Seville-Margarita Moreno
« METTRE EN PANNE », PSYCHANALYSE AVEC LES ADOLESCENTS. Beaucoup d’auteurs parlent de l’adolescence comme d’une crise (par exemple, D. Winnicott), d’autres la conçoivent comme une mutation (c’est le cas de F. Dolto) ou comme un passage (J.J. Rassial la définit ainsi). Chaque dénomination met l’accent sur l’une des particularités de cette étape cruciale pour la future vie de l’adulte.
Nous comprenons l’adolescence comme un temps logique, qui commence avec la puberté, mais dont la résolution n’est pas liée à la chronologie, bien que, dans les développements normaux de l’adolescence, le facteur temps soit un allié. Néanmoins, il y a des distorsions subjectives qui se cristallisent à l’adolescence et qui vont nécessiter une intervention thérapeutique.
Par ailleurs, nous croyons important de noter, comme le font de nombreux auteurs, la tendance actuelle dans les sociétés développées à prolonger indéfiniment cette étape de la vie, à retarder le passage symbolique du groupe familial au groupe social, qui implique l’inscription dans le monde des adultes. Ce qui signifie que les jeunes se maintiennent dans une sorte d’adolescence inachevée, soutenue artificiellement, au prix d’une dépendance matérielle vis-à-vis des parents, ce qui sert, entre autres, les intérêts du marché, puisqu’ils sont un groupe social important comme consommateurs.Alors que je pensais que dans cette Journée j’allais parler des questions spécifiques touchant le traitement psychanalytique des difficultés des adolescents, j’ai trouvé un roman qui m’a aidé à penser à partir d’une fiction quelques particularités de cette étape. Ainsi, je suis tombé sur L’île au Trésor de R.L.Stevenson, roman dans lequel est décrit comment un garçon, Jim Hawkins, après la mort de son père, découvre dans les affaires d’un marin qui meurt dans l’auberge familiale (le capitaine Flint), la carte d’une île déserte avec les indications de l’emplacement d’un trésor caché.
Pour mener à bien cette aventure, ces deux personnages principaux, engagent un équipage avec le garçon comme mousse. Mais l’équipage est constitué d’une bande de flibustiers, aux ordres de John Silver, un véritable pirate sanguinaire qui convoite le trésor.
Les îles ont toujours été des lieux propices au développement de mythes, de légendes et de métaphores de la condition humaine et, comme le remarque José Manuel Fajardo dans un article intitulé « L’archipel des rêves »
[1] : « Au cœur de toute légende, il y a souvent une part de vérité, si petite soit-elle. »
Cette recherche du trésor, évoque immanquablement la proposition lacanienne qui définit « Le grand Autre » comme « trésor des signifiants », à l’origine de l’ordre symbolique, lieu d’où le sujet parlant constitue sa langue maternelle.
Revenons à Jim ; dans cette aventure qu’il entreprend après la mort de son père, il sera obligé, pour parvenir à neutraliser les pirates qui essaient de voler le trésor, de transgresser un ordre donné par les adultes en qui il a confiance, un ordre dont le but était de le protéger. Mais Jim veut être dans l’action, il ne veut pas que le trésor lui soit donné, il veut le conquérir, même si c’est au risque de sa vie.
Le cheminement vers la conquête du trésor suppose pour Jim de se séparer de son foyer ; il dit, au moment du départ, lorsqu’il va faire ses adieux à sa mère, et qu’il rencontre le garçon qui va le remplacer dans le commerce familial : « jusqu’à maintenant, j’avais seulement pensé aux aventures qui m’attendaient, et non au foyer que je laissais derrière moi ; et maintenant, alors que je vois celui… qui va occuper ma place auprès de ma mère, je me suis mis à pleurer pour la première fois ».
Le revécu du renoncement œdipien à la mère, moment nécessaire à une nouvelle assomption du corps de la part de l’adolescent, permet à Jim d’accomplir cet acte de séparation. Acte, en tant que coupure symbolique, cérémonial et origine de quelque chose d’inédit, qui modifie son positionnement face à lui-même et face au monde.
Dans ce roman, j’ai trouvé l’expression d’origine marine « mettre en panne » (poner al pairo), situation dans laquelle s’est trouvée l’Hispaniola quand l’île est apparue. Mettre en panne un bateau consiste à arrêter les moteurs et à orienter la voilure. Dans un sens figuré, être ou rester au « pairo », selon le Dictionnaire de Maria Moliner, c’est être ou rester inactif, sans prendre aucune résolution, mais prêt à entreprendre ce que les circonstances permettront.
[1] El País, 1 août 2009
Plus tard, j’ai trouvé dans le livre de Jean-Jacques Rassial l’emploi de cette expression « Le Sujet en état limite ». L’auteur propose de penser ainsi cette forme de présentation du sujet dans la clinique actuelle : « Sujet qui échappe autant à la sémiologie psychopathologique traditionnelle qu’à la clinique structurale psychanalytique »[1].
Au-delà des polémiques pour savoir si les états limites (dénommés classiquement borderline) sont ou pas une nouvelle catégorie clinique, ce qui est intéressant à observer, c’est l’idée qu’il existe une relation étroite entre l’état-limite et le déclin de la fonction paternelle, associé à l’apogée du discours de la Science. Et puis, comme l’auteur le propose, « l’adolescence, à la fois comme opération psychique aussi fondamentale que les premières identifications et comme témoignage exemplaire de l’état d’une civilisation, peut être immédiatement définie comme un état limite » [2]
L’adolescent doit changer et en même temps continuer à être le même. La poussée de la pulsion sexuelle à la puberté modifie la relation avec les parents et avec les semblables. Si la voix et le regard des parents, surtout de la mère, soutiennent l’unification corporelle et narcissique infantile sur laquelle s’appuie le moi, à l’adolescence, la ré-appropriation de l’image corporelle sera garantie par ce que les semblables verront et diront.
Cette sensibilité particulière aux regards et aux commentaires des camarades et, spécialement, de ceux qui pourraient être partenaires, est quelque chose qui tourmente beaucoup d’adolescents. Il est fréquent qu’arrivent en consultation des garçons ou des filles qui ont abandonné leurs amitiés infantiles et qui se sont isolés socialement parce qu’ils ne trouvent pas leur place parmi le groupe des pairs, devant qui ils se sentent « bizarres » ou même persécutés et harcelés.
D’autre part, la nécessité de se séparer des parents comme figures d’identification infantile s’exprime pour l’adolescent en termes de déception et de conflit.
Si l’être humain vient au monde comme objet du désir de ses parents, son itinéraire doit le mener à devenir un sujet désirant. Au moment de l’adolescence, on perd les parents infaillibles et immortels de l’enfance et ce sera éprouvé par le garçon ou la fille comme une déception. Cette déception qui retombe sur les parents et la famille, est une rupture structurante avec ce qui avait été institué dans l’enfance ; elle met en danger le sujet adolescent et pose des problèmes à ses parents, lesquels auront aussi à faire un deuil pour remanier leur relation avec leur enfant et assumer que le fait qu’il grandisse les rapproche de la vieillesse et de la mort.
Winnicott propose, dans ce sens : « Si l’enfant doit devenir adulte, ce passage s’accomplira alors sur le corps mort d’un adulte » [3]
Les parents dans l’enfance ont soutenu leur enfant dans sa construction psychique en incarnant imaginairement le lieu de l’Autre. L’enfant devient sujet à travers ce parcours qui le mène d’une aliénation « être pour la mère » (combler le désir de l’Autre maternel), aliénation due à la dépendance qui est la sienne à la naissance, à la confrontation avec son propre manque à être (la castration) avec l’intervention de la fonction paternelle.
L’intervention de l’instance paternelle, qui énonce la loi de l’interdit de l’inceste, permet une opération métaphorique dans le sujet, qui finira par incorporer les prohibitions dans une nouvelle instance psychique qui surgit à la fin de l’Oedipe : le surmoi. Instance médiatrice entre les tensions sexuelles du Ça et les exigences de la réalité auxquelles le moi doit répondre.
Le signifiant du Nom-du-Père permet la production d’une métaphore grâce au fait que « quelque chose du père » oriente le désir de la mère. F. Dolto signalait, sur ce point, la nécessité que l’enfant ne soit pas, au cours de son développement, plus important pour le désir de ses parents (ou de l’un d’entre eux) qu’un autre adulte.
À l’adolescence la question est : comment passer de l’opérateur symbolique que nous avons nommé Nom-du-Père en référence à la figure paternelle et à la famille, aux Noms du Père (au pluriel) soutenus par de nouvelles références symboliques sociales ce qui amènera à une re-fondation de l’identité, à la fin de la période adolescente.
Quand les adolescents viennent consulter, ils sont sous les effets de ce que nous avons nommé une déception. Ils se présentent avec des tableaux d’angoisse et de dépression, avec de nombreuses expressions symptomatiques sous forme d’actions (acting-out et passages à l’acte) ou avec d’importantes inhibitions qui révèlent un renoncement à leur désir propre, comme s’ils attendaient la mort de l’Autre, tout en vivant eux-mêmes comme s’ils étaient morts.
l’enfance ; elle met en danger le sujet adolescent et pose des problèmes à ses parents, lesquels auront aussi à faire un deuil pour remanier leur relation avec leur enfant et assumer que le fait qu’il grandisse les rapproche de la vieillesse et de la mort.
Winnicott propose, dans ce sens : « Si l’enfant doit devenir adulte, ce passage s’accomplira alors sur le corps mort d’un adulte » [1]
Les parents dans l’enfance ont soutenu leur enfant dans sa construction psychique en incarnant imaginairement le lieu de l’Autre. L’enfant devient sujet à travers ce parcours qui le mène d’une aliénation « être pour la mère » (combler le désir de l’Autre maternel), aliénation due à la dépendance qui est la sienne à la naissance, à la confrontation avec son propre manque à être (la castration) avec l’intervention de la fonction paternelle.
L’intervention de l’instance paternelle, qui énonce la loi de l’interdit de l’inceste, permet une opération métaphorique dans le sujet, qui finira par incorporer les prohibitions dans une nouvelle instance psychique qui surgit à la fin de l’Oedipe : le surmoi. Instance médiatrice entre les tensions sexuelles du Ça et les exigences de la réalité auxquelles le moi doit répondre.
Le signifiant du Nom-du-Père permet la production d’une métaphore grâce au fait que « quelque chose du père » oriente le désir de la mère. F. Dolto signalait, sur ce point, la nécessité que l’enfant ne soit pas, au cours de son développement, plus important pour le désir de ses parents (ou de l’un d’entre eux) qu’un autre adulte.
À l’adolescence la question est : comment passer de l’opérateur symbolique que nous avons nommé Nom-du-Père en référence à la figure paternelle et à la famille, aux Noms du Père (au pluriel) soutenus par de nouvelles références symboliques sociales ce qui amènera à une re-fondation de l’identité, à la fin de la période adolescente.
Quand les adolescents viennent consulter, ils sont sous les effets de ce que nous avons nommé une déception. Ils se présentent avec des tableaux d’angoisse et de
dépression, avec de nombreuses expressions symptomatiques sous forme d’actions (acting-out et passages à l’acte) ou avec d’importantes inhibitions qui révèlent un renoncement à leur désir propre, comme s’ils attendaient la mort de l’Autre, tout en vivant eux-mêmes comme s’ils étaient morts.
[1] D.W. Winnicott “Jeu et réalité” Editions Gallimard. Page 200
SourceURL:file://localhost/Users/fangetcrozat/Documents/Seville%202009/2%20M.%20Moreno%20def.doc
Ils viennent généralement accompagnés de leurs parents, quand ils ne sont pas “traînés” par eux. Le plus souvent, les parents donnent au premier entretien des définitions des symptômes de leur enfant face auxquels ils se sentent angoissés. Ces définitions parentales nous montrent le type d’interactions inconscientes qui se produisent entre eux et leur enfant. Mais ce qui importe, pour un analyste, comme le dit F. Dolto « ce n’est pas l’angoisse des parents, aussi justifiée soit-elle, mais ce qu’exprime le symptôme en relation avec la problématique particulière de chaque cas”[1].
Pour que l’adolescent puisse déployer ses propres inquiétudes au moyen de la parole dans le traitement et qu’il puisse prendre en charge ses symptômes, il est nécessaire que la relation transférentielle s’installe. Dans le transfert, l’analyste va incarner provisoirement le lieu de l’Autre, permettant que l’autorité soit déplacée sur un adulte qui n’est pas un familier, à l’aide de cette fiction du savoir supposé sur le sens des symptômes. Bien qu’il n’applique pas au discours du patient un savoir déjà constitué en théorie, l’analyste doit occuper cette fonction. Soutenir ce lieu, maintenir une apparence d’autorité qui accueille les modifications dues aux ravages de l’écroulement imaginaire de l’Autre paternel est essentiel au travail, parce qu’il est important de ne pas adhérer à la définition des symptômes que donnent les parents ou le milieu social.
La fin de ce parcours passe par la destitution de l’analyste de cette fiction, ce qui implique que l’Autre cesse d’être incarné pour se constituer en lieu des signifiants qui représentent le sujet.
Pendant que se déroule ce travail, souvent, apparaissent des situations de résistance, et il semble que le travail est interrompu. De longues périodes de silence peuvent se produire, des difficultés à parler, des mises en question du traitement explicites ou en actes (ne pas venir, oublier, arriver en retard, ne pas payer, etc…).
Ce sont des moments difficiles où la continuité du traitement est menacée. L’analyste doit se méfier de son inquiétude, ne pas se précipiter pour annuler ce flottement qui lui fait souvent se demander: cet adolescent, pourquoi est-il venu ? ou : pourquoi continue-t-il à venir ? Mais nous constatons l’importance de persévérer dans ces moments-là, en tenant sur notre fonction, puisque, comme le dit Winnicott : « puisqu’un défi est lancé par l’adolescent, l’adulte se doit d’y répondre, ce qui ne sera pas nécessairement une partie de plaisir ».[2]
5 Introduction au livre de Maud Mannoni Le Premier rendez-vous avec le Psychanalyste. Ed Denoël.
Ainsi, pourrons-nous nous « mettre en panne », en attendant que l’adolescent apporte les clés, avec les voiles de l’écoute tendues, jusqu’à ce qu’une vérité fasse irruption dans la parole. Et quand le vent sera favorable, quand apparaîtra le moment propice (le kairos des sophistes), permettre que l’aventure se poursuive en apprenant de l’adolescent comment faire, ce qui est possible si l’analyste admet qu’il n’a rien à lui enseigner et que la vérité du symptôme n’est pas un savoir total.
Permettez-moi de conclure avec une poésie d’Antonio Machado qui, à mon avis, apporte un brin de vérité à ce que j’expose aujourd’hui:
Conseils
Il faut savoir attendre,
attends le flux de la marée,
– comme une barque sur le rivage –
sans que le départ t’inquiète.
Quiconque attend
sait que la victoire est à lui ;
car la vie est longue et l’art est un jouet.
Et si la vie est courte
et si la mer n’arrive à ta galère,
attends sans partir et espère toujours,
car l’art est long et, d’ailleurs,
c’est sans importance.
Jim partage cette découverte avec deux adultes en qui il a confiance, le Docteur Livesey et le noble Trelawney, qui décident d’affréter un bateau (La Hispaniola) pour entreprendre le voyage.
SourceURL:file://localhost/Users/fangetcrozat/Documents/Seville%202009/2%20M.%20Moreno%20def.doc
Pour mener à bien cette aventure, ces deux personnages principaux, engagent un équipage avec le garçon comme mousse. Mais l’équipage est constitué d’une bande de flibustiers, aux ordres de John Silver, un véritable pirate sanguinaire qui convoite le trésor.
Les îles ont toujours été des lieux propices au développement de mythes, de légendes et de métaphores de la condition humaine et, comme le remarque José Manuel Fajardo dans un article intitulé « L’archipel des rêves »[1] : « Au cœur de toute légende, il y a souvent une part de vérité, si petite soit-elle. »
Cette recherche du trésor, évoque immanquablement la proposition lacanienne qui définit « Le grand Autre » comme « trésor des signifiants », à l’origine de l’ordre symbolique, lieu d’où le sujet parlant constitue sa langue maternelle.
Revenons à Jim ; dans cette aventure qu’il entreprend après la mort de son père, il sera obligé, pour parvenir à neutraliser les pirates qui essaient de voler le trésor, de transgresser un ordre donné par les adultes en qui il a confiance, un ordre dont le but était de le protéger. Mais Jim veut être dans l’action, il ne veut pas que le trésor lui soit donné, il veut le conquérir, même si c’est au risque de sa vie.
Le cheminement vers la conquête du trésor suppose pour Jim de se séparer de son foyer ; il dit, au moment du départ, lorsqu’il va faire ses adieux à sa mère, et qu’il rencontre le garçon qui va le remplacer dans le commerce familial : « jusqu’à maintenant, j’avais seulement pensé aux aventures qui m’attendaient, et non au foyer que je laissais derrière moi ; et maintenant, alors que je vois celui… qui va occuper ma place auprès de ma mère, je me suis mis à pleurer pour la première fois ».
Le revécu du renoncement œdipien à la mère, moment nécessaire à une nouvelle assomption du corps de la part de l’adolescent, permet à Jim d’accomplir cet acte de séparation. Acte, en tant que coupure symbolique, cérémonial et origine de quelque chose d’inédit, qui modifie son positionnement face à lui-même et face au monde.
Dans ce roman, j’ai trouvé l’expression d’origine marine « mettre en panne » (poner al pairo), situation dans laquelle s’est trouvée l’Hispaniola quand l’île est apparue. Mettre en panne un bateau consiste à arrêter les moteurs et à orienter la voilure. Dans un sens figuré, être ou rester au « pairo », selon le Dictionnaire de Maria Moliner, c’est être ou rester inactif, sans prendre aucune résolution, mais prêt à entreprendre ce que les circonstances permettront.
SourceURL:file://localhost/Users/fangetcrozat/Documents/Seville%202009/2%20M.%20Moreno%20def.doc
Plus tard, j’ai trouvé dans le livre de Jean-Jacques Rassial l’emploi de cette expression « Le Sujet en état limite ». L’auteur propose de penser ainsi cette forme de présentation du sujet dans la clinique actuelle : « Sujet qui échappe autant à la sémiologie psychopathologique traditionnelle qu’à la clinique structurale psychanalytique »[1].
Au-delà des polémiques pour savoir si les états limites (dénommés classiquement borderline) sont ou pas une nouvelle catégorie clinique, ce qui est intéressant à observer, c’est l’idée qu’il existe une relation étroite entre l’état-limite et le déclin de la fonction paternelle, associé à l’apogée du discours de la Science. Et puis, comme l’auteur le propose, « l’adolescence, à la fois comme opération psychique aussi fondamentale que les premières identifications et comme témoignage exemplaire de l’état d’une civilisation, peut être immédiatement définie comme un état limite » [2]
L’adolescent doit changer et en même temps continuer à être le même. La poussée de la pulsion sexuelle à la puberté modifie la relation avec les parents et avec les semblables. Si la voix et le regard des parents, surtout de la mère, soutiennent l’unification corporelle et narcissique infantile sur laquelle s’appuie le moi, à l’adolescence, la ré-appropriation de l’image corporelle sera garantie par ce que les semblables verront et diront.
Cette sensibilité particulière aux regards et aux commentaires des camarades et, spécialement, de ceux qui pourraient être partenaires, est quelque chose qui tourmente beaucoup d’adolescents. Il est fréquent qu’arrivent en consultation des garçons ou des filles qui ont abandonné leurs amitiés infantiles et qui se sont isolés socialement parce qu’ils ne trouvent pas leur place parmi le groupe des pairs, devant qui ils se sentent « bizarres » ou même persécutés et harcelés.
D’autre part, la nécessité de se séparer des parents comme figures d’identification infantile s’exprime pour l’adolescent en termes de déception et de conflit.
Si l’être humain vient au monde comme objet du désir de ses parents, son itinéraire doit le mener à devenir un sujet désirant. Au moment de l’adolescence, on perd les parents infaillibles et immortels de l’enfance et ce sera éprouvé par le garçon ou la fille comme une déception. Cette déception qui retombe sur les parents et la famille, est une rupture structurante avec ce qui avait été institué dans