« Recontraencuentro » COnvergencia, Reims juin 2017- « Rencontre » María Clara Areta- Escuela Freudiana de Mar del Plata
« Recontraencuentro »
CEG Reims, juin 2017- « Rencontre »
María Clara Areta- Escuela Freudiana de Mar del Plata
Rencontre- Recontra- Lalangue
Comme je ne parle pas français, la première chose qui m’est venue à l’esprit en lisant le titre du Colloque de la réunion du Comité de Liaison général de Convergencia, colloque auquel nous assistons aujourd’hui, « Rencontre », a été sa transcription. Je l’ai associé
d’immédiat par homophonie à une expression très employée en espagnol, tel qu’on le parle en Argentine.
Le préfixe « re », est traditionnellement employé pour signifier qu’une action se fait une fois de plus, comme par exemple «réorganiser » et son substantif « réorganisation ».
Mais depuis un certain temps, familièrement on a commencé à employer le « re » pour donner de l’emphase à un adjectif, par exemple « muy interesante (très intéressant) », est devenu «reinteresante (hyper intéressant) ».
Mais cette maximisation ne s’y est pas arrêtée, car elle a encore augmenté d’un grade.
L’adjectif est maintenant précédé par la particule « recontra », pour dire « recontrainteresante ». Ce serait un équivalent a hyper, hyper. Même si « contra » est une préposition que dans sa signification académique implique l’opposition ou l’affrontement, comme dans «la lutte contre le cancer », l’emploi populaire a fait l’union de « re » et « contre » pour créer une sorte de préfixe, « recontra », et transformer ainsi un adjectif dans une forme totalement superlative.
Pour revenir à notre exemple, l’adjectif superlatif qui correspond à «interesante (intéressant) », d’après la Real Academia Española, est « interesantísimo », mais de manière familière, les jeunes et pas si jeunes emploient « recontrainteresante (hyper, hyper
intéressant) » pour maximiser l’expression.
Ce préfixe novateur « recontra », véritable méga superlatif, est également employé devant les verbes, comme par exemple « te recontraquiero », pour dire qu’on aime quelqu’un véritablement beaucoup, et aussi devant les substantifs, comme dans « recontrahijo » pour donner de l’emphase a « hijo de mil puta (vrai fils de pute) », ou même seulement « recontramil » pour montrer l’intensité. Ce « recontra » est fréquemment employé pour des insultes populaires, dans beaucoup de cas adressés au gouvernement.
L’usage populaire en Argentine du préfixe « recontra » est alors congruent avec ce que Freud a dit dans Le sens antithétique des mots primitifs.
Rencontre – Au-delà de la répression en Argentine
« Rencontre », traduit en espagnol, devient « Encuentro ». C’est le nom donné à une excellente chaîne de télévision créée en 2007 par le Ministère de l’Éducation d’Argentine, par le gouvernement Kirchner de l’époque : Canal Encuentro (Chaîne Rencontre). D’après
Wikipédia « Cette chaîne est caractérisée aussi bien pour transmettre des connaissances de différents domaines de l’éducation, la science et la culture, que pour sa défense des droits de l’homme et sociaux des peuples latino-américains ». Il s’agissait d’une chaîne merveilleuse, avec des productions intelligentes et émouvantes, qui ont fait bonheur de beaucoup, comme moi. Maintenant elle est en train d’être démantelée par l’actuel gouvernement de droite, qui
licencie le personnel et la vide peu à peu.
Les locaux de cette chaîne sont ceux de l’ancienne et emblématique Escuela de Mecánica de la Armada (École de la Marine), connue par la sigle « ESMA » de mémoire néfaste. Car c’est là que pendant le gouvernement de la dictature civique, ecclésiastique et
militaire fonctionnait le plus grand camp de concentration, torture et extermination de l’Argentine.
C’est à l’ESMA qu’on faisait disparaître des citoyens. La plupart de ceux qu’y rentraient ne sont plus jamais sortis. Des jeunes, filles et garçons, des travailleurs, des intellectuels, des opposants, on ne les retrouvait plus jamais … parce qu’ils devenaient des « disparus ».
Ainsi, là même où il y avait eu des disparitions et un génocide, on a essayé de retrouver ces disparus. On a voulu les rencontrer au-delà de la dictature qui avait imposé le silence, au-delà de la non rencontre fatale et inexorable. Le sigle ESMA a été transformée alors, par le biais de la rencontre, en EXMA, et c’est là où fonctionne cette chaîne Encuentro, avec d’autres expressions culturelles, malgré tout.
À mon avis, le fait d’avoir transformé ce terrain de ségrégation et de mort en un lieu de Rencontre, est un acte démocratique similaire au procès aux Juntas militaires.
De quelle rencontre peut-on parler en psychanalyse ?
Par quelle voie pourrions-nous rentrer dans une logique de rencontre-réunion sans sortir de la logique de la psychanalyse comme discours ? Car, tout d’abord, on dirait que la
rencontre-réunion ne participe pas facilement du discours de la psychanalyse.
On pourrait argumenter que la psychanalyse elle-même se base sur une logique de rencontre manquée et de rencontre ou retrouvaille, comme le présente Freud depuis le Projet d’une psychologie pour neurologues et jusqu’à la fin de son œuvre.
Lacan, dès le commencement de son enseignement, parle du manque d’objet génital, objet paradigmatique pour le rapport, ce qu’il finira par écrire dans le trou du nœud Réel avec
l’expression « il n’y a pas de rapport sexuel ».
C’est vrai que la rencontre n’est pas strictement un rapport, une relation. On devrait peut-être chercher du côté du lien… qui implique plus de réunion que de coïncidence.
Rencontre, rencontre manquée, retrouvaille forment peut-être un nœud pour les psychanalystes, mais je ne pense pas qu’à chaque mot corresponde un registre lacanien RSI.
Je crois que la rencontre a son RSI, ainsi que la rencontre manquée et la retrouvaille ont le leur.
Depuis la psychanalyse, la rencontre semblerait rester presque inévitablement associée à une rencontre fantasmatique ou à une rencontre avec le réel, ce qui permettrait la rencontre/réunion.
Les institutions des psychanalystes, grâce à l’analyse et la passe de chacun des membres, permettent-elles une rencontre, qui, du fait d’être une retrouvaille, serait moins fantasmatique ?
Rencontres manquées. Le psychanalyste dans la polis ?
Je dis polis parce que c’est le mot du prochain Congrès international de Convergencia qui aura lieu en 2018 à Tucumán, et parce que nous avons travaillé à partir de ce mot au mois d’avril, à Tucumán également, en occasion du dernier colloque de CERAU. 3
La situation dans laquelle un pratiquant de la psychanalyse est appelé à faire une intervention dans le social m’intéresse beaucoup. En Argentine j’ai écouté avec stupeur des conneries quand un autodénommé médecin psychanalyste parlait à la télé d’un cas parmi tant d’autres de féminicide, l’affaire Micaela. Dans la préoccupante situation actuelle de mon pays, les médias interviewent parfois des psychanalystes. En général, cependant, on consulte des référents des neurosciences ou des cognitivistes.
Alors, cent ans après la publication de la Psychologie des masses et analyse du moi, il faut se demander depuis quelle position répondre à ce type de demande, qui n’est pas une demande de traitement, quand la psychanalyse se voit convoquée.
Si on pense à ce que Lacan nous a appris, que l’analyste est au moins deux, ne pourrait-on pas comprendre que dans cette interphase entre le social et la psychanalyse ce n’est pas l’analyste qui doit opérer mais le psychanalysant qu’il y a en lui ? Un néologisme m’est venu pour la réunion de CERAU : « citoyent », pour dire que je considère qu’il n’y a pas de psychanalyste à la polis, si on pense comme telle la fonction de l’analyste dans le discours qui porte son nom.
Si le discours de l’analyste signifie que l’analyste se trouve comme objet a, dans le semblant, pour que la place du Sujet barré reste à l’analysant, comment pourrait-il avoir une fonction analyste en dehors du discours de l’analyste ? Parce que une chose est la division du Sujet barré et une autre que l’analyste soit au moins deux. Et en extension, l’analyste est différent de ce qu’il a été en intension. C’est un tiraillement logique, je m’interroge pour parler aujourd’hui ici avec vous.
Lacan a eu ses Radiophonie et Télévision.
Je souligne dans Radiophonie : « C’est que l’effet qui se propage n’est pas de communication de la parole, mais de déplacement du discours».
Et dans Télévision : « Il n’y a pas de différence entre la télévision et le public devant lequel je parle depuis longtemps, ce qu’on appelle mon séminaire. Un regard dans les deux cas : à qui je ne m’adresse dans aucun, mais au nom de quoi je parle. (a ◊ S) Qu’on ne croie
pas pour autant que je parle à la cantonade. C’est le cas de le dire. Je parle à ceux qui s’y connaissent, aux non idiots, à des analystes supposés. L’expérience prouve, même à s’en tenir à l’attroupement, prouve que ce que je dis intéresse bien plus de gens que ceux qu’avec quelque raison je suppose analystes. Pourquoi dès lors parlerais-je d’un autre ton qu’à mon séminaire ? Outre, qu’il n’est pas invraisemblable que j’y suppose aussi des analystes à m’entendre ».
Pour finir : la réunion de pratiquants de la psychanalyse ne serait-elle pas « un recontraencuentro » (une hyper, hyper rencontre), dans la double implication du mot ?