Serge Sabinus"Le passage à l’acte sexuel de l’analyste en transfert"

(texte suivi d’une discussion)

Autour de ce que j’ai appelé « le passage à l’acte sexuel de l’analyste en transfert ».
Le « en » souligne ici et spécifie le Transfert comme LIEU (« en Bretagne ») et comme MOYEN (en bois », ou mieux, « en anglais » pour évoquer que c’est la langue forgée dans la cure par le transfert qui est concernée).
Quelque soit son issue, ce passage à l’acte est un inceste réalisé et insu, comme dans le drame œdipien ; et, comme dans la mise en scène antique, c’est l’enquête sur soi – courageuse – qui seule pourra le révéler. Acte isolé d’un malheureux analyste supposément névrosé, acte répété d’un pervers, quelque soit sa modalité et son issue, qu’un beau mariage ou qu’une traversée de la honte en viennent à bout, il s’agit dans tous les cas, selon moi, d’un inceste. Inceste par son caractère transgressif d’une modalité essentielle de la cure, l’abstinence, mais surtout de par son caractère infantile, régressif et défensif sur lequel je vais m’attarder. L’inceste que réalise l’analyste dans un moment catastrophique de la cure qu’il conduit est une défense contre l’effondrement mélancolique, telle sera, plus ou moins, l’hypothèse que je vais soutenir.

C’est par rapport à une éthique que je situe cette transgression, une éthique que je dirai, pour aller vite, celle de l’insistance pulsionnelle à rejoindre le hors limite de la jouissance.
La jouissance n’est pas un concept freudien. Avec quelques ajustements, elle correspond dans la topique freudienne et son économie pulsionnelle à ce flux libidinal primitif, toujours présent, en tant qu’il n’est plus ou pas encore régulé par les principes psychiques de plaisir et de réalité mais qui ressortit du régime de l’illimité, régime que Lacan notait de l’impératif sadien « jouis ! ». Jouir est un ordre (dans les 2 sens du mot : une loi et un commandement surmoïque) et le régime sans limite trouve à s’énoncer dans cet adverbe : « encore ». « Encore » est le repère qui signe la proximité de la jouissance. *« Encore » ne fonctionne pas comme un signifiant, c’est un signe qui désigne ce pur accroissement de la pulsion mis en mouvement par le transfert en direction de ce que Freud à appeler Au delà du Principe de Plaisir. On reconnait dans cet au-delà du Principe de Plaisir le lien de la jouissance, voire même son identification, avec la pulsion de mort ; il suffit pour cela simplement de rappeler le film du réalisateur japonais Nagisa Oshima, « L’Empire des sens », dans lequel il ne s’agit pas tant du spectaculaire de la mutilation sexuelle que de l’emprise de la demande de plaisir soumise à l’empire du « encore ». La mort est bien ce qui est appelé au nom du désir dans l’escalade érotique de la jouissance. Cet appel que je vais détailler tout à l’heure est ce qui s’entend au tournant de la cure – tournant que je dis « fractal », catastrophique – dans la poussée du « encore ».
Remarquons ceci : la cure analytique se tient sur deux jambes : le « pousse-pousse » et l’asymétrie des places.
Le « pousse-pousse » : le pousse à jouir mobilisé tant par la règle de l’abstinence que par son but, le dévoilement du désir ics, ics en tant que hors des objets mondains dont l’analysant se dépouille au fil des séances, ce pousse à jouir entre en résonnance avec ce qui est exigé de lui depuis le lieu de son analyste : un plus de parole, encore plus de parole, toujours plus de parole résonnant ainsi avec le plus de jouir fixé dans le symptôme. Le transfert se soutient de ce jeu de pousse pousse, comme un jeu d’aimant qui attire et déplace sur la personne de l’analyste le jeu balancé des pulsions. Jeu de forces contraires et cependant liées, faisant « couple » au sens math. du terme. Un couple dans la séance donc, dont la spécificité est l’asymétrie des places. Je n’insiste pas vous renvoyant à la lecture du Banquet par Lacan ; Plus encore, cette asymétrie je la dirai incommensurable, c’est-à-dire qu’il n’existe aucune mesure commune qui permettrait d’en évaluer l’écart. Cette disparité des places, cette asymétrie donne son assise à la règle fondamentale énoncée par l’analyste à l’entame de la cure. Le cadre énonce ceci : toute séance doit être réglée. On fait entendre ainsi a la fois la ferme et réglementaire tenue des mouvements psychiques à l’intérieur du champ de la parole et l’acte de circulation de l’argent : si l’analysant règle la séance en espèces et non en poids de chair, l’analyste est payé pour ne pas en jouir. Il est le garant de ce règlement comme de cette règle, il en a la charge absolument, il en va de sa responsabilité.
Lieu et langue : c’est sur le lieu de l’infantile, si l’infantile est bien ce qui échappe à l’usure du temps, et de la langue qu’opère le transfert. C’est dire que le « le passage à l’acte sexuel de l’analyste en transfert » est affaire d’énonciation et non (seulement) de dénonciation. C’est ainsi à une façon de métapsychologie de l’analyste poussé à l’acte que je voudrais m’essayer. Sur la légitimité et la responsabilité de l’analyste, Lacan pose une formule radicale : l’analyste ne s’autorise que de lui-même. Cette formulation assure qu’aucune garantie venue de l’extérieur n’est engagée dans le pacte analytique. L’engagement de l’analyste qui s’autorise ne prend donc un appui suffisant et nécessaire que sur ces deux mots « lui-même » par lesquels il faut comprendre la traversée des points de Che vuoi dans sa propre analyse. C’est cette traversée, toujours idéale, jamais totalement réalisée, asymptotique (mais non asymptomatique !), qui « autorise » l’analyste à ne pas en mourir ni d’en jouir. C’est un de ces points de trajectoire que j’appelle « fractal » qui va alimenter ma réflexion.
Je le dis dés à présent : c’est en tant qu’il y a eu « de l’analyste » que ce point fractal est atteint ; c’est à cet impossible que celui-ci est tenu : rester à sa place sans faillir. Engager une cure analytique ne requiert aucune « autorisation », mais le rester l’impose !
Pour poursuivre je vais me livrer à une petite scénographie personnelle telle qu’elle s’est imposée à moi durant l’élaboration de ce travail ; cette intuition puise dans mon analyse personnelle : ce sont deux événements de cure que je garderai dans leur fraîcheur, c’est à dire sans vous livrer les déploiements associatifs qui se sont tissés à leur suite. Deux événements sur un tempo de jazz à contretemps :
1 Je rêve du visage de mon analyste. C’est un gros plan sur lequel il apparait avec une boule de morve au nez. Je fais moi même l’interprétation quand je m’entends dire pour décrire mon rêve : « Leclaire morveux/ Mort veu (dans l’ambigüité du style télégraphique du rêve qui veut la mort de qui ?)
2 Quelques années plus tard, le souvenir d’une violente crise d’angoisse sur le divan ; je me redresse brusquement et m’assoie dans un cri: »Mais qu’est-ce que vous me voulez ? » Angoisse et colère aussi vives que terrifiantes.
En repensant à cette dernière scène, alors que je prenais des notes un détail de la séance est revenu à ma mémoire : je n’avais pas osé me retourner ! Comment ne pas penser alors à Orphée descendant aux Enfers pour ramener au jour son Eurydice et lui redonner vie. On sait l’importance dans le mythe, dans ce voyage, de ce geste interdit : se retourner ! Geste aussitôt puni par la mort, la pétrification. Mais qu’est ce qui a bien pu tant inquiéter Orphée pour en oublier la terrible menace ? Le mythe dit ceci : Orphée, dans sa remontée vers le monde des vivants fut saisi d’angoisse à cause du silence derrière lui ! Eurydice était-elle là ? Que faisait-elle ? Elle ne disait mot. Orphée la croyait elle morte ? Mais en retour
nant pour se rassurer, il la renvoyait au néant et ce fut la seconde mort d’Eurydice. On ne sait pas toujours la suite du mythe : Orphée, revenu seul d’entre les morts, fut déchiqueté, démembré, par les femmes de la Cité ! On ne revient pas impunément d’un voyage aller-retour aux Enfers.
Dans son autobiographie le philosophe anglais contemporain, Robin George Collingwood écrivait : »Quiconque veut savoir si une proposition donnée est vraie ou fausse, pourvue ou dépourvue de signification doit découvrir la question à laquelle elle était destinée à répondre ».

Comme je parle à des analystes, j’imagine que le lien entre les deux évènements ne vous pas échappé, lien de cause à effet à contretemps car la réponse (l’effet) précédait la question (la cause). Qu’est-ce que vous me voulez – mort veux/t. Décidément, comme pour Orphée, tout va à l’envers !
C’est avec ce mot de passe, ce sésame qui noue comme son envers la mort au désir, que je vous invite à suivre mon hypothèse : C’est à cette question – que me veux tu ? – que répond le « le passage à l’acte sexuel de l’analyste en transfert ». Ce passage (à l’acte) est la passe de la cure par un point d’incandescence du désir à l’approche du hors limite de la jouissance. Mais quel est donc ce point de court-circuit qui fait que l’analyste, à ce point de dévoilement du désir, là où il conduit sans faillir la cure, défaille dans la confusion de l’autre et de l’Autre ? Je tiens ceci pour juste : Prendre le risque de cette confusion est le signe de la juste conduite de la cure ; c’est comme s’approcher toujours plus prés des rives du volcan qui gronde. Freud, le premier nous en avait averti expressément, le transfert est une matière explosive, il a des lueurs d’incendie, une odeur de soufre, une odeur qui trahit l’approche du diable, ce diable que précisément l’analyste appelle : rappelez vous ce même Freud citant Virgile à l’ouverture de son livre princeps de « l’interprétation des rêves » :« Flectere si nequeo Superos, Acheronta movebo » ! (Que j’avais traduit un jour par ceci : « Si je ne fléchis pas les Maîtres d’en Haut, j’irai au diable ! »). Le diable, en bien c’est le diabolique en tant qu’il met en pièces le symbolique. L’énoncé du désir est cet appel, ce cri qu’avec Lacan je reprends du conte fantastique de Cazotte (« Le diable amoureux ») : Che Vuoi ? Que veux-tu ?
L’émergence des signifiants du désir de l’analysant et leur repérage par l’analyste tient fondamentalement au suspend de la question vive Che Vuoi ? Ce suspend de la réponse laisse vide, libre pour le désirant de déployer la litanie de ses propres objets dans une série métonymique sans fin. Là, soustrait au regard, prescrit au silence attentif, l’analyste suspend toute réponse. Il se doit de tenir là où Orphée cède en se retournant. Ce « rien » qu’il oppose à la demande angoissée et vivante (du Che Vuoi ?) correspond exactement au vide prescrit qui assure l’ex-istence du désir d’analyste. Le désir d’analyste n’est pas un désir d’homme, c’est un désir de « rien » (toujours au risque du désir mortel du rien).
Quelques mots pour vous remettre en mémoire le conte fantastique de J.Cazotte que Lacan a tiré de l’oubli. : La scène se passe dans l’Italie du XVIII ème à Portici, prés de Naples et des ruines célèbres de Pompéi et d’Herculanum. Une garnison y est stationnée. Les soldats, des espagnols venus d’Estrémadure, sont là en terre étrangère et s’ennuient. Le Capitaine Alvare de Maravillas, bien que sceptique, se laisse alors convaincre de tenter le Diable en personne (le diable « lui-même » en quelque sorte !). Qu’a-t-il à y perdre ? Il se sait le plus fort et répond en riant à ses initiateurs que si par hasard le Diable se présentait à son appel il saura bien lui tirer les oreilles. Une nuit, dans la grotte où l’ont conduit les initiés, il s’enferme dans un cercle magique qu’il trace dans le sable autour de lui et prononce la formule rituelle. Une fenêtre s’ouvre alors dans la paroi au dessus de lui et surgit l’horrible tête de chameau : Che Vuoi ? Que veux tu, toi qui m’appelle ? Mais voilà, Carotte nous propose un détail remarquable : avec un sang froid étonnant le Capitaine surmonte son horreur (c’est-à-dire la passion qui l’a conduit là) et, abruptement, renvoie sa question au diable qui s’en trouve du coup tout décontenancé : « et toi que me veux tu ? » Quelle impertinence, ou plutôt quelle pertinence ! Car c’est en effet le désir du Diable, ce désir diabolique qu’il s’agit d’interroger. Ce refus de « répondre » par le renvoi de la question assure le maintien de l’incommensurable asymétrie des places, laissant à propos ouverte la question du désir.
Ce point de Réel que constitue le surgissement du Che vuoi ? mobilise l’analyste dans sa propre traversée de ce point fractal, ce point de « catastrophe ». Voilà ce à quoi il s’est risqué en s’offrant à cette fonction d’analyste : Revenue de son histoire personnelle la question de l’analysant lui est retournée, renvoyée en écho à ses propres défilés signifiants. Je l’ai dit, c’est cette passe de son histoire dans le Che Vuoi qui assure – ou non – le « lui-même » dont il s’autorise. Ce qui se joue là engage sa capacité à suspendre –dans un silence bienveillant et apathique – le surgissement du Che Vuoi que le transfert a sollicité. A défaut de cette passe, le transfert, de par sa qualité propre d’entre-deux, se prend au mot, oublieux du retour du hors temps de l’infantile. Dans l’impossibilité de repérer alors qui parle. L’analyste cède alors au Che Vuoi de l’analysant par un « et toi, me veux tu ? toi que je vois me donner ce que tu n’as pas ! » L’analyste ne répond plus de l’Autre, mais répond à l’autre. Dans la confusion de l’amour, il reçoit alors le corps dénudé, privé de parole de sa belle allongée dans le geste même où il donne son corps propre à l’autre qui s’offre, souffre et appelle. Ce n’est pas un simple rapport sexuel « illégal », c’est un don, une donation, un sacrifice. Un sacrifice à la grande Mère, la Mère d’avant la Loi, dite par les anthropologues « pré abrahamique », et par les enfants, « maman » ! Curieusement, ce don du corps, ce sacrifice est un appel, une tentation ; Lacan dans les 4 Concepts précise : « …le sacrifice signifie que, dans l’objet de nos désirs, nous essayons de trouver le témoignage de la présence du désir de cet Autre que j’appelle ici le Dieu Obscur ». Est ce un autre nom du Diable de Cazotte ?
Ce corps qui s’offre en sacrifice c’est au désir de la mère qu’il se livre, corps et âme. Quel est ce bout de corps qui excite ta faim ? Quelle est cette brillance que je ne vois pas et qui t’aveugle en déchaînant ton désir ? Agalma, glance on the nose, poésie des corps en éclats, des corps démembrés jouissant comme à la mort tragique d’Orphée, sacrifié par son amour et démembré par les femmes de la Cité. D’avoir perdu celle à laquelle il tenait, Orphée les a toutes: à chacune il offre un morceau de son corps, un membre, dans une pure jouissance partagée.
Le Che Vuoi entendu à l’infini lors de toute rencontre amoureuse comme au cours de toute aventure transférentielle est celui, hors sens (parce que avant le sens), du désir de la mère. Voilà comment l‘éthique est prise en étau entre le désir d’analyste et la jouissance liée au désir de la mère.
Reconnaissons là précisément ce que Lacan, selon moi, désigne dans sa définition négative du désir d’analyste. « Ce n’est pas un désir pur ». Ce désir est non pur en tant que « ce n’est pas ça ». Il est exactement ce « ce n’est pas ça » de la formule moebienne que Lacan inventera en 72 pour énoncer le désir : je te demande de refuser ce que je t’offre parce que ce n’est pas ça » (« 9 février 72
… ou pire »). Ce désir qui n’est pas pur est à ce titre désir de rien. En quoi j’insiste à le distinguer du désir du rien.
Le désir de rien – et je reprends Lacan – « c’est un désir d’obtenir la différence absolue, celle qui vient quand, confronté au signifiant primordial, le sujet vient pour la première fois en position de s’y assujettir ». C’est une position, une posture, un semblant, l’assise d’une fonction par laquelle l’analyste s’offre à faire défiler sous les yeux de celui qui file la parole sa vaine litanie des objets qui l’obsède. « Ce n’est pas ça, çà n’est jamais ça » voilà ce que signifie l’analyste par son suspend.
Le désir DU rien est d’une autre étoffe. Il est celui qui aspire au vide, à l’extase du néant dans le sacrifice ; c’est un désir que je dirai mélancolique. Mélancolique est cette offrande sexuelle du corps à l’appel du Che Vuoi venu de l’autre maternel. Mélancolique jusqu’au point d’extase, au point fractal, au point d’incandescence qui noue, en psychiatrie, la mélancolie à son envers maniaque. Le passage AASET noue Mélancolie et triomphe maniaque. C’est ce désir du rien qui – selon moi – menace l’analyste dans son acte. Ce point « catastrophique » du Che Vuoi est une actualisation d’un Réel hors temps, hors lieu seulement imaginable dans le cri de l’infans dans sa détresse en direction de l’autre, l’autre secourable que Freud nommait « nebenmensh ». Le nom de « Mère » est le nom du Nebenmensh qui engage l’infans entre besoin et désir. Que veux tu ? demande l’un anxieusement à l’autre. Et la mère de faire défiler les objets qu’elle marque de son empreinte, et l’infans en panne de mot, d’offrir son corps comme un trésor. Il s’agit là d’une sorte d’inceste « primaire » en quelque sorte dans lequel le sexuel et le mortel sont d’un même tissu, dans une même tension. Offrir son corps à la mère est un inceste à mort.
On aurait avantage je crois à lire le mythe d’Oedipe avec cette lanterne. Le savoir d’Œdipe en effet se déploie à contre temps lors de la rencontre (fractale, catastrophique) avec la Sphinge, incarnation d’une mère animale qui l’interroge. On le sait, Œdipe rencontre sur son chemin la question énigmatique de ce qui fait l’homme, question dans laquelle s’entend celle de son désir : Que veux tu ? demande la Sphinge. Pour son malheur, Œdipe croit posséder un savoir sur le désir énigmatique, posséder la bonne réponse là où il eût fallu se taire ou mieux comme le Capitaine Alvaro retourner la question. Mais il ne possède pas le savoir, il en est possédé ! Décidément, avec Eros tout va à l’envers ! Le triomphe maniaque d’Oedipe le savant vire à la mélancolie: la sphynge se suicide et Œdipe court droit vers son destin incestueux : puisse je ne pas être né crie-t—il à Antigone aux abords de la mort, hors la cité. Le désir de la mère est une énigme de sphinge dont la seule réponse suspendue qui peut assurer une vie vivante à l’infans est celle d’) un « c’est pas çà ». Faut il encore qu’elle, la mère, puisse l’énoncer pour que l’infans ne fasse que s’en déprimer !

Le suspend de la réponse de l’analyste au Che Vuoi surgi dans la cure là où il le provoquait sans le savoir correspond aux trois temps de la logique du désir, trois verbes articulés et tordus par une double négation : Je te demande de refuser… ce n’est pas ça. « Ce n’est pas ça » que la mère oppose à l’infans qui s’offre à son désir, fait fonds pour la métaphore paternelle. L’analyste est celui qui s’engage de nouveau dans cette passe incestueuse : Je poserai alors le passage à l’acte sexuel de l’analyste en transfert comme version du désir de l’analyste quand il cède à l’inceste par surinvestissement du sexuel afin de se protéger de ce qui menace alors : le désir mélancolique. C’est là sa perversion/ père-version.

L’effacement de l’incommensurable dans la disparité des places donne la mesure de l’enjeu du « passage à l’acte sexuel de l’analyste en transfert ». Jeux des corps en lieu et place des jeux de mots, c’est la méconnaissance du désir de la mère sous les masques de la beauté de la femme qui lui fait donner (corps) au Che Vuoi ? Il en va de sa capacité à rester analyste à l’endroit même où il l’est en tant que son passage à l’acte voile son courage à conduire la cure jusqu’à son point d’incandescence (quel mot ! qui en fait entendre la dimension « d’indécence » !), jusqu’à cette caverne secrète dans les ruines de Portici où le courageux capitaine avait promis en riant, rappelez vous, de tirer les oreilles au Diable s’il se manifestait.
Dans les tribunaux romains de l’Antiquité, un témoin appelé, récalcitrant à comparaître, pouvait en effet être physiquement traîné par les oreilles devant cette cour : « si tu veux qu’il se rende à ton appel, disait l’article de loi, atteste le ; s’il ne s’y rend pas, prends-le par l’oreille ». A bon entendeur…

 

Débat

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Robert Levy :
« ….. C’est vraiment quelque chose d’un outillage possible, d’ailleurs Lacan bat ça tout à fait en brèche avec la question du désir de l’analyste, comme étant un désir plus fort, même le désir le plus fort,  il prend à revers de Freud la question de la neutralité de l’analyste. Toute la question c’est de savoir qu’est-ce-que c’est qu’un désir plus fort . Comme tu l’as souligné, ce qui est le plus fort comme pulsion chez tout à chacun, c’est la pulsion de mort, c’est vraiment de ce côté là qu’il reprend les choses. Mais quand même, il y a un petit problème qui se pose et qui est toujours le même, c’est-à-dire,  comment faire en sorte dans le travail de l’analyste au cours de la cure, que rien de ce qui ce dit, de ce qui  s’entend de son côté ne soit engagé dans l’être, dans son être. Il s’agit d’être là, évidemment s’il n’est pas là il n’y a pas d’analyse, et si l’analyste n’est pas là avec son désir le plus fort, il n’y a pas de transfert. Toute la difficulté du côté de l’analyste, c’est sa raison d’être je dirais, et c’est ce qui fait aussi sans doute ce qui fait la différence entre un transfert en analyse et un transfert en psychothérapie. Il y a du transfert en psychothérapie, ce n’est pas la spécificité de la psychanalyse.
Alors qu’est-ce-que c’est qu’un  transfert en analyse ? C’est quand même la différence  de transfert avec les psychothérapies, c’est un être là sans raison d’être. Pour reformuler un peu la question de la neutralité bienveillante, non plus sur la seule bienveillance ou sa malveillance c’est toujours très suspect la bienveillance, en revanche, le travail d’analyste c’est sans doute celui qui consiste, le plus possible de continuer son travail d’analyse pendant la cure de telle sorte que n’apparaît jamais,  de raison d’être, de son être là. Alors,  tu nous amènes là, la question de la mélancolie, du désir du mélancolique.Je trouve cela tout à fait intéressant. Je trouve que vis à vis du passage à l’acte donc sexuel, il me semble que quand il y a passage à l’acte du côté de l’analyste, pas seulement sexuel, il y a toujours un objet en cause, quelque chose  qui vient s’appareiller avec l’objet de l’analysant, seulement pour que ce soit du sexué, du passage au sexuel, il y a quand même quelque chose en plus. A tout moment, tout le temps d’ailleurs comment l’ éviter. Bien malin celui qui pourrait dire moi jamais jamais.. évidemment ça arrive tout le temps, la spécificité quand même, que tu nous apportes là, c’est celle du passage à l’acte sexuel. Alors, moi, ça me pose une question de débat, alors pourquoi ramener du côté de l’analyst
e forcément quelque chose qui soit de l’ordre de la mélancolie, parce que il y a sexuel. C’est un peu ça quand même que tu essaies d’organiser  comme raison de son désir, le passage à l’acte à ce moment là. »
Serge Sabinus  : « Je vais essayer de répondre. »
R. Levy : « Oui parce que tu articules la différence entre le désir de rien  et le désir de mort, ce que tu veux différencier… Evidemment que la question que se pose tout analysant à un moment ou à un autre c’est «  qu’est-ce-qu’il me veut ? ». Par ce que c’est vrai,  le désir d’analyste, ça veut quelque chose, alors ça vaut quelque chose du côté de la poursuite, du signifiant. »
S. Sabinus : « Ce que j’appelais « pousse pousse », ça pousse à la parole,
R. Levy : oui, quelque chose comme ça, voilà je voulais préciser la question. Mais alors quand est-ce que ça s’arrête ? Le travail de l’analyste c’est aussi que ça s’arrête un jour . »
S.Sabinus : « En tout cas, ce qui me vient c’est la possibilité de la la coupure, à défaut qu’il y ait de la fin par épuisement, s’il y a de la fin c’est par épuisement, on peut passer par ce biais là. Est-ce qu’on peut imaginer la fin de l’analyse ? Ce qui est problématique c’est ce qui est engagé dans la métapsychologie de l’analyste, ce qui me frappe, et je ne suis pas le seul,  c’est de voir à quel point, nos propres trajets analytiques sont sans fin. C’est-à-dire que, ils sont avec des coupures, de multiples ponctuations, c’est sûrement une des raisons majeures pour lesquelles les analystes se réunissent, c’est ce qu’on disait la dernière fois, c’est pour pouvoir parler afin que l’analyse trouve des lieux de coupure, qu’elle puisse se continuer et en même temps s’interrompre.   C’est en cela que je reviens sur la discussion de la dernière fois, il y a en effet une certaine obscénité à décrire, à dire , à raconter des histoires de patients, pas pour ce que l’on pourrait croire. Il y a obscénité, par ce que l’on déplace pour chacun qui s’y engage, la scène pour laquelle cela se joue, c’est une ob-scène qui se déplace et on la déplace chacun  avec soi. Lorsque l’on est analyste, on est pris dans le mouvement de la répétition du travail analytique, donc après, la question de finir, ou de mettre un terme à l’analyse pour un analysant, ça me semble une autre question. Pour rester toujours sur ce versant là, comment ça fonctionne l’analyste quand il est dans son travail, dans sa posture, à sa place. Cette question du désir, du désir d’analyste comme j’essaie de l’avancer, c’est en effet comme tu le disais, sans raison d’être, parce que ça implique que l’être n’est pas là. L’être c’est pas la raison pour laquelle il est là, ça n’empêche pas qu’il ait une raison, mais pas l’être qui est là. La raison c’est celle de la logique,la logique du signifiant, je vais le dire comme ça pour aller vite. Il n’empêche que du côté de l’être, vient se poser la question du désir. Qu’est-ce-qui est engagé dans ce désir là ? Par rapport à ça, il n’y a aucune raison que le désir d’analyste comme non pur, disait Lacan, effectivement il n’est pas pur, car c’est du désir de l’analyste, il est engagé comme tout désir, comme n’importe quel désir du côté du sexuel. A ce titre là, il est aussi engagé du coup, dans ce que le désir du sexuel pousse à, il y a aussi, du pousse à.. »
R. Levy :  « N’importe quel désir c’est forcément  du désir sexuel. C’est là dessus que l’on peut  débattre,  juste une parenthèse, il se trouve que du côté des hommes, il faudrait demander aux femmes ce qu’elles en pensent, donc du côté des hommes c’est extrêmement rare que nos patientes apparaissent comme des objets désirables sexuellement, et je dirais même plus, que quand il peut arriver et ça nous arrive, de rêver d’une histoire sexuelle d’une patiente, c’est justement pas celle qui est en position du désir  d’être désirable, c’est pas de ça dont il s’agit. »
S. Sabinus :  « C’est du sexuel de l’ analyste dont il s’agit. »
R.Levy :  « Toi tu le sais, mais  j’apporte un élément un peu contradictoire à cela, est-ce que c’est du sexuel ? Je ne suis pas sûr que ce serait de cet ordre là, justement, et quand Lacan amène ce désir x, celui  dont il s’agit dans la passe, il ne fonctionne pas du tout en terme de désir  au sens général du désir, au sens sexuel précisément. »
S. Sabinus : « C’est vrai que tant que je reste sur ce plan, ce que je propose c’est une autre optique,  qui ouvre un autre champ du désir., mais on va revenir quand même dans cet autre champ, si l’on reste dans cette ligne que ce désir c’est  celui du sexuel, il y a du  pousse à, du toujours plus, toujours encore,  l’arrivée de la question de la jouissance, au sens où le désir sexuel est d’une façon ou d’une autre, arrimé à la question de la jouissance,  en termes freudiens, c’est-à-dire à  l’au-delà du désir sexuel de bon aloi. Oui, ça arrive qu’une jolie patiente plutôt avenante, ou que , à la grande surprise générale, c’est de la moins désirable que l’on va rêver. Je pense que c’est arrivé à peu près,  à tous les analystes hommes. Pour spécifier ceci, c’est pas juste cette belle hystérique ou non d’ailleurs, qui se propose, c’est bien du désir sexuel de l’analyste qui est en jeu. Ce qui menace , par le fait même que le désir est lié à cette loi du encore, ce qui menace c’est  le passage de la traversée du miroir de l’au-delà, ce que Freud appelle, de l’au-delà du principe de plaisir. On revient à ce que tu disais, du moins à une autre modalité,  qui pour moi est cet envers, d’où le rêve, d’où Orphée, c’est l’envers du désir sexuel c’est le désir de l’Autre, c’est le désir du rien, ce qui menace l’analyste engagé dans cette fonction d’analyste  à traquer le désir de l’Autre, c’est de se retrouver  au-delà du principe de plaisir, de se retrouver dans cet au-delà du désir de l’Autre. »
R. Levy : « Je vois bien ton fil conducteur. Alors est-ce que tu penses que la pulsion de mort c’est sexuel ? »
S. Sabinus : « C’est son envers ».
R. Levy : « ça se discute ».
S.Sabinus : « On est d’accord, c’est pas de la symétrie ».
R. Levy : « ben oui, c’est pour ça que ça se discute.. peut-être qu’on est pas tout à fait… d’accord ce n’est pas de la symétrie, mais c’est pas l’envers ».
S.Sabinus : « Peut-être que le terme envers n’est pas très bien choisi…  C’est ce qui implique la traversée vers l’au-delà, le désir sexuel conduit par le pousse à, conduit  à cet autre lieu, cette autre modalité, qui est celle d’une des jouissances. »
Serge Garnier : « Dans la référence du conte de Jacques Cazotte,  le diable dont tu parlais du conte de Cazotte, parce qu’il y a tout u
n aspect,  pourquoi il va interroger le diable, c’est pas seulement par vantardise, il est complètement dans la répétition du côté des femmes , et ça ne marche jamais,  et ça le ramène toujours à sa mère d’ailleurs, et à la fin du conte d’ailleurs il va épouser la promise que sa mère lui avait réservée, c’est du sexuel qui l’amène aussi  à interroger les forces obscures.
Jean-Jacques Leconte : «  ce qui me vient aussi c’est le terme de satisfaction, quand je parle  j’ai la même satisfaction que quand je baise, c’est assez fort. Dans la satisfaction il y a le désir, presque de la satisfaction sexuelle, ce sont des choses difficiles à déterminer. Quand Lacan dit « quand je parle j’ai la même satisfaction que quand je baise », qu’est-ce-qu’il veut dire là ? Parce que quand il parle c’est quand même différent que quand il baise.C’est cette notion  de satisfaction qui a un rapport avec la fin de la cure précisément.
R. Levy : « La satisfaction en tout cas du passage à l’acte de l’analyste, c’est précisément ce que tu soulignes, on voit bien, on passe de la satisfaction à ce qui se dit à  la satisfaction de ce qui se jouit,  au sens purement sexuel à ce moment là. Quand même entre le corps et le signifiant il y a quelque chose qui n’est pas tout à fait de même nature. Comment un patient ou une patiente peut devenir pour un sujet donné, l’analyste en l’occurrence, quelqu’un dont la satisfaction quand même pour l’analyste c’est l’écoute, qui est quand même du côté du désir de savoir, le désir de l’analyste c’est aussi quelque chose du désir de savoir. Comment ce passage se fait entre le désir du savoir avec le désir du corps, sexuel de la personne en question ? ».
Jean-Jacques Leconte : « Revenons à la remarque que vous avez faites concernant un désir sexuel de la patiente, en fait ce n’est pas la plus jolie, la plus excitante ».
R. Levy : «  Voilà, c’est ça qu’on remarque, je peux donner quelques exemples comme cela, mais ce n’est pas celle qui est à priori, comme on pourrait dire : ben oui, évidemment oui ! Eh bien non, c’est étrange, c’est pas du tout celle là, on n’est pas dans ce registre là.
S. Sabinus : « C’est précisément,  ce qui  vient souligner, dans ces moments  d’aveuglement, étranges de la cure, quelque chose venant de la patiente, est pris par l’analyste, pratiquement  comme on dit pour argent comptant, pour corps comptant. C’est-à dire, il ne s’agit pas de la beauté esthétique selon je ne sais trop quel critère, en particulier celui du critère conscient de l’analyste éveillé, c’est comme dans un rêve quoi. Effectivement, il devient désirant d’un quelque chose de l’agalma, c’est quand même  l’agalma qu’on retrouve dans le banquet. Il devient amoureux d’agalma, de ce qui était dans cette patiente, il faut lire le  banquet. par rapport à ça. Il est pris, saisi par quelque chose de la patiente sur le mode sexuel. C’est comme s’il était pris dans son fantasme par le fantasme de l’analysant, c’est comme ça que j’écrirais quelque chose du désir d’analyste. Pour l’analysant, ce serait  ceci (au tableau schéma)   S1 —- (a1, a2, a3, ).… Et dans le passage à l’acte ce serait ça… (schéma au tableau). L’objet en question devient le déploiement fantasmatique par la patiente. »
Françoise Fabre : « Est-ce-que ça ne serait pas la rencontre des deux fantasmes, c’est-à-dire, le désir d’analyste disparaît, et que c’est son fantasme qui prend le dessus par rapport au désir de l’analyste, que le fantasme de l’analysant  soit beau ou pas beau c’est pas la question. »
Chantal Hague : «C’est  différent du passage à l’acte quand même, qu’il y ait une rencontre des deux fantasmes, un moment ou un autre dans la cure… ».
S. Sabinus :  « C’est pas une rencontre ».
Chantal Hagué : « Là , c’est un amalgame. »
S.Sabinus : « C’est une substitution, ce qui était normalement supposé vide, en suspend, ne l’est plus dans la mesure ou tout cet ensemble là se met à tomber à la place du petit a.
J.J. Valentin : « Est-ce qu’on peut pas dire les choses plus simplement. Finalement le rêve apporte à l’analyste la satisfaction qu’il se refuse, dans son travail  d’analyste du fait de son désir d’analyste.
S. Sabinus : « Oui, d’où l’importance du passage à l’acte ».
R. Levy : « C’est un rêve, attention. Le passage à l’acte c’est pas un rêve justement.
S. Sabinus :  «  Ce qui est difficile de comprendre  autant le rêve après tout, c’est que n’importe quel individu sexué, peut rêver et désirer un autre individu sexué. »
R. Levy : « Oui, mais qu’est-ce-qui fait que ça passe à l’acte ? ».
J.J.Valentin : «  Dans le rêve, Lacan dit aussi que ce qui fait le désir du sujet c’est ce qui cloche chez l’autre, le fait que ça soit pas sur le plan conscient  telle analysante qui déclenche le désir , ça ne veut pas dire que sur le plan inconscient il ne s’agisse pas que ce  soit cette analysante là qui apparaît dans le rêve.
S. Sabinus : « C’est pas de l’esthétique dont il tombe amoureux, c’est du S barré poinçon a, ça n’a rien à voir avec la robe courte ou le joli décolleté ».
Françoise Fabre : « Pour les femmes analystes, ce n’est pas la même chose, enfin je parle pour moi, je ne peux pas dire que j’ai été prise comme ça d’un désir pour un analysant. Alors j’ai eu des justifications comme çà un peu primaires : de les entendre parler de leur difficulté de bander, ça ne rentrait pas dans mes fantasmes. Pour un homme il y a un peu le fantasme du sauveur, la pauvre petite qu’on va sauver… Pour ma part j’ai pas une vocation d’infirmière donc, ceux qui viennent avec leurs difficultés x, y ou z, ne me paraissent pas flamboyants pour moi. De la part de mes consoeurs analystes je n’ai pas entendu qu’elles se sentaient particulièrement attirées. Le maximum que j’ai pu rêvasser, « tiens celui-là si je l’avais rencontré dans un bistrot, j’aurai aimé le rencontrer dans la vie. »
R.Levy : «  C’est pas sexuel, c’est quand même ça la différence, c’est ce que tu viens de dire. Si je l’avais rencontré dans un bistrot, j’aurai bien parlé avec lui. »
S. Sabinus : « Cette question du passage à l’acte c’est quand même pratiquement, tout le temps à sens unique. Ce sont des jeunes analystes qui séduisent ou sont séduits par des femmes, je ne connais pas pour ma part, peut-être que vous en connaissez, en tout cas  quelques exemples mais c’est très rare, c’est tellement disproportionné en tout cas par rapport au pourcentage habituel, hommes femmes ana
lystes, que c’est assez étonnant. Il y a là, quelque chose, dont je ne sais pas rendre compte, pourquoi c’est spécifique aux hommes, est-ce-que ça correspond pas aussi à la question de la perversion.
Chantal Hagué :  « Je me suis demandée si ça n’était pas lié à cette idée du père de  la horde sauvage, à ce moment là, il n’y a plus de loi et…
R. Levy : « Pas sauvage, primitive ».
Chantal Hagué : « Primitive oui, même une analysante  à un moment je la vois comme ça, quelque chose de la loi qu’elle ne tient pas, il y aurait quelque chose d’une toute puissance comme ça, symbolique».
Serge Sabinus : « La toute puissance, d’une transgression de la loi c’est incestueux, mais l’inceste concerne aussi la femme, pas la femme, elle concerne les filles, pardon ».
Chantal Hagué : « Le masculin n’est pas concerné ».
Serge Sabinus : « Ah bon, tu crois que les filles ne sont pas concernées par l’inceste ?
Chantal Hagué : « Les filles sont concernées d’accord, mais elles vont changer d’objet, c’est pas pareil ».
Françoise Fabre : « Elles sont obligées de changer d’objet de désir.Elles peuvent séduire mais ne vont pas d’emblée, carrément. »
Robert Levy : «  enfin moi ça me pose, depuis deux, trois séminaires  la question suivante : qu’est-ce-qui dans une analyse de quelqu’un  donc, c’est une question sur la passe quand même, qu’est-ce-qui dans l’analyse de quelqu’un peut permettre, je dis bien permettre, parce que ce n’est pas aussi évident que ça,  que comme analyste, cette personne ne se prenne pas pour ce que on lui attribue, ça c’est une question qui me semble absolument fondamentale, et un peu en amont quand même, parce que ça vient relancer cette affaire, on l’entend pas du tout dans les passes, quasiment jamais, alors, ou bien ce ne sont pas des passes et c’est d’autre chose dont il s’agit, ou  bien ce sont des passes et il y en a pas beaucoup, on en a entendu quelques unes quand même ; mais cette question là n’est pas explicite, elle n’est pas beaucoup abordée,  or, c’est quand même le point central qui différentie , je crois, l’analyste de toute autre pratique, de toute autre posture, c’est précisément d’être à cette place de désir etc…, mais de pouvoir entendre ce que l’on lui attribue comme n’étant pas celui à qui on l’ attribue ; ça je ne connais pas d’autres domaines  du travail ou quoi que ce soit qui se pose dans ces termes là, or, la réponse, il n’y en a pas, il y en a une pour chacun, bien évidemment, elle est quand même  en amont, qu’est-ce-qui a pu être travaillé dans son analyse pour que ça, ne soit, c’est  jamais un acquis, bien entendu, rien n’est jamais acquis, mais enfin quand même, il y a, à mon avis un passage qui se fait ou qui ne se fait pas, voilà ! Et il me semble aussi que ça pose la question du passage à l’acte de ces personnes là, de passage  là qui n’est pas fait, on peut appeler cela la perversion, je ne crois pas beaucoup à cela. Il y a quelque chose dans l’analyse de la personne concernée qui ne s’est pas fait.
S.Sabinus : « Tous les termes que tu emploies, ce que tu cherches  à traquer, c’est un peu ce que j’essaie d’attraper, effectivement ça ne peut pas ne pas faire retour sur le questionnement,  qu’est-ce-qui s’est passé dans son analyse pour que à ce point-là, c’est-à-dire à cet endroit là de la cure, voilà que, il ne peut pas faire autrement que répondre. Voilà, il se met à répondre. Cette question là, c’est pour moi la question incestueuse du « Qu’est-ce-que tu me veux ? » Pas simplement, qu’est-ce-que tu veux, qui se dit dans le transfert, mais qu’est-ce-que tu me veux, avec des modalités pour chacun à chaque fois différentes, pour chacun je veux dire en tant qu’analyste recevant des analysants, va amener son analysant, parce que j’insiste sur ce point qui me semble, qu’il faut avoir d’abord été analyste avec cette patiente là, pour ne pas l’entendre à un moment précis de la cure, il faut avoir emmener la  cure jusqu’au point où la question arrive avec son point d’incandescence, j’aime bien ce mot parce qu’il y a indécence, pour que ce point d’incandescence ne soit pas franchi par l’analysante et l’analyste dans la cure, pour la raison que j’essaie d’attraper, à savoir que c’est parce que l’analyste  lui-même  dans sa propre cure ne l’a pas franchie. C’est cela la question du lui-même (m’aime), cette question de l’amour,  de cet amour c’est pas l’amour de la femme, pas l’amour des filles, c’est un amour pour moi, c’est la question de l’amour incestueux qui sait pas qu’il n’a pas pu franchir ou qu’il n’a pas franchi, et qui  lui revient par l’analysant, enfin je schématise  un peu ».
F. Fabre : « Il y a aussi du côté des analystes hommes, puisque il semble à peu près, relativement établi que c’est plus les analystes hommes qui sont séduits avec les femmes, le fait que l’homme, situé côté homme, est beaucoup plus dans la confusion avec le phallus qu’une femme. Alors dans le  couple analyste/ analysante, elle va lui faire son charme, et il va se faire prendre où justement ? Là où la castration est plus compliquée pour les hommes  que pour les femmes ».
S. Sabinus : « C’est propre au petit garçon par rapport à sa mère, la petite fille n’a pas cet enjeu là, oui, je suis d’accord avec toi ».
F. Fabre : « ça reste plus fragile chez un homme je pense. Il y a peut-être cette dimension là.
S. Sabinus : «  C’est ça qui est incestueux, se prendre pour ce que souhaite la mère exactement, ce qu’elle désire, je me prends pour ça, « je », petit garçon le prend pour ça, cela d’autant plus que c’est aussi ce qu’appelle les mères. Comme je disais tout à l’heure, ce n’est pas ça, c’est l’enjeu, que la mère puisse répondre à l’infans : «  non ce que tu m’offres ce n’est pas ça ».
F. Fabre : « ce que je vous avais parlé l’année dernière de ce bouquin, « mensonges sur le divan », dialogues sur le divan… Oui. Et on voit ce malheureux analyste, bon c’est une fiction bien faite,  c’est causant dans toutes les théories, bon, dans le livre il y a une hystérique qui décide d’aller chez cet analyste là,  parce que son mari avait fait une analyse avec lui et avait fini par la quitter, il l’a martyrisait, il fait une analyse et il la quitte. Pour se venger, elle décide de  lui demander de faire une analyse pour le faire craquer. Il ne voit même pas que c’est la femme de l’autre, il voit arriver une femme éblouissante et il lui sourit, il se rend compte qu’il met sa plus belle cravate, qu’il va s’acheter un nouveau costard, qu’il va s’asseoir à côté d’elle sur le divan, c’est assez chaud, et puis à un moment, hop ! il l’a recadre, et l’analyse se fait. A la fin ne venant pas faire une analyse, elle en a assez. C’est bien fait, on voit comment un analyste peut
être soumis à tous ces jeux de séduction dans lesquels il va se faire prendre, jusqu’au moment où il revient sur sa posture. Je ne sais pas si c’est de la jouissance… Que ce soit des hommes ou des femmes d’ailleurs, je me dis, celui-là je l’aurai rencontré dans la vie, ou celle-là, j’aurai bien aimé être son ami, quelqu’un d’intéressant, bon mais ça me passe assez vite d’ailleurs. Et alors je ne peux pas vous décrire, quelque chose de l’ordre du bonheur que c’est, quand justement le travail s’accomplit et que je vois partir les gens, que je ne reverrais jamais,  mieux que comme ils étaient arrivés,ils sont munis d’un tas de trucs… Les analysantes le disent, plus les femmes que les hommes d’ailleurs. C’est un bonheur, c’est peut-être de l’ordre de la jouissance, c’est vrai que je suis unique, et que ça c’est d’un précieux, c’est un bonheur. C’est beaucoup mieux pour moi d’avoir vécu ça avec eux que d’avoir eu une copine de plus.
S.Sabinus : « la jouissance c’est l’ incendie ».
R. Levy : « c’est quand on croit que c’est arrivé ».
Marie Hélène Elbaz : « Est-ce que les hommes qui passent plus au passage à l’acte que les femmes, je me demande si ça pose pas plus la question du masochisme féminin, est-ce qu’il pourrait pas y avoir quelque chose là, du masochisme ? Une femme ne peut pas s’autoriser, il y a une jouissance à ne pas … Dans tout ce que j’entends je pense à ça, sur l’épuisement de la jouissance, sur  cette question ».
R. Levy : « alors sur les analystes qui passent à l’acte, il ne faut pas non plus exagérer, parce qu’il y avait eu, il y a quelques années,  une petite enquête aux Etats Unis sur les praticiens psychiatres, pas analystes forcément, mais psychiatres,  ils étaient arrivés à conclusion je crois de plus de 25% de passage à l’acte sexuel quand même. Ce qui avait donné lieu à quelques questions.  La question de l’analyste c’est une question tout à fait centrale, dans la question du sexuel et du passage à l’acte, enfin il faut savoir que d’autres qui ne se posent pas du tout la question de l’analyse, sont dans les passages à l’acte extrêmement fréquents. Enfin ça répond sans doute pas à votre question, et côté homme bien évidemment, pas femme.
P. Woloszko : « c’est le score du Front National ! (rires) »…
F. Fabre : « Pour ce qu’il en serait de la mélancolie de l’analyste, et  qui ferait pour se défendre de ce point mélancolique, du désir du rien, c’est pas le désir d’un petit « a » venu du corps, on ne voit pas comment se fait le… Par contre on en parle peu, parce  justement il n’y a pas passage à l’acte, donc ça fait pas des catastrophes, mais ça fait des catastrophes abandonniques, des analystes qui sont dans le rien, il y en a un paquet et eux ils ne passent pas à l’acte ».

 

 

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