“Nul n’est censé ignorer la loi de la parole et du langage”. Philippe Woloszko-Séminaire Paris, 4/11/2020

 

Nul n’est censé ignorer la loi de la parole et du langage.

« Moi la vérité, je parle »[1]

Philippe Woloszko

Séminaire Paris,

4/11/2020

J’espère que nul d’entre vous n’a ignoré l’humour et l’équivoque de ce titre. Comme la passion de l’ignorance concerne au moins autant les psychanalystes, le titre aurait pu être, mais en perdant l’effet métaphorique: nul analyste n’est censé ignorer la loi de la parole et du langage, à lire comme ceci: nu l’analyste naissant sait ignorer la loi de la parole et du langage. Pour nos amis hispanophones, précisons que cette phrase: « Nul n’est censé ignorer la loi », qui est le titre de ce travail, est une interprétation, elle se trouve dans le code civil, c’est-à-dire est inscrite dans le droit français. Ainsi, on n’a pas le droit d’ignorer le droit, la loi. En va-t-il ainsi des autres formes de lois humaines, comme l’interdit de l’inceste et du meurtre et, surtout, pour ce qui nous intéresse, de la loi de la parole et du langage, autrement dit celle de la logique du signifiant? Cela peut amener à considérer autrement ces énoncés trop souvent entendus comme: « J’ignorais que cela allait causer le massacre d’êtres humains, et de toute façon j’ai obéi aux ordres ». C’est quelque chose d’absolument banal, nous disait Hannah Arendt. L’ignorance est quelque chose d’absolument banal même si d’après le code civil, ce serait un délit. Alors s’agit-il de déni, de refoulement, de forclusion, de dénégation (Verleugnung, Verdrängung,Verwerfung et Verneinung)? Ces différents mécanismes n’ont pas le même rapport au réel. L’ignorance est-elle ignorance d’un savoir ou ignorance de la vérité? L’ignorance est-elle toujours une passion, ou faut-il distinguer ignorance et passion de l’ignorance ainsi que son corollaire: l’acte de ne rien vouloir en savoir? Avant d’entamer mon propos en m’appuyant sur l’apport de Lacan, il me semble important d’aller faire un tour rapide chez Freud. En particulier, pour reprendre la question de l’objet afin d’approfondir ce qui a été travaillé l’an dernier. Pour ce faire, je vais m’appuyer, outre les textes de Freud, sur un texte de Jean-Pierre Bauer, psychanalyste strasbourgeois, présenté aux deux journées de l’École freudienne de Paris en 1974. Commençons par un rappel de ce qu’avait amené Valérie Marchand, le 15 janvier dernier. Le nouveau-né a d’abord affaire à une excitation endogène, comme la faim. Pour lui, il n’y a alors pas de monde extérieur et donc, pas d’excitation exogène. Lors du renouvellement de cette excitation endogène, ici la faim, les chaînes neuronales sont réinvesties, réactivées par l’expérience de la première excitation en formant ainsi la trace mnésique[2]. La satisfaction de la pulsion se fait de façon régressive par l’hallucination. L’objet est ainsi créé régressivement par l’hallucination, c’est-à-dire que l’hallucination désigne le lieu de la satisfaction, selon le principe de plaisir. Ce lieu est « un objet » vide, une chose (das Ding) qui cause le désir, à savoir la reconstruction de la première satisfaction. Le principe de réalité va alors introduire le monde extérieur. Cela se fait par la perception de l’objet réel de la satisfaction du besoin, qui va occuper cette place vide, celle de l’objet perdu, qui n’a jamais existé. Il y a deux conséquences majeures: 1) Il ne restera de cet objet hallucinatoire qu’un perçu originel. C’est là, la première représentation qui donnera lieu au signifiant, qui est pour le sujet l’objet perdu, objet a. Et 2) C’est autour du principe de réalité que Lacan assimile au fantasme, que va s’organiser la réalité psychique. L’introduction du principe de réalité est le processus secondaire permis par le travail de la pensée. Ainsi, en relisant Freud avec l’éclairage de Lacan, il apparaît que le signifiant ne peut se concevoir autrement que par l’exclusion de toute représentation du réel. Les représentations, qui vont s’organiser en signifiants, déterminent la réalité psychique à travers le fantasme qui va augmenter cette réalité psychique avec des images, donc de l’imaginaire. Freud distingue la réalité psychique, que nous avons déjà évoquée, de la réalité matérielle qu’on peut rapidement assimiler au dedans et au dehors. La réalité, en particulier dans le sens de ce qui deviendra le réel pour Lacan, se forme par l’exclusion des représentations, les représentations vont constituer ce qui deviendra le symbolique avec Lacan. Il nous faudra attendre les éclairages de Lacan pour distinguer réalité et réel. Le texte de Bauer amène quelques précisions sur la façon dont Freud travaille la question du réel et en préfigure les développements qu’en fera Lacan. Je vais vous en dire quelques mots, en trois points.

1) L’objet

La création de l’objet permet au principe de plaisir d’utiliser ce qui était originellement exclu. En effet, de l’objet hallucinatoire il ne reste qu’un perçu originel qui constitue finalement une forme minimale de réel. Cette perception originelle peut être alors conçue comme une butée corporelle à toute représentation, c’est-à-dire au symbolique. Cela nous amène à la question du corps qui est le deuxième point.

2) Le corps

Dans « Pulsions et destin des pulsions », Freud fait des pulsions l’effet de la liaison du psychique et du corporel. Or, l’impossibilité originaire de la décharge qui s’exprime dans la détresse vitale ou le traumatisme de la naissance, fait du monde extérieur un lieu antinomique au principe de plaisir en tant qu’il se dérobe à la décharge des quantités[3]intérieures qui envahissent l’appareil. On peut entendre là une première conception du trauma et donc du réel. L’énergie pulsionnelle des quantités internes n’est pas fuyable, d’autant plus que la pulsion n’est pas représentable. Cela amène le corps, en quelque sorte, à venir à la place du monde extérieur; en place de réel. Cela fait apparaître la pulsion comme l’effet de la perte du corps, de l’inconnaissable du corps qui ne peut se signifier que par le détour du principe de réalité, c’est-à-dire de l’objet. Ainsi, le mythe énergétique « des quantités », que Freud invente et qui s’étayera avec la libido, est, chez lui, un principe d’équivalence des représentations par rapport au non-représentable. Cela concerne aussi bien le trauma que la décharge, donc quelque chose de l’ordre de la jouissance. Ainsi, l’utilisation de l’énergétique permet de relier le psychique et le monde extérieur (dont le corps fait partie), non pas comme deux champs hétérogènes mais comme travail à l’intérieur même du psychique et de ce qui spécifie la réalité en tant que telle. La réalité n’étant pas, pour Freud, distinguée du réel lacanien mais il a quand même eu besoin du concept de réalité psychique. Est-ce que Lacan ne produit pas quelque chose de semblable avec « l’être », concept vague issu de la philosophie, car l’être désigne à la fois l’être-parlant et l’être non-parlant?

3) La réalité sexuelle

Bauer remarque une identité d’effets entre le monde extérieur et la sexualité: il s’agit d’un contact prématuré. La réalité sexuelle va amener Freud à un renversement de sa théorie où il passe de la théorie traumatique à celle du fantasme. Dans ses « Études sur l’hystérie » le noyau pathogène (le fantasme) constitue ce dont on ne peut rien dire tout en étant ce qui organise le discours c’est-à-dire ce qui est à la fois la source et la limite du discours du sujet. La réalité sexuelle, la manière dont elle peut s’actualiser dépend de fantasmes de scènes primitives. Ces scènes constituent donc des fantasmes de réalisation, ce qui peut être appréhendé comme un réel érotisé. Il s’agit ainsi de la mise en scène de la question même de la réalité du rapport sexuel. Car la “réalité sexuelle” s’affirme comme la réalité à connaître et se trouve à l’origine des théories sexuelles infantiles. Le fondement de cette réalité sexuelle repose sur un caractère d’étrangeté, dans tous les sens du terme, du sexuel. Il s’agit de ce qui fait, du corps du plaisir, le corps perdu. Ce qui revient à dire, d’une autre façon, qu’il n’y a pas de rapport sexuel. Il en découle que tout événement, en tant qu’intervention du réel, est sexuel. L’événement est toujours question ultime de la réalité du sexuel. Et enfin, le sexe est le lieu de l’accompli, ce qui fait de la réalité qui concerne au plus haut point le sujet une réalité déjà accomplie, achevée, dont il ne peut être qu’exclu. Pour illustrer cette affaire de la sexualisation de l’événement réel, prenons ce que Freud écrit concernant I’apparition du Surmoi dans Malaise dans la civilisation, texte dans lequel il dit que le renoncement réel entretient le besoin de punition, qui constitue pour lui le danger interne équivalent du danger externe de l’agression. Ainsi, le besoin de punition apparaît comme l’érotisation de l’impossibilité même du rapport sexuel. C’est l’érotisation de ce réel que le sexuel indique tout en en montrant le dérobement. Après ce rappel des élaborations de Freud, allons voir ce qu’il se passe dans ces formes de l’ignorance que sont la dénégation (Verneinung), le déni ou désaveu (Verleugnung) et aussi accessoirement la forclusion (Verwerfung). Je n’évoque pas, ici, le refoulement (Verdrängung) qui me semble suffisamment connu par chacun d’entre nous, ni cette question complexe de la condensation, que Robert Lévy avait évoqué au précédent séminaire. Ce sont des concepts freudiens qui ont été aussi travaillés par Lacan. Ce sont des mécanismes fort différents qu’il n’est souvent pas facile de discerner. Ainsi, l’ignorance du réel de la mort, cette façon qu’ont beaucoup de gens de faire comme s’ils n’étaient pas concernés, est-ce une dénégation, un désaveu ou déni ou même, pourquoi pas, une forclusion? Plus précisément, la réduction du réel de la mort de cette pandémie au confinement, comme si c’était le confinement le problème et non la conséquence. C’est ce qui a probablement conduit à la situation actuelle de résurgence exponentielle de la pandémie, puisque s’il n’y a plus de confinement, il n’y aurait plus de pandémie, et son corollaire de réel de la mort. C’est prendre le symbole pour ce qu’il représente, être dupe du signifiant et penser qu’éliminer le symbole résout le problème, comme si effacer un signifiant pouvait résoudre les difficultés d’un sujet. Freud a bien montré que le refoulement est équivalent au retour du refoulé. Il y a une difficulté sémantique en français entre la dénégation et le déni. La dénégation a été traduit tout d’abord par « négation » dont la forme verbale est « nier ». Si on parle de dénégation, alors la forme verbale devient dénier, ce qui donne le déni. Finalement, on s’y perd. En allemand, il y a deux mots bien différents: Verneinung et Verleugnung. La traduction, proposée par Guy Rosolato, de « désaveu » ne lève pas entièrement cette confusion, mais rend mieux compte de la double opération de reconnaissance et de refus de la réalité d’une perception ou d’une absence. Dire, comme nous le faisons à Analyse freudienne: « louche refus » tend à spécifier la Verleugnung du côté de la perversion. Nous emploierons, dans ce travail, le terme de « désaveu ». Freud donne la définition suivante de la dénégation: « Un contenu refoulé de représentation ou de pensée peut donc se frayer un passage jusqu’à la conscience, à condition de se faire nier. La dénégation est une façon de prendre connaissance du refoulé, elle est à proprement parler déjà une levée du refoulement mais certainement pas une acceptation du refoulé. On voit comment la fonction intellectuelle se sépare ici du processus affectif (…) le processus lui-même du refoulement n’en n’est pas pour autant encore levé ».[4] Ainsi, la dénégation est un processus qui concerne le refoulement. Il préserve le refus de savoir, de l’ignorance du contenu refoulé tout en permettant que: « Tout le refoulé (puisse) en quelque sorte à nouveau être repris et réutilisé dans une espèce de suspension, et qu’en quelque sorte (…), il (puisse) se produire une marge de la pensée, de l’être, sous la forme de n’être pas ». Hyppolite parle alors de négation de la négation, terme qui sera repris par Lacan en tant qu’affirmation (Bejahung) intellectuelle. Cette affirmation seulement intellectuelle s’oppose à l’affectif. Il me semble intéressant de rappeler, ici, qu’en allemand le mot « Affekt » signifiait, jusqu’au XVIIème siècle, « passion ». Prenons comme exemple tout-à-fait actuel ce que j’ai évoqué tout à l’heure: la réduction de la pandémie au confinement. Le refoulement est la substitution d’un signifiant à un autre. Ainsi, substituer au signifiant de pandémie mortelle celui de confinement, tel que nous avons pu l’entendre de certains de nos patients, est bien d’un tel registre. Si le confinement est levé, ce n’est pas le cas du refoulement et de son contenu refoulé. Bien que le sujet ait connaissance du risque mortel, celui-ci ne le concerne pas, il peut l’ignorer parce que la levée du confinement vient lui dire qu’il ne risque pas d’en mourir, de toute façon le confinement ne comporte pas directement de risque mortel. Il n’est pas possible de généraliser, savoir s’il s’agit d’une dénégation ou d’un désaveu (déni) ne peut se faire qu’au cas par cas, au singulier. Quant au désaveu (Verleugung), Freud en parle essentiellement à la toute fin de son oeuvre dans deux textes, « Le clivage du moi dans le processus de défense » écrit en 1938 et paru en 1940 et, juste après, il écrit son ultime texte: l’« Abrégé de psychanalyse » paru aussi en 1940, dans lequel le chapitre 8 concerne la Verleugnung. Dans ce premier texte, il écrit: « C’est donc un conflit entre la revendication de la pulsion et l’objection opposée par la réalité »Il s’agit donc, apparemment, d’un conflit entre l’intérieur et l’extérieur. Je dis apparemment, car ces questions d’intérieur et extérieur sont d’une infinie complexité. Retenons que la réalité n’existe qu’à travers le prisme du fantasme et que ce qui n’en fait pas partie est de l’ordre du réel. On peut en déduire que le désaveu se trouve toujours aux confins du réel. Pour faire simple, disons que le désaveu concerne la perception: ce qu’il s’agit de désavouer est une perception « au prix d’une déchirure dans le moi », dit Freud en précisant que « seule la mort est gratuite ».[5]

Si dans ce texte, il décrit ce mécanisme comme pervers ; dans « l’Abrégé », il oriente tout d’abord cela vers la psychose: « Deux attitudes psychiques, au lieu d’une seule, se sont formées, l’une qui tient compte de la réalité, l’attitude normale, et une autre qui, sous l’influence pulsionnelle, détache le moi de la réalité. Les deux coexistent. L’issue dépend de leurs forces relatives. Si la seconde est ou devient la plus forte, la condition de la psychose est donnée. Si le rapport s’inverse, il se produit une guérison apparente de la maladie délirante ». 

Ici se pose la question des rapports de la Verleugnung (désaveu) avec la Verwerfung (forclusion). Puis il dit que ce désaveu et sa conséquence de clivage du moi est aussi un mécanisme fort fréquent dans la névrose. Il écrit: « De tels dénis surviennent assez souvent, pas seulement chez les fétichistes, et là nous nous trouvons en situation de les étudier, ils s’avèrent être des demi-mesures, des tentatives imparfaites pour assurer le détachement d’avec la réalité. Cette récusation est chaque fois complétée par une reconnaissance: il s’instaure toujours deux attitudes opposées, indépendantes l’une de l’autre, qui produisent cet état de fait qu’est le clivage du moi ».

Il y a donc dans le désaveu, comme dans la dénégation, une forme de reconnaissance, qui n’est pas la même. La dénégation repose sur le refoulement et le refoulement consiste aussi en ce que le refoulé ne cesse de se dire dans le discours du sujet, retour du refoulé, alors que dans le désaveu ou déni, ce qui est désavoué est perçu mais pas inclus dans la réalité, c’est-à-dire exclu du fantasme. Est-il pour autant renvoyé dans le réel ? Un exemple que je donnerai tout à la fin de mon propos indique que le renvoi dans le réel est ce que fait le pervers. Pour le moins, il y a formation d’un trou dans le symbolique dans la névrose. Quand il n’y a pas de fantasme, on est dans la psychose avec la forclusion à l’oeuvre. Concernant la névrose, prenons un exemple actuel: les soignants, aux premiers temps de la pandémie du Covid, n’avaient pratiquement aucune protection contre une contamination et la menace de mort qui en découlait. Pour ne pas être paralysés par l’angoisse, il leur a bien fallu trouver un mécanisme de défense? Quoi de mieux alors qu’un désaveu? La menace de la mort et sa conséquence d’angoisse étaient bien là mais atténuées, limitées par ce clivage. Le sujet ne se sent plus concerné, au moins partiellement, par le réel de la mort si proche. La conséquence théorique est que la Verleugnung crée un trou, au moins partiel, limité, dans le symbolique. La Verleugnung va dans le sens d’une accentuation de la division du sujet, ce qui, comme le note Freud pour un sujet psychotique, crée ou accentue le délire[6]. Cela nous permet de passer rapidement à la Verwerfung (forclusion). Il s’agit, comme vous le savez ou pas, d’exclusion du symbolique et du retour dans le réel. Il me semble particulièrement intéressant de reprendre, sur cette question, ce qu’en dit Lacan lors de sa « Réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la Verneinung de Freud » car cela boucle la boucle en revenant sur la dénégation. Il écrit: « La Verwerfung donc a coupé court à toute manifestation de l’ordre symbolique, c’est-à-dire à la Bejahung (affirmation) que Freud pose comme le procès primaire où le jugement attributif prend sa racine, et qui n’est rien d’autre que la condition primordiale pour que du réel quelque chose vienne à s’offrir à la révélation de l’être ». Quelques repères: le jugement attributif qu’évoque Lacan est développé par Freud dans son texte sur la Verneinung; et si j’ai souhaité donner cette longue citation, c’est pour dire à quel point la question de l’être et des passions est présente. Ainsi, cette Bejahung que Lacan qualifie d’affirmation primordiale permet d’inscrire ce qui a été ainsi affirmé, dans le symbolique. Ceci ne pourra être retrouvé seulement, dit-il, que par la négation de la négation, donc la forme d’affirmation qu’est, si je peux dire, la dénégation. Là s’opposent dénégation et forclusion, la première concerne exclusivement ce qui a été symbolisé, ce qui est dans le langage alors que la forclusion renvoie ce qui n’a pas été symbolisé dans le réel c’est-à-dire hors langage, c’est-à-dire hors du sujet. L’exemple pris du rejet dans le réel est celui de la castration et ce n’est pas par hasard. C’est là une petite pierre à cette question du dedans et du dehors. Pour terminer ce chapitre sur dénégation, désaveu et forclusion, deux remarques concernant la question de l’ignorance du côté du psychanalyste et la conduite de la cure, que j’ai pour ainsi dire découvertes en préparant ce travail. En 1968, Lacan n’a pas pu terminer son séminaire sur l’acte. Il y revient lors d’une conférence le 19 juin 1969 où il dit ceci: « Cette position inaugurale à l’acte psychanalytique qui consiste à jouer sur quelque chose que votre acte va démentir. C’est pour cela, j’avais réservé pendant des années, mis à l’abri, mis à l’écart le terme de Verleugnung qu’assurément Freud a fait surgir à propos de tel moment exemplaire de la Spaltung du sujet; je voulais le réserver, le faire vivre là où assurément il est poussé à son point le plus haut de pathétique, au niveau de l’analyste lui-même ». Il amène cette Verleugnung à propos de la position du sujet supposé savoir et de la radicale division où il se place. En effet, l’analyste ne peut pas occuper cette place de sujet supposé savoir car c’est la place où il est mis dans le transfert par l’analysant (ce serait l’ignorance crasse). C’est assurément pathétique si un analyste occupe cette place, la seule place qu’il peut prendre est celle de l’objet a, pour se faire cause de désir pour l’analysant, désir de savoir. Est-ce cette position de l’analyste, reposant sur l’ignorance qui permet la métaphore de l’amour, ici, amour de transfert? Car, in fine, le sujet supposé savoir est l’analysant, ceci pour l’analyste (docte ignorance)[7]. Ceci me permet d’entamer ma deuxième remarque. Il y a une certaine forme de connaissance dans la dénégation et le désaveu de ce qui en est l’objet. Pour la dénégation, il s’agit d’un savoir ignoré où le sujet non seulement ne sait pas ce qu’il dit mais ne sait pas qu’il le dit, comme: je ne pense pas à ma mère par exemple. Pour le désaveu ou déni c’est : je sais bien mais quand même. Il s’agit, bien sûr, d’ignorance. Lors de la séance du 5 mai 1954 du séminaire I, Lacan nous dit qu’il ne s’agit pas d’une pure et simple ignorance. En effet, il s’agit d’une passion articulée à l’amour et la haine, telle qu’elle va prendre place dans l’amour de transfert. Il s’agit alors d’une forme de méconnaissance, dit-il, telle que pour méconnaître, il faut bien en connaître quelque chose. Si une cure consiste à acquérir du savoir, c’est que cette cure sera de l’ordre du plus pathétique. De cette question que pose le sujet de savoir (qu’il sache ce qu’il sait déjà ou de la distinction fondamentale de la réalité et de l’apparence), il s’agit de l’engager dans une recherche de la vérité. C’est ainsi que nous constituons son ignorance dans un transfert analytique et non un transfert psychothérapique, comme l’avait formulé J.R. Freymann lors de notre dernier congrès. Il apparaît ainsi que l’ignorance est nécessaire à la mise en place d’une structure en tant que condition du transfert. En considérant que l’analysant est le sujet supposé savoir, l’ignorance de celui-ci se constitue alors concrètement sous la forme de la Verneinung. C’est ainsi que j’entends ce que disait Freud quand il affirmait qu’un patient qui refuse son interprétation, ne fait que la confirmer. C’est dire qu’un désaveu ou déni est retourné sous la forme d’une dénégation à l’analysant. Un exemple fréquent: une femme ne peut enclencher le deuil de son enfant mort accidentellement. Le désaveu est patent: « je sais bien qu’il est mort, mais je rêve de lui toutes les nuits ». Si on oriente la cure du côté du savoir ou de l’acceptation d’un savoir: à savoir qu’il est bien mort, l’échec de cette cure est assuré. Je peux en témoigner. Ce sont des cures très difficiles. Il s’agit alors en amenant le sujet du côté de la vérité de lui permettre de faire une cure analytique pour re-connaître que le savoir sur la mort de son enfant était déjà là, selon son voeu. Ceci est une référence au fameux rêve dont Freud a parlé dans la Traumdeutung: il ne savait pas que son père était mort, selon son voeu, que je n’ai plus le temps de développer ce soir. Ce qui nécessiterait toute une séance de séminaire. Je n’en dirai que quelques mots pour étayer mon propos sur l’ignorance[8]. Je vais, maintenant résumer sans pouvoir suffisamment l’étayer, ce qu’il en est aujourd’hui de ma pensée, de mes questions et de mon expérience de la passion de l’ignorance. Je n’ai plus le temps de les déplier correctement, mais cela sera certainement fait tout au long de cette année de travail à analyse freudienne. Si Freud peut affirmer que: « Notre inconscient est inaccessible à la représentation de la mort-propre », alors comment la mort-propre peut-elle être représentée? D’autant plus, dit-il, que l’angoisse de mort est issue le plus souvent d’une conscience de culpabilité. Cela s’effectue à travers la question de la castration qui apparaît comme une équivalence à la mort. Il n’y a pas de véritable angoisse de mort, il y a l’angoisse de castration. Lacan dans son analyse du rêve: « Il ne savait pas qu’il était mort, selon son voeu » insiste à lier la mort et la castration, l’une et l’autre à la question de l’ignorance. Or, dans le séminaire I en particulier, il met la passion de l’ignorance à la jonction du réel et du symbolique. Dans le séminaire R.S.I., il dit: « L’angoisse, en tant qu’elle est quelque chose qui part du Réel, il est tout à fait sensible de voir que c’est cette angoisse qui va donner son sens à la nature de la jouissance qui se produit ici [Jϕ] du recoupement mis en surface, du recoupement eulérien, du Réel et du Symbolique ». En effet, dans le noeud borroméen l’ignorance est la même place que la jouissance phallique. Ainsi, la passion de l’ignorance, qui est en rapport avec la castration, concerne en particulier la jouissance phallique, tel que la passion de l’ignorance ne s’oppose pas à la jouissance, contrairement au savoir. On peut alors entendre ce que dit Lacan dans le séminaire « Encore » : « L’inconscient, ce n’est pas que l’être pense (…), c’est que l’être en parlant, jouisse. Et j’ajoute : ne veuille rien en savoir de plus. J’ajoute que cela veut dire ne rien savoir du tout ». Par conséquent l’ignorance a pour fonction de préserver le sujet de la jouissance phallique, en ignorant la castration. Car la jouissance abolit le sujet. Ainsi, la passion de l’ignorance, en participant à l’abolition du sujet contribue à sa constitution. La constitution du sujet n’est pas quelque chose d’acquis une fois pour toute, mais se construit sans cesse. Dans cette dernière citation, Lacan confirme là ce qu’il disait plus de 20 ans plus tôt, et comme l’a rappelé Robert Lévy lors de son dernier séminaire: « L’ignorance est un état du sujet en tant qu’il parle ». Et j’ajouterai que l’ignorance en tant que passion distingue, différencie le sujet de l’être. En effet, si l’être-parlant en parlant jouit, alors dès qu’il parle cela active la passion de l’ignorance, on voit là le concubinage de la jouissance avec la passion de l’ignorance qui se manifeste dès qu’on parle[9]. Cela montre la proximité extrême du sujet avec la passion de l’ignorance, toujours silencieuse, elle est partout. La jouissance phallique apparaît comme la marque de l’ignorance. La question de la castration est très complexe, si on peut parler ici de complexe. La castration symbolique est fondatrice du symbolique, trésor des signifiants, en tant que troué. Je dirai, alors, pour étayer mon titre que la passion de l’ignorance est la passion d’ignorer la véritable portée du signifiant. La loi de la parole et du langage étant celle de la logique du signifiant. La passion de l’ignorance n’a rien à voir avec le savoir mais concerne la vérité. Un séminaire entier ne suffirait pas à épuiser l’étude du rapport entre savoir et vérité. Alors, je vais juste poser quelques jalons. Le savoir est toujours dans le registre du sens, comme le dit Lacan de la joui-sens. Par contre, nous dit Lacan: « La vérité, c’est ce que nous apprend la psychanalyse, elle gît au point où le sujet refuse de savoir ». Ainsi, la vérité commence là où s’arrête le savoir. L’analyste ce sur quoi il a à guider le sujet, ce n’est pas sur un savoir, mais sur les voies d’accès à ce savoir. Ces voies d’accès sont celles de la vérité: vérité sur sa jouissance, son désir, sa castration, etc. et celle sur les lois du langage et de la parole. C’est-à-dire sur ce qui est et reste insu du sujet; de ce qui ne fait pas sens. L’ignorance ne se constitue pas en opposition au savoir mais en opposition à la vérité. C’est ainsi que Lacan amène la passion de l’ignorance comme réalisation de l’être en tant que manque à être. En effet, la vérité est féminine car elle ne peut se dire toute. Je me demande si le caractère passionnel de l’amour, de la haine et de l’ignorance concernant la question de l’être n’est pas produit par l’ignorance, en tant que l’ignorance est en concubinage, dans son aspect passionnel, avec la jouissance phallique? En français, le mot passion vient de souffrance, comme la passion du Christ. C’est une des questions à discuter. Si l’amour de transfert est constitué d’amour et aussi de haine, le transfert analytique repose sur l’ignorance constituée par l’analyste, ceci avec toute l’équivoque du « par l’analyste ». Ainsi, le transfert, plus précisément l’amour de transfert, est à la fois le moteur et la principale résistance à la cure. Cette résistance n’est-elle pas constituée par la passion de l’ignorance? Ignorance de la vérité pour l’analysant. Mais comme nous l’a enseigné Lacan, la résistance étant celle de l’analyste, cette résistance n’est-elle pas alors celle de la passion d’ignorer la véritable portée du signifiant? Dans « Télévision » Lacan affirme que « L’équivoque (qui) fait la loi du signifiant » et évoque aussi: « un tissu d’équivoques, de métaphores, de métonymies ». Ainsi, les passions connues et reconnues, que sont l’amour et la haine, ne peuvent exister sans le lit de la passion de l’ignorance qui leur est consubstantielle, avec toutefois une prééminence de l’ignorance, qui est silencieuse[10]. C’est dire que aimer et haïr ne peuvent être conçus sans un rien-ne-vouloir-en-savoir. Finalement, il apparaît que ces trois passions sont intriquées. Y a-t-il là une structure borroméenne? Ce qui remettrait, alors, en question la structure moebienne de l’amour et de la haine mise en évidence lors des deux dernières années de travail à analyse freudienne. Je ne le pense pas, car il me semble que l’existence de la passion de l’ignorance ne dépend pas de l’amour ou de la haine d’une part et d’autre part qu’elle se caractérise par sa proximité du sujet. De plus, ces trois passions de l’être ne sont intriquées qu’en ce qui concerne l’être et ne définissent pas une structure. Cela reste, comme bien des choses que j’ai avancées ce soir, à discuter. Pour terminer, en travaillant cette question de la passion de l’ignorance, je me suis demandé dans quelles occasions il m’a été donné d’observer cette passion, à « l’état pur » c’est-à-dire sans intrication d’amour ni de haine. J’ai pensé à trois occurrences. Je me rappelle que lorsque j’étais interne en psychiatrie, chaque année une famille venait « déposer » le père de famille à l’hôpital psychiatrique pour les vacances d’été. Cette famille s’en occupait fort bien, mais avait besoin d’un temps de vacances sans avoir à prendre en charge cet homme, qui avait toujours sa place à la maison. Ce monsieur d’une cinquantaine ou soixantaine d’années avait désinvesti toute forme d’intérêt pour le monde. Il répondait sans réticence aux questions banales que l’on pouvait lui poser, comme de raconter avec détails son histoire sauf en ce qui concernait la période où il était entré dans cet état particulier. Toutefois, il avait une demande unique, tel un des frères Dalton: « Quand est-ce qu’on mange? ». Jeune interne, je voulais savoir ce qu’il se passait pour ce sujet. Les entretiens furent nombreux jusqu’au point où je n’eusse plus envie de savoir et le laissait à sa vie rythmée par les repas et les nuits. Mais, il faut bien penser que je ne me fis pas complètement absorber dans ce transfert où la passion de l’ignorance dominait, puisque ce désir de savoir me taraude encore. Force m’est de reconnaître qu’avec ce sujet, car il y avait bien du sujet, il y eût un transfert, et cela m’oblige à penser qu’il y eût également une dimension d’amour et de haine pour ce sujet comme en témoigne le souvenir que j’en garde et la grande tolérance dont il bénéficiait au sein de sa famille. Mais je n’ai pas pu entendre la moindre hainamoration en rapport avec sa passion de l’ignorance. La seconde occurrence consiste à me demander si certaines formes de la maladie d’Alzheimer ne seraient pas un effet de cette passion de l’ignorance. La troisième concerne la perversion et son déni de la castration de la mère[11], dont Freud affirme que c’est là qu’on peut l’observer, surtout dans le fétichisme sous la forme du désaveu.

J’ai trouvé un texte où la perversion de l’auteur peut se lire à travers ses élisions, ses raccourcis, et surtout ce qu’il ignore superbement. En effet, j’ai été stupéfait, en préparant ce travail, lorsque je suis tombé sur un texte de Gérard Pommier. Il y explique que le réel peut se résumer autour de la castration maternelle qui est renvoyée dans le réel, mais comme étant le paradigme, voire l’essence même du réel. Je vous en cite deux extraits particulièrement éclairants sur cette ignorance, chez cet auteur, par ailleurs si intelligent et si érudit: « Une fois la ligne de démarcation tracée entre l’intérieur et l’extérieur par le refoulement, toute représentation du réel donnera la certitude que ce réel reste inconnaissable. Mais c’est justement ce qui était l’objectif de ce refoulement! Il ne veut rien savoir de la castration maternelle et rejette la signification du phallus dans un dehors qui, par conséquent, sera aussi énigmatique que l’inconscient lui-même. L’angoisse engendrée par le réel reste incompréhensible, si l’on ne voit pas qu’il s’agit d’un avatar de l’angoisse de la castration maternelle ». Et « Contrairement à ce qu’il pourrait laisser comprendre, le terme de ‘castration’ n’est nullement une privation ou une menace de privation de jouissance ». (N’est-ce pas là une dénégation? De plus Lacan parle, à propos de l’angoisse de castration, de la crainte d’être privé de son désir et pas de sa jouissance). « Il constitue le point de départ d’un tissu complexe de fantasmes qui vont permettre de regagner la jouissance perdue lors du refoulement originaire grâce à une autre jouissance » (N’est-ce pas, là aussi, une belle description du fantasme ou plutôt d’un scénario pervers?). « Le point de départ est celui que l’on vient de résumer: si la mère a bien été castrée, le sujet craindra de l’être à son tour: il craindra d’être féminisé, sodomisé comme sa mère l’aurait été et de jouir ainsi comme elle. Et le point d’arrivée est celui que l’on va examiner: pour passer d’une jouissance à l’autre, il suffit de s’identifier au père ». Cet auteur qualifie de réel ce qu’il ne veut pas savoir, son ignorance est ainsi structurale et il n’y est pour rien dans cette ignorance puisque c’est du réel! Il n’y a pas besoin d’autre commentaire pour illustrer ce bel exemple d’ignorance passionnée de la castration de la mère, qui produit ses effets partout dans ces extraits et ceci, probablement à l’insu de ce sujet expliquant ce qu’est le réel[12]. Le mécanisme à l’oeuvre est, sans contestation possible ici, le déni. Pour conclure ce travail, la passion de l’ignorance est si silencieuse qu’il m’a fallu ce parcours pour percevoir à quel point cette passion est omniprésente et qu’elle produit des effets que je ne soupçonnais pas d’être aussi considérables. Souvent en clinique, je suis face à une butée quand surgit la notion de jouissance, car face à ce qui apparaît comme un réel la pensée est arrêtée. Ainsi, penser la question en termes de passion de l’ignorance permet d’ouvrir en particulier sur la question du sujet et de sa responsabilité de sujet sur cette jouissance. Car si le sujet ignore ou jouit, c’est selon son voeu.

 

 

[1] La Chose freudienne, Écrits, Seuil, 1966, p. 401-436.

[2] J. Lacan, Écrits, Seuil, 1966, p. 409 ; Jean-Pierre Bauer, Lettres de l’École freudienne n° 16.

[3] J. Lacan, La Troisième, p. 70 : « On est tous soumis au principe de réalité, c’est-à-dire au fantasme », S. Freud, L’interprétation des rêves, PUF, 1967, p. 526: « Une fois les désirs inconscients ramenés à leur expression dernière et la plus vraie, on peut dire que la réalité psychique est une forme d’existence particulière, qu’il ne faut pas confondre avec la réalité matérielle ».

[4] Cité par Roland Gori, In : Logique des passions, Denoël, 2002, p.189, Roland Gori. Op. Ci., p. 189.

[5] S. Freud, La dénégation (1925), Supplément au n° 7 de l’Unebévue, hiver 1995/printemps 1996. Texte allemand de 1925, dans Imago, Trad: Éric Legroux, Christine Toutin-Thélier, Mayette Viltard, p. 14. J. Lacan, Séminaire I, Les écrits techniques de Freud, Version Valas, p. 166. S. Freud, Le clivage du moi dans le processus de défense, O.C. Tome XX. S. Freud, Abrégé de psychanalyse, O.C. Tome XX, Op. Cit. p. 221.

[6] Le clivage, p. 222, 12 Ibid., 13 Abrégé de psychanalyse, p. 300, Op. Cit. 14 Ibid, p. 302.

[7] J. Lacan, Réponse au commentaire de Jean Hyppolite sur la « Verneinung » de Freud, In Écrits, p. 387. J. Lacan,1968-06-19, Conférence, In : Pas tout Lacan, p.1205.

[8] J. Lacan, Les écrits techniques de Freud, Séminaire I, Version Valas, p. 463 à 465. 18 Ibid. 19 Ibid., 20 Alain Vanier, Passion de l’ignorance, Erès, « Cliniques méditerranéennes » 2004/2, n° 70. p. 64. 21 J. Lacan. Op. Cit.

[9] S. Freud, Considérations actuelles sur la guerre et la mort. O.C., T. XIII, p.156. Op. Cit. P742. J. Lacan, Séminaire XXII, R.S.I., Séance du 10 février 1974, Version Valas, p.25. J. Lacan, Encore, Séminaire XX, Version Valas, p. 250, Séance du 8 mai 1973.

[10] J. Lacan, Conférence du 19 juin 1968, Op. Cit., P1208. 27 J. Lacan, Séminaire I, Op. Cit. P 760.

[11] J. Lacan, Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse, in Écrits, p. 309.

[12] Gérard Pommier, « Qu’est-ce que le « réel »? Érès, 2004 (Souligné par nous), Ibid. p.18. J. Lacan, Le désir et son interprétation, Séminaire VI, Leçon du 17/12/58, p.174. Gérard Pommier, Op. Cit. p.48.

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