Robert Lévy, Séminaire II: "Hannah Arendt et la question du sujet dans le totalitarisme"
Je voulais reprendre et donner quelques extensions à la discussion que nous avons eu lors du dernier séminaire sur la question d’Hannah Arendt, plus exactement, ce que je crois qu’elle repère chez Eichmann concernant un certain statut du sujet très particulier qui continue de m’intéresser – j’espère de nous intéresser – posant un certain nombre de ces questions que je vais essayer de poser avec vous.
Permettez-moi de vous rappeler là où nous en étions restés la dernière fois :
Le sujet de l’inconscient que nous voulons tant défendre au nom de la Psychanalyse est loin de toute idée humaniste ou encore de liberté. Pourtant, plus on parvient à le définir, à définir la spécificité du sujet auquel s’adresse la psychanalyse, plus il nous sert d’outil pour avancer vers l’analyse de phénomènes comme ceux par exemple que Hannah Arendt décrit sous le nom de banalité du mal. Ce que Je souhaite dire ce soir est que ce nom de banalité du mal est en fait le nom d’autre chose qui nous concerne de très près. Je ne dit pas que le concept de la banalité du mal ne nous concerne pas mais il me semble qu’avec cette expression, elle pointe là quelque chose qui concerne unpoint particulier de notre théorisation et de notre pratique de la psychanalyse.
En effet, dans son essai tellement décrié à son époque, Eichmann à Jérusalem, elle tente de repérer, justement, quel est le sujet à l’œuvre dans la responsabilité d’Eichmann de la mise en œuvre de la shoah. C’est un essai sur la responsabilité du sujet, encore faut-il préciser de quel sujet il s’agit.
C’est dans son post scriptum d’Eichmann à Jérusalem qu’Hannah Arendt s’explique sur les accusations qu’on lui a faites de vouloir reprocher au peuple juif de ne pas s’être défendu.
C’est en précisant la place du sujet Eichmann dans la banalité du mal qu’elle y parvient. En effet elle nous dit ceci : « je n’ai parlé de banalité du mal qu’au seul niveau des faits en mettant en évidence un phénomène qui sautait aux yeux lors du procès. Eichmann n’était ni un Iago ni un Mac Beth ; et rien n’était plus éloigné de son esprit qu’une décision, comme Richard III, de faire le mal par principe. Mis à part un zèle extraordinaire à s’occuper de son avancement personnel, il n’avait aucun mobile. Et un tel zèle en soi n’était nullement criminel; il n’aurait certainement jamais assassiné son supérieur pour prendre son poste. Simplement il ne s’est jamais rendu compte de ce qu’il faisait, pour le dire de manière familière. […]C’est la pure absence de pensée –ce qui n’est pas du tout la même chose que la stupidité – qui lui a permis de devenir un des plus grands criminels de son époque. Et si cela est ‘banal’ et même comique, on ne dit pas pour autant, loin de là, que cela est ordinaire. »
Voilà des choses qui sont difficiles à entendre et en même temps, dans lesquelles je voudrais que l’on entre un petit peu plus précisément.
Je crois que le sujet dont parle ici Hannah Arendt est celui dont la pensée est abolie, puisque penser – au sens Freudien- c’est conflictualiser. Or Eichmann n’est pas dans un conflit psychique puisqu’il a juré obéissance au Führer et que, de ce fait, il est dans ce que l’on pourrait appeler la causalité psychique : « quelque chose lui fait faire ». C’est le principe du sujet causé à agir mais sans qu’il se réduise pour autant à un rouage mécanique. C’est le principe même de ce que Lacan subvertit de Descartes : « là où je pense, je ne suis pas ; là où je suis, je ne pense pas ». Ce qui fait que dans cette perspective on n’a pas beaucoup à voir ni avec la culpabilité ni avec l’angoisse.
Loin de nous, donc, toute idée de Liberté en ce qui concerne le sujet de l’inconscient ; plus de « je pense donc je suis » ce savoir auto référentiel ne tient pas la route pour ce qui nous concerne, pour ce qui concerne l’inconscient, pour ce qui concerne la psychanalyse.
Quand je dis nous, je veux dire les psychanalystes qui ne peuvent que s’adosser à la question posée par Hintikka (auquel Lacan a eu recours un certain nombre de fois), puisque dans un acte de parole ou un acte de pensée il faudra bien reconnaitre celui qui parle ou celui qui pense « comme qui ? Je prenais tranquillement pour acquis que chacun sait qu’il est lui-même »[1]. Qu’est-ce donc que ce « lui-même » qui pense, comme sujet.
Le sujet dont parle Hanna Arendt est le sujet par excellence de tous les drames totalitaires, celui des administrations qui ont besoin d’agents responsables pour démultiplier leurs pouvoirs, mais n’entendent pas laisser à ces agents l’autonomie nécessaire à une décision intelligente; ainsi elles leur font faire beaucoup de choses. Je dis bien des choses car ce ne sont que des actes dénués de réalité puisqu’ils sont accomplis par des sujets qui ne pensent pas; par conséquent par des sujets hors de la réalité. C’est ce que souligne encore Hannah Arendt « qu’on puisse être à ce point éloigné de la réalité, à ce point dénué de pensée, que cela puisse faire plus de mal que tous les mauvais instincts réunis qui sont peut-être inhérents à L’homme telle était effectivement la leçon qu’on pouvait apprendre à Jérusalem.»
Donc voilà quelqu‘un qui nous suggère de repérer à la fois de quel sujet il s’agit chez Eichmann et de quelle type de « non penser » – ce qui est effectivement lié à la question du sujet – il s’agit d’entendre dans les actes commis par lui. Ce n’est pas parce qu’on ne pense pas qu’on ne commet pas des actes et ce n’est pas parce qu’on ne pense pas que l’on n’est pas dans la jouissance.
Par conséquent inversement on peut poser la question : qui pense quand l’homme pense ? Il n’y a rien d’évident à attribuer automatiquement, en effet, la pensée à un penseur qui en serait de fait le sujet donc l’agent ; Et ce d’autant que Freud nous a accoutumé à l’idée d’un inconscient peuplé de pensées sans penseur.
Pourtant il y a un rapport très intime entre l’Autre au nom duquel le sujet accomplit l’action et le sujet lui-même; c’est le cas d’Eichmann puisqu’il agit comme sujet, mais est-il sujet à ce moment, au nom de son serment à Hitler. Tout reposant sur celui-ci : puisqu’il a fait ce serment à Hitler, alors tout ce qui en découle ne peut être pris dans le registre de la culpabilité. Il n’est que l’effet produit par le résultat de son cerveau. Ce serment lui permet de réaliser ce rapport intime qui cause à la fois le sujet et cause ainsi l’Autre d’avoir occupé la place d’agent de l’acte.
Le sujet se fait donc l’objet et se fait ainsi passer à la voix passive. C’est ce que l’on peut appeler après Freud l’activité de la pulsion dans son expression la plus passive mais qui suppose tout de même cette activité. C’est-à-dire que cette passivité n’est pas une passivité au sens habituel du terme mais une activité en tant que passivité. Vous voyez la différence : dire que l’on est passif du coté de la pulsion c’est pas être passif, c’est être acti
f. C’est, pour rappel, un des trois modes d’expression de la pulsion qui commence par un temps actif où le bébé prend le sein pour s’alimenter car il sent une sensation interne qui l’y pousse qui est désagréable et irreprésentable, temps qui s’articule à la nécessité et à la fonction biologique. Un temps passif qui selon Freud renvoiel’enfant à se faire objet de l’Autre, en l’occurrence celui qui l’alimente. Enfin un temps réflexif qui survient lorsque l’enfant n’a plus faim mais pourtant continue nous dit Freud en suçotant…
En effet, tantôt actif, tantôt passif, le corps pulsionnel confère au sujet représenté par un signifiant pour un autre signifiant un statut d’agent, sans rien d’un libre arbitre qui en ferait un sujet causa sui …
Il y a manifestement déni de la castration pour jouir sans doute « en paix ». Ainsi être dénué de pensée comme le prétend Hanna Arendt pour Eichmann ne signifie pas être dénué de jouissance qui résulte de ce que le sujet n’est plusalors que le porte-parole d’un objet cause auquel il s’est livré (Hitler). Un objet cause qui est scellé par son serment. Je prête serment à Hitler et par conséquent, je deviens le porte parole de ce qui est l’objet cause de mon désir auquel je me livre entièrement. Elle remarque néanmoins « l’étrange lien entre l’absence de pensée et le mal »[2] Et là-dessus il ne s’agit pas de savoir si Eichmann soutenait activement ou pas l’idée de la solution finale puisque la réponse est évidente ; mais ce qui nous intéresse c’est ceci : qu’au nom d’un serment un sujet puisse ne plus penser au point de se livrer aux excès de l’inhumanité la plus extrême en se livrant alors à une jouissance sans borne. Voilà ce qui, pour nous, est de nature à nous intéresser.
C’est ainsi que prendre la mesure des capacités de jouissance d’un sujet c’est aussi prendre la mesure de ses capacités de production de la monstruosité et de l’horreur. En ce sens Hanna Arendt ne fait bien que reconnaitre « la banalité du mal » comme nom de la monstruosité de la jouissance.
C’est sans doute ce qui lui fut reproché par assimilation avec la question de la jouissance dans l’idée qu’elle aurait voulu expliquer l’attitude du peuple juif, c’est-à-dire son manque de révolte, avec l’idée Freudienne d’un désir de mort. Point de vue qu’elle récuse formellement : « c’est cette conclusion, pour le moins inattendue, que certaines critiques ont choisi de tirer à partir de l’image d’un livre qui avait été fabriqué par certains groupes d’intérêt, livre dans lequel j’aurais prétendu que les juifs se seraient assassinés eux-mêmes. Et pourquoi avais-je proféré ce mensonge aussi monstrueux qu’improbable ? Par haine de soi bien sur »[3]
Mais il me semble qu’elle ne cède guère pourtant sur ce lien entre la banalité du mal et la jouissance puisque finalement elle se servira du témoignage d’un ancien détenu du camp de Thérésienstadt pour donner ce que je crois être son propre avis. Elle cite ce que le témoin a dit pendant le procès: «Dans l’ensemble, le peuple juif s’est conduit de façon magnifique, seuls ses dirigeants ont failli »[4]. Tout à fait intéressant ! Pourquoi est-ce qu’elle extrait les dirigeants du peuple juif ? Ilme semble qu’elle ne cède pas sur l’idée que les responsables juifs ou allemands peuvent se trouver dans une position de « banalité du mal », à savoir ce que la jouissance peut produire comme résultante d’un sujet qui ne pense pas. De quelle jouissance s’agit-il si ce n’est toujours celle de de la haine de l’autre, de celui qui nous est le plus proche, de notre même, dont Lacan a des choses très intéressantes à dire quand il reprend dans Encore les éléments qu’il avait déjà posé quelques années avant dans son texte fondamental sur l’Invidia. Pourtant Eichmann nie avoir eu une quelconque activité haineuse ce que relève Hanna Arendt puisqu’ilprétend n’avoir fait tout cela qu’au nom d’un Autre – les petits autres n’existant pas pour lui – au nom donc de ce serment qui lui sert d’idéal, d’idéalisation envers un homme pour lequel, lui, il serait mort sans doute et pour qui il aurait également pu tuer son père et sa mère.
Ce qui nous intéresse là-dedans c’est le fait que Hanna Arendt prétende, à juste titre, qu’à cet instant il n’était plus dans la réalité.
Voilà ce que je vais essayer de développer maintenant. Non pas qu’il ait été fou, mais que son serment envers l’idéal lui ait retiré toute objectivité et par conséquent retiré également tout caractère humain aux personnes qu’il devait éliminer. Par conséquent ce n’était plus des personnes mais des objets qu’il était censé faire disparaitre au nom d’une fidélité à son serment, au grand Autre, à l’idéal.
Le serment efface donc toute propriété humaine de l’autre, le déshumanise et Eichmann n’est plus comme je l’ai déjà dit que le porte-parole d’un objet cause auquel il s’est livré engagé ainsi dans une sorte de nouvelle éthique. C’est l’éthique de l’horreur mais c’est une éthique…
Quelque chose n’est pas très loin de ce qu’on peut appeler la certitude délirante que l’on retrouve dans certains crimes de sérial quillers.
Le signifiant ne peut plus représenter le sujet pour un autre signifiant. Le défaut d’ancrage symbolique peut effectivement trouver une issue dans la mise en acte totalitaire dans laquelle la violence devient banale puisqu’elle est cautionnée par une nouvelle loi « délirante » une éthique qu’un grand Autre incarne et qui met en place une nouvelle certitude. Ce qui revient du réel peut ainsi produire une néo-réalitè délirante. Je me souviens d’un patient qui c‘était mis à délirer après avoir ressenti que son collègue de travail lui avait dit « je t’aime », phrase très probablement issue de sa propre projection délirante, te qui l’avait engagé ainsi à lui faire écrire une déclaration d’amour à son collègue qui avait fini avec d’autre péripéties, dans lesquelles je ne rentrerai pas,par le conduire à une hospitalisation Psychiatrique d’urgence.
Je crois que c’est bien ce que l’on rencontre également dans une autre forme de totalitarisme qui est celle des extrémismes religieux. Il y a là aussi une nouvelle certitude, très proche de la certitude délirante, qui déshumanise l’autre, certitude qui met le sujet religieux extrémiste hors de la réalité puisque le sujet peut mourir en toute quiétude, en terroriste au nom également d’un serment envers un idéal et devenir ainsi Martyr, ce qui est un comble. C’est-à-dire que celui qui meurt en faisant exploser une quantité importante d’homme est un martyr. C’est intéressant de voir le retournement signifiant de cette affaire.
Lacan a sans doute pris la mesure des capacités de jouissance monstrueuse du sujet. Dans sa proposition d’octobre, texte très politique, il désigne le camp de concentration comme la dimension réelle qui se complète par le mythe œdipien au niveau symbolique et sur le plan imaginaire les sociétés d’analyste. Si je dis qu’il prend une position très politique c’est que je fais all
usion à l‘annonce suivante : « Notre avenir de marché commun trouvera sa balance d’une extension de plus en plus dure des procès de ségrégation. »[5] Ainsi ce retour du réel est lié au processus ségrégatif.
Il prend une position Politique mais ne tient pas un discours politique : pourquoi ? Parce que la politique fait toujours trou dans le discours. Il y a bien un discours de l’analyste, de l’Université, de la science, de l’hystérique pourtant la politique pour Lacan n’est pas un discours car le politique pour lui est un acte. Je ne veux pas pour l’instant anticiper sur le prochain séminaire dans lequel il sera justement question du politique et de l‘acte analytique.
Néanmoins je voudrais quand même faire une petite assertion sur la question du sens comme ce qui est toujours religieux, « la stabilité de la religion vient de ce que le sens est toujours religieux d’où mon obstination dans la voie des mathèmes »[6]. Je souhaiterai également faire remarquer quelorsque Lacan fait cette déclaration-là ce n’est pas au titre de discours mais d’un acte puisque c’est au moment de la lettre de dissolution dans ou avec laquelle Lacan dissout son école.
Au fond ce qu’il faut retenir de ces derniers éléments c’est que sens et réel sont toujours requis dans la barbarie et le totalitarisme. C’est-à-dire que plus on est dans le sens, plus on est dans le religieux et plus le réel est présent, sa jouissance barbare nous étant adressée.
En effet c’est toujours ce petit trait de la différence que je crois mienne qui me donne le sens de l’exclusion de tout ce que je ne crois pas être moi. Mais on ne peut pas en rester seulement à cette définition pour le moins classique de cette question de l’autre qui explique la ségrégation, l’antisémitisme…Je crois en effet qu’avec le réel Lacan introduit une nouvelle dimension qui nous permet de désigner quelque chose de tout à fait nouveau dans ces questions liées à la ségrégation, c’est-à-dire la question de l’autre. Ce qu’introduit Lacan est que l’autre est ce qui est à ce point étranger au connaitre que je ne peux même pas le penser. C’est-à-dire que ce n’est pas de l’inconnaissable puisque ce serait alors une catégorie du connaissable ; cela serait reconnaissable dans son envers une de ses modalités tout comme le non-sens est une catégorie du sens que n’est pas l’ab-sens. Il y a le même rapport entre le sens et le non-sens qu’il y a entre le connaissable et l’inconnaissable. D’uncoté Lacan pose l’ab-sence justement pour sortir de cette possibilité d’inversion puisque l’ab-sens c’est l’allusion au non rapport sexuel
On ne peut pas opposer la réalité connaissable au réel inconnaissable. Là-dessus, Badiou donne un élément que je trouve absolument fondamental pour approcher cette dimension du réel de l’autre : « le réel c’est ce qui est en reste de la disjonction du connaissable et de l’inconnaissable. »[7]. C’est-à-dire que cela n’est ni l’un ni l’autre mais bien la disjonction entre ces deux éléments. Il ne s’agit donc en rien de connaitre ou ne pas connaître l’autre de la ségrégation, celui qui est le « sale juif », le « sale noir », le sale voisin etc. Si j’insiste un peu sur ces catégories c’est parce qu’on a tendance à situer la ségrégation du côté de ce qu’on ne connait pas, une sorte d’hétérogène qu’il serait donc suffisant de mieux connaitre pour ne plus l’éprouver or il me semble que ce que le sujet hait plus que tout est ce que l’autre représente comme réel au sens où il n’a plus rien à voir avec la dimension du connaissable ou de l’inconnaissable. Ce n’est pas de cela dont il s’agit et c’est très important de le dire car il y a une sorte de tendance à dire qu’au fond, les gens que je hais, si je connaissais mieux leur culture, ce serait très bien, on pourrait les intégrer etc. Hors tout cela est faux puisque c’est un pointqui ne cesse jamais de revenir toujours à la même place et précisément parce que ce n’est pas dans la même catégorie du connaissable ou de l’inconnaissable.
C’est sans doute pour cette raison que le sens vient sans cesse produire un leste face à la déstabilisation du sujet que produit le réel de l’autre. Vous l’aurez compris ce que je veux exclure de l’autre c’est ce réel en moi disjoncté du connaissable et de l’inconnaissable. Ce n’est pas la petite différence, qui est certes un niveau intéressant et classique, mais ce n’est pas de cela dont il s’agit dans cet extrémisme de l’horreur tout à fait partagé entre tous les humains. Ce n’est pas quelque chose qui est seulement le fait d’un Eichmann. Ce qui est intéressant est que l’on extrait ce moment-là pour dire à quelle place le sujet de l’inconscient nous amène à penser ou ne pas penser ces questions.
En effet, il n’y a pas d’identification au réel et c’est bien ce qui fait que l’on se trouve hors champ du connaissable ou de l’inconnaissable et par conséquent hors champ de l’identification. Et c’est là que commence l’horreur, quand il n’y a plus d’identification. Ce n’est pas qu’il n’y en n’a plus, c’est qu’il n’y en n’a pas. On pourrait même peut être avancer que tous les processus d’identification sociaux trouvent leur limite dans ce qui fait face à cet impensable au sens non pas du refoulement mais au sens des mots qui n’existent pas pour le dire… Tant que l’on est dans le refoulement c’est assezpratique puisque c’est quelque chose que l’on ne connaît plus, qui n’est plus présent mais qui pourrait faire retour. Hors là ce n’est pas de cela dont il s’agit, il n’y a pas eu refoulement, c’est quelque chose qui n’a jamais eu lieu précisément dans le domaine du mot pour le dire.
Freud confirme bien qu’il y a deux sortes d’attachement : « L’attitude de l’individu à l’égard de ses parents, de ses frères et sœurs, de la personne aimée, de son médecin, bref tous les rapports qui ont jusqu’à présent fait l’objet de recherches psychanalytiques, peuvent, à juste titre, être considérés comme des phénomènes sociaux, ce qui met en opposition avec certains autres processus auxquels nous avons donné le nom de narcissiques. C’est de cela dont il s’agit parce qu’ils sont caractérisés par le fait que la satisfaction de besoins et de désirs est recherchée et obtenue par l’individu en dehors et indépendamment de l’influence d’autres personnes. C’est ainsi que l’opposition entre les actes psychiques sociaux et narcissiques (autistiques, selon la terminologie de Bleuler) est une opposition qui ne dépasse pas une séparation les limites de la Psychologie individuelle et ne justifie pas une séparation entre celle-ci et la psychologie sociale ou collective »[8]
Alors l’identification au leader (ici au führer) vient palier à cet impensable tout en précipitant ce réel de l’autre dans unejouissance monstrueuse, celle qui se met en route quand justement les processus identificatoires ne fonctionnent plus. Je veux dire que l’identification au chef est encore une façon de trouver un mode d’identification pour éviter cette horreur du réel que présentifie le Nebenmensch.
Je vous rappelle que pour Freud il y a tr
ois sources d’identification « premièrement, l’identification constitue la forme la plus primitive de l’attachement affectif à un objet ; deuxièmement, à la suite d’une transformation régressive, elle prend la place d’un attachement libidinal à un objet, et cela par une sorte d’introduction de l’objet dans le moi; troisièmement l’identification peut avoir lieu chaque fois qu’une personne découvre un trait qui lui est commun avec une autre personne, sans que celle-ci soit pour elle un objet de de désirs libidineux »[9]. C’est seulement là que peut être désappareillée la dimension sexuelle de l’objet, c’est-à-dire quand il s’agit d’une identification au trait d’une autre personne.
Or justement, cette dernière identification ne fonctionne d’ailleurs jamais à propos du supposé « étranger » pour qui on pourrait supposer qu’il y a quelque chose qu’on ne connait pas chez lui et auquel on pourrait s’identifier si jamais on en venait à le connaitre. Mais ce n’est pas du tout de cela dont il s’agit. Je me souviens d’un village au fin fond du massifcentral dans lequel la femme d’un des fermiers de ce village avait toujours été considérée comme « étrangère » alors qu’elle venait du village d’en face, qu’on voyait d’ailleurs depuis ce même village d’adoption. Cela pour dire que ce n’est pas une question de connaître ou de ne pas connaître…Ce n’est pas de cette dimension dont il s’agirait pour résoudre cette question de l’identification à un trait de l’autre. De la même façon, les personnes les plus racistes et antisémites se rencontrent précisément dans les endroits où il n’y a pas ou très peu de ceux pourquoi ils entretiennent cette haine farouche. Il ne s’agit pas non plus du mécanisme de l’individu en foule et de sa suggestibilité ni plus de la toute-puissance de l’individu faisant partie d’une foule pour qui « la notion de l’impossible n’existe pas »[10], comme nous le fait également remarquer Freud, car cet individu a un mode d’identification du type de celui que Freud propose dans le trait qui lui est commun avec une autre personne. Là cela fonctionne dans la suggestibilité dans la foule… Cela permet de trouver des traits communs. Hors il y a un espace où cela ne fonctionne pas et je trouve que c’est le plus important parce qu’on n’en est resté a l’idée de la petite différence, mais ce n’est pas suffisant… Ce type d’identification permet d’ailleurs à ce que les différents discours politiques puissent réguler ce trait commun ; Il s’agit de changer le trait commun, on change de discours politique et on ne s’identifie plus au même trait commun. C’est comme cela que la politique fonctionne d’ailleurs.
Donc, ce réel de l’autre inassimilable puisque impensable n’est donc pas du ressort non plus de ce que l’on peut par ailleurs repérer dans la haine issue de l’Invidia puisque là aussi ce serait assez pratique en se disant qu’au fond on sait comment ça marche et d’où cela vient cette Invidia, c’est à dire la frérocité. Donc pas plus de l’Invidia que de frérocité puisque celle-ci est à l’origine de cette haine radicale à l’égard de l’autre car celle-ci est au contraire à l’origine d’un premier mode d’identification qui est à l’origine du rapport au social. Ce type de haine, Lacan y reviendra une deuxième fois pour la requalifier de jouissance jalouse, de « jalouissance ». Dans un premier temps il a recours à Saint Augustin : « j’ai vu de mes yeux, (dit saint Augustin dans Les Confessions),[11]un tout petit en proie à a jalousie. IL ne parlait pas encore et ne pouvait, sans pâlir, arrêter son regard au spectacle amer de son frère de lait ».[12] Il est clair que pour Lacan, la jalousie représente une identification mentale et non pas tant une rivalité; la frèrocité est donc un mode de structuration psychique. Dans un second temps Lacan reprend et engage une nouvelle interprétation de saint augustin : « on en reste – et c’est bien en quoi j’ai dit que le (a), objet a, est un semblant d’être – à la notion- et c’est là que l’analyse, comme toujours, est un petit peu boiteuse – à la notion de la haine jalouse, celle qui jaillit de la « jalouissance », de celle qui « s’imageaillisse » du regard chez Saint Augustin qui observe le petit bonhomme. Il observe le petit bonhomme et il voit que pallidus, enfin, il palit, d’observer, suspendu à la tétine, conlactaneum sum. Ouais, heureusement que c’est la jouissance substitutive première, dans l’énonciation Freudienne, adressée à l’Autre, de ce noyau de ce que j’ai appelé ding dans mon séminaire de l’Ethique de la Psychanalyse, soit la Chose Freudienne, et en d’autres termes, le prochain même que Freud se refuse à aimer au-delà de certaines limites .L’enfant regardé lui l’a, le (a) ; est ce que avoir le (a) c’est l’être ? Voilà la question sur laquelle je vous laisse aujourd’hui »[13]
Dans ce cas de frèrocité chaque partenaire confond la partie de l‘autre avec la sienne propre et s’identifie à lui; c’est une tentative d’identification symbolique qui conduit à la constitution du semblable mais aussi à la question de l’idéal du moi. C’est un montage de la constitution du sujet qui permet d’aboutir, d’autre part, à ce qu’il en est de la naissance du désir.
Pour revenir à ce que repère Hanna Arendt chez Eichmann, c’est qu’on est pas du tout dans ce genre de processus psychique de frérocité qui engendre d’ailleurs de la culpabilité, ce que Eichmann n’éprouve absolument pas puisque ce réel dont il est question ici est hors de la question du semblable (Eichmann n’a pas de semblable); ne suppose pas de semblable comme ce que la frèrocité engendre forcément. Si la férocité est à l’origine dans cette jouissance de la question du social, c’est parce que pour Lacan, elle engendre la dimension du semblable. A ce titre, la frèrocité est structurante puisqu’elle force à la mise en place d’un autre dans ce que je crois qu’ « il me prend ou bien qu’il est ».C’est la banalité, non pas du mal mais de ce que l’on dit quand on parle de la petite différence…Là on est dans un domaine où les choses sont relativement en place puisqu’il y a des identifications, il y a du semblable, il y a de l’humain…
Les juifs ne prennent rien à Eichmann, ils ne sont pas dans la rivalité et encore moins dans la frèrocité, puisqu’ils n’ont pas de statut de semblable car cela supposerait qu’ils soient des petits autres. Ajoutons encore que ce qu’il y a d’important dans la remarque de saint Augustin est ce sur quoi insiste Lacan, le regard, qui est quelque chose de très important dans la constitution de la structuration symbolique qu’engendre cette scène et qui constitue l’autre. Chez Eichmann il n’y a pas de regard…C’est d’ailleurs assez saisissant dans le procès. Ce n’est pas parce qu’il ne veut pas regarder quelqu’un, il n’y a pas d’autre si ce n’est le führer auquel il a prêté serment ; c’est le seul regard – intérieur -qu’il puisse attribuer à quelque Un ; mais le führer a t il même un statut de Un, c’est-à-dire de trait unaire ? Si c’était le cas il y aurait un minimum de processus identificatoire au trait. Hors je ne crois pas que Eichmann reconnaisse le führer comme ayant qu
elque chose d’un trait unaire, du semblable auquel il pourrait s’identifier, ce n’est pas non plus de l’ordre de l’identification.
Dans la frèrocité il y a un partenariat : la mère et les deux enfants et comme le fait très justement remarquer Jean Richard FREYMANN « Le passage par la frèrocité est un montage qui évite les collages d’instance et qui idéalement va dans le sens d’une identification symbolique, donc de quelque chose qui n’est plus une relation d’objet, mais qui constitue un véritable ancrage – l’idéal du moi étant le premier modèle de l’incorporation symbolique. Il est très étonnant que dans le schéma de Psychologie collective et Analyse du moi, Freud parle de l’idéal du moi et non pas du moi idéal, instance imaginaire. ».[14] Alors effectivement quand l’idéal du moi et l’objet du moi sont suturés il n’y a plus de moi ou bien il est mis entre parenthèse et par conséquent, ni angoisse ni culpabilité. c’est ce qu’on appelle le « j’ai obéi aux ordres » du procès de Nuremberg. Ainsi « j’étais reconnu par le Führer et dans sa délégation même ». On pourrait aussi dire aussi bien que Dieu s’adresse à vous et il n’y a même plus à se mettre du côté de la croyance puisqu’il s’agit alors de la certitude la machine est alors définitivement en route.
La Psychanalyse a-t-elle une quelconque efficacité contre ça, c’est ce que nous verrons la prochaine fois …
Discussion
Serge Sabinus : Je voudrais m’arrêter sur la question du regard que je trouve très importante et cela m’a rappelé un passage que j’ai trouvé terrible dans le livre d’Hannah Arendt, lorsqu’elle rapporte les différents témoignages et interventions de Eichmann. Il a été envoyé plusieurs fois pour aller constater de visu que ça se passait bien et il raconte qu’il a toujours refusé de regarder… En particulier à un moment où un massacre est quasiment terminé, où il voit une fontaine de sang et où il s’enfuit en courant! A un autre moment, on l’invite à regarder par le trou de la serrure d’un camion dans lequel se passe un autre massacre et il refuse de regarder… Pourquoi ? Parce que, à mon sens, c’est trop de jouissance. C’est là où je trouve que c’est très important que tu ais attrapé la question de la banalité du mal et de la jouissance. Pour autant, je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi car il me semble que la banalité du mal est la solution finale qu’à trouvé Eichmann, pour lui, de refuser lajouissance. Il est tombé dans la banalité. C’est me semble-t-il ce qu’elle repère comme banalité : « je suis un fonctionnaire ». Parce que la jouissance est là, éminemment proche pour lui comme pour les autres… Mais pour lui, ce qu’il fallait éviter est cette confrontation avec la jouissance. Alors cela peut être celle de la haine ou la jouissance sadique, celle de la destruction… Car en tant que fonctionnaire, il « fonctionnait très bien » pour qu’il n’ait jamais aucun contact, corporel, visuel avec la jouissance qui était là, tout le temps présente.
Michel Hessel: Ces questions me font penser à ce que l’on peut entendre de ce qu’on appelle aujourd’hui la souffrance au travail, c’est-à-dire, dans les entreprises, cette façon de faire en sortes que les personnes deviennent invisibles. Et je pensais par rapport à cela que dans son livre très contesté : «La jouissance de l’holocauste, Serge André insiste beaucoup sur le fait que ce qui élit le mieux le juif à la haine, c’est qu’il est invisible et invisible jusqu’à son langage. Il souligne que l’allemand et le yiddish sont très extrêmement proche et que pour l’allemand de la fin du XIX° siècle, le plus proche est aussi le plus étranger. Je trouve très intéressant de dire que l’Invidia est civilisatrice. Je trouve cela très fort et cela bouscule une vie. C’est très intéressant de se dire qu’au fond, il faut bien qu’à un moment cette question : est-ce qu’à voir l’objet a, c’est l’être ? Et l’autre que l’on envie, est-ce qu’on envie ce qu’il a ou ce qu’il est ? Il y a là une sorte de doutefondateur faisant, comme Lacan nommait son séminaire D’un Autre à l’autre, le semblable naitrait du petit autre perdu, du rond brulé de la jouissance à une sorte d’enveloppe imaginaire dessus. Je voulais juste rappeler ce passage chez Augustin qui est que juste après, il dit que ce qui apaise cet enfant envieux est la voix et le chant des nourrices. Peut être aussi que quelque chose, dans l’acte analytique en tant qu’il laisserait de la place à la frérocité comme maillon d’ouverture, cela serait peut-être du coté du chant et du coté, peut-être d’avoir moins peur du chant des sirènes.
Françoise Cosson : Eichmann ne faisait pas « bien » son travail, il le faisait parfaitement. C’est-à-dire qu’il n’y avait aucune possibilité qu’il puisse se reprocher quoi que ce soit. Pendant son procès, il avait une attitude très particulière puisqu’il était accroché à ses notes, dans une position presque fœtale qui m’interroge quand même…
Serge Granier : Notamment sur la question du regard… C’est très net dans les images du procès. Je trouve, en regardant les images qu’il est très proche de la psychose…Pour l’histoire du grand Autre, c’est très net que dans sa construction psychique, ce grand Autre, qu’il représente avec Hitler, n’est pas barré.
Robert Levy : Puisque vous parlez du regard, il me semble que Hannah Arendt évoque cela à un moment donné. Sans le dire comme cela, elle dit que c’est très important que ce procès ait eu lieu à Jérusalem en particulier, sauf que l’on ne dit pas pourquoi… Il y a quelque chose de cette dimension de réinstaurer du regard dans une scène où ce regard avait totalement échappé. Cela réinstaure quelque chose d’une scène où lui même ne regarde pas, où il est regardé précisément. Il y a quelque chose de l’ordre d’un montage qui remet, non pas du sens, mais quelque chose d’une symbolisation là où c’est hors champ du symbolique : le fait que cela puisse avoir lieu à Jérusalem et dans ce fait qu’il est l’objet des regards de ceux-là mêmes à qui il a dénié cette dimension d’humanité, réintroduit quelque chose qui renferme quelque chose d’une structure un peu symbolisable.
Serge Sabinus : C’est-à-dire que cela réintroduit une part de réalité, dont tu parlais tout à l’heure, que précisément Eichmann, dans son parfait fonctionnement, a réussi à évacuer. C’est également important pour Hannah Arendt car c’est elle qui a demandé à assister au procès en tant que journaliste, parce qu’elle n’en avait jamais vu ! Elle voulait les voir en chair et en os. Cela redonne du corps à la pièce, au mannequin…La manière dont étaient nommées « les choses » qui devaient disparaître, puisque c’était effectivement des « pièces » suivant la terminologie. Parce que cela aussi est important…On l’a déjà dit, cela a été écrit de nombreuses fois mais la manière dont la langue a été traversée et par là la culture, qu’est–ce que cela a fait à la lalangue ? Le fait que cette tentative de meurtre de l’humain a pu être perpétrée de façon tout à fait cohérente
pendant une douzaine d’année, en occident, sur les lieux même de la naissance de la psychanalyse. C’est peut-être un peu rapide de dire les choses comme cela mais en tout cas, cela passe par la question de la langue ; qu’est-ce que c’est que cette lalangue avec laquelle on se trouve troué, blessé, traumatisé et qui continue de porter en elle-même ce traumatisme et ces blessures… Ce n’est pas anodin que tu amènes la question par le politique, par le biais de Hannah Arendt. C’est le chemin du politique puisque Hannah Arendt tente de poser les choses en terme de politique.
Serge Sabinus : Elle n’avait jamais vu de nazis mais il ne faut pas oublier qu’elle a été arrêtée… Alors c’était peut-être par la police française..
Robert Levy : Elle a été arrêtée et internée à Gurs, dans les Pyrénées orientales.
Serge Sabinus : Il ne faut pas oublié qu’elle a été l’amante de Heidegger avant la guerre mais également lorsqu’elle est revenue. Il s’est passé des choses… Quand on parlait de sexualisation… Entre la jouissance et la sexualisation, on voit bien que l’on est dans un écart qui est non négligeable…Que peut-on faire avec cela, la langue, la pensée…Qu’est-ce que c’est que la pensée ? Nous avons été particulièrement bercés, nourris, et Lacan le premier, par la pensée de Heidegger ! Qu’il a rencontré…
Françoise Cosson : Heidegger a écrit un texte que j’aime beaucoup : Identité et différence, vraiment excellent.
Serge Sabinus : Dans la question de la philosophie et de l’engagement politique, on se rapproche de plus en plus de l’analyse et du politique…Lacan a eu des pensées avec et contre Heidegger.
Robert Levy : Ce qui l’intéresserait chez Heidegger était la question de Das ding et ce n’est pas pour rien…Fondamentalement, c’est cette question-là qu’il est allé pêcher cher Heidegger.
Jean Jacques Leconte: Ce qui paraît intéressant, pour en revenir au regard et à la voix, la nécessaire présence de l’analyste et de l’analysant et de toutes les questions posées concernant les analyses par téléphone, par Skype… C’est d’actualité cette année aussi… C’est une petite remarque que je voulais faire.
[1] J.HINTIKKA Cogito ergo qui est paru en Anglais dans la revue internationale de Philosophie 1996/1 P.5-21 cité par Guy Le Gaufey Opus déjà cité P.73
[2] H Arendt opus cité P.1296
[3] H Arendt Opus P.1292
[4] Idem P.1293
[5] Lacan Proposition d’octobre 67 sur le Psychanalyste de l’école Scilicet I Paris le seuil P. 27 – 30
[6] Lacan lettre de dissolution de janvier 1980.
[7] Alain Badiou le séminaire LACAN l’Antiphilosophie 3 FAYARD P. 180
[8] Freud Essais de Psychanalyse Payot trad. S. Jankélévitch P.83-84
[9] Ibidem P.129
[10] Ibidem P.93
[11] Saint Augustin club Français du livre 1950
[12] Les complexes Familiaux dans la formation de la personnalité Autre Ecrits Paris SEUIL 2002
[13] Lacan ENCORE Séminaire livre XX Paris le Seuil 1975
[14] Jean Richard FREYMANN « Frères humains qui » essai sur la Frèrocité Arcanes Hypothèses 2003P.144