Robert Lévy-Y A T IL UN PSYCHANALYSTE DANS L’AVION ?

Texte présenté lors des Jornadas de Clínica à Barcelone. Novembre 2019

Tout d’abord deux questions :
La première : qu’est ce qu’une mère ?
Je reprendrai volontiers la définition de Winnicott :
Une mère c’est quelqu’un capable de haïr sans détruire …1
La seconde : qu’est-ce qu’un père : je proposerai:Un père c’est ‘quelqu’un qui puisse ‘dire que non‘.
Evidemment notre contemporanéité nous oblige à reprendre ces questions dans une perspective liées plus ou moins aux questions qui se développent aujourd’hui sur le genre (gender théorie)
En effet la famille du style bourgeoisie XX e a fait long feu et même chez celles qui se définissent encore dans un repérage ‘différence des sexes’ le genre n’influe plus autant voire plus du tout dans la répartition des attributions de ce qui est la tache attendue d’un père et de celle attendue d’une mère dans la famille contemporaine.
Je ne développerai pas plus aujourd’hui cet aspect mais je signale simplement que notre clinique actuelle nous oblige à revoir les catégories qui pouvaient être celles avec lesquelles nous avions travaillé auparavant.
Je fais allusion ici aux monoparentalités et aux homoparentalités par rapport auxquelles nombre de mes confrères avaient annoncé les pires troubles alors que l’expérience de cette clinique ne nous convie pas du tout à ce constat.
Il est claire que l’apport de Lacan dans cette matière est considérable et que la répartition proposée des catégories du ‘pas tout‘ de la sexuation est d’un grand éclairage quant à nos repérages actuels notamment dans ce qui concerne la question des jouissances coté homme et coté femme. C’est l’occasion d’ailleurs pour rappeler que Lacan dans les tableaux de la sexuation ne spécifie pas qu’il s’agit du coté homme de l’homme au sens anatomique, pas plus d’ailleurs que du coté femme il s’agirait de l’anatomie.
Mais j’insisterai sur cette idée que si la fonction paternelle c’est bien celle qui trouve son ancrage dans les lois du langage qui régissent le rapport à la parole et au discours; il faut bien par conséquent qu’il y en ait au moins un qui puisse ‘dire que non‘ pour qu’il y ait efficience de cette fonction pour un enfant.
Je me cantonnerai aujourd’hui à développer la question de ce père là, celui qui se définit par sa fonction.
A ce titre je dois dire mon grand scepticisme sur le prétendu ‘déclin du père ou de sa fonction’; il me semble qu’ y croire serait confondre, à mon sens, la fonction paternelle avec le père de la bourgeoisie.
Par conséquent il n’y a pas de déclin du père à mon sens mais en revanche il y a toujours une difficulté pour que quelqu’un assume cette fonction au près d’un enfant.
Cela n’a rien d’actuel mais a toujours existé en raisons des difficultés spécifiques que requière cette énonciation d’un ‘dire que non’ à différencier bien sur de la censure, ou du ‘dire non’ banal et surtout de l’autoritarisme du père violent dont le père de Schreiber est une figure paradigmatique.
La question est toujours la même au fond lorsqu’une famille s’adresse à nous pour des difficultés dont le symptôme supporté par l’enfant témoigne d’une forme de discrédit de la parole …
Un discrédit dont on perçoit souvent très vite qu’il est le résultat de cette difficulté d’une mise en place de la fonction paternelle, c’est à dire celle qui assure la performativité du langage.
Et même si on peut adhérer à l’idée du déclin social de l’imago paternel bourgeois il n’en demeure pas moins que la fonction paternelle est toujours à l’oeuvre ou en manque d’oeuvre, voire même désoeuvrée si il n’y a pas quelqu’un au près d’un enfant qui puisse ‘dire que non’.
Lorsque l’on parle d’exception liée au père c’est à mon sens celle qui liée à la parole assure sa mise en acte comme fonction; en d’autres termes c’est celui ou celle qui peut assurer la performativité du langage pour un enfant. Ce qui n’est pas une mince affaire puisqu’entrer dans le langage ne suffit pas à en assurer sa performativité.
J’ajouterai même qu’une fois entré dans la métaphore du signifiant du nom du père tout reste à faire c’est à dire l’effectuation de la fonction paternelle en tant que performativité du langage.
Ainsi Il faut une opération supplémentaire assurée par un tiers, celui qui n’est pas pris dans un lien de jouissance directe avec l’enfant pour que cela puisse s’opérer.
Je dirai même plus, il faut que ce soit quelqu’un qui accepte de renoncer à toute complicité imaginaire avec l’enfant et sa mère pour qu’un enfant entende que langue et jouissance ne sont pas du même ressort …
arrivé en ce point je reprendrai les remarques de louis Sciara 2  :
« L’évanescence progressive de l’autorité du père, voire elle pas plus tôt une fonction intemporelle sa disqualification, la dénonciation ou même la vindicte qu’il suscite parfois, contribuent elles à modifier cette fonction? Dans quelle mesure la fonction paternelle serait elle menacée de désuétude, et même d’obsolescence?
Ne serait elle pas plus tôt une fonction intemporelle, inhérente à notre condition humaine, celle qui fait de nous des parletres, des êtres qui énoncent la parole et sont assujettis aux lois du langage et structurés par le désir qui les interpelle, chacun le temps d’une vie ..»
Je suis parfaitement d’accord avec lui sur le point que la fonction paternelle ne dépend aucunement de la façon dont le social fait du père quelque chose de différent suivant les cultures et les états de chaque société.
Et ce n’est pas pas parce qu’aujourd’hui les pères sont très présents dans le nursing de leurs enfants que pour autant la fonction paternelle ne peut pas s’exercer.
Par contre je voudrais dire que toute la description que Louis Sciarra fait de l’obsolescence, de l’évanescence etc attribués à notre père moderne me semble bien plus recouvrir actuellement le discours du maitre qui, en raison de sa déstabilisation par le discours capitaliste qui l’empêche d’assurer sa fonction ne parvient plus à assurer sa fonction régulatrice entre les 4 discours et de ce fait laisse en apparence le père dans une certaine forme d’évanescence alors qu’il n’en est rien puisque la fonction paternelle est, comme le dit très bien Louis Sciara également un invariant ….
Et en effet il ne faut pas confondre la forme et la structure, par conséquent si la forme change (la forme donnée au père suivant l’époque ),la structure en revanche reste invariante en tant que fonction paternelle.
J’ajouterai donc que dans les démocraties contemporaines ce n’est pas tant la remise en cause historique du père qui prévaut même si c’est effectivement le cas contrairement à ce que louis écrit P. 213 mais le discours du maitre …
C’est d’ailleurs bien en effet parce que le père n’est pas réductible au géniteur que nous pouvons travailler dans une clinique contemporaine qui bien qu’ayant modifié historiquement ses apparences, c’est à dire sa façon parfois de se représenter n’en a pas pour autant modifié sa structure ou ses structures invariantes …
Oui, en effet ‘au delà du père ‘il y a la fonction dont il est ‘l’agent‘ et j’ajouterai que c’est précisément ce qui produit ce qu’on appelle l’Autorité.
Avec ce complément nous aurons en philigranne la dimension de l’auteur qui est un des éléments constitutifs de la fonction paternelle.
Par conséquent, à la différence du pouvoir qui lui, s’impose il n’y a d’autorité que lorsque celle-ci est reconnue par celui qui consent à s’y soumettre. C’est bien le problème que rencontrent les parents car justement les enfants ne consentent jamais très facilement à se soumettre à l’autorité de leurs parents. D’ailleurs pourquoi, me direz vous y aurait-t-il une quelconque nécessité à faire autorité au près d’un enfant ?

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