BASTIA Robert Lévy "Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse"

Cette journée porte à notre attention un phénomène qui touche à diverses questions aux frontières ténues entre addiction, toxicomanie, recherche identitaire, excès et adolescence. Notre point de vue ne peut être que celui des rapports avec l‘inconscient et remarquer déjà que le point commun entre la ‘pastizzata ‘ et le ‘binge drinking’ c’est la question du rapport au groupe, au groupe de référence qui peut dans certains cas jouer en faveur de l’excès et dans d’autres le limiter grâce à l’enrobage symbolique qu’il représente .

Je crois que ce que trouvent actuellement les religieux de tout bord dans le repli communautariste n’est pas étranger à notre débat. En effet nous savons que la croyance dans la petite différence est une des modalités d’identification à un groupe qui permet à ce que le un par un, c’est-à-dire le sujet disparaisse au profit de l’idée communautariste dans la mesure où le désir de chaque un est alors déchargé sur l’obéissance au lieder qu’il soit représenté par le führer, par dieu ou ses représentants ou encore par une certaine conception d’une culture qu’il faudrait défendre des dangers qu’elle encoure par les atteintes des étrangers ..Dans ce cas le sujet est représenté par les sigtnifiants communautaristes et disparait au profit des signifiants qui le représentent dans une communauté donnée. Mais dans ce cas les signifiants communautaires quels qu’ils soient figent le sujet dans des représentations dont il devient l’otage et lui empêchent toute invention. Dès lors il ne pourra plus que répéter inlassablement les signifiants qui le représentent sans que ce soit pour un autre signifiant.
Autant de façons très directes de régler momentanément le ‘mal d’identité ‘ adolescente qui peut perdurer longtemps lorsqu’elle ne trouve que les modalités dont je viens de parler pour se résoudre voire même mener à son propre sacrifice comme on le voit dans des formes actuelles de terrorisme dans lesquels il s’agit de disparaitre comme corps dans la promesse d’un nouveau sujet.
Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas ici d’inconscient collectif mais de modalités inconscientes au un par un pour résoudre des problèmes que bon nombre d’adolescents rencontrent mais pas tous. La problématique adolescente consiste en une opération où il s’agit de se dé subjectiver des signifiants parentaux qui l’ont représenté jusqu’alors pour se subjectiver dans de nouveaux signifiants qui vont pouvoir le représenter dans un espace plus proche de son désir …
On peut parler dans le binge drinking de ‘défoncés du samedi soir’ et ceci, curieusement, ne semble pas dans un premier temps inquiéter les parents. Il est vrai qu’en général le cannabis joue comme écran de fumée face aux angoisses qui sont en fait à l’origine de cette défonce ponctuelle dont la modalité d’intégration à un groupe est ‘un faux ami’. D’ ailleurs l’accoutumance cannabis est nié la pus part du temps alors que l’on sait combien cette substance peut engendrer d’inhibition et de dépendance alors qu’elle est considérée comme un recours ‘festif’ .Pour ce qui est de l’accoutumance à l’alcool On retrouve l’origine du mot arabe alko-hôl de khôl far à paupière qui signifie se maquiller donc se masquer….
En effet il ne faut pas s’y tromper, ici la fièvre du samedi soir et ‘l’open bar’ des classes prépa ou des grandes écoles n’est qu’un enrobage et une justification à ce qui est plus tôt déjà de l’ordre d’une toxicomanie que l’on peut tout autant retrouver avec la cocaïne dans les mêmes conditions ; les sujets se croyant à l’abri d’une dépendance au prétexte d’une seule consommation hebdomadaire en ayant l’impression de pouvoir gérer et s’en passer si nécessaire : ‘ j’arrête quand je veux’.
En fait il n’en est rien et ces ados sont accrochés dès le départ par l’attirance de ces artifices alcooliques ou toxicomaniaques qui les rendent invincibles pour les garçons ; j’en veux pour preuve les 35,6% de jeunes de 18 à 24 ans tués sur les routes ; et irrésistibles pour les filles qui, quant à elles donnent lieu à des conduites sexuelles extrêmes dans un abandon total de leur corps avec l’oubli pour allier : plus dure sera le réveil du petit matin au près d’un partenaire inconnu que l’on découvre dans son lit …..
Pourtant n’y voyons là aucune festivité et on rencontre de plus en plus fréquemment des ‘défoncés à l’alcool’ aux urgences des hôpitaux en pleine après-midi dès l’âge de 12 ou 14 ans avec dans un nombre de cas non négligeable des comas éthyliques. Dans ce cas on peut dire qu’il s’agit d’un échec de la subjectivation adolescente qui rencontre dans le flash alcoolique sa propre disparition comme sujet puisqu’il n’y a aucun signifiant disponible pour le représenter. En effet les signifiants parentaux ont fait long feu et le système communautaire de ses pairs n’offre aucun signifiant nouveau pour les représenter. Le sujet sans signifiant disparait donc dans l’alcool et ce, le plus vite possible.
Nous sommes loin de la Pastizzata qui semble, au regard du constat que je viens de dresser, une sorte de havre de paix, policé par l’acceptation de règles du jeu symbolique du ‘bien boire ‘ qui pourtant n’exclue pas un ‘ bien dire ‘ ce à quoi justement le Binge drinking échappe puisqu’il s’agit de se défoncer le plus rapidement possible pour justement ne rien en dire.
Ici pas d’esthétisme du bon vin (que l’ado d’ailleurs détestent) ni de partage avec les adultes, on boit donc pour se défoncer les fins de semaine ce qui exclue justement le bien dire au profit d’une très rapide alcoolisation qui en est l’impératif : ‘buvez vite, il n’y a rien à dire ‘.

Pourtant la question se pose de savoir si cette modalité de défonce alcoolique est très différente de celle rencontrée jadis par exemple en Bretagne où les jeunes démarraient le vendredi soir de chaque weekend en faisant ce qu’ils appelaient ‘ une piste’ qui consistait à faire le tour de tout les bistros de la région jusqu’au dimanche soir en buvant le plus longtemps possible ?…
L’alcool est un désinhibiteur et un tranquillisant et quand on est adolescent travaillé par la sexualité et mal dans sa peau, l’alcool modifie le champ des perceptions intérieures et extérieures. Dans ce cas le code est simple : ‘boire le plus et le plus vite ‘contrairement à celui de la pastizzata où il s’agit d’un véritable parcours fléché , codifié et dont le vocabulaire est réglé d’avance Entrer dans la Pastizzata c’est prix à payer pour entrer dans la communauté des hommes Corses dont on pourrait presque dire qu’il s’agirait d’un véritable rite de passage . Ici ce sont les signifiants du groupe et ceux soutenus par le rituel qui permettent de subjectiver les sujets dans des signifiants communs qui peuvent être des signifiants séculaires sans qu’il s’agisse pour autant d’inconscient collectif ; en effet les signifiants empruntés dans le code et le rituel se transmettent au un par un et se renouvellent pour chacun à chaque tenue du rituel. Donc les signifiants ne nous viennent pas des temps passés par une sorte d’inconscient collectif, au contraire ils se transmettent et se renouvellent du fait même de la cohésion du groupe et de son rituel de passage.
A l’inverse e ce qu’il s’agit de faire passer pour ces jeunes actuels c’est leur malaise , malaise dans une civilisation qui ne trouve justement pas , plus , de rituel de passage entre l’adolescence et l’âge dit adulte hormis les dérives sectaires et /ou communautaristes qui offrent quant à elles une certaine forme de rituels de passage qui peuvent également aller jusqu’au sacrifice de soi par manque de signifiant .
On peut considérer le binge drinkin
g comme un indicateur des consommations d’alcool à problème, de la santé psychique des jeunes ou encore des futures dépendances. Mais surtout, ce mode de consommation et les troubles du comportement qui lui sont associés sont la principale cause de dangerosité sociale de l’alcool »
Arrivé en ce point il me semble que le vrai débat qu’instaure notre journée c’est celui de savoir si il existe des modalités symboliques organisées socialement qui seraient de nature à permettre à un certain nombre de sujets adolescents d’éviter l’excès des recours aux paradis artificiels .Existe-t-il autre chose que l’interdit ou la répression pour se préserver contre l’excès mortifère ? Au fond, peut-on mettre en exergue la pastizzata contre le binge drinking pour ce qui concerne l’alcoolisation des jeunes ?
Le recours au symbolique pourrait-il nous préserver des paradis imaginaires ? La question est très complexe car on se heurte très vite à a dualité inconscient- culture ; en effet le sujet est-il l’effet produit par sa culture ou bien le sujet de l’inconscient n’est-il pas plus tôt l’effet des signifiants qui le représentent tout d’abord pour un autre signifiant et non pas pour une culture ?
Le rituel social viendrait il à bout de la pulsion de mort ? N’est-ce pas le projet de Freud d’essayer de résoudre cette équation dans son magnifique essai du malaise dans la culture ?
‘ Kultur’ pour Freud terme qu’il met du côté de la sublimation qui pourrait ainsi réguler le pulsionnel. Mais c’est une option qi laisse un peu de côté la dimension du désir pour faire valoir une option finalement très politique.
En effet Freud met en avant la ‘Kultur’ pour endiguer l’excès du pulsionnel. Pourtant cette digue est ténue et nous avons pu assister ces dernières années aux Tsunamis de la pulsion de mort lorsque les frontières de la démocratie et par conséquent de la société civile ne fonctionnent plus …
Donc la culture n’est pas première par rapport à la constitution du sujet, elle n’est qu’un encadrement nécessaire à endiguer les excès du signifiant …
En effet Ce qu’on appelle ‘enfant’ se trouve d’emblée engagé avec l’Autre dans une relation tramée par le signifiant puisque les satisfactions qu’il attend de cet Autre plus ou moins maternel doivent passer par une articulation langagière .Mais cet Autre peut répondre ou pas et chaque réponse prend alors valeur d’amour et du coup la réponse à la demande se dédouble en valeur de satisfaction et en preuve d’amour. C’est très exactement la problématique que l’on retrouve à l’adolescence exacerbée cette fois par l’entrée dans la sexualité génitale.
L’Autre à cette époque est dans l’impossibilité de répondre à la demande puisque l’ adolescent ne peut plus attendre de sa mère le signifiant qui le représente comme sujet ce qu’il pouvait encore espérer comme enfant ; ni non plus l’attendre de la part du partenaire amoureux qui se trouve souvent lui aussi pris à cette époque de la vie dans la même demande à savoir : attester du fait que ce sujet est bien l’adresse de l’amour manifesté par les réponses à ses demandes .
Personne n’est donc en mesure de fournir un tel signifiant ; d’où l’intérêt de ces relais symboliques qui permettent si ce n’est de résoudre cette attente, en tout cas d’attendre des jours meilleurs dans l’ordre des satisfactions signifiantes. Toute la difficulté consiste en ceci qu’à l’époque adolescente il y a un nouveau rapport à l’Autre qui nécessite de se faire reconnaitre non plus comme demande ni comme amour mais cette fois comme sujet.
Cela a quelque chose à voir avec l’alternative présence /absence comme nous l’indique Lacan dans son séminaire Le Désir et son Interprétation du 13 Mai 1959. C’est, je crois de cette présence absence celle du signifiant qui représente le sujet pour un autre signifiant dont nous avons un exemple très symptomatique dans la mise en acte que représente le binge drinking : s’absenter au plus vite comme sujet grâce à la rapide montée en puissance de l’alcoolémie puisque le sujet ne trouve pas de nouveaux signifiants pour le représenter…
C’est pourquoi la Pastizzata est un bon exemple a contrario puisqu’il montre combien les éléments constitutifs de cette façon de boire contribuent à métaphoriser cette présence/absence du sujet sans avoir nécessairement à le mettre en acte puisque les règles du jeu suffisent en elles même. Dans cette case sujette qui courre sous la chaine des signes par lesquels il profère ses demandes est bel et bien représenté. Ce qu’il dit alors c’est-à-dire là où il est agent fait signe de lui. Au fond on pourrait dire qu’il se trouve enfin quelqu’un ‘promis ‘ à la carrière de sujet puisque le signifiant ne se réduit pas à représenter quelque chose pour quelqu’un « la fonction du signifiant , c’est que le signifiant , ce n’est as seulement faire signe à quelqu’un, mais dans le même moment d report signifiant, faire signe de quelqu’un, faire de quelqu’un, faire que le quelqu’un pour qui le signe design quelque chose, ce signe l’assimile , que le quelqu’un devienne lui aussi ce signifiant »
 

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