Pas de réminiscences sans réminisciences. R. Lévy, Paris 22/11/17

SOUFFRONS-NOUS ENCORE DE NOS REMINISCENCES ?

Robert Lévy

Séminaire II

« Pas de réminiscences sans réminisciences »

 

Nous avons l’occasion cette année, avec le titre du séminaire qui nous convoque, de pouvoir préciser ce qu’il en est de notre champ par rapport à celui dit des « sciences ». En effet, pas de réminiscence sans réminiscences qui postulent un cerveau qui serait l’origine de la pensée elle-même.

Pourtant, comment ne pas questionner ici à nouveau ce que Lacan appelle « la relation narcissique au semblable qui est l’expérience fondamentale de développement imaginaire de l’être humain[1] ».

En effet la pensée, c’est avant tout « ce quelque chose que le sujet éprouve d’abord comme étranger à lui-même, à l’intérieur de lui[2] ? » et qui n’est autre que le moi, expérience du moi, décisive pour la constitution du sujet. Cet « étranger à soi-même » est un peu du même ressort lorsque nous nous apercevons de ce qui est réellement arrivé et que nous constatons que ce qui s’est passé est différent de ce que nous aurions souhaité ou encore ne l’aurions-nous pas tout simplement oublié. En ce sens le moi et le sujet sont bien à différencier puisque le sujet comme nous l’indique Lacan n’est pas celui qui pense.

Le moi en formation c’est aussi ce qui apporte une cohérence à l’ensemble du savoir, ce qui réunit tous les fragments dispersés du souvenir.

Et comme Lacan nous l’indique, il n’y a donc pas de technique pour travailler cela mais un « art » au sens où on peut entendre ce terme comme ce qui au fond a pu constituer ce que l’on appelait au moyen Age les « arts libéraux », c’est-à-dire l’astronomie, la dialectique, arithmétique, géométrie, musique et grammaire …

En d’autres termes, il s’agit de toute science qui maintiendrait au premier plan ce qui peut s’appeler un rapport fondamental à la mesure de l’homme[3].

Et à ce titre nous n’avons rien à craindre des avancées des sciences et en particulier des neurosciences.

C’est bien des interrelations du sujet avec son environnement que nous attendons quelque chose, cette fameuse « intersubjectivité » que Lacan n’appréciait pas particulièrement, mais qui aujourd’hui nous fait rêver que certains mécanisme de l’épigénétique seront un maillon important pour comprendre les interrelations du sujet avec son environnement.

On peut ici faire une petite parenthèse sur cette « intersubjectivité » dans la mesure où Lacan la rejette au bénéfice du transfert qui, dans l’analyse, est la seule dimension à retenir dans une analyse en tout cas ; comme il l’évoque dans le séminaire sur le transfert « non, cette intersubjectivité est proprement réservée, ou mieux encore, renvoyée sine die, pour laisser apparaitre une autre prise, dont la caractéristique est justement d’être essentiellement le transfert »[4] Mais après tout remettre les choses du côté du transfert c’est également les resituer du côté de l’amour …

Parmi les mythes il y a le mythe individuel du névrosé mais également le mythe scientifique de chaque époque, le nôtre c’est assurément celui Du mythe de la génétique.

Mais il a également le mythe que le souvenir construit dans sa remémoration. Le premier souvenir, le souvenir d’enfance ne relève-t-il pas du mythe fondateur lui aussi ou encore plus prosaïquement du fantasme ?

Si l’on suit cette idée selon laquelle le moi est bien cet étranger à nous même éprouvé tout d’abord, le « je » n’est-il pas alors le résultat d’un souvenir antérieur, sorte d’accord entre soi-même et l’image de soi, déjà effet de mémoire ?

C’est là la thèse de mon ami Nestor Bronstein qui postule que « la mémoire est antécédente. Qu’elle est fondatrice de l’être du sujet »[5]

Bien sûr l’approche cognitive des mécanismes de l’oubli, comme j’ai tenté de vous en faire part, ne se situe pas du tout sur le même plan que celui des mécanismes psychodynamiques du refoulement.

Et donc il n’est pas question de vérifier la légitimité de la psychanalyse par les neurosciences pas plus d’ailleurs que de justifier les neurosciences par la réflexion métapsychologique.

Pourtant ce n’est évidemment pas par hasard que Freud soit d’emblée, à propos de l’hystérie, à la recherche des traces ; ces traces qui hantent l’hystérique sur un mode tragique avec insistance pendant une bonne partie de sa vie sous forme de réminiscences.

Le temps chronologique n’entame donc pas cette « jouissance ancienne », cette trace puisque comme nous le fait remarquer Freud « l’incident déterminant continue, des années durant, à agir et cela non point indirectement, à l’aide de chainons intermédiaires (durch vermittlung einer kette von kausalenzwishengleidern), mais directement en tant que cause déclenchante (unmittelbar als auslosende ursache)[6].

C’est donc à la manière « d’un corps étranger » qu’agit encore et encore cette jouissance comme au premier jour. En ce sens elle ne peut être que jugée traumatique « à la manière d’un corps étranger (fremdkorper) qui, longtemps encore après son irruption (eindringen), continue d’agir comme un agent actuel … »[7] .

A la recherche des traces donc, du corps étranger, des traces de corps ; nous voici plongés d’emblée dans l’inconscient avec la découverte de l’hystérique.

« Le corps étranger » c’est bien la jouissance de l’Autre qui laisse sa trace invisible, indélébile. Pourtant selon les propos développés par Radjou la dernière fois dans la lecture du séminaire Encore, pour Lacan la jouissance de l’Autre n’existe pas si ce n’est comme fiction.

Est-ce à dire que la question de la trace ne serait également que fiction ? En tout cas il y a assurément sur ce point des développements à apporter que je tenterai de faire tout à l’heure.

Pourtant le plus surprenant dans cette découverte Freudienne c’est la ténacité de la souffrance d’un présent qui n’a certainement jamais existé comme Freud le découvrira plus tard, ce qui déjà nous oriente un peu sur l’idée que la jouissance de l’Autre n’est que fiction.

Mais surtout cela nous précise qu’il y a quelque chose qui se construit tardivement ou plutôt se reconstruit comme une nécessité « primitive » de donner sens au début de la vie sexuelle et psychique donc de l’hystérique …

C’est bien d’une construction enrichie par l’imagination dont il s’agit ; mais c’est justement parce qu’on a enregistré et compris ce qui nous est arrivé, par ces traces d’expériences ; que nous sommes qui nous sommes.

N’est-on pas là au seuil de la conséquence de certaines réminiscences incertaines ? Là encore Nestor Bronstein pose les bonnes questions : « Ai-je une archive dans ma mémoire ou suis-je une archive de souvenirs et de mes souvenirs ? » N’est-ce pas dans la mémoire ou dans le fantasme d’en avoir une que réside mon énigmatique identité ?’[8] Une identité donc construite à partir du fantasme d’avoir une mémoire.

Il n’y a donc de souvenir qu’après coup, c’est presque un truisme pourtant il faut le répéter, la mémoire n’est qu’une remémoration, une construction particulière qui suppose une RE construction des liaisons d’un RE souvenir qui est forcément discontinu car le sujet est forcément divisé.

Posons-nous ici la question : qu’est-ce que serait d’ailleurs un vrai souvenir ? Serait-ce un souvenir qui ne passerait pas à travers le fantasme ? Nous pouvons ici rappeler cette petite expérience qui consiste à demander à une dizaine de personnes ce qu’elles ont vu lors d’un accident. Chacune a sa version et ce n’est pas parce que chacun ment, mais parce que le souvenir n’est qu’une construction prise à travers le fantasme comme on vient de l’expliquer. Ceci va d’ailleurs poser toute une série de questions sur la dimension du savoir inconscient que Radjou a bien précisé la dernière fois comme ce qui à partir du discours analytique suppose une présomption de savoir sur la vérité. Présomption qui ne suffit pas à acquérir un savoir sur la réalité puisque comme l’évoquait encore Radjou c’est la jouissance qui permet l’acquisition d’un savoir sur la réalité. C’est pourquoi les témoins d’un accident ne peuvent envisager la réalité de ce qui s’est passé qu’à travers leur jouissance issue de leur construction du fantasme au un par un. Cela nous en dit long me semble-t-il sur la recherche de l’originaire, voir même des traces dans une analyse puisque si c’est la jouissance qui fait permet l’acquisition d’un savoir autant dire que nous sommes loin d’une vérité qui puisse faire preuve .

C’est bien toute la question du souvenir traumatique qui se trouve ici reposée. En effet y aurait-il chez l’enfant un moment de l’inscription du souvenir qui ne passerait pas encore par le fantasme ?

C’est à travers cette conception de la trace toute la question de l’Urszene et de l’Urfantasie, scène primitive et fantasme primitif qui s’interroge.

Quelque chose donc de tout aussi constitutif du sujet que ce que Lacan faisait remarquer quant à la relation narcissique au semblable « quelque chose que le sujet éprouve tout d’abord d’étranger à l’intérieur de lui »[9] et qu’il projettera à l’extérieur ensuite comme autant de figures insupportables de la différence, à commencer par la différence des sexes.

A l’aube de l’expérience fondamentale du développement imaginaire de l’être humain le sujet voit sa propre image dans le miroir comme un tout alors que lui-même ne se vit pas comme tel, d’où le profond désarroi éprouvé de cette insuffisance vécue comme fêlure fondamentale.

Lacan précise alors que « c’est en quoi, dans toutes ses relations imaginaires, c’est une expérience de la mort qui se manifeste Expérience sans doute constitutive de toutes les manifestations de la condition humaine, mais qui apparait tout spécialement dans le vécu du névrosé »[10]

Entendons névrosé dans la bouche de Lacan comme ce que Freud veut dire par hystérique, ou encore psychonévrose c’est-à-dire une forme de construction psychique qui tient au désir (wunsh) et à la sexualité au sens large du terme.

Mais le désir est insatiable par définition et assouvir un désir insatiable jusque et y compris dans le rêve c’est ce que révèlera la Traumdeutung (l’interprètation des rêves).

Alors arrivé en ce point qu’y va-t-il donc de traumatique : le sexuel, le désir ? En tout cas la question de la trace, des traces vient préciser le débat sur ce qui fait retour sous forme de réminiscences.

Tout se passe comme si Freud supposait depuis le début de ses découvertes qu’il y avait une mémoire du traumatisme précoce, une mémoire émotionnelle implicite.

Évidemment, c’est un énoncé que l’on ne peut soutenir qu’après être passé par le retour de Lacan à Freud et là, il en ressort que quelque chose d’un réel primordial ne peut être évité, un réel qui, comme nous l’a très bien montré Radjou pourrait bien trouver une certaine forme de suppléance. D’où la question que je lui avais posé à cette occasion, si il y a suppléance possible, pourquoi y aurait-il souffrance encore ? En d’autres termes la souffrance des réminiscences n’est-elle pas un fait lié spécifiquement au refoulement ? Ou encore, le refoulement n’est-il pas un mécanisme impuissant à solutionner la souffrance ?

Évidemment, nous ne sommes pas les seuls à nous préoccuper de la question des traces et nos collègues neuroscientifiques soutiennent depuis un moment déjà que l’expérience laisse une trace dans le réseau neuronal et que c’est même ce qui démontre le fait biologique de la plasticité neuronale.

Autant dire que nous sommes biologiquement le résultat d’une expérience continue de traces qui nous constituent au cours des associations et réassociations de traces en fonction de nos excitations internes et externes.

Nous sommes donc l’effet d’une certaine forme de contingence traumatique prise au sens large du terme qui balise peu à peu ce que vit l’enfant dans la façon précoce dont il « relationne ».

Ainsi on peut dire que les traces mnésiques ou impressions jouent un rôle primordial dans le rôle homéostatique primordial dont procède la réalité interne d’un sujet.[11]

Ce fait est anticipé par Freud dès 1895 et ensuite bien sûr par beaucoup d’autres dans la perspective de préciser comment le petit d’homme peut petit à petit réguler ses états de détresse psychique par la médiation de la relation à l’autre. C’est toute la question de ce que Freud appelle « hilflosigkeit », inachèvement qui laisse le nourrisson dans un état de détresse puisqu’il n’est pas capable de décharger seul les excitations somatiques qui l’habitent dès sa naissance.

C’est ce que j’avais appelé « bombardement » du réel que le nourrisson ne peut gérer ne possédants encore ni de mécanisme de refoulent ni de fantasme. C’est ainsi que l’on peut faire l’hypothèse que ces premiers moments sont pour lui un véritable bain de réel dont il gardera qqch ; et c’est bien là toute la question de savoir ce qu’il en gardera. En tout cas on peut déjà remarquer que la façon dont son environnement va répondre ou pas, comment, dans quelle temporalité à ses demandes aura des conséquences très importantes. Autant dire que c’est dans ce bain de réel que le petit d’homme apprendra à nager ou pas en fonction des signifiants qui vont lui être tendus ou portés plus exactement par un autre humain mais qui ne sont en cet instant qu’une ébauche, tel le bâton du maitre-nageur, qui lui permettront de surnager.

Nous sommes donc encore au diapason de nos collègues neuroscientifiques, le nourrisson est inachevé neurologiquement parlant et par conséquent il y a un état de tension permanent entre les traces de l’expérience et les états somatiques à cet âge sans aucune prédictibilité ni programmation ; par conséquent le seul point régulateur sur lequel s’appuyer ne peut être autre que celui du désir de la mère qui de cette façon supplée au fantasme manquant du nourrisson pour pouvoir faire filtre aux attaques du réel. Il faut donc envisager, comme le font les auteurs de cet article[12]que « l’enfant peut être traumatisé par sa propre pulsionnalité, par l’absence de réponse de l’autre. On pourrait donc parler de traumatismes de cause interne, par défaut de l’action spécifique de l’autre, par défaut de la réponse de l’autre. ».

C’est cette réponse via le désir de la mère qui interprète le cri du nourrisson qui est première, vitale c’est ce que Bergès appelle le transitivisme de la mère et toute la clinique qui s’y rapporte qui peut fonctionner contre l’hilflosigkeit ou pas.

Il y a à ce sujet une recherche très intéressantes à propos des prématurés qui montrent que 13% des parents de prématurés présentent un stress post traumatique et que non seulement ce stress post traumatique est associé à des troubles du sommeil et de l’alimentation chez leur enfant mais de plus on s’aperçoit que le traumatisme parental est un facteur prédictif du devenir du prématuré plus important que la gravité de la prématurité…..[13]

Donc tout laisse à penser à priori qu’il y aurait une mémoire traumatique qui conserve le souvenir d’une expérience désagréable qui expliquerait une réactivité particulière lors de la répétition d’une expérience désagréable. Pourtant cette hypothèse se heurte à l’idée que le réel ne s’inscrit pas et ne se refoule pas et donc le nourrisson est bien baigné dans ce jus de réel pourtant.

D’autre part, la mémoire ou encore le souvenir n’est qu’une construction à travers le fantasme, or à cette époque le fantasme n’est donc évidemment pas encore constitué.

On a souvent tendance à envisager que les traumatismes précoces laissent une trace à la manière d’une cicatrice.

Or l’excitation externe peut avoir pour conséquences une effraction impossible à assimiler. Mais il est très clair que pour Freud c’est l’intervention de l’autre, l’action de l’autre qui va permettre de décharger même l’excitation interne puisque le nourrisson ne possède pas encore de mécanisme cet effet.

La très intéressante conclusion que l’on peut déjà en tirer c’est celle qui nous conduit à penser alors que l’on peut être traumatisé par l’absence de réponse de l’autre, absence de trace donc et c’est à mon sens la thèse que développe Lacan dans la lettre à Jenny Aubry.

Comme l’indique encore François Ansermet [14]la distinction que fait Freud entre le représentant psychique de la pulsion et son représentant représentatif est ici très utile car dans ce que Lacan appelle les enfants qui n’ont pas été désirés :

« Nous savons bien dans l’analyse l’importance qu’a eue pour un sujet, je veux dire ce qui n’était à ce moment-là encore que rien du tout, la façon dont il a été désiré. Il y a des gens qui vivent sous le coup, et cela leur durera longtemps dans leur vie, sous le coup du fait que l’un des deux parents – je ne précise pas lequel – ne les pas désirés. C’est bien ça, le texte de notre expérience de tous les jours.

Les parents modèlent le sujet dans cette fonction que j’intitule du symbolisme. Ce qui veut dire strictement, non pas que l’enfant soit de quelque façon le principe d’un symbole, mais que la façon dont lui a été instillé un mode de parler ne peut que porter la marque du mode sous lequel les parents l’on accepté.

Je sais bien qu’il y a à cela toutes sortes de variations, et d’aventures. Même un enfant non désiré peut, au nom de je ne sais quoi qui vient de ses premiers frétillements, être mieux accueilli plus tard. N’empêche que quelque chose gardera la marque de ce que le désir n’existait pas avant une certaine date.

Comment a-t-on pu à ce point méconnaître jusqu’à Freud, que ces gens que l’on appelle des hommes, des femmes éventuellement, vivent dans la parlotte ? Il est très curieux pour des gens qui croient qu’ils pensent, qu’ils ne s’aperçoivent pas qu’ils pensent avec des mots. Il y des trucs là-dessus avec lesquels il faut en finir, n’est-ce pas ? La thèse de l’école de Würzburg, sur la soi-disant aperception de je ne sais quelle pensée synthétique qui n’articulerait pas, est vraiment la plus délirante qu’une école de prétendus psychologues ait produite. C’est toujours à l’aide de mots que l’homme pense. Et c’est dans la rencontre de ces mots avec son corps que quelque chose se dessine. D’ailleurs, j’oserais dire à ce propos le terme d’inné – s’il n’y avait pas de mots, de quoi l’homme pourrait-il témoigner ? C’est là qu’il met le sens. »[15]

On peut faire remarquer que la pulsion se manifeste sous la forme première de son représentant :

«  (.) Soit comme l’effraction d’une exigence somatique dont le destin est de se lier, dans un deuxième temps, à une représentation (représentant représentation).

En ce sens, si il n’y a pas de représentation, le sujet continuera sans cesse à être soumis à la pression d’une excitation qu’aucune trace secondaire ne vient lier ou intégrer, ainsi, à l’homéostat psychique. »[16]

N’est-ce pas de cette même catégorie que procède le réel, c’est-à-dire cet impensable pour cause de non représentation ?

Ceci est tellement évident qu’une étude de 1991 de Fonagy et coll. montre que les états mentaux des parents sont prédictifs à 75% du type d’attachement dont feront preuve leurs propres enfants à l’Age de 1 an aussi «la capacité de l’enfant à gérer les exigences somatiques qui le traversent est non seulement fonction de l’action régulatrice du parent, mais aussi des capacités de ce dernier à gérer ses propres états mentaux et émotionnels »[17]

Donc nous en sommes arrivés à l’idée qu’il n’y a pas de de mémoire explicite des expériences désagréables en raison de l’amnésie infantile, ce que j’ai appelé refoulements secondaires ; en revanche l’intervention externe serait celle qui laisserait une sorte de trace à long terme et ainsi c’est plus la nature psychique de cette trace et par conséquent sa qualité qui pose le vrai problème.

C’est ainsi que certaines conceptions cognitives réduisent l’inconscient à une sorte de système d’inscription procédurale, traces donc ou informations dont les capacités seraient limitées vis-à-vis de la conscience.

Nous venons de montrer qu’il n’en est rien et que l’on aurait au contraire de cognitivistes tout intérêt à se préoccuper d’un travail avec les parents, travail de « prévention » que, sans doute, Françoise Dolto a pu avoir dans la conception même des maisons vertes.

Mais nous pouvons également envisager, avec ces éléments, combien d’enfants soi-disant hyper actifs ne sont en fait que des enfants n’ayant pu obtenir de limites en raison du fait qu’à un certain moment très primitif il n’y a pas aux fins de produire non pas du refoulement dans ce cas, mais eu de représentation, c’est pourquoi ils continuent sans cesse à être soumis à la pression d’une excitation qu’aucune trace secondaire ne vient lier ou intégrer, ainsi, à l’homéostat psychique. Ce qui évidemment peut se traiter avec de la Ritaline sur le plan chimique mais surtout doit être repris par un traitement avec le langage afin de pouvoir se lier à un représentant – représentation via le transfert comme suppléance.

C’est ici que la plasticité du cerveau rejoint ce qu’on peut appeler résolument un inconscient adaptatif.

Un conscient adaptatif qui montre qu’il n’est pas une mémoire fixe et passive. Il y a donc une sorte de discontinuité mnésique qui introduit la spécificité d’un sujet. D’où l’idée de la créativité disponible et productive de l’inconscient qui sait s’y produire pour autant qu’on puisse l’entendre un insu.

Nous faisons alors le constat que dans cette perspective, la remémoration d’une expérience la rend littéralement maniable ou malléable. Je dirai pour ma part que l’on peut entendre le mot ici de remémoration au sens large de la dimension des signifiants en jeux comme dans le symptôme.

Mais qu’en est-il alors dans les cas où, comme on vient de voir il n’y a pas eu de « trace » puisque quelque chose ne s’est pas inscrit ? Pour rappel, c’est donc l’absence de trace qui peut mener le bébé à la détresse puisqu’il est dépassé par des stimulations endogènes et exogènes qui ne peuvent être soulagées puisque personne ne répond à cette place ou encore parce que le désir de l’Autre est absent. Ainsi, l’absence de trace présente la difficulté de ne pas être liée à une représentation, ou encore d’absence de représentations alors que chez le névrosé c’est le refoulement de certaines représentations inconscientes qui fait difficulté .

La cure est l’occasion dans les deux cas mais de façon différente de permettre la remise en jeux de contenus refoulés ou non encore refoulés et de les associer avec de nouvelles représentations via le transfert.

 

 

[1] LACAN 4le mythe individuel du névrosé’ le seuil 20107 P.46

[2] Ibidem

[3] Opus cité P.13

[4] J LACAN LE TRANSFERT ED Le seuil 1991 P. 21

[5] Nestor A. Bronstein Les présages ou le souvenir d’enfance retrouvé STOCK 2011 P.17

[6] S Freud ETUDES SUR L’HYSTERIE Paris PUF 1956 P.4 -5

[7] ibidem

[8] Opus cité P. 16

[9] Lacan Opus déjà cité

[10] ibidem

[11] François Ansermet, Mathieu Arminjon et Pierre Magistretti ‘plasticité neuronale : les traces et leurs destins ‘ in Epistémologie et méthodologie en Psychanalyse et en Psychiatrie ED ERES 2017 P. 23

 

[12] Opus cité p. 32 -33

[13] Idem

[14] Opus déjà cité P.35

[15] LACAN la conférence annoncée sous le titre « Le symptôme » fut prononcé au Centre R. de Saussure à Genève, le 4 Octobre 75, dans le cadre d’un week-end de travail organisé par la Société suisse de psychanalyse. Elle fut introduite par M. Olivier Flournoy. Elle parut dans Le Bloc-notes de la psychanalyse, 1985, n° 5, pp. 5-23.

[16] Idem

[17] Ibidem P.36

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