PARIS Charles Marcellesis "The gay's progress

Le nouage borroméen réaliserait une écriture primaire, conception qui marque une évolution chez LACAN par rapport à celle jusque là affirmée notamment dans les séminaires précédant celui d’Encore et qui décrivaient l’écriture comme secondaire. En fait s’agit-il du même moment de l’écriture ? L’écriture du nouage borroméen qui permet hors inconscient celle du sinthome de la sexuation, entre écriture et jouissance, correspondrait plutôt à la première identification (de FREUD), la corpsification du signifiant incorporé par voie auditive de façon contemporaine à l’allaitement et à tous les soins prodigués par l’Autre maternel à la période du nourrissage, lorsque l’Autre du langage devient l’Autre du corps (Radiophonie), tandis que la problématique de la lettre de l’inconscient renverrait pour un sujet à l’inscription des représentations lors du passage des représentations de chose aux représentations de mots (avènement des «wortvorstellung »), écriture forcément secondaire à l’identification de signifiant.
S’agissant de ce qui peut s’écrire de la sexuation, un premier cheminement se fait dans l’œuvre de LACAN depuis le séminaire La logique du fantasme (dans lequel apparaît pour la première fois « l’impossibilité d’écrire l’acte sexuel » qui deviendra « le rapport sexuel ») jusqu’à la présentation des formules de la sexuation dans le séminaire Encore.
Nous partirons donc du fantasme ( après tout dans l’écriture du mathème de la sexuation le sujet côté mâle est mis en relation par une flèche avec l’objet a côté féminin, et le fantasme est une modalité de mise en relation de ces deux termes avec le poinçon ◊) et cela en exposant un cas dans la pratique du cabinet analytique : il s’agit d’un sujet qui, enfant, fut victime d’un défaut de bonne conformation anatomique, à savoir une cryptorchidie – l’un des testicules n’était pas « descendu » dans sa bourse (anomalie qui se résoudra de façon spontanée)- ce qui lui valait de la part de sa mère lors de la toilette des vérifications anxieuses, relayées par les moments d’examen effectué par le médecin de famille ou encore le médecin scolaire à l’occasion desquels il se sentait « parlé ». Il fut donc confronté à une difficulté de représentation : comment quelque chose pouvait cheminer dans le corps, « descendre », pour se positionner dans un endroit dépourvu de tout orifice (voilé donc par la peau des bourses), ce qui ne correspondait ni à la production des fèces du modèle anal, ni au flux urinaire de la miction, au niveau de ses préoccupations de l’époque ? En même temps l’accès au langage lui permettait de tirer toutes les conséquences du constat de la différence anatomique des sexes, période d’élaboration des théories sexuelles infantiles (modèle de la théorie cloacale)… Et ce testicule manquant, ou plutôt pas venu à la bonne place, allait-il entamer ses possibilités d’assurance de réalisation viriles nonobstant la présence d’un pénis en bonne et due forme ? Il était renvoyé à un corps auquel manquait un trou. Comment le phallus, attribut externe, peut-il devenir – aussi- un objet interne ? Et cette question se posait à lui : endommagé comme mâle par le manque de ce testicule non « sorti » derrière la peau d’une bourse vide, sa mère le voyait-elle comme la troisième de ses filles, puisqu’il avait deux sœurs ainées ?
Ce fantasme connut un moment de réactualisation spéculaire le jour où se tenant aux côtés de sa mère lorsqu’elle discutait avec une de ses connaissances, elle-même accompagnée d’un petit enfant du même âge que lui , Antoine (que nous appellerons Antoine 1), qu’il ne connaissait pas vraiment si ce n’est à travers la réputation de beauté qu’avait déjà acquis unanimement ce garçon quand on en
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avait parlé devant lui, tant et si bien que les deux enfants se faisaient face , en miroir, muets, pendant que leurs mères parlaient. Il entendit alors que l’on avait « tiré » de l’anus d’Antoine un très long tænia et il remarqua la pâleur de son vis-à-vis. Une fixation se fit, sous l’aiguillon du narcissisme, une consécration du modèle anal comme corps troué d’un orifice (garantissant la bonne issue à l’objet mystérieux qui était le tænia…), et de l’image d’un enfant qui pouvait être aimée par sa mère lorsqu’elle procédait à l’extraction et à la mise à vue du tænia, et qu’incarnait à ce moment précis, pensait-il, l’alter ego. Ainsi la référence au «bon attribut» phallique n’était-elle pas trouvée seulement chez le père (par la métaphore paternelle), mais aussi de façon imaginaire chez un alter ego chez lequel on pouvait extérioriser et rendre visible un objet interne et de ce fait intime, mais aussi parasitaire, étranger et « extime », à l’existence problématique.
L’apprentissage de l’écriture apporta peu après sa possibilité d’inscription à cette représentation de chose devenue, à travers le prénom « Antoine », représentation de mots et ce fut bien plus tard, devenu adolescent, que ce fait de l’écrit apparut sous la forme d’un coup de foudre pour une statue (dans le coup de foudre le sujet retrouve un des traits auquel il est identifié incarné sous ses yeux, la perfection du double narcissique, mais comme le prouvera notre exemple avec la participation du signifiant et de son support réel, la lettre) , celle de l’Antinoüs Farnèse (Naples, Musée archéologique national, salle VII), et sa blancheur marmoréenne qui par toute une série associative menait aussi à la pâleur d’Antoine lors du récit de l’extraction du tænia : bien entendu ce récit linéaire que nous faisons ici n’est que reconstruction de l’élaboration en cours d’analyse, traduisant à la fois l’aliénation dans le regard de la mère (était-il mâle ou la troisième sœur ?) et le point de confluence des signifiants en réseau et sur un mode répétitif pour en faire apparaître une vérité, en élaguant pour ce faire de multiples rameaux associatifs. Le signifiant Antinoüs vérifiait la répétition d’un « anti-nous » ( englobant de façon duelle la mère dans ce qui était au départ seulement « An-Toi- Ne »… : soit « pas en toi », et sans doute le premier moment de refus de l’intérêt homosexuel, auquel n’eût certainement pas souscrit sa mère) redoublé d’un « no-us » (en anglais) avec cette trouvaille d’un tréma ( ̈), ponctuation en forme de deux petites boules qui venait non seulement restituer la chose qui manquait (ou plutôt qui un certain temps manqua à la bonne place) mais permettre la prononciation distincte de deux voyelles, bien entendu le « voit/elle » du regard « de » la mère ou d’être vu par la mère [se voir (en) elle]… Pour ce sujet le tréma était la lettre consacrant un moment du remaniement du réseau des signifiants, véhiculant par ailleurs des signifiés (trema : « tremble » – en italien- pour le niveau d’angoisse de castration, « trois mères » -toujours en italien- qui correspondait à plusieurs figures maternelles de l’enfance, au gré de vicissitudes et ruptures relationnelles et géographiques, soulignant une vulnérabilité et une discontinuité dans l’étayage anaclitique…mais aussi l’anagramme de mater : « mère » en latin).
Contemporain de cette problématique existèrent durant l’enfance : 1°- Un bégaiement tonique ( DOLTO parle du bégaiement comme d’une régression, « on bégaie de la bouche pour ne pas bégayer du sexe », et ce symptôme est fréquent en clinique infantile chez les garçons en cas de phimosis ou de cryptorchidie…).Le bégaiement tonique est une façon de ne pas lâcher, laisser sortir, le mot, comme le testicule captif « non descendu »…2°- Une légère dysorthographie, consistant en des diff
icultés d’écriture des mots comportant des doubles consonnes ou voyelles ; mais aussi une erreur systématique dans la ponctuation des « i » en l’oubliant ou en ne la situant que plus loin dans l’écriture du mot. 3° – Un phénomène transitoire de compagnon imaginaire. 4°- Un désinvestissement transitoire de la sensibilité du corps, de ce qui avait été vécu autrefois comme une séduction maternelle lors des vérifications par la mère de la mise en place du testicule manquant et
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qui entraîna une inhibition dans les débuts de la vie amoureuse et sexuelle. 5°- Une passion pour les presqu’îles (« presqu’il ») et les graus des étangs littoraux sur les cartes de géographies (sic). 6°- Quelques phobies de l’espace social et de regarder la limite de la jupe portée courte chez les femmes. 7°- Enfin plus tard les choix d’objet amoureux finirent par se faire sur un mode homosexuel.
Un rêve fait bien plus tard – et dont nous verrons qu’il était une réaction à une interprétation faite en cours d’analyse-, rêve que nous appellerons du « bazar turc », montrait l’insistance atemporelle des processus inconscients. Dans ce rêve, le sujet quittait l’une des deux maisons familiales ( la maison de naissance maternelle, mais immédiatement voisine de la maison de naissance de son père), pour emprunter un chemin ascendant dans une région montagneuse qu’il connaissait bien (qui le faisait passer devant une propriété familiale en indivision entre lui et ses deux sœurs depuis la mort de ses parents ) pour parvenir sur un plateau qui dans la réalité est recouvert d’une forêt, à l’endroit où enfant il avait découvert un jour la dépouille (les plumes blanches) d’une poule, dont on lui avait dit qu’elle avait été certainement « mangée par le renard » (mais le phénomène de la ponte des poules, enfant, l’intriguait beaucoup surtout lorsqu’il avait remarqué le signal sonore du chant de la poule qui suivait la ponte) ; ici cet endroit précis était occupé par un domaine et il était dit dans le rêve qu’il y était attendu par la mère d’Antoine X ( un ami du sujet bien qu’il n’en ait dans la réalité jamais réellement rencontré la mère) et il était également admis et visible dans le rêve que ce domaine était fermé par un mur d’ « enceinte » dont les entrées étaient toutefois masquées par les installations d’un bazar turc (N.B. : Une des significations argotiques de bazar est : sexe, mais il existe aussi l’expression : « l’avoir dans le bazar » – comme dans le baba : selon le cas désigne le vagin ou le postérieur. Quant au qualificatif turc il a trait à l’histoire de la famille maternelle, un ascendant mythique, mais il s’agit également de l’anagramme de « truc », et d’un truc qui s’accommode habituellement d’un possessif : « ton » ou « mon » truc ). Ce bazar apparaissait atypique car au lieu de la saturation de l’espace par toutes sortes d’objets comme dans un souk, ceux-ci étaient séparés les un des autres par des vides, permettant presque de « détailler l’article ». Le sujet une première fois se trompe en se frayant un passage (à gauche) pour tomber sur une portion de mur aveugle, et il doit s’y reprendre une seconde fois pour se trouver face à la véritable et unique porte d’entrée : là se trouve un collègue pas très aimé dans la réalité (mais dont le prénom correspond à celui d’un autre de ses amis au physique et à la beauté pour lui parfaite d’Antinoüs) qui lui donne un code d’entrée (N.B. : étymologie du mot « code » : assemblage de planches sur lesquelles on écrit et par métonymie ce qui est écrit sur ces planches ; en corse ou en italien, « coda » signifie :queue ) en même temps qu’il est question dans une discussion en voix off des « Puppini sisters », trio de musiciennes britanniques de popp/jazz vues peu de temps auparavant dans une émission télévisée : ce reste diurne du rêve conduit à l’association avec le film d’animation « Les triplettes de Belleville » (et son trio de chanteuses new-yorkaises) qui mène au maire de Sarcelles ( cité relativement voisine du quartier de Belleville à Paris), surtout au motif que le patronyme de son maire « Pupponi » entre en assonance avec celui de Puppini des « Puppini sisters » (N.B. : puppone signifie en corse, langue maternelle du sujet : poupon, et puppunà : adoniser, embellir, parer, « se pomponner »…). Cet édile de Sarcelles dont le prénom est François ( prénom qui est également par ailleurs celui d’un autre ami dont il connaissait les problèmes d’impuissance) est l’homme lige d’un politicien représenté dans l’émission satyrique « les guignols de l’info », dans les suites une scabreuse aventure new yorkaise, comme l’homme au peignoir sortant de la douche et toujours au bord d’exhiber son « Francis », présenté donc ainsi comme un archétype du phallocrate…C’est à lui qu’échoit donc dans le rêve d’évoquer, avec le code (la coda), le Phallus. Le franchissement de la porte du domaine par le sujet
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représenté dans le rêve se faisait en même temps qu’un personnage fantomatique (un garçon diaphane de l’âge qu’avait Antoine lors de l’épisode du tænia) qui disparaissait par la suite du rêve ( et qui dans les associations du rêve renvoyait à un phénomène transitoire de « compagnon imaginaire » qu’avait connu le rêveur, phénomène que Jacques POSTEL rattache à la période de l’identification de l’image spéculaire) ; l’entrée du domaine était une vaste pelouse bordée au fond par deux maisons, en situation asymétrique, l’une petite à gauche, l’autre grande à droite : de l’une d’elle sortait un petit groupe et il était admis dans le rêve que l’on venait de procéder à la lecture d’un testament (test-à-man ? mais « test » de testicule aussi…) et plus près, se trouvait une société détendue et le sujet attendait d’être présenté à la mère d’Antoine qu’il ne verra pas puisque le rêve s’achevait à ce moment là…
Ce rêve fut une réponse à une interprétation de l’analyste ayant trait à un phallus « cadavérisé », à valeur excrémentielle, interprétation soulignant une confusion entre le phallus et l’objet a, précipitant le travail de l’analysant sur l’indépassable du « roc de la castration ». En fait pour ce sujet le pénis ne vient pas seulement comme attribut externe appendu au corps, mais comme devant être complété comme il se doit par deux testicules en place dans les bourses pour lui conférer toute sa valeur virile, phallique : or il en manquait un, puisqu’encore en cheminement dans le corps , et cela au grand dam de la mère qui lui communiquait son angoisse et sa déception. S’impose alors la représentation d’un corps contenant cette vacuole creusée par un objet mobile empruntant un pertuis conduisant à l’autre poche aveugle des bourses, sans orifice visible.
La construction du rêve, c’est le cas de le dire, consiste à bâtir un mur d’ « enceinte », celui du domaine dans lequel le rêveur est attendu pour être présenté et exposé au regard de la mère d’Antoine2, à l’emplacement exact que lui désigne le souvenir d’enfance, celui de la découverte des dépouilles (les plumes blanches) d’une poule après qu’on lui ait dit qu’elle avait été mangée par le renard. Dédoublement d’une même représentation, de la poule qui pond l’œuf et qui finit dans le ventre du renard, soit d’un creux ou vide corporel contenant un objet mobile, représentation qui organisait les théories infantiles, y compris celle sexuelle de la théorie dite cloacale, selon lesquelles le cheminement du testicule cryptorchidique attendu par le désir maternel dans la poche sans orifice des bourses était du même ordre que l’expulsion du tænia par l’anus de l’alter ego Antoine1 ou le résultat d’une ponte ou d’une grossesse. Vide corporel creusé par un objet mobile cherchant son issue
et de ce fait créant une structure de bord, orifice ou fente, zone érogène, sur le corps.
Dans ce dispositif, ce qui ressort de l’inconscient se situe bien entre perception et conscience : si on appelle la Chose, Das Ding, le continuum perceptif, ce sont les discontinuités dans la perception qui vont appeler l’instauration des représentations inconscientes ; nécessité que les interrogations autour du cheminement d’un objet interne, une chose silencieuse, qui ne saurait expliquer ce qu’il en de la perception des bruits provoqués par la physiologie de la digestion, chose attendue par le désir maternel à une issue voilée au regard (par la peau de la vacuole des bourses), dans un contexte de discours (questionnement de la mère aux médecins de famille et scolaire quant à la possible stérilité entraînée par la cryptorchidie) dont la voix révèle la dimension angoissée : il faut bien que la Chose soit décollée de son support, l’intérieur de ce vide corporel – comme celui d’un pot – créé par une chose-objet mobile, dont la supposition de l’existence par le discours maternel et médical lance la gravitation des représentations, jusqu’à ce qu’elle se déverse par le franchissement de ce bord corporel où elle est attendue (dans le rêve l’entrée du domaine contrôlée par un code) sous la forme d’un « cône de déjection » comme celui des graus des étangs littoraux, contenant pêle-mêle les
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inscriptions signifiante (Wortvorstellung, représentations de mot ) de cet objet: œuf, tænia, testicule, poupon… La trace de l’objet a (regard, fèces, voix…) est marquée dans le rêve : 1°- en ce qui concerne le regard, par la répétition, lorsque le sujet une première fois cherche l’entrée du domaine et tombe sur un pan de mur aveugle (la place vide et obstruée du testicule qui manquait, ce que vérifiait durant l’enfance le regard maternel), c’est à dire un regard constatant qu’il y avait quelque chose qui clochait (« il n’y a d’inconscient que ce qui cloche »), donc un objet manquant à la place où il est attendu. 2°- en ce qui concerne la voix, sa trace est représentée par un trio ou chœur de chanteuses, tantôt en français ( les triplettes de Belleville), tantôt en anglais ( les Puppini sisters) en écho au chant de la poule qui a pondu ,3°- Par contre le passage du français à l’anglais est lié à l’inscription phallique suffisamment indiquée par la référence implicite des associations du rêve au possesseur du « Francis », pénis dont la turgescence toujours prête, hystérie chez l’homme, fantasme chez la femme, montre la force phallique (redoublée par le code d’entrée, renvoyant à la coda: en italien ou en corse cette fois, la queue)… Ainsi si la différence sexuelle se supporte bien de la bedeutung inconsciente, de la signification, de quelque chose qui manque sous l’aspect du phallus, le sens du questionnement du sujet devenait alors avec la suite des significations ( « sœur »  « sir » (monsieur en anglais)  « sister ») : était-il comme ses sœurs (une fille) ou alors était-il un monsieur ? Le voilà bien embarrassé de son « bazar », de son sexe au risque d’être floué de sa virilité et « de l’avoir dans le baba ». D’où la dernière écriture de ce fantasme d’un corps dont on ne voit pas l’un des trous, repérée dans le travail de l’analysant au niveau de la lettre de l’inconscient pour les besoins de l’écriture de la sexuation, le tréma, (apparaissant dans le signifiant « Antinoüs », ayant pour signifié un moi-idéal véhiculant l’ambivalence affective en mêlant à l’admiration de la forme parfaite du corps la dimension de l’adversité et toutes les possibilités de transitivisme qui en découlent : l’anti-nous, le « no-us » succédant à une première appréhension de la négation d’un jugement d’existence : « An-Toi- Ne… » : « pas en toi ») : deux points, deux orifices, mais aussi entre les points la place du regard et au niveau de la voix, de la prononciation, le fait que le tréma distingue la prononciation de deux voyelles (« voit elle » bien sur) : « Elle (l’Autre maternel)- Voit – elle (le sujet) ». [ Robert LEVY , à propos des plumes de la dépouille de la poule et du « truc », lors de la présentation de ce texte évoquera la possible et plaisante sous jacence d’une série associative faisant référence à une célèbre danseuse prénommée « Zizi » (JEANMAIRE) et à son « truc en plume », meneuse de revue qui aurait pu lancer au pied de l’escalier de la scène du casino un : « L’ai- je bien descendu ? ». Dès qu’il s’agit du phallus le comique n’est pas loin…].
Le mouvement du rêve fait que La Chose, lieu de la jouissance, mène à un Autre qui ne contient plus l’objet regard, le plus-de-jouir( l’objet perdu et la jouissance avec lui : le rêve s’interrompt avant que le sujet soit présenté, donc vu par la mère d’Antoine2), Autre nettoyé de la jouissance donc, pour rester un lieu de pur désir : en effet dans le rêve, ayant pénétré dans le mur d’enceinte, le sujet n’y trouvera plus le regard de la mère, même s’il est attendu par elle, cette fois non plus comme partie de son corps mais précisément comme sujet… (Cet Autre décomplété de l’objet a est un élément essentiel de la discussion de la structure, entre névrose ou perversion, puisque dans la perversion l’objet serait présentifié et accolé à cet Autre…). Disjonction essentielle donc, au niveau du corps, de la jouissance et du désir par le signifiant du manque.
Il est intéressant alors de repérer : 1°- Là où le sujet est aliéné 2°- Ce qui se répète 3°- la conjonction de l’aliénation et de la répétition pour poser la question sexuelle.
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Là où le sujet est aliéné : dans sa filiation d’abord, puisque le qualificatif « turc » renvoie aux ancêtres mâles du côté de la mère, et pas à lui comme produit de l’union de sa mère et de son père : limitation des effets de la métaphore paternelle par le biais imaginaire d’une référence double à des instances paternelles reléguées à la précédente génération et présentées comme concurrentielles…Aliénation également dans la disjonction de l’être et de la pensée : selon le schéma de l’aliénation le « je ne pense pas » s’inverse en « suis quelque chose » (l’objet mobile interne avant qu’il ne soit diversement nommé ), et le « je ne suis pas » s’inverse en un « pense chose » ( les pensées sans auteur de son rêve purgeant l’intérieur du corps pour conduire à l’amoncellement hétéroclite des objets constitutifs du « bazar » et vus à l’extérieur de l’orifice créé ).
Ce qui se répète : il y a la mauvaise rencontre avec le réel (la cryptorchidie), là où celui-ci est « manqué », et ce qui s’en suit, le phénomène de « halage », le sujet tirant toujours « son truc dans un certain chemin d’où il ne peut pas sortir » (« Les 4 concepts… »), constituant les points de confluence du réseau des associations qui vaudront comme sa vérité à lui sujet, soit la signification de son être, soit tout ce qu’il peut soustraire au sens comme part de non sens.
La conjonction de l’aliénation et de la répétition pour poser la question sexuelle : au lieu des termes masculin-féminin, on en reste à la répartition des rôles actif/passif de la pulsion (selon l’usage effectif du phallus) grâce à une fixation à l’image de l’enfant aimée de la mère redoublée dans celle de l’alter ego, et à un partage des rôles de type « transitiviste » : « Je suis » ton partenaire actif là où « je ne pense pas », « tu es » mon partenaire passif là où « je ne suis pas ».
Il existe aussi une relation entre la lettre et le nombre : si le tout et l’exception relèvent respectivement du « Un » et du « un », le « pas tout » illustrant le rapport du sujet à la contingence phallique ( le pénis peut manquer)
et à l’objet a comme cause de son désir, ne peut être rendu que par un nombre réel, (soit « la limite d’une suite ou coupure dans l’ensemble des rationnels» B. VANDERMERSCH). Le trait du cas de notre rêveur était que tant que l’état de cryptorchidie persistait il n’avait pas tout à fait le « un » du trait phallique requis, ce qui paradoxalement le situait comme étant ce phallus, parce que justement en quelque sorte incomplet, dans le désir (déception) de sa mère. La disparition de la cryptorchidie ne fit pas évoluer sa position quant au phallus, entre l’être et l’avoir.
Quelle traduction topologique peut-on donner de cette problématique ?
Nous proposons le recours à la surface romaine de STEINER (autre modalité du plan projectif avec le cross cap et la surface de Werner BOY) pour concevoir un appareil d’écriture de la sexuation permettant de présenter le sujet par la coupure dans cette surface sous la forme d’une bande de MÖBIUS à trois demi torsions sur laquelle nous situons les trois termes du sujet, du savoir et du sexe (« Problèmes cruciaux de la psychanalyse ») , le sujet étant divisé dans son abord du savoir tout en étant contraint par lui, le savoir trouvant l’arrêt du sens en direction de l’impossible savoir sur le sexe, tandis que du côté du sujet c’est la vérité comme signification de son être qui bornera l’impossibilité de ce savoir sur le sexe.
Quant à l’objet de la surface de STEINER il contient l’appareil d’écriture de la sexuation :
et cela par l’introduction de la négation (il ne s’agit plus d’inconscient donc…) :
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s’appliquant au lieu de l’Autre (les 6 points de rebroussement de la structure), trésor du signifiant avec la propriété de ce dernier d’être différent de lui-même, représentant un sujet pour un autre signifiant, le rapport du sujet avec le signifiant s’instituant d’un manque (condition de la jouissance), manque analogue à la fonction du zéro dans la pensée mathématique auquel le jeu de la demande va venir substituer une succession de « un » , à la condition qu’un signifiant à l’état pur, le nom propre, vienne sous la forme d’une suture donner l’illusion du comblement de ce manque originaire : « la nomination, selon LACAN, fonctionne comme l’obturation imaginaire du manque ».
A ces lieux de l’Autre et grâce à la négation viennent des paires de signifiants aux signifiés opposés concernant l’existence (il existe, il n’existe pas), l’universalité ou l’exception , l’avoir selon la contingence de posséder ou non le phallus (fonction de la castration)…
Les signifiants de chaque paire sont reliés par les lignes d’auto intersection de la surface, qui représentent le Phallus symbolique. A propos du cross cap, LACAN remarquait qu’au centre de cette dernière surface existait un point Φ, l’un des points cuspidaux (de rebroussement) de la ligne d’auto-intersection qu’il notait Φ- Ω, et c’est ce point Φ qu’il appelait le phallus. Par la suite les exégètes de LACAN font observer :
« Dans la figure du cross cap, le lieu du phallus peut être discuté (Bulletin de l’ALI n°113, 114 ). Lacan le situe au niveau du point Φ , singularité au centre de la figure. (Singularité veut dire lieu de rupture de la continuité d’une fonction). Ce point singulier ne peut cependant pas être considéré comme concentrant en lui-même la propriété möbienne du cross cap. Le disque détaché par la coupure en double boucle
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(fig. 9) ne possède pas cette propriété möbienne bien qu’il possède le point Φ . Ce point n’est donc pas l’au moins Un point möbien. Charles Melman a pu dire que c’est la ligne Φ-Ω qui représente le phallus. C’est plus exact puisque celle-ci, munie de ses deux extrémités, concentre en effet la propriété möbienne. Si on l’enlève, il ne reste qu’un disque.( Le cross cap de Lacan ou « asphère », Bernard VANDERMERSCH) ».
 La lettre est le point triple central de la surface de STEINER, seul point de la structure qui ne soit pas différent de lui-même. Elle permet l’écriture de trois modalités de la sexuation selon la logique propositionnelle freegienne (une variable ou argument, et des propositions ou fonctions) les catégories aristotéliciennes du nécessaire (du côté homme l’exception de celui qui n’est pas soumis à la castration tandis qu’une telle exception n’existe pas côté femme), du possible (tout homme y est soumis), du contingent (une femme n’est pas toute soumise à la castration et la présence du phallus est une contingence).
Dans le cas du rêveur qui nous intéresse la question d’être ou d’avoir le phallus est laissée en suspens : si L’Autre est toujours présent grâce aux points cuspidaux de l’une des lignes d’intersection (notée ici C1-C2), ailleurs les lignes d’auto intersection de l’avoir et de l’existence fusionnent pour donner la surface suivante, intermédiaire entre la surface de STEINER et le cross cap :
dont la ligne d’auto intersection en forme de 8 inscrite dans un cercle a les propriétés mathématiques d’une lemniscate de GERONO :

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L’Autre est remplacé dans le cercle extérieur par ce qui est Extime par rapport au diamètre central de ce cercle, grand axe de la ligne d’auto intersection en forme de 8, qui est le lieu Intime, ce cercle et son diamètre constituant tous deux l’innommable de La Chose.
Pour ce sujet la topologie devient une topographie imaginaire : il est contraint par une trajectoire imposée, à un certain chemin, de la répétition de l’acte sexuel avec un (des) partenaire (s), où sa position est toujours donnée en un point M de cette trajectoire en 8 tel que sa distance au lieu de l’intime et celle au lieu de l’Extime peut toujours être écrite par la propriété mathématique de la figure qui veut que QM=QR.
Jouissance et désir sous le sceau du sexe sont ainsi pris dans une certaine problématique proche de celle de l’insularité (ce n’est pas comme dans les parcours des sujets psychotiques marcheurs répétitifs de DELIGNY, puisqu’ ici la présence de L’Autre est maintenue par une ligne d’auto intersection terminée par des points cuspidaux), réalisant un sinthome de la sexuation dans lequel il y a collage de l’énonciation et de l’énoncé, mais où le partenaire ne sera jamais tout à fait ce lieu Autre et restera tributaire des contingences de la rencontre : appartenance à un « milieu », circulation sur le net voire dans des établissements spécialisés comme autant de lieux de rencontre voire de consommation , avec cette aspiration à ce qu’une officialisation du lien (pacs, mariage) vienne arrêter ce glissement incessant d’un partenaire à l’autre et la fixation sur l’un d’eux…
Sinon le sujet sera condamné à la répétition incessante de l’acte, comme l’illustre par exemple l’œuvre de Guillaume DUSTAN avec des romans tels « Dans ma chambre » , « Ce soir je sors », ou « Plus fort que moi »… Mais déjà à l’articulation du XVII° et du XVIII° siècle deux œuvres résonnent en écho pour illustrer la contrainte du lieu venant suppléer dans une écriture de la sexuation une défaillance altérante de l’Autre du fait de cette confusion entre avoir et être le Phallus : le peintre HOGARTH avec « la carrière d’une prostituée » et « la carrière d’un roué » (The rake’s progress dont STRAVINSKY fit un opéra), et à l’autre bout du monde, dans le Japon régi par le système politique du Shogunat, le romancier SAÏKAKU et sa description de lieux de plaisir et des techniques consacrés à la « Voie de l’amour » dans « ce monde flottant », avec la dégringolade de l’héroïne de sa « Vie d’une amie de la volupté », prostituée qui passe par tous les états de la prostitution de son temps, ainsi que le catalogue des conquêtes (3742 femmes et 725 garçons) de Yo
nosuke, héros de « l’Homme qui ne vécut que pour aimer », mais aussi les amours homosexuelles des samouraïs, des bonzes et des acteurs de Kabuki (« le grand miroir de l’amour mâle »), « Voie de l’amour » qui pouvait toutefois
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connaître la limite d’une mauvaise rencontre avec le réel de la mort, comme cela arrive dans « Arashi, vie et mort d’un acteur », dernier roman de l’écrivain : un acteur-prostitué de Kabuki, un temps adulé et déchaînant les passions des deux sexes (qui en viennent jusqu’à se mutiler pour lui témoigner leur amour), meurt en se faisant hara-kiri selon le code d’honneur des samouraïs qu’il incarnait sur scène, ultime parade imaginaire pour la défense de la liberté de l’être, lorsqu’il vient à être déchu de son rang de vedette, c’est-à-dire la façon dont l’image spéculaire emballait et recouvrait l’objet cause du désir pour lui donner son agalma, sa brillance phallique.
 
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