Robert Lévy Guérison Séminaire 2

La cura la cura

Le concept de guérison en psychanalyse

Robert Levy

Séminaire 2

 

 

LE SYMPTOME ENTRE MANQUE DE REFOULEMENT ET RETOUR DU REFOULE, ÇA NE FAIT PAS LE BONHEUR

 

Bonsoir, je voudrais particulièrement saluer nos collègues brésiliens qui sont venus ce soir en nombre importants de passages à Paris, nos collègues italiens qui sont ici présents et puis bien sur tous les autres qui viennent régulièrement au séminaire.

Nous allons parler du bonheur ou comment augmenter nos capacités pour vivre heureux pour toujours… Voilà à quoi je vous invite ce soir…

C’est la Devise du transhumanisme, ultime vœu de guérir les symptômes pour que l’humain puisse enfin ne plus mourir.

Ne pas vieillir donc pour ne pas mourir. Mais l’envie de respecter les lois naturelles n’a d’égal que le désir de pouvoir vivre encore une centaine d’années en bonne santé.

Fantasme d’immortalité associé à l’idée que la biologie pourrait contribuer à la routinisation de nos métabolismes …

D’où vient donc l’idée que l’on pourrait accepter d’être animalisé ou encore robotisé  puisque dans le transhumanisme il est bien question de reprogrammer génétiquement chacun, voire penser certaines hybridations entre machines et humains.

Actuellement, un ciseau moléculaire peut découper le génome et le reprogrammer comme un copié collé, c’est le « crisper cas 9 »  ; Il s’agit bien alors de transformer le génome humain à fin de pouvoir enfin choisir les caractéristiques que l’on garde et celles que l’on rejette…

Ainsi « Tout ce qui est techniquement réalisable, mérite d’être réalisé » comme le prétend Dennis gabor, prix Nobel de physique en 1971 pour l’invention de l’holographie.

Le projet consiste alors à Supprimer tout ce qui est de l’ordre de la limitation. « .. Digne héritage du discours capitaliste au service de l’’homme augmenté ».

Aussi il faut Modifier le corps jusqu’à la perfection, quête d’une fontaine de jouvence ; l’essentiel du marché est de multiplier les objets sans jamais se préoccuper de la dimension éthique.

« Le vivant devient un grand légo, quand on aura trouvé les briques de base on pourra reprogrammer l’humain ». F JACOB

La question du sous homme est donc de retour et la lutte entre deux humanités, l’une augmentée qui devient pure devra s’opposer forcément au reste, l’humanité, imparfaite, impure. C’est évidemment quelque chose de déjà vu, déjà entendu il n’y a pas si longtemps. Un homme « nouveau » pourra alors évoluer dans un monde parfait. Homme nouveau qui, comme d’habitude aura les moyens financiers de sa nouveauté et s’opposera donc dans une nouvelle forme de lutte des classes à ceux, les anciens qui n’auront pas eu les moyens de modifier leur génome …

Ne nous y trompons pas, le transhumanisme est l’héritier direct des revendications du bonheur et par conséquent des adeptes de la guérison du symptôme et forcément des nouvelles demandes de guérison.

Mais ceci n’a pourtant rien de très nouveau ; déjà Aldous Huxley publia Le meilleur des mondes en 1932 à l’apogée de la grande dépression un ouvrage dans lequel le bonheur est la valeur suprême.

Dans son ouvrage, ce sont les médicaments psychiatriques qui remplacent la police et chacun prend chaque jour sa dose de « Soma », produit de synthèse qui rend les gens heureux sans nuire à leur productivité ni à leur efficacité. La conséquence en est qu’il n’y a plus de guerre, plus de révolution, plus de grève pour menacer l’état mondial qui gouverne la terre entière puisque tout le monde est pleinement satisfait des conditions présentes de vie… C’est le bonheur…

Ce que nous fait remarquer Yuval Noah Harari [1] c’est que ce monde d’Huxley repose sur l’hypothèse biologique que le bonheur est égal au plaisir puisque notre biochimie tend à limiter cette équation par conséquent il nous faut donc manipuler le système biochimique de l’humain pour devenir enfin heureux.

Plus de symptôme car il recouvre la spécificité de représenter un carrefour.

Et, en effet, on ne croyait pas si bien dire en le soutenant, que le symptôme est lui-même le carrefour du support du sujet. Dès lors supprimer le symptôme c’est contribuer à supprimer le sujet.

Alors de quel symptôme s’agit-il ?  C’est celui qu’évoque Lacan dans son intervention à Genève :

« Si ce dont nous parlons est vrai, si c’est bien à une étape précoce que se cristallise pour l’enfant ce qu’il faut bien appeler par son nom, à savoir les symptômes, si l’époque de l’enfance est bien pour cela décisive, comment ne pas lier ce fait à la façon dont nous analysons les rêves et les actes manqués ? – Je ne parle pas des mots d’esprit, complètement hors de la portée des analystes, qui n’ont naturellement pas le moindre esprit. C’est du Freud, mais ça prouve quand même que là Freud, tout de même, a dû s’apercevoir que l’énoncé d’un acte manqué ne prend sa valeur que des expliques d’un sujet. Comment interpréter un acte manqué ? On serait dans le noir total, si le sujet ne disait pas à ce propos un ou deux petits trucs, qui permettent de lui dire – mais enfin, quand vous avez sorti votre clef de votre poche pour entrer chez moi, analyste, ça a quand même un sens – et selon son état d’avancement, on lui expliquera le sens à divers titre – soit par le fait qu’il croit être chez lui, ou qu’il désire être chez lui, ou même plus loin que le fait d’entrer la clé dans la serrure prouve quelque chose qui tient au symbolisme de la serrure et de la clé. Le symbolisme de la Traumdeutung est exactement le même tabac. Qu’est-ce que c’est que ces rêves, si ce n’est des rêves racontés ? C’est dans le procès de leur récit que se lit ce que Freud appelle leur sens. Comment même soutenir une hypothèse telle que celle de l’inconscient ? – si l’on ne voit pas que c’est la façon qu’a eue le sujet, si tant est qu’il y a un sujet autre que divisé, d’être imprégné, si l’on peut dire, par le langage. »

Et voilà, à mon avis, la partie la plus importante :

« Nous savons bien dans l’analyse l’importance qu’a eue pour un sujet, je veux dire ce qui n’était à ce moment-là encore que rien du tout, la façon dont il a été désiré. Il y a des gens qui vivent sous le coup, et cela leur durera longtemps dans leur vie, sous le coup du fait que l’un des deux parents – je ne précise pas lequel – ne les pas désirés. C’est bien ça, le texte de notre expérience de tous les jours. 

Les parents modèlent le sujet dans cette fonction que j’intitule du symbolisme. Ce qui veut dire strictement, non pas que l’enfant soit de quelque façon le principe d’un symbole, mais que la façon dont lui a été instillé un mode de parler ne peut que porter la marque du mode sous lequel les parents l’on accepté. Je sais bien qu’il y a à cela toutes sortes de variations, et d’aventures. Même un enfant non désiré peut, au nom de je ne sais quoi qui vient de ses premiers frétillements, être mieux accueilli plus tard. N’empêche que quelque chose gardera la marque de ce que le désir n’existait pas avant une certaine date.

Comment a-t-on pu à ce point méconnaître jusqu’à Freud, que ces gens que l’on appelle des hommes, des femmes éventuellement, vivent dans la parlote ? Il est très curieux pour des gens qui croient qu’ils pensent, qu’ils ne s’aperçoivent pas qu’ils pensent avec des mots. Il y des trucs là-dessus avec lesquels il faut en finir, n’est-ce pas ? »[2]

Cela n’a l’air de rien mais c’est une façon pour Lacan d’expliquer précisément ce que l’on entend par le terme de sujet. Un sujet, c’est quelqu’un qui se définit par le fait d’avoir été désiré par ses parents ou pas, ce qui marquera quelque chose d’assez définitif pour lui.

C’est donc bien au cœur de ce qui va pour un sujet constituer la subjectivité que Lacan se situe.

C’est aussi à cela que s’attellent la plus part des thérapies comportementales prétendent associer un travail sur les émotions et un travail sur la pensée par une reprogrammation positive. C’est précisément ce que les nouvelles thérapies de soin des syndromes post traumatiques proposent de façon explicite avec d’un côté L’EMDR puisque les patients qui ont souffert des années d’anxiété ou de douloureux souvenirs, cauchemars, insomnies, abus ou autres événements traumatisants peuvent maintenant être secourus par une révolutionnaire nouvelle thérapie appelée EMDR (Eye mouvement désensibilisation retraitement).

Elle se propose comme une collaboration simple et non invasive de la relation patient-thérapeute dans laquelle la guérison peut se produire efficacement.

Cette thérapie à court terme serait très efficace pour un large éventail de troubles, y compris la douleur chronique, phobies, dépression, crises de panique, troubles de l’alimentation et mauvaise image de soi, stress, inquiétude, Trac, anxiété de performance, récupération de sévices sexuels et des incidents traumatisants. PTSD – syndrome de stress post-traumatique. Tout ceci grâce à la Désensibilisation des mouvements oculaires et la reprogrammation du souvenir. C’est là que je veux en venir, sur ce point de reprogrammation du sujet.

Mais encore plus récemment une thérapie associant la reprogrammation du souvenir à un médicament, le Propanolol, nous est arrivée du Canada.

Cette dernière se fonde cette fois sur l’idée d’une reconsolidation : « à chaque fois que l’on se remémore un souvenir il redevient instable et doit se reconsolider pour passer dans la mémoire à long terme ».

Il faut donc bloquer le processus par un antihypertenseur, le Propanolol, qui a la propriété de diminuer l’intensité émotionnelle des souvenirs.

Dès lors il faut administrer un comprimé une heure avant la séance de psychothérapie qui consistera à réexposer le patient à la situation de stress en l’écrivant la première fois puis en le relisant au psychothérapeute les fois suivantes. Au bout de six semaines le patient est sensé avoir dissocié le texte de son ressenti …

Le souvenir traumatique doit donc être éradiqué ou encore déprogrammé de son contenu d’affect.

Nous sommes loin de la découverte Freudienne selon laquelle il peut y avoir dissociation entre le souvenir traumatique et l’affect puisqu’ici la question du refoulement ne se pose plus ou encore elle ne se pose que pour autant que l’on puisse rester dans un ici et maintenant qui permette, grâce à une annulation de reprogrammer le souvenir pour éteindre l’affect qui lui est lié. Transhumanisme absolu…

La psychanalyse a été à l’origine même de la découverte de la névrose traumatique et auparavant avec la découverte également du traumatisme infantile de la séduction chez les hystériques. C’est pourtant une démarche très Freudienne que celle de vouloir séparer la question de la perception de celle de la conscience que l’on trouve dès 1896 dans la lettre 52 à Fliess dans laquelle il montre les étapes nécessaires pour cela en passant de la perception (wahrnehmung), au signe de perception (wahrnehmungszeichen), à l’inconscient (Unbewusste) au préconscient (vorbewusste) puis enfin au conscient (bewusste). Par conséquent c’est le parcours nécessaire entre ces différentes étapes entre la perception et la conscience pour qu’une représentation puisse s’inscrire et devenir consciente.

Il est à remarquer que les deux premiers temps sont tout d’abord « w sont les neurones dans lesquels naissent les perceptions avec lesquels se noue la conscience, mais qui ne gardent aucune trace de ce qui s’est passé. Evenement et conscience s’excluent réciproquement. Wz est la première inscription des perceptions, inaccessible à la conscience, organisée selon la simultanéité »[3]

Actuellement tout repose sur de soi-disant découvertes des neurosciences qui traduisent toute la question du souvenir et des affects en termes de saturation de l’amygdale censée présider au traitement des images et à leur stockage en mémoire à court, moyen et long terme dans lequel le sujet n’a plus aucune raison d’être.

En bref, le sujet a disparu au profit de l’idée d’un souvenir reprogrammable.

Mais toute cette orientation est déjà le résultat de la mise en œuvre scientifique de la nécessité d’une quiétude absolue de l’âme obtenue par la suppression de nos craintes imaginaires et par conséquent de nos angoisses.

C’est donc, d’une façon aberrante, la réalisation à la lettre de la remarque de Freud « c’est le programme du principe de plaisir qui fixe la finalité de la vie »[4]; d’où il faut effectivement réaménager notre système biochimique pour être plus heureux ; l’ennemi étant essentiellement le souvenir. Quand vous n’aurez plus de souvenirs, vous serez heureux…

En effet, le carpe diem contemporain est la pure affirmation du moi, un moi sans but à remplir sans passé auquel être fidèle : Just do It !

Ainsi plus de souvenirs dérangeants, plus de refoulement donc puisqu’il n’y a pas de souvenir sans le refoulement ; et surtout plus d’inconscient puisque le refoulement c’est l’inconscient. D’où la floraison de toutes ces thérapies dites de « pleine conscience ».

Comme si nous pouvions apprendre à choisir, à orienter notre vie en toute objectivité, c’est-à-dire en effet sans que l’inconscient témoigne de notre désir.

Il faut y voir également le succès sans précédent de la place que la philosophie a prise dans notre société en ajoutant bien sur la sociologie.

Pourtant Freud réduit très explicitement le concept de bonheur à une satisfaction de besoins

« Ce qu’on nomme bonheur, au sens le plus strict, résulte d’une satisfaction plutôt soudaine de besoins ayant atteint une haute tension et n’est possible, de par sa nature, que sous forme de phénomènes épisodiques »[5]. Toute la question est de savoir comment rendre cela constant ?

Alors qu’est ce qu’on peut reprocher à ces conceptions du bonheur qui sont également des conceptions de la guérison si ce n’est de s’appuyer sur l’idée que ce qui fait obstruction au bonheur ce sont les mauvais souvenirs ? D’où la nécessité de les annuler ou encore de les reprogrammer …

En effet, cette nouvelle conception du syndrome post traumatique a évacué dans un premier temps la référence à un premier souvenir avant celui considéré comme traumatique dans le DSM 3 puis maintenant ce SPT (Syndrome Post Traumatique) est réduit à un excès d’Adrénaline fixé à un souvenir dit « traumatique » qu’il s’agit de réduire ou de reprogrammer…

Pourtant à la racine de notre condition de parlêtre, le refoulement originaire est ce autour de quoi s’organise l’inconscient, et se fonde le sujet. En ce sens j’anticipe un peu sur ce que Jacquemine va nous raconter la prochaine fois et sur ce que Philippe Woloszko a introduit concernant l’idée de soigner le sujet.

Mais je voudrais surtout insister sur ce que Lacan évoquait à propos de la notion d’avoir été désiré comme ce qui se cristallise pour l’enfant comme symptômes ; car il me semble que ce désir a pour conséquence ou pas la nomination de l’enfant, son accueil en tant qu’être humain qui, comme nous le fait remarquer très justement Eva Marie Golder[6], permet que son corps soit séparé du signifiant qui le désigne. Ainsi écrit elle «L’enfant n’est plus simplement corps, mais il est nommé par l’Autre » Evidemment ceci n’est rendu possible que pour autant que l’enfant pour une mère puisse être perçu comme autre, à savoir qu’il soit différent du bébé Imaginé, en gros il faut qu’il soit au moins un peu décevant …

Il faut bien ajouter à cette thèse à laquelle j’adhère pleinement qu’au départ il n’y a pas de sujet et Lacan se démarque en effet de nombre de ses contemporains. Pas de sujet in utero et ce même si on ne peut pas nier que l’enfant réagisse in utero ; mais le sujet en tant que tel est essentiellement l’effet produit par la réponse au manque dans l’Autre, effet de langage, d’une nomination, d’une forclusion originaire [7]

Par conséquent pas de pré sujet car c’est la parole qui lui est adressée après la naissance qui lui signifie la place qu’il occupe pour l’Autre. Être un sujet, c’est avoir pu être signifié d’une place pour l’Autre. Par conséquent soutenir, comme le fait Lacan, que ce n’est pas pareil d’avoir été désiré ou non c’est assumer pleinement le constat que ce qui fait effet sujet, c’est bien de tenir une place dans le désir de l’Autre …

Et c’est en ce sens que le refoulement originaire nous intéresse plus particulièrement puisqu’il est, comme nous le dit Lacan, une assignation à une place.

Quand on pense au refoulement originaire, on se réfère le plus souvent à sa dimension spéculative, voire mythique, du côté de l’émergence du sujet et de la constitution de l’inconscient, donc de questions de structure. Freud pose l’hypothèse d’un refoulement originaire en 1915 :

[…] « Nous sommes donc fondés à admettre un refoulement originaire, une première phase du refoulement, qui consiste en ceci que la prise en charge dans le conscient est refusée à la représentance psychique (représentance de représentation, Worstelung reprasentanz) de la pulsion. Celle-ci s’accompagne d’une fixation; la représentance concernée subsiste, à partir de là, sans modification possible et la pulsion demeure liée à elle. » […][8]

À partir de là le refoulement originaire attire à lui les refoulements secondaires (ou post refoulements), mais lui-même doit être maintenu en permanence par le « Contre-investissement qui a lieu dans le système préconscient » : c’est lui (le contre-investissement) qui représente la dépense durable d’un refoulement originaire mais en garantit aussi la durabilité.

Le refoulement originaire est maintenu par le seul mécanisme de contre-investissement qui le fait sans cesse consister. Que peut-on dire du mécanisme de contre-investissement, seul mécanisme intéressé au maintien du refoulement originaire ?

D’où la conclusion que le refoulement originaire est là, et reste actif tout le temps. C’est quelque chose qui est toujours présent.

De quelle manière cela subsiste-t-il dans l’actuel ?

Du côté de Lacan

Lacan donne un ancrage logique au refoulement originaire atemporel ; il l’aborde à maintes reprises, tout au long de son œuvre, et différemment selon les périodes.

Quelques indications : dans le séminaire L’Angoisse, Lacan parle du « Lieu de l’inhibition comme le lieu où, à proprement parler, le désir s’exerce, et où nous saisissons l’une des racines de ce que l’analyse désigne comme Urverdrängung ». Donc l’angoisse a à faire très précisément avec là des questions d’Urverdrängung, c‘est-à-dire de refoulement originaire. Du lieu, car c’est plutôt un lieu, d’une non représentation.

Dans le séminaire Les quatre concepts, c’est le signifiant binaire S2 qui est refoulé originairement. C’est la reprise du schéma Freudien mais en soulignant que perception et signe de perception donnent lieu à deux écritures qui ont déjà valeur signifiante par leur articulation S2/S1, ou encore, sP/P signe de Perception/Perception selon l’écriture Freudienne. Ces deux façons sont identiques, que l’on considère dans le vocabulaire freudien ou lacanien.

Dans le séminaire Encore, le refoulé originaire concerne la jouissance maternelle et donc certainement ce qu’il en est de l’assignation à une place dans le désir. C’est-à dire que cela concerne très précisément l’effet sujet.

Le refoulement originaire est ensuite référé au trou du symbolique et aussi au symbolique comme trou. C’est certainement ce que l’on peut comprendre dans l’idée que le refoulement originaire est sans représentation dans un temps d’avant la représentation donc qui a comme effet une forclusion originaire. C’est cela qui fait trou. C’est-à-dire le trou du symbolique ou le symbolique comme trou, c’est à ça que cela se réfère, à cette idée d’un refoulement originaire sans représentation qui crée, qui produit ce trou du symbolique ou symbolique comme trou Donc c’est uniquement un lieu d’enracinement dans l’Autre. C’est sans doute ce S1, le signifiant-maître du refoulement originaire, la réponse apportée par Lacan à ce que Freud appelle ce « pare excitation » nécessaire aux bombardements de stimuli de la naissance et que je préfère appeler bombardements du réel.

A cette époque, le fantasme n’existe pas. J’avais longtemps pensé, et je le pense toujours un petit peu, que c’est le fantasme de la mère qui permet de protéger l’enfant de ces bombardements du réel. Mais comment fait-elle ? Elle le fait par le truchement d’une nomination S1, de ce signifiant maître qui permet de dégager l’enfant de ce rapport entre son corps et le réel. Je suis longtemps resté sur l ‘idée que c’était le fantasme de la mère qui le protégeait… Ce qui était une conception insuffisante parce que ce fantasme de la mère permet une nomination. Ce signifiant S1 donne une place de sujet à cet enfant lui permettant petit à petit, ce que Freud appelait une pare excitation et qu’on appellerait aujourd’hui une protection contre le bombardement du réel.

À partir du séminaire RSI, Lacan travaille la question du refoulement primordial avec le nœud borroméen. Lorsqu’il l’aborde, il reprend la question du constat que dès qu’il y a articulation de deux signifiants, S1 – S2, il y a possibilité d’écriture et par conséquent on est alors déjà du côté du refoulement primaire. Alors là, cela devient un peu plus compliqué… Puisque pour pouvoir passer du refoulement originaire au refoulement primaire, il faut un procédé d’écriture. Tant qu’on n’est dans le refoulement originaire, il n’y a pas d’écriture possible puisque c’est sans représentation, c’est forclusif, alors que dans le refoulement primaire on est dans un procédé d’écriture c’est-à-dire dans l’opposition de deux signifiants, S1 – S2, et ce qui fait donc refoulement originaire et refoulement primaire c’est le nouage des trois registres RSI où l’un ne va pas sans l’autre [9]. Ce sont des indications du concept de refoulement originaire chez Lacan…

Dans la séance du 8 avril 1975, Lacan lie dans l’aversion du sujet pour la topologie Ou la mathesis, la trace du refoulement originaire, et il ajoute : « refoulement premier irréductible qu’il s’agit de suivre à la trace justement. » Une trace sans représentation, Findung comme le dit Freud, acte de trouver avant le wiederfindung, les retrouvailles, le temps avant reste donc insaisissable… Le souvenir est toujours une retrouvaille… Il n’y a pas de souvenir si ça n’est pas une retrouvaille. Ce que suppose le refoulement originaire, c’est quelque chose d’antérieur à la retrouvaille, c’est une trouvaille, une trace tout simplement. Souvenez-vous : « pas de trace de trace de pas » ; c’est de cela dont il s’agit c’est-a-dire cette métaphore qu’utilise aussi Lacan pour montrer ce qu’il en est de ce refoulement originaire c’est-a-dire que l’on marche sur le sable avant qu’une vague arrive. La vague arrive, efface la trace, à ce moment là il n’y a pas la trace… Il n’y a plus la trace de la trace de pas. Pourtant le pas a eu lieu, il a fait trace… Voilà… C’est comme cela que l’on pourrait représenter cette forclusion première du refoulement originaire… La trace…

A partir de là toute une série de questions se posent :

Les traces primitives renvoient-elles seulement à un mode primordial d’inscription signifiante ?

Y va-t-il un autre mode primitif d’inscription du perçu ? Est-ce lui qui fait retour sous forme de perçu halluciné ou de certains affects ?

Comment penser cet autre mode en rapport avec l’Urverdrängung, la Verwerfung, la Verleugnung ? Avec la jouissance non symbolisable ? Avec la lettre ? Avec le réel de l’inconscient ?

Le réel de l’inconscient est-il cette part de l’inconscient qui n’est pas savoir mais réel, le non symbolique de l’inconscient ?

Par conséquent, parce que le refoulement originaire doit toujours être maintenu, il y a toujours imminence d’une résurgence possible, d’un retour de jouissance possible qui peut générer effroi, angoisse, phobie, cauchemar…

Ainsi le déclenchement de la phobie de Hans pourrait être connecté au refoulement originaire par exemple.

On peut aussi évoquer ce temps un peu étrange où les petits enfants avant de pouvoir parler, autour de deux ans, ont tout d’un coup ce qui se présente comme des phobies. Mais ce ne sont pas des phobies mais des peurs. Tout d’un coup, ils ne peuvent pas aller chercher quelque chose dans un endroit sombre alors que c’était tout à fait possible avant. Ou ils ont peur d’un bruit alors qu’avant ce bruit ne présentait aucune inquiétude. Je pense qu’on pourrait dire qu’il y a quelque chose de cette constitution du refoulement originaire qui vient là mettre en difficulté les petits enfants justement avant, c’est-a-dire dans cette période intermédiaire où ils sont déjà entrés dans le langage, où ils savent marcher, où ils comprennent ce qu’on leur dit mais où ils ne peuvent pas encore parler vraiment.

Il semble donc illusoire de vouloir éradiquer le mauvais souvenir ou encore le souvenir puisqu’il est constitutif, comme on vient de le voir, constitutif du sujet lui-même et de son entrée dans le langage que l’on pourrait également repérer tout autant du côté du manque de refoulement. C’est en ce sens que l’on peut d’ailleurs soutenir l’idée que le refoulement c’est l’inconscient, ou encore ce qui signifie la même chose : une bévue.

Pourtant le recours de Lacan à une autre forme de construction, là où le signifiant du nom du père ne peut pas être en fonction, introduit un outil sans précédent depuis Freud pour aborder la question des Psychoses.

On peut dire que même bien au-delà cette hypothèse qu’il existe une construction possible en relai du symbolique nous amène à sortir du faux débat tant abordé sur l’hypothèse d’une forclusion partielle ou totale.

En effet, il fut de bonne tradition Lacanienne de considérer que la forclusion ne pouvait qu’être ou ne pas être et par conséquent qu’il n’y avait pas de sortie possible de la psychose. L’apport de la question du refoulement originaire reste problématique aussi chez l’enfant autiste puisque celui-ci réitère sans efficience un appel resté sans réponse ; dans ce cas, la forclusion originaire reste problématique. S1 ne fait pas signifiant maître pour cet enfant et sans refoulement originaire pas non plus de refoulement secondaire..

Or l’idée d’une construction qui pourrait faire relai même dans les cas de forclusion, que l’on peut entendre dès lors comme l’endroit où une mère n’a pas pu anticiper la subjectivité pour son BB, moment de sidération où l’enfant se perd et abandonne la partie .

Le trou du symbolique, pourtant nécessaire, ne se produit pas ou tout au plus il est trou de symbolique, ce qui est tout à fait différent. Ces différents éléments nous apportent une nouvelle approche de la clinique des psychoses ; mais pas seulement puisque l’on peut également comprendre si on sépare refoulement originaire du refoulement primaire la différence radicale entre les psychoses du type autistiques et les psychoses liées à la difficulté de la séparation d’avec l’Autre maternel, en tout cas c’est la thèse d’Eve Marie Golder à laquelle je vous renvoie. Quoi qu’il en soit ,et d’un autre coté poser l’hypothèse du Sinthome, c’est envisager des formes de constructions qui permettent non seulement d’assurer des suppléances dans la Psychose mais aussi de mettre en perspective l’idée du manque de refoulement en deçà et au-delà du fait psychotique. A savoir, le manque de refoulement ne se réduit pas à la question de la psychose.

En effet, l’idée qu’il n’y a pas de refoulement possible dans certaines structures ne se réduit pas aux psychoses puisqu’il existe un moment privilégié de l’infantile qui suppose ce manque de refoulement comme faisant partie de l’évolution normale du sujet et qui engendre une construction du symptôme en rapport avec cet état.

De ce fait il existe également, en suivant cette hypothèse, un manque de refoulement dont l’origine n’est pas la psychose mais justement une persistance de ce manque de refoulement au-delà de la période infantile ; ce que l’on retrouve également dans le moment du syndrome post traumatique, moment au cours duquel le refoulement ne fonctionne plus.

On ne peut pas dire que les personnes atteintes de syndrome post traumatique, même s’ils sont hallucinés, ce qui arrive parfois, sont des psychotiques . Simplement, cette fonction de refoulement ne fonctionne plus. Donc plus de symbolisation possible et plus de refoulement.

C’est donc l’hypothèse inverse que déplient nos collègues de l’EMDR.

C’est dans ce dernier champ clinique que l’on peut également rencontrer la mise en place de certaines formes de constructions suppléantes, de relai donc ou encore d’un Sinthome qui permettent au sujet de maintenir de la métaphore là où le manque de refoulement a empêché son développement sans que pour autant il s’agisse de Psychose.

Dès lors on peut considérer le Sinthome comme ce qui advient là où le refoulement vient à manquer ; c’est ce qui fait que l’on puisse passer du symptôme au Sinthome. D’où ce qu’il est possible d’attendre d’une pratique de la cure qui ferait sienne l’idée d’une persistance du manque de refoulement tant dans le cas des psychoses que dans d’autres hypothèses comme celle du syndrome post traumatique. .

En conclusion, toute la question du bonheur et de la guérison se résume dans la question suivante : comment traiter le souvenir et en particulier le souvenir traumatique ?

C’est pourquoi là où les dites nouvelles thérapies ignorent le refoulement, elles prétendent régler la question en voulant maitriser l’intensité de celui-ci.

La psychanalyse travaille quant à elle avec la dimension du refoulement ou encore du manque de refoulement comme constitutif du sujet lui-même, c’est pourquoi la guérison ne peut consister dans l’éradication du symptôme (le souvenir) mais dans la capacité à dénouer au sens le plus littéral du terme les signifiants constitutifs du symptôme ou de ce qui se présente comme tel. Il y aura donc autant de nouages signifiants qu’il y a de sujet pour le même symptôme… C’est ce qui fait la spécificité de l’approche psychanalytique qui n’a rien à envier à l’approche médicale qui elle a pour objet d’envisager le symptôme non pas comme nœud de signifiant mais comme signes, eux même constituant une sémiologie prévue d’avance conduisant à un certain nombre de diagnostics.

Ainsi il est inutile de continuer à nous référer à la médecine pour ce qui concerne la guérison et ainsi assumer pleinement, par conséquent, que la psychanalyse guérit par le signifiant ce qui réaffirme si besoin était que le bonheur ne peut être qu’un bien être subjectif. Ce qui me semble présenter la question du manque à être d’une façon beaucoup plus recevable ; même si cette dimension qu’il n’y a de bonheur que subjectif ouvre la porte à la question du masochisme que nous essayerons de traiter la prochaine fois.

 

 

 

Débat

 

  1. Wolosko : J’ai un peu de mal à me représenter la différence entre le refoulement originaire et le refoulement primaire même si cela n’a pas été ton sujet. Alors je vais poser la question dans le mot : l’introduction du signifiant, j’aurai plutôt tendance à penser que c’est du coté du refoulement originaire, parce qu’effectivement, cela crée un trou dans l’Autre. Puisque de ce trou tombe un objet, l’objet perdu freudien, l’objet a chez Lacan, mais cela laisse quand même une trace…
  2. Lévy : Absolument
  3. Wolosko : Cela laisse une trace qui est justement cette perte de jouissance à laquelle un sujet va essayer, toute sa vie durant de retrouver. Retrouver l’objet a qui manque au symbolique et qu’effectivement l’illusion du bonheur c’est d’arriver à mettre en place, à retrouver un état antérieur qui serait l’état d’avant un refoulement originaire alors ? C’est à dire de pleine jouissance ?
  4. Lévy : Bien sur… C’est un état de complétude. Sauf que cette complétude ne peut être qu’entamée pour qu’il y ait du sujet et je trouve que c’est cela qui est intéressant dans la façon de réfuter… J’ai longtemps pensé qu’il n’y a pas de sujet avant la naissance, il n’y a pas de pré-sujet, tout cela ce sont des balivernes de religieux finalement… C’est ce que Françoise Dolto a soutenu très longtemps… On s’est aperçu que c’était quand même adossé sur un discours religieux… En tout cas sur sa croyance à elle du vivant au sens quand même très religieux du terme. Je crois que j’avais perçu cela avec elle au départ et j’ai toujours pensé qu’il n’y avait pas de sujet avant des opérations qui permettent de l’effet sujet. La naissance ne suffit pas, bien évidemment… Si l’enfant n’est pas né, il n’y a pas d’effet sujet possible mais ce n’est pas parce qu’il est né qu’il y a un effet sujet qui se produise non plus… C’est donc autour de ce point là, autour de cette question pour une mère, de la différence entre l’enfant imaginé et l’enfant réel. C’est-à-dire que c’est quoi cette différence, c’est la déception…
  5. Wolosko : Il manque quelque chose…
  6. Lévy : Il manque quelque chose et il n’y a que par cette opération de nomination, le recours c’est de nommer la place de cet enfant dans le désir de cette mère qui fait qu’il y ait quelque chose qui peut s’opérer véritablement d’un effet sujet de la déception de la mère…Il ne faut pas oublier cela… Cela me semble être un élément absolument fondamental.
  7. Granier De Cassagnac : Il y a quelque chose pour moi difficile à concevoir que ce qui concerne les signes correspondraient terme à terme avec les signifiants…
  8. Lévy : Oui tu as raison… Je pense que c’est Lacan qui essaye de faire une espèce de continuité entre Freud et sa théorie du signifiant à partir de cette tentative de vouloir faire équivaloir S Avec S1 et S2. C’est un pas presque épistémologique parce que Freud ne parle pas non plus du signifiant en tant que tel
  9. Granier De Cassagnac : A moins que l’on essaye de situer l’un du coté du refoulement originaire et l’autre du coté du refoulement primaire.
  10. Lévy : oui c’est cela. Alors il s’en sort comme cela, cette collègue que j’ai citée tout à l’heure développe toute une théorie entre originaire et primaire pour définir une clinique des psychoses infantiles qui d’ailleurs n’est pas du tout inintéressante.

JJ Valentin : Quand on parle du refoulement originaire et du refoulement primaire, c’est quoi le refoulement primaire ? C’est au niveau de la métaphore paternelle ? C’est le refoulement du signifiant phallique ?

  1. Lévy : Lacan s’en sort avec une pirouette en disant que la différence entre les deux, c’est le fait que dans le refoulement primaire, il y a possibilité d’écriture. Cad qu’il y a une trace qui est du ressort de l’écriture au sens où déjà cela permet une opposition S1-S2. Une opposition entre deux signifiants. Dans le refoulement originaire, qui est un peu mythique chez Freud, cela n’est pas du ressort de l’écriture puisque c’est forclos… C’est très intéressant cette position parce que cela veut dire aussi que tout un chacun, névrosé ou psychotique, passe originairement par un mode de forclusion. Je trouve cela très intéressant. C’est à dire que la forclusion n’est pas seulement pour les psychotiques, c’est pour tout le monde…

Le refoulement originaire est ce qui fait trou sans retour alors que les autres modalités de refoulement, primaire et secondaire font retour. Les unes dans le réel, les autres dans les trois catégories. Mais celle-là, elle de spécifique qu’elle fait trou sans retour jamais, tout en étant toujours là. Je m’accroche un peu à ces représentations puisque c’est compliqué étant donné que cela n’a pas de représentations non plus.1 :02 :05

JJ Valentin : Il évoque la représentance psychique qui serait une différente de la vorstellung reprsentanz.

  1. Levy : Exactement. C’est un lieu, une place et je trouve que du coup, dire trou du symbolique cela représente bien un lieu. Cela éclaire aussi ma propre lanterne, sur l’insistance que j’ai depuis longtemps sur ce que j’appelle la fragilité du symbolique… C’est de cela dont il s’agit à savoir que cette fragilité est le résultat de ce trou initial. Mais s’il y a trou c’est qu’il manque toujours quelque chose toujours, tout le temps, pour les névrosés, pour les psychotiques évidemment d’une autre façon et peut-être pas pour les autistes. C’est peut-être ça la question sur laquelle cela peut ouvrir. C’est cela qui fait la difficulté pour ce que l’on appelle le spectre autistique justement qu’il n’y ait pas de trou du symbolique et finalement qu’il n’y ai de place pour rien du tout. D’ailleurs c’est comme cela que le développe Eva Marie Golder. C’est quand même intéressant la question du souvenir préoccupe tellement nos collègues aussi bien comportementalistes que les autres parce que évidemment, c’est une façon de résoudre ce trou du symbolique ou ce qui reviendrait de cette incomplétude en reprogrammant ou en déconnectant, en quelque sorte, le souvenir et sa représentation.
  2. Wolosko : Je pense qu’il s’agit surtout d’enlever ce qui fait signe de ce trou dans le symbolique. C’est-à-dire que par exemple le souvenir traumatique, par ce refoulement qui ne s’est pas produit et qui ne se produit pas, ils vont essayer d’enlever ce qui vient à montrer justement qu’il y a trou dans le symbolique. C’est-à-dire que ce dont il s’agit dans cette exigence de l’autre est justement d’arriver à enlever tout ce qui fait sujet. Parce que d’une certaine façon, il y a une équivalence entre le trou du symbolique et le sujet c’est-à-dire qu’il n’y a de sujet que s’il y a trou du symbolique et c’est justement par le fait que le symbolique se troue que du sujet en émerge, ne serait-ce que par la chute de cet objet a..
  3. Levy : Qu’il y ait de l’effet sujet qui se produit, plus exactement plutôt que du sujet qui émerge…
  4. Wolosko : Le modèle que propose la médecine et toutes les autres thérapies non analytiques, c’est justement d’une façon ou d’une autre de chercher à éliminer le sujet. Que ce soit directement, avec les neurosciences, ou que ce soit indirectement avec ce lavage de cerveau qui nous vient du Canada.
  5. Latham-Koenig : Réduire le langage… Au mieux, faire des Asperger…
  6. Levy : Oui
  7. Wolosko : La question du souvenir, on peut dire également que le bonheur n’est pas dans le pré mais dans l’Alzheimer…
  8. Levy : Oui mais alors le problème est que les personnes qui souffrent d’ Alzheimer sont angoissées justement. Cela ne marche pas…

J.J Valentin : Mais Philippe, quand ça marche ce truc là, le médicament venu du Canada, ça marche avec quelles conséquences ? Si la personne est désangoissée effectivement, quelles sont les conséquences de ce médicament ?

  1. Wolosko : Je peux apporter une précision sur ce médicament : le Propanolol est un bétabloquant qui est utilisé pour enlever les manifestations d’angoisses. C’est-à-dire que l’angoisse se manifeste toujours dans le corps, il n’y a d’angoisse que exprimée par le corps, et ce médicament enlève donc toutes les manifestations d’angoisse. Il n’y a donc plus d’angoisse parce qu’elle ne peut plus s’exprimer dans le corps par ce médicament.
  2. Delarue : La question de l’angoisse me fait penser à ce que Freud utilise beaucoup et que vous n’avez pas prononcé et qui est celui de l’affect. Freud dit que lors du refoulement, c’est l’affect qui se délie de la représentation, que la représentation peut rester mais que ce qui est refoulé est plutôt l’affect qui ressurgit dans des situations hors sens, où le sujet est surpris par des manifestations d’angoisse alors que la situation ne s’y prête absolument pas. On ne comprend pas pourquoi, dans certaines situations qui semblent anodines resurgit quelque chose et que justement c’est par l’angle du signifiant parfois hors sens, complètement déconnecté de la situation que l’on raconte qui peut faire qu’un signifiant vienne s’accrocher à cette angoisse et qui fait que la représentation qui est donnée dans le cadre d’une séance, je pense à une situation de viol ou d’inceste, certaines personnes peuvent dire qu’elles se souviennent parfaitement de tout ce qui s’est passé sauf que dans le souvenir il y a toujours une petite partie qui a été refoulée dans la représentation et que cela ressurgit dans l’affect. Quelque chose est lé, des signifiants reviennent et vont se nouer à cette angoisse dans une autre situation. Il me semble que Freud a beaucoup insisté sur cette question de déliaison entre la représentation et l’affect et que ce qui est refoulé, c’est l’affect.
  3. Levy : L’affect est refoulé dans la mesure où il peut ensuite se déplacer sur autre chose.
  4. Valentin : C’est exactement ce qu’il se passe avec Emma dans la boutique. Mais c’est la représentation qui est refoulée, pas l’affect. L’affect s’accroche sur une représentation voisine
  5. Delarue : Freud insiste beaucoup sur cette déliaison.
  6. Lévy : C’est ce que cherchent aussi nos collègues : délier l’affect de la représentation traumatique.
  7. Latham-Koenig : Oui mais en faisant croire que tout s’arrange.. .
  8. Lévy : Absolument ! Et en prétendant pouvoir déprogrammer, reprogrammer etc. C’est travailler sur l’affect sans penser qu’il va s’accrocher ailleurs.
  9. Soundaramourty : Je pensais à la question de la pensée opératoire, déconnectée de l’affect. Et même si Lacan a été très critique par rapport à la question de la psychosomatique, ce qui est dit est que cette non capacité à lire la thymie, l’affect, entraine des somatisations. A suivre le raisonnement, être dans cette pensée opératoire là produirait du symptôme somatique.

 

 

 

 

 

 

[1]  Sapiens une brève histoire de l’humanité, Albin Michel 2012 P.458

[2] La conférence annoncée sous le titre « Le symptôme » fut prononcée au Centre R. de Saussure à Genève, le 4 Octobre 75, dans le cadre d’un week-end de travail organisé par la Société suisse de psychanalyse. Elle fut introduite par M. Olivier Flournoy. Elle parut dans Le Bloc-notes de la psychanalyse, 1985, n° 5, pp. 5-23.

[3] Freud lettre 52

[4] S FREUD Le malaise dans la civilisation ED Seuil point essais 2010 P.63

[5] Freud opus cité

[6] Au seuil de la clinique infantile ERES 2013 P.119

[7] Opus cité

[8] S. Freud, « Le refoulement », Métapsychologie (1915), Œuvres complètes, vol. XII I, PUF, pp. 193-194.

[9] LACAN RSI 18/2 75

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