Paloma Azpilicueta -La question trans chez les enfants et les adolescents : une perspective psychosociale

Presenté dans la demi-journée de mars 2023

 

La question trans chez les enfants et les adolescents : une perspective psychosociale

Paloma Azpilicueta Aguilar

Psychologue clinicienne et psychothérapeute

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Dans cet article, j’essaierai d’aborder la question trans chez les enfants et les adolescents, en me concentrant principalement sur la dimension psychique de cette problématique et sur la réponse que les personnes en quête de transition reçoivent de la part des parents et de la société en général, en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation, des médias et des plates-formes sociales. Tout d’abord, je décrirai brièvement le contexte social dans lequel le phénomène transgenre apparaît.

Inévitablement, mais aussi intentionnellement, je me répéterai un peu : c’est-à-dire que je reprendrai certaines réalités comme le rôle de la pornographie et le rôle des soi-disant influencers, par exemple, sous plusieurs de ces aspects.

Je mentionnerai au passage les changements qui s’opèrent dans ce domaine au niveau public et institutionnel, ainsi que les intérêts économiques qui se cachent derrière cette question.

Le contexte social

En peu de temps, la demande de transition d’un sexe à l’autre a connu une augmentation exponentielle. On parle de 4 000 ou 5 000 %, ce qui, dans le cas de Trànsit, le service spécialisé du gouvernement catalan, est passé à plus de 7 000 %.

Que se passe-t-il ? Nous pensons qu’il existe un profond malaise face à la rigidité des stéréotypes de genre, qui se manifeste par un rejet marqué de leur corps sexué et du genre que notre société assigne aux enfants et aux adolescents. Dans de nombreux cas, cela entraîne d’énormes souffrances. La transition est considérée comme la solution à ces différents malaises.

Le féminisme a fait d’importantes avancées dans notre société et a pénétré assez profondément, changeant la situation des femmes et, évidemment, celle des hommes. Le phénomène des nouvelles masculinités (la réflexion de nombreux hommes sur leur rôle et leur profil dans la société) montre l’attitude réfléchie et créative des hommes. En même temps, l’insécurité que ces changements provoquent dans de nombreux secteurs a conduit à une augmentation de la contre-réponse patriarcale sous la forme d’une agressivité accrue à l’égard des femmes, dans une tentative de retour aux temps anciens.

Notre société est ce que l’on pourrait appeler une société liquide, avec des références floues dans ce domaine trans également. Ce ne sont pas seulement les enfants et les adolescents qui sont désorientés, mais aussi leurs parents et les adultes en général. Nous nous trouvons dans une société très polarisée (pas seulement sur cette question), une société qui censure beaucoup et également et très peu réfléchie. La pensée woke à gauche et les idées d’ultra-droite en sont deux exemples.

Il y a un individualisme extrême qui prévaut, comme si beaucoup de gens étaient d’accord avec la déclaration de Margaret Thatcher : la société n’existe pas, seul l’individu existe.

Les luttes collectives, porteuses de transformations sociales et d’espoir, sont de moins en moins présentes et de moins en moins globales.

L’individu est livré à lui-même. Sa vie ne dépend que de son désir et de son effort, comme si les inégalités n’existaient pas. Impossible is nothing

Aspects psychiques

Les personnes qui souhaitent effectuer une transition le font en raison d’une forte souffrance à l’égard de leur corps sexué et du genre qui leur est attribué. Elles ressentent une énorme impatience et une grande hâte à trouver une solution à ces désagréments.

L’idée du mauvais corps est proclamée, comme si l’identité était une âme, quelque chose d’inné qui « atterrit » dans le corps par erreur. S’il existe des contradictions entre le corps et le genre ressenti, le choix est fait de modifier le corps.

La pensée magique se répand, niant le biologique. Le désir peut tout faire. On peut changer de sexe : une erreur, une tromperie.

La dépathologisation de la transition est préconisée, mais les personnes qui transitent deviennent patients à vie d’hormones et de chirurgies.

Les réseaux sociaux ont un impact énorme sur les adolescents. Les influencers « prêchent » les avantages de la transition (tout en cachant ses inconvénients), comme s’il s’agissait d’un salut. Il y a une contagion sociale, qui n’est pas le seul élément en jeu mais un élément essentiel.

J’essaierai de tracer quelques traits différenciés pour le cas des enfants et des adolescents.

Le champ des enfants

Sans entrer dans des vignettes cliniques, qui sont un terrain délicat, je me concentrerai sur un cas bien connu : le documentaire Petite fille (2020), de Sébastien Lifshitz, largement diffusé à la télévision en France. En Espagne, il est visible sur certaines plateformes sous le titre Una niña.

La question des identifications et des désirs parentaux est au cœur de cette problématique, mais dans le cas de ce documentaire, je pense qu’elle est paradigmatique. Dans l’entretien entre la réalisatrice et la mère de Sasha (le garçon protagoniste), il apparaît clairement que c’est le désir de la mère qui est à l’origine du désir supposé du garçon d’être une fille. Un désir dont la mère semble être consciente dans une certaine mesure, mais qu’elle projette entièrement sur son fils, justifiant ainsi une véritable « croisade » familiale contre ceux qui s’y opposent, principalement l’école et l’académie de ballet que fréquente le garçon, et conditionnant de manière décisive la vie de son fils.

Pendant une grande partie du film, l’expression de Sasha est celle d’une profonde tristesse. Au-delà des inconvénients que les attitudes susmentionnées de l’école et de l’académie de ballet peuvent lui causer, je pense que c’est parce qu’il sait qu’il ne pourra jamais satisfaire le souhait de sa mère. Il peut porter des jupes, des robes ou des bikinis, des cheveux longs, des chaussures de princesse et ainsi de suite, mais il ne pourra jamais être une fille car on ne peut pas changer de sexe.

Le cas des adolescents

Les adolescents sont, par définition, des personnes en transition vers l’âge adulte, qui subissent de profonds changements physiques et psychologiques et qui, par définition également, sont désorientés et désemparés.

Nous avons déjà mentionné l’impact des reseaux sociaux et la question de la contagion sociale.

Les influencers font connaitre leur propre transition, et plus ils sont avancés dans ce processus, plus l’autorité qui leur est attribuée est grande. Ils présentent la transition comme un acte de courage, et l’hormonothérapie et la chirurgie comme une solution magique à tout type de malaise. Ils « conseillent » (je dirais « endoctrinent ») également leurs fans sur la manière de présenter leurs demandes aux professionnels, sur la manière d’essayer de les manipuler, mais aussi sur la relation avec leurs parents.

D’où la grande difficulté rencontrée par les professionnels pour intervenir de manière réfléchie et prudente, une intervention qui n’agit pas, qui ne se précipite pas et qui ne cède pas aux « leçons apprises » que de nombreux jeunes se contentent de réciter. Il s’agit d’un commentaire répété par les cliniciens : des arguments et des récits qui sont souvent répétés presque mot pour mot.

Ce que les influencers et les professionnels axés sur les théories affirmatives leur offrent, ce sont des certitudes, qui sont tout à fait bienvenues dans le contexte de désorientation vital que j’ai mentionné plus haut.

Les filles

Nous constatons l’émergence d’un profond malaise avec son propre corps sexué, qui apparaît soudainement à l’adolescence, sans antécédents dans l’enfance. Le phénomène et son nom (DGIR)1 ont été décrits par le Dr Lisa Littman en 2018. Je pense qu’il ne s’agit pas tant d’un phénomène spécifique que d’une nuance différenciatrice d’une même problèmatique.

Il se produit beaucoup plus fréquemment chez les filles que chez les garçons. Tous les services ont constaté cette augmentation différenciée.

La réalisatrice indienne Vaishnavi Sundar a intitulé son documentaire sur ce sujet :La dysphorie. S’échapper de la féminité comme d’une maison en feu ( Dysphoria. Escaping from femininity like a house on fire) (2021), et je pense que c’est une définition très juste de ce rejet par les filles de ce que la société prescrit comme le genre féminin : être belle, jeune, mince, toujours parfaitement soignée, toujours prête pour une rencontre sexuelle, et socialement placée dans une position de soumission, illustrée par les relations sexuelles qui apparaissent dans les films pornographiques. Beaucoup d’entre elles, au lieu de vouloir être des hommes, comme je l’ai dit précédemment, fuient d’être des femmes.

Que leur offrent les parents ?

Ce sont souvent des personnes désorientées, aux critères incohérents, appartenant à cette société liquide que nous avons évoquée.

Leur disponibilité mentale pour s’occuper de leurs enfants, les observer, les accompagner, est souvent très limitée, entre autres raisons, à cause du nombre d’heures qu’ils consacrent au travail, compte tenu de « l’invasion » de la vie privée par la vie professionnelle, et aussi de l’insécurité de la vie professionnelle.

S’ils n’acceptent pas les souhaits de transition de leurs enfants, la loi les menace de poursuites judiciaires et de retrait de leurs enfants (en Grande-Bretagne et dans d’autres pays, cela s’est souvent produit)

Ils trouvent souvent plus tolérable d’avoir un fils ou une fille trans que d’avoir un fils ou une fille homosexuel. Ils considèrent qu’il s’agit d’un moindre mal.

Et la société en général ?

Nous avons déjà évoqué les influencers et la contagion sociale par les réseaux.

La théorie prédominante dans les services de santé publique, et de plus en plus présente dans les protocoles d’action des écoles et des instituts, est la théorie affirmative. En d’autres termes, la biologie est ignorée : seul compte le ressenti propre. Certains professionnels de la santé peuvent être convaincus que c’est la bonne chose à faire, mais beaucoup d’autres ont peur d’être renvoyés, licenciés ou sanctionnés et n’osent donc pas être cohérents avec leurs propres critères. Le cas de l’écrivaine J.K. Rowling, premier d’une très longue liste, est dans tous les esprits.

Les adolescents qui sont accompagnés par leur famille et des professionnels dans leur demande de transition, en explorant les différentes causes de leur malaise, ont 80% de chances d’abandonner l’idée après un certain temps. Tout le contraire de ce qui se passe pour ceux qui entament leur transition médicale : 95 % passent du blocage hormonal à l’hormonalisation croisée et à la chirurgie.

En d’autres termes, si un adolescent consulte un centre spécialisé, il est fort probable qu’on lui propose de commencer la transition médicale : blocage hormonal, traitement hormonal croisé et chirurgie. Plus précisément, dans le service catalan Trànsit, 87 % des patients repartent avec une ordonnance en main après la première visite.

Dans le cas de l’Espagne, la loi dite Trans, adoptée par le Parlement espagnol en février 2023, interdit en fait l’exploration de tout autre aspect présent chez la personne qui demande une transition. Cette exploration globale, qui implique de ne pas procéder directement à la transition médicale, est qualifiée de  » thérapie de conversion « , comme si son but n’était pas la prudence mais de  » tordre  » et manipuler le désir du demandeur. Les sanctions pour cette intervention peuvent aller jusqu’à 150 000 euros, dont cinq ans d’interdiction d’exercer.

Qu’est-ce qu’un bloqueur d’hormones?

Ce sont des médicaments qui empêchent le développement pubertaire, c’est-à-dire qui le stoppent. Ils ont été conçus pour traiter la puberté précoce, le cancer de la prostate et les délinquants sexuels en dernier recours. En d’autres termes, ils sont utilisés hors étiquette, en dehors de leur bur initial.

Leur utilisation est fondamentalement expérimentale : c’est ce qu’on appelle le protocole néerlandais. Son utilisation s’est répandue à la suite d’une recherche menée aux Pays-Bas avec très peu de participants et comportant d’importantes erreurs méthodologiques. Cette recherche a été financée par les laboratoires Ferring, fabricants de ces médicaments, de sorte que ces laboratoires étaient donc à la fois juge et partie.

En d’autres termes, les patients à qui les médicaments ont été prescrits ont été des cobayes. Les conséquences négatives de leur utilisation ont commencé à être décrites récemment : anorgasmie, infertilité, problèmes cardiologiques, cérébraux et cognitifs, ostéoporose précoce, etc. D’où les changements opérés par les autorités sanitaires en Grande-Bretagne, en Suède, au Danemark, en Norvège et en Finlande, qui ont décidé de privilégier une approche psychologique de ces cas plutôt que de prescrire d’emblée des hormones.

Quelque chose est en train de changer

Un premier changement, négatif de mon point de vue, est la loi Trans susmentionnée, parce qu’elle consacre l’auto-identification de genre. En d’autres termes, n’importe qui, sans avoir besoin d’un certificat ou d’une condition quelconque, peut se rendre au registre et s’enregistrer en tant qu’homme ou femme, quel que soit son sexe biologique. Ce qui est modifié dans le registre, c’est le sexe, qui ne peut être changé. Il s’agit là d’une confusion évidente entre le sexe et le genre. Le sentiment comme critère de modification de la loi.

Un autre changement, positif cette fois. En septembre 2021, l’Association des mères d’adolescents et de filles atteints de dysphorie accélérée, mieux connue sous le nom d’AMANDA, a vu le jour en Espagne. Elle fait un excellent travail d’accompagnement et de conseil auprès des parents confrontés à ce problème, et contribue grandement à l’ouverture d’un débat public sur cette question.

Bien que l’esprit d’annulation et de sanction soit omniprésent (ce que certains collègues bien connus appellent l' »Inqueersition »), les professionnels de la clinique commencent à s’exprimer publiquement, de même que de nombreuses associations professionnelles. Pour paraphraser Shakespeare, nous pourrions dire : « Quelque chose s’agite au Danemark… ».

Nous avons déjà mentionné le changement d’approche de nombreuses autorités sanitaires. En Grande-Bretagne, le rapport préliminaire de Cass (2022) a qualifié de déficients les soins que les patients recevaient au GIDS (le centre de référence), qui fermera ses portes au printemps de cette année, remplacé par des centres régionaux insérés dans le réseau de santé générale et liés aux centres de santé mentale.

Ces changements ne sont pas sans rapport avec les plaintes reçues, dont la première émane de Keira Bell, qui affirme avoir été mal traitée en étant orientée vers l’endocrinologue et avoir subi une intervention chirurgicale après seulement quelques visites, sans que ses autres problèmes personnels aient été explorés de manière adéquate. Un cabinet londonien prépare actuellement un total de 1 000 plaintes, rien de moins, contre le GIDS.

En Espagne, s’est produit déjà la plainte d’une mère auprès de l’unité spécialisée de l’hôpital Ramón y Cajal de Madrid, et d’une jeune détransitionniste auprès des services spécialisés du service de santé de Galice. Nul doute que de nombreuses autres suivront.

Les intérêts économiques

J’ai déjà évoqué le financement du protocole néerlandais par les laboratoires Ferring, fabricants du médicament étudié.

Les patients transitionnés, malgré la position dépathologisante prônée par les lobbies trans, deviennent des patients à vie des laboratoires et des chirurgies. Si nous étions détectives, nous essaierions de trouver le bénéficiaire des faits (Qui prodest?), même si je ne pense pas qu’il faille faire beaucoup de recherches… En trois ans, l’industrie dite du genre a connu une croissance économique exponentielle, passant de 8 milliards d’euros par an à 3 billions d’euros par an.

Ce qui se passe actuellement avec la question des trans me rappelle beaucoup ce qui s’est passé il y a quelques années avec le soi-disant « trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité » (le fameux TDAH) ; les médicaments indiqués pour « guérir » ces cas ont énormément enrichi l’industrie pharmaceutique, mais au détriment de la santé de nombreux enfants.

Il y aurait encore beaucoup à dire. Comme on dit : « A suivre… ».

 

Bibliografía

Agrupación AMANDA.

https://www.amandafamilias.org

Azpilicueta, Paloma (2022). «Controversias sobre el tema trans». Disponible en la revista digital de la ACPP (Associació Catalana de Psicoteràpia Piscoanalítica), número 10, pp. 227-240.

Azpilicueta, Paloma (2022). «Niños y adolescentes trans: ser o no ser», Temas de Psicoanálisis, nº 24, julio 2022.https://www.temasdepsicoanalisis.org/2022/07/18/ninos-y-adolescentes-trans-ser-o-no-ser/

Informe Trànsit: «De hombres adultos a niñas adolescentes: cambios, tendencias e interrogantes sobre la población atendida por el Servei Trànsit en Catalunya, 2012-2020» (2022), Feministes de Catalunya.

https://feministes.cat/es/publicaciones/informe-transit-cataluna-2022

Sundar, Vaishnavi (2021). «Dysphoric: fleeing womanhood like a house on fire».

https://www.youtube.com/watch?v=w8taOdnXD6o

The Trans Train I, II y III. ¿Conejillos de Indias? (2019). Documental sueco subtitulado en castellano.

https://www.youtube.com/watch?v=-bZ8ad5RuiM

https://www.youtube.com/watch?v=Twwv6PyqmPA

https://www.youtube.com/watch?v=Cv9uUKQG2kI

1Disforia de Género de inicio rápido (Dysphorie de genre de début rapide)

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