiquement associés à des souvenirs très contextualisés, à la mémoire de séquences tout à fait singulières – ce pourrait être donc le nom d’un instant d’émergence du sujet de l’inconscient, le nom donné à un moment particulier d’énonciation, à quelque chose qui dans la tonalité même d’un énoncé témoignerait de la capacité à tenir le sens en suspens, ou encore le nom donné à la capacité à se risquer à la parole, « à l’ouvrir », comme dit quelque part Robert Levy, pour témoigner de sa fonction- analyste, ou ce pourrait être encore le nom donné cette fois au risque de s’affronter à la théorie, en refusant d’élargir à toute compréhension le soupçon jeté sur la compréhension telle qu’elle peut se manifester dans la conduite de la cure, comme mouvement obstiné consistant à ramener l’inconnu au connu.

Une liste serait donc possible, mais évidemment parfaitement restrictive, si elle doit se référer à la seule actualité de ce qui est énoncé ou entendu, voire lu, c’est-à-dire au fond à la seule actualité brûlante de la parole, et dans tel lieu étroitement circonscrit : séminaire, cartel, groupe de lecture, dispositif, une liste parfaitement restrictive aussi au sens où tout cela renverrait au positionnement propre de chacun des membres du cartel au sein de l’Association : ce qu’il y fait, ce qu’il n’y fait pas, ses difficultés propres avec le groupe, ses capacités d’écoute et les empêchements éventuels qu’elles connaissent, etc… Liste restrictive donc, dont les modalités d’établissement laisseraient peut-être entendre que ce n’est pas d’évidence que passe et nomination auront été disjointes.

Une liste, oui alors, toute restrictive soit-elle, mais qui pour finir poserait une question en quelque sorte interne au fonctionnement du cartel lui-même. Dès lors en effet que par chacun des membres du cartel des noms auront été proposés, et des noms ne renvoyant pas nécessairement à des membres de l’Association connus de tous les participants du cartel, sans doute conviendrait-il de se demander comment aura pu être rendu présente, dans sa qualité distinctive, telle ou telle personne proposée, ou telle séquence dont l’un de nous aura été le témoin. Ce qui nous ramènerait à la question du dire dans sa qualité d’énonciation, mais aussi à la question effleurée tout à l’heure de la plus-une-personne, que chacun aura pu à l’occasion être pour les deux autres.

 

Quelques lignes pour commencer, que l’on trouve à la page 104 d’ « A l’école du sujet ». « Du protocole est attendu que l’on puisse énoncer en quoi Analyse freudienne pourrait attester que l’un de ses membres situe son rapport à la pratique et à la recherche théorique dans l’éthique qu’elle soutient : celle de l’analyse freudienne ». C’est donc Analyse Freudienne qui atteste, et ce au regard d’une éthique de l’Association qui serait déposée dans ses statuts, soutenue par des textes, éthique qui a fait l’objet d’une nomination, comme éthique de la déliaison, ou encore de la division du sujet. Sans doute pourrait-on également rapporter cette éthique à ce que Claude Rabant appelle l’athéisme de l’inconscient. « S’il y a quelque chance que la psychanalyse nous aide à construire une métaphore paternelle un peu moins étouffante que celle du monothéisme et de ses avatars, avec pour horizon ce que nous appellerons l’athéisme de l’inconscient, nous en sommes encore à balbutier, bien en deçà des poètes, comme l’avouait déjà Freud, le nom de la mort ».
Que désigne cet énigmatique nom de la mort ? Rabant ne le dit pas, mais on peut penser que ce nom de la mort a à voir avec le fait que ce qu’introduit le symbolique dans le réel, c’est la possibilité de l’absence, auquel cas en effet Mallarmé avec son « absente de tout bouquet » ou Celan avec « la rose de personne », seraient à reconnaître, avec leurs ressources propres bien sûr, comme proches de l’éthique psychanalytique.
Mais pour en revenir aux quelques phrases citées au départ, elles sont suivies de quelques autres que voici : « Autant dire que cette définition exclut a priori que quiconque en son nom propre puisse imputer à quelque petit autre que ce soit la preuve de son éthique ou de son manquement, car dans ce cas cela relèverait d’une simple opinion, ou pire d’une morale personnelle qui prétendrait faire école, ce que nous avons exclu a priori. »
Or il nous a semblé que cette exclusion a priori n’était pas sans poser problème, et que d’une certaine manière la question qu’elle soulevait avait constitué le moteur de notre réflexion, de nos échanges dans le cartel .Pour dire les choses plus directement, nous avons pu penser que cette forme d’exclusion a priori éteignait un peu vite la question de la légitimité que l’on pouvait avoir à donner une liste de noms répondant à l’éthique de l’association.

A moins bien sûr que ne se retrouve ici la cohérence des statuts, qui veulent que majoritairement les membres du cartel aient été tirés de la liste précédemment établie, leur présence sur la liste valant alors témoignage de leur capacité à se situer à l’horizon ou dans la proximité de ce nom de la mort qu’évoquait Rabant.

Il se trouve d’ailleurs que l’histoire de notre cartel aura donné, en tous cas au départ, une forme de consistance à cette question de la légitimité, puisque outre le fait que le cartel s’est constitué de façon un peu excentrique par seul tirage au sort, deux des membres prévus initialement ne se sont jamais manifestés, et ce n’est qu’après pas mal de temps que deux d’entre nous ont associé à notre démarche un troisième donc, mais pas un quatrième, si bien que se pose la question de savoir, puisqu’on en est aux entorses, si nous avons fait cartel, ou plus simplement groupe de travail.

Donc une sorte de cartel bancal, dont nous pourrions dire 2 choses. Tout d’abord que ce cartel nous aura permis de mettre ces manquements au service d’une résistance contre une tâche qu’on aura pu ressentir, au moins au départ, comme inquiétante, celle de nommer- l’un de nous dira qu’on avait commencé par faire la liste de toutes les raisons qu’on avait de ne pas faire de liste ; il n’est pas non plus impossible que les échos redoutables de l’expression « donner des noms », voire ceux du mot « liste » nous aient, un temps, retenus. Quoiqu’il en soit, deuxième chose, un cartel dont on peut dire aussi qu’il nous aura permis de maintenir vivante la question de la légitimité à nommer.

Question d’ailleurs que nous n’aurons pas été les seuls à nous poser
, puisque si on se réfère aux assises des cartels constituants d’Analyse freudienne de 12/94- et réserve faite, bien entendu, du contexte particulier de ce qu’était la nomination après passe à cette époque- on se rend compte que pour certains analystes, le pas-de-liste qui était revendiqué à l’époque trouvait sa raison dans le fait que Lacan disparu, personne ne pouvait plus s’accorder le droit de nommer.

C’était le cas par exemple d’Alain-Didier Weil qui invitait à avoir « le courage de reconnaître que toutes les nominations ne tenaient qu’à l’énonciation de Lacan, pour autant dit-il que du fait que nous assistions à son séminaire, nous le mettions à une place énonciative particulière où nous étions en position de reconnaître un certain rapport de Lacan à cette loi qui n’était ni la loi du principe de plaisir, ni la loi institutionnelle, mais la loi en rapport avec ce qu’il y a de transcendant dans le langage, une loi dont l’homme n’a pas la maitrise, mais à la disposition de laquelle il se trouve ».

Donc on a cheminé à partir de ce que l’on avait pu ressentir au départ comme un défaut de légitimité, pour arriver à la constatation que ne nommer personne en effet ce serait une option, avec son pendant, nommer tout le monde, ce qui est la même chose, à ceci près que dans ce deuxième cas la décision pourrait s’adosser à une particularité de l’association qui est qu’elle ne comporte qu’une seule catégorie de membres.

Du coup, dans notre cheminement, on a pu être amené à s’interroger sur ce qui est attendu des cartels d’admission. Mais dans la mesure où l’association se donne pour but la formation des analystes, il est difficile d’imaginer que ne seraient admis que des analystes déjà formés. Dès lors, et à partir du moment où le principe de la liste est retenu par les statuts, et sauf à imaginer un refus de type caractériel, les 2 options, nommer tout le monde, nommer personne, pourraient bien avoir pour trait commun le même déni de réalité, celui des différences d’expérience, de compétence osons le mot, en tous cas un même déni du fait que les membres de l’association n’en sont pas au même point dans leur relation à la théorie et à la pratique analytique.N’en sont pas au même point non plus quant à la cure, cette cure dont il est dit qu’elle est l’institution analytique elle-même

Dès lors la question s’est posée à nous de savoir au regard de quoi une liste de noms pourrait être produite, et il nous a paru difficile, une fois la question posée, de ne pas rencontrer la problématique cette fois de la fin de l’analyse. C’est-à-dire qu’au fond il ne suffirait peut-être pas de simplement avancer le fait d’une dissociation entre passe et nomination pour que cette question de la fin de l’analyse s’en trouve repoussée à l’arrière plan.

Surtout peut-être si l’on se rapporte à une remarque assez troublante de Safouan, laquelle viendrait d’ailleurs recouper les observations de Dumézil quand il parle des enseignements de la passe, remarque selon laquelle « aucun analyste n’a jamais attendu la fin de son analyse avant de passer à l’exercice de sa profession, le nombre de ceux ou celles qui continuent, ou qui reprennent leur analyse jusqu’à son terme après ce passage, restant minime »

Mais alors, ce qui signifie, ou signifierait , si on se référe à ce que Lacan nous dit de la fin de la cure, qu’il n’y a pas eu, ou du moins incomplètement, désupposition du sss, ou encore qu’aurait manqué à être produit ce dire désubjectivé dont parle Claude Conté , comme si nous dit-il le Sa allait au-delà de ce que l’analysant peut lui-même en assumer, confronté qu’il serait à un réel singulier impossible à soutenir, avec la dimension de trauma qui peut en résulter. Moins un réel dont il conviendrait de faire le deuil, comme le suggère Dumézil, qu’un réel qui viendrait au Sa au moment où le sujet ne pourrait plus le soutenir.

Ce qui du coup pourrait certes accréditer la mise en place d’un dispositif comme le trait du cas, mais ne devrait pas interdire de se poser la question de ce qui vient se jouer dans un tel dispositif dont on nous dit qu’il organise un déplacement des positions énonciatives dans des espaces transférentiels successifs. Autrement dit, comment le Transfert y est-il traité, sur le fond de ces déplacements successifs, de cette circulation signifiante, si l’on sait par exemple que dans la cure, l’interprétation ne consiste jamais qu’à répondre à l’appel inclus dans la parole de l’analysant, et qu’il ne s’agit donc jamais que du rapport de l’analysant à ses propres signifiants.

Au fond, des questions qui en appellent d’autres, qui nous ont fait d’une certaine manière revisiter l’Institution Analyse Freudienne : qu’est-ce qu’une analyse menée à son terme ; si ce terme peut être appréhendé, est-ce la même chose de reprendre au niveau de l’inconscient d’autrui l’expérience faite de son propre inconscient, selon que l’analyse aura été menée à son terme ou non ; qu’est-ce-qui justifie de la mise en place d’un dispositif instituant d’au delà en quelque sorte du contrôle ?

Nous nous sommes aussi demandé s’il convenait de voir dans ces questions la raison du principe de non- garantie posé par Lacan dans sa proposition d’octobre 67 : « Nous ne garantissons personne. Nous attestons seulement que la pratique de tel analyste relève de la formation de l’Ecole. » Il nous aura semblé que non, puisque ce principe renverrait bien plutôt à la question de la responsabilité ultime qu’aurait à assumer l’analyste dans son travail avec son patient.

En revanche, ces mêmes questions nous aurons peut-être renvoyé, d’un éventuel défaut de légitimité chez ceux qui nomment, à ce qui dans l’acte même de nommer, impliquerait de se situer « dans la conséquence de la perte », pour reprendre l’expression de Lacan, sous l’horizon au fond, comme il était dit au départ, « du nom de la mort » qu’évoquait Raban, de telle sorte que le processus de nomination irait d’un sujet divisé, ou possiblement, potentiellement divisé,- si ce n’est au sens de la fin de l’analyse, au sens du moins d’une forme de réconciliation à l’inconscient – d’un sujet divisé, donc, à un autre sujet divisé, celui auquel renverrait tel ou tel nom dans la liste, certes noms au un par un, mais qui ne feraient pas trait de l’idéal.

Et à partir de là, c’est-à-dire aussi dans la suite d’un mouvement qui aura détaché passe et nomination, il nous a semblé que le nom donné dans la liste pourrait renvoyer à plusieurs choses, qui n’en seraient d’ailleurs pour finir qu’une seule, où s’actualiserait la transmission d’un savoir impossible, mais aussi certainement où viendrait se signifier quelque chose du désir d’analyste.

Ce pourrait être, dans le choix que nous en faisons en tant que membres du cartel – il est significatif d’ailleurs que lors de la constitution de la liste, les noms retenus aient été systématiquement associés à des souvenirs très contextualisés, à la mémoire de séquences tout à fait singulières – ce pourrait être donc le nom d’un instant d’émergence du sujet de l’inconscient, le nom donné à un moment particulier d’énonciation, à quelque chose qui dans la tonalité même d’un énoncé témoignerait de la capacité à tenir le sens en suspens, ou encore le nom donné à la capacité à se risquer à la parole, « à l’ouvrir », comme dit quelque part Robert Levy, pour témoigner de sa fonction- analyste, ou ce pourrait être encore le nom donné cette fois au risque de s’affronter à la théorie, en refusant d’élargir à toute compréhension le soupçon jeté sur la compréhension telle qu’elle peut se manifester dans la conduite de la cure, comme mouvement obstiné consistant à ramener l’inconnu au connu.

Une liste serait donc possible, mais évidemment parfaitement restrictive, si elle doit se référer à la seule actualité de ce qui est énoncé ou entendu, voire lu, c’est-à-dire au fond à la seule actualité brûlante de la parole, et dans tel lieu étroitement circonscrit : séminaire, cartel, groupe de lecture, dispositif, une liste parfaitement restrictive aussi au sens où tout cela renverrait au positionnement propre de chacun des membres du cartel au sein de l’Association : ce qu’il y fait, ce qu’il n’y fait pas, ses difficultés propres avec le groupe, ses capacités d’écoute et les empêchements éventuels qu’elles connaissent, etc… Liste restrictive donc, dont les modalités d’établissement laisseraient peut-être entendre que ce n’est pas d’évidence que passe et nomination auront été disjointes.

Une liste, oui alors, toute restrictive soit-elle, mais qui pour finir poserait une question en quelque sorte interne au fonctionnement du cartel lui-même. Dès lors en effet que par chacun des membres du cartel des noms auront été proposés, et des noms ne renvoyant pas nécessairement à des membres de l’Association connus de tous les participants du cartel, sans doute conviendrait-il de se demander comment aura pu être rendu présente, dans sa qualité distinctive, telle ou telle personne proposée, ou telle séquence dont l’un de nous aura été le témoin. Ce qui nous ramènerait à la question du dire dans sa qualité d’énonciation, mais aussi à la question effleurée tout à l’heure de la plus-une-personne, que chacun aura pu à l’occasion être pour les deux autres.

 

Quelques lignes pour commencer, que l’on trouve à la page 104 d’ « A l’école du sujet ». « Du protocole est attendu que l’on puisse énoncer en quoi Analyse freudienne pourrait attester que l’un de ses membres situe son rapport à la pratique et à la recherche théorique dans l’éthique qu’elle soutient : celle de l’analyse freudienne ». C’est donc Analyse Freudienne qui atteste, et ce au regard d’une éthique de l’Association qui serait déposée dans ses statuts, soutenue par des textes, éthique qui a fait l’objet d’une nomination, comme éthique de la déliaison, ou encore de la division du sujet. Sans doute pourrait-on également rapporter cette éthique à ce que Claude Rabant appelle l’athéisme de l’inconscient. « S’il y a quelque chance que la psychanalyse nous aide à construire une métaphore paternelle un peu moins étouffante que celle du monothéisme et de ses avatars, avec pour horizon ce que nous appellerons l’athéisme de l’inconscient, nous en sommes encore à balbutier, bien en deçà des poètes, comme l’avouait déjà Freud, le nom de la mort ».
Que désigne cet énigmatique nom de la mort ? Rabant ne le dit pas, mais on peut penser que ce nom de la mort a à voir avec le fait que ce qu’introduit le symbolique dans le réel, c’est la possibilité de l’absence, auquel cas en effet Mallarmé avec son « absente de tout bouquet » ou Celan avec « la rose de personne », seraient à reconnaître, avec leurs ressources propres bien sûr, comme proches de l’éthique psychanalytique.
Mais pour en revenir aux quelques phrases citées au départ, elles sont suivies de quelques autres que voici : « Autant dire que cette définition exclut a priori que quiconque en son nom propre puisse imputer à quelque petit autre que ce soit la preuve de son éthique ou de son manquement, car dans ce cas cela relèverait d’une simple opinion, ou pire d’une morale personnelle qui prétendrait faire école, ce que nous avons exclu a priori. »
Or il nous a semblé que cette exclusion a priori n’était pas sans poser problème, et que d’une certaine manière la question qu’elle soulevait avait constitué le moteur de notre réflexion, de nos échanges dans le cartel .Pour dire les choses plus directement, nous avons pu penser que cette forme d’exclusion a priori éteignait un peu vite la question de la légitimité que l’on pouvait avoir à donner une liste de noms répondant à l’éthique de l’association.

A moins bien sûr que ne se retrouve ici la cohérence des statuts, qui veulent que majoritairement les membres du cartel aient été tirés de la liste précédemment établie, leur présence sur la liste valant alors témoignage de leur capacité à se situer à l’horizon ou dans la proximité de ce nom de la mort qu’évoquait Rabant.

Il se trouve d’ailleurs que l’histoire de notre cartel aura donné, en tous cas au départ, une forme de consistance à cette question de la légitimité, puisque outre le fait que le cartel s’est constitué de façon un peu excentrique par seul tirage au sort, deux des membres prévus initialement ne se sont jamais manifestés, et ce n’est qu’après pas mal de temps que deux d’entre nous ont associé à notre démarche un troisième donc, mais pas un quatrième, si bien que se pose la question de savoir, puisqu’on en est aux entorses, si nous avons fait cartel, ou plus simplement groupe de travail.

Donc une sorte de cartel bancal, dont nous pourrions dire 2 choses. Tout d’abord que ce cartel nous aura permis de mettre ces manquements au service d’une résistance contre une tâche qu’on aura pu ressentir, au moins au départ, comme inquiétante, celle de nommer- l’un de nous dira qu’on avait commencé par faire la liste de toutes les raisons qu’on avait de ne pas faire de liste ; il n’est pas non plus impossible que les échos redoutables de l’expression « donner des noms », voire ceux du mot « liste » nous aient, un temps, retenus. Quoiqu’il en soit, deuxième chose, un cartel dont on peut dire aussi qu’il nous aura permis de maintenir vivante la question de la légitimité à nommer.

Question d’ailleurs que nous n’aurons pas été les seuls à nous poser, puisque si on se réfère aux assises des cartels constituants d’Analyse freudienne de 12/94- et réserve faite, bien entendu, du contexte particulier de ce qu’était la nomination après passe à cette époque- on se rend compte que pour certains analystes, le pas-de-liste qui était revendiqué à l’époque trouvait sa raison dans le fait que Lacan disparu, personne ne pouvait plus s’accorder le droit de nommer.

C’était le cas par exemple d’Alain-Didier Weil qui invitait à avoir « le courage de reconnaître que toutes les nominations ne tenaient qu’à l’énonciation de Lacan, pour autant dit-il que du fait que nous assistions à son séminaire, nous le mettions à une place énonciative particulière où nous étions en position de reconnaître un certain rapport de Lacan à cette loi qui n’était ni la loi du principe de plaisir, ni la loi institutionnelle, mais la loi en rapport avec ce qu’il y a de transcendant dans le langage, une loi dont l’homme n’a pas la maitrise, mais à la disposition de laquelle il se trouve ».

Donc on a cheminé à partir de ce que l’on avait pu ressentir au départ comme un défaut de légitimité, pour arriver à la constatation que ne nommer personne en effet ce serait une option, avec son pendant, nommer tout le monde, ce qui est la même chose, à ceci près que dans ce deuxième cas la décision pourrait s’adosser à une particularité de l’association qui est qu’elle ne comporte qu’une seule catégorie de membres.

Du coup, dans notre cheminement, on a pu être amené à s’interroger sur ce qui est attendu des cartels d’admission. Mais dans la mesure où l’association se donne pour but la formation des analystes, il est difficile d’imaginer que ne seraient admis que des analystes déjà formés. Dès lors, et à partir du moment où le principe de la liste est retenu par les statuts, et sauf à imaginer un refus de type caractériel, les 2 options, nommer tout le monde, nommer personne, pourraient bien avoir pour trait commun le même déni de réalité, celui des différences d’expérience, de compétence osons le mot, en tous cas un même déni du f
ait que les membres de l’association n’en sont pas au même point dans leur relation à la théorie et à la pratique analytique.N’en sont pas au même point non plus quant à la cure, cette cure dont il est dit qu’elle est l’institution analytique elle-même

Dès lors la question s’est posée à nous de savoir au regard de quoi une liste de noms pourrait être produite, et il nous a paru difficile, une fois la question posée, de ne pas rencontrer la problématique cette fois de la fin de l’analyse. C’est-à-dire qu’au fond il ne suffirait peut-être pas de simplement avancer le fait d’une dissociation entre passe et nomination pour que cette question de la fin de l’analyse s’en trouve repoussée à l’arrière plan.

Surtout peut-être si l’on se rapporte à une remarque assez troublante de Safouan, laquelle viendrait d’ailleurs recouper les observations de Dumézil quand il parle des enseignements de la passe, remarque selon laquelle « aucun analyste n’a jamais attendu la fin de son analyse avant de passer à l’exercice de sa profession, le nombre de ceux ou celles qui continuent, ou qui reprennent leur analyse jusqu’à son terme après ce passage, restant minime »

Mais alors, ce qui signifie, ou signifierait , si on se référe à ce que Lacan nous dit de la fin de la cure, qu’il n’y a pas eu, ou du moins incomplètement, désupposition du sss, ou encore qu’aurait manqué à être produit ce dire désubjectivé dont parle Claude Conté , comme si nous dit-il le Sa allait au-delà de ce que l’analysant peut lui-même en assumer, confronté qu’il serait à un réel singulier impossible à soutenir, avec la dimension de trauma qui peut en résulter. Moins un réel dont il conviendrait de faire le deuil, comme le suggère Dumézil, qu’un réel qui viendrait au Sa au moment où le sujet ne pourrait plus le soutenir.

Ce qui du coup pourrait certes accréditer la mise en place d’un dispositif comme le trait du cas, mais ne devrait pas interdire de se poser la question de ce qui vient se jouer dans un tel dispositif dont on nous dit qu’il organise un déplacement des positions énonciatives dans des espaces transférentiels successifs. Autrement dit, comment le Transfert y est-il traité, sur le fond de ces déplacements successifs, de cette circulation signifiante, si l’on sait par exemple que dans la cure, l’interprétation ne consiste jamais qu’à répondre à l’appel inclus dans la parole de l’analysant, et qu’il ne s’agit donc jamais que du rapport de l’analysant à ses propres signifiants.

Au fond, des questions qui en appellent d’autres, qui nous ont fait d’une certaine manière revisiter l’Institution Analyse Freudienne : qu’est-ce qu’une analyse menée à son terme ; si ce terme peut être appréhendé, est-ce la même chose de reprendre au niveau de l’inconscient d’autrui l’expérience faite de son propre inconscient, selon que l’analyse aura été menée à son terme ou non ; qu’est-ce-qui justifie de la mise en place d’un dispositif instituant d’au delà en quelque sorte du contrôle ?

Nous nous sommes aussi demandé s’il convenait de voir dans ces questions la raison du principe de non- garantie posé par Lacan dans sa proposition d’octobre 67 : « Nous ne garantissons personne. Nous attestons seulement que la pratique de tel analyste relève de la formation de l’Ecole. » Il nous aura semblé que non, puisque ce principe renverrait bien plutôt à la question de la responsabilité ultime qu’aurait à assumer l’analyste dans son travail avec son patient.

En revanche, ces mêmes questions nous aurons peut-être renvoyé, d’un éventuel défaut de légitimité chez ceux qui nomment, à ce qui dans l’acte même de nommer, impliquerait de se situer « dans la conséquence de la perte », pour reprendre l’expression de Lacan, sous l’horizon au fond, comme il était dit au départ, « du nom de la mort » qu’évoquait Raban, de telle sorte que le processus de nomination irait d’un sujet divisé, ou possiblement, potentiellement divisé,- si ce n’est au sens de la fin de l’analyse, au sens du moins d’une forme de réconciliation à l’inconscient – d’un sujet divisé, donc, à un autre sujet divisé, celui auquel renverrait tel ou tel nom dans la liste, certes noms au un par un, mais qui ne feraient pas trait de l’idéal.

Et à partir de là, c’est-à-dire aussi dans la suite d’un mouvement qui aura détaché passe et nomination, il nous a semblé que le nom donné dans la liste pourrait renvoyer à plusieurs choses, qui n’en seraient d’ailleurs pour finir qu’une seule, où s’actualiserait la transmission d’un savoir impossible, mais aussi certainement où viendrait se signifier quelque chose du désir d’analyste.

Ce pourrait être, dans le choix que nous en faisons en tant que membres du cartel – il est significatif d’ailleurs que lors de la constitution de la liste, les noms retenus aient été systématiquement associés à des souvenirs très contextualisés, à la mémoire de séquences tout à fait singulières – ce pourrait être donc le nom d’un instant d’émergence du sujet de l’inconscient, le nom donné à un moment particulier d’énonciation, à quelque chose qui dans la tonalité même d’un énoncé témoignerait de la capacité à tenir le sens en suspens, ou encore le nom donné à la capacité à se risquer à la parole, « à l’ouvrir », comme dit quelque part Robert Levy, pour témoigner de sa fonction- analyste, ou ce pourrait être encore le nom donné cette fois au risque de s’affronter à la théorie, en refusant d’élargir à toute compréhension le soupçon jeté sur la compréhension telle qu’elle peut se manifester dans la conduite de la cure, comme mouvement obstiné consistant à ramener l’inconnu au connu.

Une liste serait donc possible, mais évidemment parfaitement restrictive, si elle doit se référer à la seule actualité de ce qui est énoncé ou entendu, voire lu, c’est-à-dire au fond à la seule actualité brûlante de la parole, et dans tel lieu étroitement circonscrit : séminaire, cartel, groupe de lecture, dispositif, une liste parfaitement restrictive aussi au sens où tout cela renverrait au positionnement propre de chacun des membres du cartel au sein de l’Association : ce qu’il y fait, ce qu’il n’y fait pas, ses difficultés propres avec le groupe, ses capacités d’écoute et les empêchements éventuels qu’elles connaissent, etc… Liste restrictive donc, dont les modalités d’établissement laisseraient peut-être entendre que ce n’est pas d’évidence que passe et nomination auront été disjointes.

Une liste, oui alors, toute restrictive soit-elle, mais qui pour finir poserait une question en quelque sorte interne au fonctionnement du cartel lui-même. Dès lors en effet que par chacun des membres du cartel des noms auront été proposés, et des noms ne renvoyant pas nécessairement à des membres de l’Association connus de tous les participants du cartel, sans doute conviendrait-il de se demander comment aura pu être rendu présente, dans sa qualité distinctive, telle ou telle personne proposée, ou telle séquence dont l’un de nous aura été le témoin. Ce qui nous ramènerait à la question du dire dans sa qualité d’énonciation, mais aussi à la question effleurée tout à l’heure de la plus-une-personne, que chacun aura pu à l’occasion être pour les deux autres.

 

Quelques lignes pour commencer, que l’on trouve à la page 104 d’ « A l’école du sujet ». « Du protocole est attendu que l’on puisse énoncer en quoi Analyse freudienne pourrait attester que l’un de ses membres situe son rapport à la pratique et à la recherche théorique dans l’éthique qu’elle soutient : celle de l’analyse freudienne ». C’est donc Analyse Freudienne qui atteste, et ce au regard d’une éthique de l’Association qui serait déposée dans ses statuts, souten
ue par des textes, éthique qui a fait l’objet d’une nomination, comme éthique de la déliaison, ou encore de la division du sujet. Sans doute pourrait-on également rapporter cette éthique à ce que Claude Rabant appelle l’athéisme de l’inconscient. « S’il y a quelque chance que la psychanalyse nous aide à construire une métaphore paternelle un peu moins étouffante que celle du monothéisme et de ses avatars, avec pour horizon ce que nous appellerons l’athéisme de l’inconscient, nous en sommes encore à balbutier, bien en deçà des poètes, comme l’avouait déjà Freud, le nom de la mort ».
Que désigne cet énigmatique nom de la mort ? Rabant ne le dit pas, mais on peut penser que ce nom de la mort a à voir avec le fait que ce qu’introduit le symbolique dans le réel, c’est la possibilité de l’absence, auquel cas en effet Mallarmé avec son « absente de tout bouquet » ou Celan avec « la rose de personne », seraient à reconnaître, avec leurs ressources propres bien sûr, comme proches de l’éthique psychanalytique.
Mais pour en revenir aux quelques phrases citées au départ, elles sont suivies de quelques autres que voici : « Autant dire que cette définition exclut a priori que quiconque en son nom propre puisse imputer à quelque petit autre que ce soit la preuve de son éthique ou de son manquement, car dans ce cas cela relèverait d’une simple opinion, ou pire d’une morale personnelle qui prétendrait faire école, ce que nous avons exclu a priori. »
Or il nous a semblé que cette exclusion a priori n’était pas sans poser problème, et que d’une certaine manière la question qu’elle soulevait avait constitué le moteur de notre réflexion, de nos échanges dans le cartel .Pour dire les choses plus directement, nous avons pu penser que cette forme d’exclusion a priori éteignait un peu vite la question de la légitimité que l’on pouvait avoir à donner une liste de noms répondant à l’éthique de l’association.

A moins bien sûr que ne se retrouve ici la cohérence des statuts, qui veulent que majoritairement les membres du cartel aient été tirés de la liste précédemment établie, leur présence sur la liste valant alors témoignage de leur capacité à se situer à l’horizon ou dans la proximité de ce nom de la mort qu’évoquait Rabant.

Il se trouve d’ailleurs que l’histoire de notre cartel aura donné, en tous cas au départ, une forme de consistance à cette question de la légitimité, puisque outre le fait que le cartel s’est constitué de façon un peu excentrique par seul tirage au sort, deux des membres prévus initialement ne se sont jamais manifestés, et ce n’est qu’après pas mal de temps que deux d’entre nous ont associé à notre démarche un troisième donc, mais pas un quatrième, si bien que se pose la question de savoir, puisqu’on en est aux entorses, si nous avons fait cartel, ou plus simplement groupe de travail.

Donc une sorte de cartel bancal, dont nous pourrions dire 2 choses. Tout d’abord que ce cartel nous aura permis de mettre ces manquements au service d’une résistance contre une tâche qu’on aura pu ressentir, au moins au départ, comme inquiétante, celle de nommer- l’un de nous dira qu’on avait commencé par faire la liste de toutes les raisons qu’on avait de ne pas faire de liste ; il n’est pas non plus impossible que les échos redoutables de l’expression « donner des noms », voire ceux du mot « liste » nous aient, un temps, retenus. Quoiqu’il en soit, deuxième chose, un cartel dont on peut dire aussi qu’il nous aura permis de maintenir vivante la question de la légitimité à nommer.

Question d’ailleurs que nous n’aurons pas été les seuls à nous poser, puisque si on se réfère aux assises des cartels constituants d’Analyse freudienne de 12/94- et réserve faite, bien entendu, du contexte particulier de ce qu’était la nomination après passe à cette époque- on se rend compte que pour certains analystes, le pas-de-liste qui était revendiqué à l’époque trouvait sa raison dans le fait que Lacan disparu, personne ne pouvait plus s’accorder le droit de nommer.

C’était le cas par exemple d’Alain-Didier Weil qui invitait à avoir « le courage de reconnaître que toutes les nominations ne tenaient qu’à l’énonciation de Lacan, pour autant dit-il que du fait que nous assistions à son séminaire, nous le mettions à une place énonciative particulière où nous étions en position de reconnaître un certain rapport de Lacan à cette loi qui n’était ni la loi du principe de plaisir, ni la loi institutionnelle, mais la loi en rapport avec ce qu’il y a de transcendant dans le langage, une loi dont l’homme n’a pas la maitrise, mais à la disposition de laquelle il se trouve ».

Donc on a cheminé à partir de ce que l’on avait pu ressentir au départ comme un défaut de légitimité, pour arriver à la constatation que ne nommer personne en effet ce serait une option, avec son pendant, nommer tout le monde, ce qui est la même chose, à ceci près que dans ce deuxième cas la décision pourrait s’adosser à une particularité de l’association qui est qu’elle ne comporte qu’une seule catégorie de membres.

Du coup, dans notre cheminement, on a pu être amené à s’interroger sur ce qui est attendu des cartels d’admission. Mais dans la mesure où l’association se donne pour but la formation des analystes, il est difficile d’imaginer que ne seraient admis que des analystes déjà formés. Dès lors, et à partir du moment où le principe de la liste est retenu par les statuts, et sauf à imaginer un refus de type caractériel, les 2 options, nommer tout le monde, nommer personne, pourraient bien avoir pour trait commun le même déni de réalité, celui des différences d’expérience, de compétence osons le mot, en tous cas un même déni du fait que les membres de l’association n’en sont pas au même point dans leur relation à la théorie et à la pratique analytique.N’en sont pas au même point non plus quant à la cure, cette cure dont il est dit qu’elle est l’institution analytique elle-même

Dès lors la question s’est posée à nous de savoir au regard de quoi une liste de noms pourrait être produite, et il nous a paru difficile, une fois la question posée, de ne pas rencontrer la problématique cette fois de la fin de l’analyse. C’est-à-dire qu’au fond il ne suffirait peut-être pas de simplement avancer le fait d’une dissociation entre passe et nomination pour que cette question de la fin de l’analyse s’en trouve repoussée à l’arrière plan.

Surtout peut-être si l’on se rapporte à une remarque assez troublante de Safouan, laquelle viendrait d’ailleurs recouper les observations de Dumézil quand il parle des enseignements de la passe, remarque selon laquelle « aucun analyste n’a jamais attendu la fin de son analyse avant de passer à l’exercice de sa profession, le nombre de ceux ou celles qui continuent, ou qui reprennent leur analyse jusqu’à son terme après ce passage, restant minime »

Mais alors, ce qui signifie, ou signifierait , si on se référe à ce que Lacan nous dit de la fin de la cure, qu’il n’y a pas eu, ou du moins incomplètement, désupposition du sss, ou encore qu’aurait manqué à être produit ce dire désubjectivé dont parle Claude Conté , comme si nous dit-il le Sa allait au-delà de ce que l’analysant peut lui-même en assumer, confronté qu’il serait à un réel singulier impossible à soutenir, avec la dimension de trauma qui peut en résulter. Moins un réel dont il conviendrait de faire le deuil, comme le suggère Dumézil, qu’un réel qui viendrait au Sa au moment où le sujet ne pourrait plus le soutenir.

Ce qui du coup pourrait certes accréditer la mise en place d’un dispositif comme le trait du cas, mais ne devrait pas interdire de se poser la question de ce qui vient se jouer dans un tel dispositif dont on nous dit qu’il organise un déplacement des positions énon
ciatives dans des espaces transférentiels successifs. Autrement dit, comment le Transfert y est-il traité, sur le fond de ces déplacements successifs, de cette circulation signifiante, si l’on sait par exemple que dans la cure, l’interprétation ne consiste jamais qu’à répondre à l’appel inclus dans la parole de l’analysant, et qu’il ne s’agit donc jamais que du rapport de l’analysant à ses propres signifiants.

Au fond, des questions qui en appellent d’autres, qui nous ont fait d’une certaine manière revisiter l’Institution Analyse Freudienne : qu’est-ce qu’une analyse menée à son terme ; si ce terme peut être appréhendé, est-ce la même chose de reprendre au niveau de l’inconscient d’autrui l’expérience faite de son propre inconscient, selon que l’analyse aura été menée à son terme ou non ; qu’est-ce-qui justifie de la mise en place d’un dispositif instituant d’au delà en quelque sorte du contrôle ?

Nous nous sommes aussi demandé s’il convenait de voir dans ces questions la raison du principe de non- garantie posé par Lacan dans sa proposition d’octobre 67 : « Nous ne garantissons personne. Nous attestons seulement que la pratique de tel analyste relève de la formation de l’Ecole. » Il nous aura semblé que non, puisque ce principe renverrait bien plutôt à la question de la responsabilité ultime qu’aurait à assumer l’analyste dans son travail avec son patient.

En revanche, ces mêmes questions nous aurons peut-être renvoyé, d’un éventuel défaut de légitimité chez ceux qui nomment, à ce qui dans l’acte même de nommer, impliquerait de se situer « dans la conséquence de la perte », pour reprendre l’expression de Lacan, sous l’horizon au fond, comme il était dit au départ, « du nom de la mort » qu’évoquait Raban, de telle sorte que le processus de nomination irait d’un sujet divisé, ou possiblement, potentiellement divisé,- si ce n’est au sens de la fin de l’analyse, au sens du moins d’une forme de réconciliation à l’inconscient – d’un sujet divisé, donc, à un autre sujet divisé, celui auquel renverrait tel ou tel nom dans la liste, certes noms au un par un, mais qui ne feraient pas trait de l’idéal.

Et à partir de là, c’est-à-dire aussi dans la suite d’un mouvement qui aura détaché passe et nomination, il nous a semblé que le nom donné dans la liste pourrait renvoyer à plusieurs choses, qui n’en seraient d’ailleurs pour finir qu’une seule, où s’actualiserait la transmission d’un savoir impossible, mais aussi certainement où viendrait se signifier quelque chose du désir d’analyste.

Ce pourrait être, dans le choix que nous en faisons en tant que membres du cartel – il est significatif d’ailleurs que lors de la constitution de la liste, les noms retenus aient été systématiquement associés à des souvenirs très contextualisés, à la mémoire de séquences tout à fait singulières – ce pourrait être donc le nom d’un instant d’émergence du sujet de l’inconscient, le nom donné à un moment particulier d’énonciation, à quelque chose qui dans la tonalité même d’un énoncé témoignerait de la capacité à tenir le sens en suspens, ou encore le nom donné à la capacité à se risquer à la parole, « à l’ouvrir », comme dit quelque part Robert Levy, pour témoigner de sa fonction- analyste, ou ce pourrait être encore le nom donné cette fois au risque de s’affronter à la théorie, en refusant d’élargir à toute compréhension le soupçon jeté sur la compréhension telle qu’elle peut se manifester dans la conduite de la cure, comme mouvement obstiné consistant à ramener l’inconnu au connu.

Une liste serait donc possible, mais évidemment parfaitement restrictive, si elle doit se référer à la seule actualité de ce qui est énoncé ou entendu, voire lu, c’est-à-dire au fond à la seule actualité brûlante de la parole, et dans tel lieu étroitement circonscrit : séminaire, cartel, groupe de lecture, dispositif, une liste parfaitement restrictive aussi au sens où tout cela renverrait au positionnement propre de chacun des membres du cartel au sein de l’Association : ce qu’il y fait, ce qu’il n’y fait pas, ses difficultés propres avec le groupe, ses capacités d’écoute et les empêchements éventuels qu’elles connaissent, etc… Liste restrictive donc, dont les modalités d’établissement laisseraient peut-être entendre que ce n’est pas d’évidence que passe et nomination auront été disjointes.

Une liste, oui alors, toute restrictive soit-elle, mais qui pour finir poserait une question en quelque sorte interne au fonctionnement du cartel lui-même. Dès lors en effet que par chacun des membres du cartel des noms auront été proposés, et des noms ne renvoyant pas nécessairement à des membres de l’Association connus de tous les participants du cartel, sans doute conviendrait-il de se demander comment aura pu être rendu présente, dans sa qualité distinctive, telle ou telle personne proposée, ou telle séquence dont l’un de nous aura été le témoin. Ce qui nous ramènerait à la question du dire dans sa qualité d’énonciation, mais aussi à la question effleurée tout à l’heure de la plus-une-personne, que chacun aura pu à l’occasion être pour les deux autres.

 

 

 

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