Seville-Maria-Cruz Estada
« TOI, TU NE VAUX RIEN, POUR LE CAPITAL » (Symptôme du XXIéme sciècle)
David, 17 ans, face à son échec scolaire, a décidé de ne plus aller au lycée, de prendre quelques mois pour réfléchir, pour retrouver confiance en lui, et il se fait embaucher dans une entreprise . Ses qualités le font apprécier de ses chefs et de ses collègues. Au bout de quelques mois, le Directeur des Ressources humaines le fait appeler et sur un ton très désagréable, il lui dit que l’on est très mécontent de son travail et même qu’il est vraiment inutile, raison pour laquelle on a décidé de le licencier ; et tout en lui disant cela, très en colère, il projette son solde de tout compte pour qu’il le signe. David est angoissé et il signe. Quelques heures plus tard, en parlant à sa famille, il comprendra que le chef a employé une technique agressive, produit de ce que nous pourrions appeler “le savoir du capitaliste” -dans le sens de ce que Lacan nomme le discours capitaliste- afin d’obtenir l’accord de l’employé avec le licenciement. Discours du capitaliste que Lacan écrit:
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Le mot « inutile » restera longtemps présent à son esprit. L’état d’insécurité qu’il va devoir affronter à l’avenir importe peu pour l’entreprise. Ce qui compte vraiment pour elle, c’est d’avoir pu épargner quelques milliers d’euros[1]. Et ceci parce que David ne vaux rien pour le capital.
Fernando a obtenu le travail de ses rêves, consultant dans l’une des grandes entreprises de ce pays, il s’y engage avec toute son énergie, son enthousiasme et son portefeuille de clients. Il dira que le grand chef charismatique est comme un père pour lui. Seulement une angine de poitrine, et le commencement d’une analyse, ainsi que la perte de son portefeuille de clients subtilisé par ce chef qui était comme un père, le font changer d’avis et se rendre compte qu’avant de le licencier pour son manque de productivité, il était obligé de travailler vingt heures par jour. S’il avait dû consommer pour cela certaines substances et sacrifier sa santé, c’était son problème, parce que c’est un fait que Fernando ne vaut rien non plus pour le capital.
David et Fernando viennent avec des symptômes qui vont bien au-delà de ceux que produit un narcissisme blessé. Tous deux ont raconté avoir été au bord du passage à l’acte, proches de la dépersonnalisation.
J’ai l’habitude de dire qu’aujourd’hui les jeunes veulent tout (sans limites à la jouissance), ils le veulent immédiatement (sans retard ni détour possibles, la notion de temps a changé, il n’y a plus de temps pour le sujet), ils le veulent
[1] L’objet aprend ici la forme des bénéfices obtenus dans cette opération où un savoir a été utilisé, de ceux que l’on nomme maintenant par euphémisme “techniques proactives” ou autres (qui servent uniquement à obtenir ce type de résultats)
sans rien donner en retour (sans avoir à perdre pour gagner, sans entrer dans aucune négociation, ce qui serait le fruit de l’oedipe), et ils le veulent sans avoir à faire aucun effort (parce que ce tout, ils le méritent, un tout identifié au phallus). Mais on peut dire la même chose de leurs parents.
Que disait Lacan du discours capitaliste ? Qu’il n’est ni faible ni stupide, mais follement rusé. Il disait aussi qu’il était insoutenable et destiné à crever. Pour le moment, ce sont David et Fernando qui crèvent, et non pas le discours capitaliste qui continue à produire ses effets. Nous allons le voir.
Reportage du Journal EL PAÍS, 31 octobre 2009 : Le cinéma d’horreur sadique est-il malsain? Je lis : « Dans une des scènes de Saw VI une femme doit se mutiler pour assurer sa survie. Quel est l’effet sur le spectateur d’une scène aussi pénible ? Une professeur de philosophie dit : « La cruauté a toujours été présente au cinéma, parce que, comme la tendresse, elle fait partie de notre psychisme. (…) Ces films ont plus de succès chez les jeunes car au fond ce sont de terribles niaiseries (…) quand ils voient quelque chose qui s’éloigne du commercial ils ne savent pas où soutenir l’émotion des images. Ils se perdent (…) »
La professeur de philosophie ne se rend pas compte que d’un côté, elle dit que ces images sont des niaiseries et de l’autre que les jeunes ne trouvent pas où soutenir l’émotion des images. Mais, est-ce que ce n’est pas dans la pensée que nous avons à soutenir les émotions? Est-ce que l’équilibre psychique ne se soutient pas dans le fait de passer et de repasser par les circuits signifiants, ce que Freud appelait le processus secondaire? Si elle dit que ce sont des niaiseries, elle dévalue le jugement des gamins à propos de la cruauté qu’ils perçoivent, qui a à voir avec le jugement d’attribution. S’ils ne peuvent plus se confier sur ce qu’ils pensent de ce qu’ils perçoivent, comment ne s’y perdront-ils pas?
Le fait de ne pas pouvoir trouver d’appui pour une parole vraie, c’est un effet du discours capitaliste, qui ne s’intéresse qu’à la parole ou au savoir qui permet d’accumuler de l’argent. Pouvons-nous alors nous étonner de ce que ce XXIe siècle soit marqué par une prédominance de l’image perçue sur l’image pensée, et par une prééminence de l’action sur le mot ?
Nous pouvons penser que la mutilation de plusieurs livres de chair successives est une métaphore de la castration dont les adolescents ont besoin pour inscrire la violence qui accompagne ce pas si difficile à franchir qu’est l’adolescence, ou bien nous pouvons nous demander où est la ligne de séparation entre la métaphore et la métonymie pour cette castration impossible à finir de refouler. J’avoue ne pas savoir parfois où trancher (en parlant de mutilations…) par rapport à ce qu’il vaudrait mieux censurer. N’importe quel passage à la fiction peut-il être salutaire? Quand j’ai cherché dans Google quelque chose sur le happy slapping (filmer des scènes de violence réelle avec son mobile et les mettre sur Internet), j’ai trouvé rassurant qu’il y ait seulement trois photos fixes. Google a décidé de ne pas alimenter la jouissance. Françoise Dolto se demandait si l’enf
ant a le droit de tout savoir. Peut-être que maintenant nous pourrions nous demander si l’enfant a le droit de tout voir. En tout cas, entant qu’analyste ce n’est pas mon affaire de mettre des frontières sauf dans ma consultation; mais je me dois de prendre en charge quelques effets du discours capitaliste.
Revenant à l’obscénité de ce qui s’offre au regard, nous devons parler du happy slapping. Là il n’y a aucune métaphore, mais une violence réelle, une violence sans conflit de générations, sans argument, une pure décharge de pulsion scopique et de violence pour se faire plaisir.
Il y a quelques années j’ai présenté à Alicante[1] un travail sur la violence chez les enfants et les adolescents en m’appuyant sur les théories de notre collègue J.P. Lebrun qui proposait la thèse selon laquelle cette violence non structurale serait une conséquence de l’effacement de la différence entre générations. Je continue à penser cela, mais peut-être que maintenant j’ai pu faire un tour de plus, et ma question serait alors : qu’est-ce qui s’efface quand s’estompe la différence entre les générations ? Ma réponse est : le réel comme impossible, ou l’impossible du réel. Impossible qui, justement, ne s’inscrit pas dans le discours capitaliste.
Toute l’histoire de l’humanité et de la littérature est pleine d’exemples de cette violence que les enfants destinent à leurs parents, violence structurale, œdipienne, due à un impossible auquel nous nous confrontons en tant qu’êtres humains : le fait que nous ne pourrons jamais être dans la génération de nos parents même si nous leur donnons l’estocade. Les adolescents reconnaissent cet impossible, tout en luttant contre lui pour l’éprouver. Mais, la violence d’aujourd’hui n’a rien d’œdipienne….
Parlons maintenant de quelque chose de fréquent dans nos consultations.
Délia, 12 ans, est atteinte avant l’été de bruxisme et de diverses terreurs, diurnes et nocturnes, contre lesquels elle se voit obligé de faire des rituels, ce qui inquiète ses parents. « J’en ai marre que mon frère pénètre dans ma chambre parce que l’ordinateur s’y trouve. Le mois dernier il m’a introduit un virus » (métaphore magnifique d’autre type de contaminations). « Tous les livres qui ne rentrent pas dans le salon, mon père les introduit dans ma chambre ». Dans cette maison, cette propension à « introduire » peut s’entendre à un niveau métaphorique et l’on peut percevoir dans ces plaintes quelque chose d’habituel dans les foyers espagnols (avec, par exemple, les disputes qui ont à voir avec «qui a la télécommande »).
Les parents de Délia sont des gens modernes qui n’empêchent pas leur fille de regarder des séries TV dans lesquelles on parle ouvertement de sexe entre adolescents ou entre adultes et adolescents. Dans cette maison tout semble possible. Il n’y a pas de portes fermées que l’on ne puisse ouvrir sans frapper, ni tiroirs cachés, parce que : qu’y aurait-il à cacher ?
« Figure-toi Maria Cruz – disait le père – je peux te tutoyer: non? Je tutoie tout le monde – dernièrement, Délia ne veut pas se montrer nue à la plage devant
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nous. Une petite fille habituée à nous voir nus ma femme et moi depuis toujours, c’est un peu curieux que soudain elle commence à manifester cette pudeur absurde: n’est-ce pas? ». Non, je ne crois pas, ai-je répondu, à son grand étonnement.
Délia est une petite fille dégourdie qui à un moment donné de la cure commence à s’intéresser à la saga « Les Sentinelles du Crépuscule » (Twilight), d’abord avec les livres et finalement le film. Je suis allée le voir. Dans le film, une fille d’environ 16 ans « décide » d’arrêter de vivre avec sa mère en Arizona pour que « la pauvre » puisse voyager avec son nouveau mari et elle part vivre avec son père dans un autre État. Le père ne s’est pas remis en couple et c’est là un détail important. Dans son nouveau lycée, elle rencontre un beau jeune homme, un peu trop pâle, qui la regarde avec une passion débordante et qui bientôt, lui avouera qu’il est un vampire, et il se présente avec tous les attributs du Maître : « Je suis le plus grand prédateur qui existe », dit-il. Et en plus il la désire… ou il désire son sang —tout le temps on joue avec l’ambiguïté—. Il la désire tellement qu’il doit la fuir parfois parce que son désir est trop intense et il craint de ne pas la respecter comme elle le mérite.
Je pense que vous pouvez imaginer toutes les équivoques qui se produisent sur ce fond d’hémoglobine ardente pour que le film ait pu être autorisé pour tous publics, y compris à la fin où on ne sait pas trop s’il lui mord le cou pour qu’elle devienne vampire ou s’il l’embrasse. A un moment donné, le héros vampire sauvera la jeune fille… d’un autre vampire qui n’est pas végétarien. Et là on apprend que le jeune protagoniste est un vampire végétarien parce que sa lignée a renoncé depuis des siècles à aller au bout de la jouissance liée au sang humain : « Nous mangeons des animaux, mais le fait de ne pas manger d’humains, nous laisse insatisfaits ». Ce sont donc des vampires parfaitement névrosés qui sont passés par le refoulement et, par conséquent, ils sont capables de renoncer, non seulement à leur satisfaction immédiate, mais aussi à leurs pulsions assassines. Reconnaissez que l’astuce que les scénaristes ont trouvée pour rester sur le plan de la loi du père, est géniale.
Mais je me suis dit que, finalement, Les sentinelles du Crépuscule n’était qu’un roman à l’eau de rose comme ceux de Rafael Pérez y Pérez, il y a un siècle, quoique un peu dégoûtant, et j’ai dit à Délia que je ne comprenais pas pourquoi cette saga intéressait autant les filles, en quoi c’était mieux que d’autres romans d’amour. Elle m’a regardé avec le mépris de celui qui contemple un ver de terre et me dit : « puisque le garçon est un vampire, c’est une histoire impossible! ».
Je sais que les analystes présents, depuis un bon moment, sont en train de voir se dessiner les contours d’une future structure hystérique. D’accord, mais ce n’est pas ça l’important. Dans les anciens romans, l’amour impossible découlait de la condition aristocratique de l’un des partenaires et de l’appartenance de l’autre au prolétariat. Je ne crois pas que la nécessité de ce stratagème : introduire des êtres à moitié morts, tient seulement au déclin de l’aristocratie. Pourrait-on dire qu’il est de plus en plus difficile de concevoir un impossible et que les enfants ont besoin d’aller le chercher dans l’au-delà?
En effet, dans une famille – celle de Délia comme tant d’autres – et dans un monde dans lequel tout est imaginable, dans lequel, non seulement, nous avons à notre disposition tous les objets pour notre plaisir, mais où nous-
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mêmes devenons objets de consommation, comme quand Nespresso nous considère comme membres de son club, alors qu’en fait, rapidement, nous réalisons que George Clooney nous a mordu le cou pour que nous achetions ces capsules de café, éternellement; un monde dans lequel les différences sont effacées (entre les sexes, entre les générations, entre un professionnel et le patient qui vient le consulter avec une boîte de coca qui suinte sur mon beau bureau et en mâchant du chewing-gum tandis qu’il me tutoie), comment les enfants et les jeunes font-ils pour inscrire les impossibles qui représentent des points de butée à la jouissance, butée qui fait de nous des êtres humains et nous libère de notre condition originaire d’objets phalliques?
De retour à Délia, nous voyons qu’elle a aussi trouvé une issue : puisque dans le social il y a un acharnement pour faire de la vie sexuelle quelque chose de complètement naturel et explicite, et pour faire disparaître les voiles du mystère, de l’énigme un peu émouvante, de la tendresse qui me semble la façon la plus positive par laquelle le réel du sexe peut nous être montré, et puisque ses parents ont décidé de se défendre du sexuel[1] en dévoilant leur sexualité à la lumière du jour, elle inscrira l’impossible un peu au-delà ; et s’il n’y a pas de barrière entre parents et enfants, elle aura à faire seule l’effort de la construire ; mais pas tout à fait seule, puisqu’elle est en analyse. Elle pourra donc passer de symptômes ennuyeux comme le bruxisme et les rituels, à sa passion pour la saga Crépuscule qui nous annonce quelque chose de l’ordre du Sinthome.
L’entrée dans le langage borne des territoires qui seront à jamais des impossibles pour le sujet humain. Toutefois, nous constatons que le progrès astronomique de la science dans ces dernières années, contribue à produire cette forme particulière de croyance que l’impossible peut être surmonté. Moustafa Safouan dit[2] : « Le jugement d’impossibilité implique que la loi d’interdit de l’inceste (…) fonctionne dans l’inconscient comme limitation imposée à l’ombilication première (…)« .En effet, dans les « Études sur l’Œdipe” (Seuil, 1974), Safouan parle de « jugements d’impossibilité », dans lesquels » se fait sentir le poids de la castration”. Il donne des exemples tels que: « Il est impossible d’avoir la même date de naissance que son père », (…) » le passé ne revient pas », (…) des propositions universelles qui tracent les chemins vers la réalité. Elles supposent les affirmatives qui les précèdent, et leur apparition dans le discours de l’inconscient signifie la rupture avec ces affirmations-là. (…) « .
Parfois les parents qui, comme nous le rappelle Robert Lévy dans son dernier livre, se doivent d’être les « agents de l’opération métaphorique », craignent de ne pas être assez progressistes, ou bien par facilité, ne renoncent pas à la jouissance, et ils « désorientent l’ordre symbolique », selon l’expression de J.J. Rassial, au lieu d’aider leurs enfants à obtenir un refoulement complet, ce qui les aiderait à entrer dans la période de latence, ou bien à en sortir, deux frontières difficiles à traverser. Y entrer leur permettrait d’investir le culturel et le lien social, d’aller du côté des Idéaux et de mettre à distance le monde des objets. Les adolescentes qui aujourd’hui, par exemple, ne quittent pas leur
[1] Idée pertinente que je dois à Bernard Brémond
[2] M. Safouan : Études sur L’oedipe, Ed. Siglo XXI, México 1977, págs. 52 y ss.
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ordinateur ou d’autres écrans, sont parmi ceux qui ne peuvent pas sortir de la latence.
Je crois que ces jugements d’impossibilité dont parle Safouan et ce « désorienter l’ordre symbolique » que commente Rassial[1], ont à voir avec la nécessaire effectuation du refoulement, dont Robert Lévy parle dans son livre[2]. Et ces trois idées vont dans le sens du discours de l’analyste, à l’opposé du discours capitaliste, car pour l’analyste, l’objet a occupe la fonction de cause du désir.
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Dans d’autres cas la question est p
lus délicate, parce que on commence à voir quelques adolescents de 14-15 ans qui disent que leur corps est erroné et qui veulent être opérés pour changer de sexe, ce qui angoisse beaucoup les collègues qui les reçoivent – j’ai entendu de tels cas en supervision – parce qu’ils ne veulent pas être répressifs mais d’un autre côté ils se demandent si ces garçons-là ne sont pas en train de s’engager dans une psychose, alors il ne faut pas les encourager dans leur tentative d’inscrire dans le réel de leur corps ce qui ne parvient pas à s’inscrire symboliquement : la castration. Dans ces cas nous ne sommes pas devant des parents qui désorientent l’ordre symbolique, mais devant des familles qui l’abolissent directement. Mais attention, parce qu’il existe un discours prétendument progressiste que la société a adopté très rapidement, et qui traite en termes de droits ce qui est la manifestation d’une grave difficulté. Rassial[3], en parlant du déclin des noms du père dit : « Sans doute l’analyste dans la cité a quelque chose à en dire, ne serait-ce qu’en refusant de cautionner les dérives qui accentuent ce déclin« . Et il parle de certaines solutions sociales qui accompagnent ce déclin parmi lesquelles il situe l’autorisation d’une castration réelle pour les transsexuels, la réduction du père à une fonction biologique, etc… Il nous invite alors comme professionnels à ne pas être complaisants avec ces choses-là.
Pour finir, revenons à David et à Fernando, les jeunes qui ne valent rien pour le capital ; Robert Lévy nous rappelle un passage du petit Hans de Freud et il dit : « Ainsi, l’enfant en tant que métonymie éprouve ce que c’est que de ‘n’être rien’. » Alors, nous avons deux possibilités symptômatiques : la première est la solution de compromis dont parle Freud, conséquence du renoncement forcé à un lieu, celui du phallus, lieu dans lequel nous n’avions jamais été, non parce que l’Autre ne nous désirât pas comme phallus, mais parce que le phallus n’existe pas et que, en tant que névrosés, nous sommes devant un impossible à inscrire, sauf comme prohibition, et la prohibition de nos jours… est très mal vue; ce sont là les symptômes névrotiques courants.
[1] J.J. Rassial: Le sujet en état limite, Ed. Denoël, Paris 1999.
[2] R. Lévy: L’infantile en Psychanalyse. La construction du symptôme chez l’enfant.
Editions Erès, Paris, 2008
Ed. Letra Viva, Buenos Aires 2008
[3] J.J. Rassial: Idem, p. 178.
D’un autre coté, quand la capacité de métaphorisation est atteinte, ou quand la métaphore du Nom du Père n’est pas suffisamment constituée, tout être humain a pu, je crois, expérimenter cela, enfant ou adolescent, ce que c’est de “n’être rien pour celui qui est placé dans la position de l’Autre”, et ce sont des moments où n’importe qui peut se précipiter dans un passage à l’acte, surtout ceux pour qui la symbolisation est défaillante.
Peut-être de ce fait, et c’est une hypothèse que je mets à l’épreuve, ici, devant vous, même chez les adultes qui ont pu achever un travail de refoulement et construire par conséquent la Métaphore paternelle, il peut y avoir des moments dans la vie, en présence de signifiants particuliers comme « tu es vraiment inutile” où l’on peut penser que quelque chose se réactualise d’une époque où la métaphore n’était pas encore complètement constituée. Elle était alors comme entre parenthèses. Pourrions-nous appeler traumatiques ces moments de rencontre avec des signifiants qui amènent de l’horreur, l’horreur de la métonymie? C’est l’idée que je me fais pour m’expliquer les passages à l’acte chez certaines personnes. Il y a quelque chose d’une horreur très profonde qui peut resurgir. C’est aussi mon hypothèse à propos de certains maux qui se manifestent en ce XXIe siècle.
Traduction par l’auteur et Serge Granier de Cassagnac