Souffrir de stress post-traumatique et/ou réminiscences ? Effets dans la clinique ? C. Breuillot-Paris Septembre 2018

Psychanalyse et politique de l’accueil de mineurs isolés étrangers.

 

Souffrir de stress post-traumatique et/ou réminiscences ? Effets dans la clinique ?

 

 

Claude Breuillot Psychanalyste AF Bourgogne Congrès International AF 28 et 29 septembre 2018

 

 

Peut-on parler de continuum entre trauma et traumatisme ? Le mot « traumatisme » vient des mots grecs anciens traumatismos, signifiant action de blesser, et trauma, signifiant blessure. Appliqué à la pathologie chirurgicale, il signifie transmission d’un choc mécanique exercé par un agent physique extérieur sur une partie du corps et y provoquant une blessure ou une contusion.

Critiquant les effets d’un déterminisme et des évidences, les traumatismes de jeunes migrants isolés déterminent-t-il un ou des traumas ? Le concept de stress post-traumatique est-il l’un des aspects imaginaires de la clinique orthopédique qui tenterait d’agir comme cataplasme sur les retentissements conscients d’un trauma jugé comme tel, par un patient ou son médecin ? Peut-on juger de ce qui fait trauma pour un autre ? Lacan, critiquant Freud, nous met en garde concernant ces vérités qui tombent à pic : «Ce que son analysant croit lui dire, ceci veut dire que tout ce que l’analyste écoute ne peut être pris, comme on s’exprime, au pied de la lettre…Ce que l’analyste sait, c’est que son patient ne parle qu’à côté du vrai, parce que le vrai, il l’ignore. FREUD, là, délire, juste ce qu’il faut, car il s’imagine que le vrai, c’est ce qu’il appelle, lui, le noyau traumatique.1 » (Lacan, 1977) Cette dite clinique ne clive-t-  elle pas, n’ampute-t-elle pas le Sujet de l’inconscient d’une part essentielle de lui-même ? Le concept de Pleine Conscience élaboré dans l’ombre des bouddhisteries actuelles ne répondent-elles pas uniquement à un délire d’immédiateté tentant d’éradiquer toutes possibilités de mettre du sens sur les traces sensibles des expériences de la vie même ? La temporalité et le temps long nécessaires à l’élaboration permettront l’advenir de possibles contingences dont les réminiscences sont l’envers de la vérité puisque « l’analysant ne connaît pas sa vérité puisqu’il ne peut la dire.2 » (Lacan, 1977) Mais alors comment se dit-elle ? Repérer, entendre, permettre l’émergence les réminiscences comme résurgences, comme traces qui ont valeur de mémoire3 (Breuillot, 2018), c’est retrouver les chaînes signifiantes entre les mots, entre les mots et les maux. « Ce que nous savons, c’est qu’il y a des lésions du corps, que nous causons, corps dit vivant qui y suspendent la mémoire, ou tout au moins ne permettent pas de compter sur les traces qu’on lui attribue quand il s’agit de la mémoire du discours. » (Lacan, 1977)

La mémoire : un enjeu politique et économique ?

 

« En 2006, le Dr Todd Sacktor, neuroscientifique, et ses collègues du Centre médical Downstate ont réussi à effacer des souvenirs chez la souris en inhibant une enzyme clé, la PKMzeta.

1 Lacan, J. Séminaire XXIV, L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre , 1976-1977, 18 avril 1977

 

2           Ibid, Lacan, Séminaire XXIV

 

3           Breuillot, C. Discutant le texte de Charles Marcellesi , « Quand résonne la voix de la cantatrice », ½ journée de travail , Paris 17.03.2018, psychanalysebourgogne.wordpress.com , non publié

 

Des études ultérieures ont cependant révélé que les choses n’étaient pas si simples : des souris chez lesquelles on avait éliminé la PKMzeta par voie génétique pouvaient emmagasiner des souvenirs tout à fait normalement, puisque d’autres molécules venaient pallier cette lacune. Pour les scientifiques s’employant à élucider le mystère de la mémorisation, c’était là un écueil, certes, mais un écueil qui ouvrait de nouvelles perspectives. En effet, si la mémorisation repose sur plus d’une molécule, peut- être est-il possible d’agir sur des souvenirs bien définis en ciblant des molécules spécifiques? » lisait

-on dans les colonnes de l’Institut MacGill.4 Ce centre universitaire Québécois lié à un hôpital neurologique, contribue, écrit-il, à « l’évolution de la médecine pédiatrique et adulte en attirant des sommités cliniques et scientifiques du monde entier, en évaluant les technologies médicales de pointe et en formant les professionnels de la santé de demain » et fédère nombre d’émules en France. « Nos travaux démontrent qu’il existe divers mécanismes neuronaux de fixation des souvenirs dans le cerveau et en cela, ils sont porteurs d’espoir, puisqu’ils ouvrent la voie à l’élimination sélective des souvenirs pathologiques », affirme Wayne Sossin5.

Qui serait habilité à déterminer, trier, détruire, évaluer du pathologique des reviviscences des souvenirs, aussi douloureux soient-ils ?

Le Discours du nouvel eugénisme concernant la mémoire des peuples devient un enjeu de santé publique. La microkinésithérapie visera, selon ses énoncés, à retrouver ces traumatismes enregistrés dans le corps, vestiges de somatisations anciennes. Puis, par le biais de gestes précis et de petites pressions peu marquées, le praticien va activer l’évacuation de ces traumatismes. Quand d’autres, à lire au cours de l’article intéressant d’un neuropsychologue, suggèrent que la récupération des souvenirs traumatiques par le biais des structures amygdalo-hippocampiques pourrait déclencher certains processus émotionnels dans les régions limbiques qui pourraient, à leur tour, inhiber l’activité dans le cortex moteur, et donc produire des paralysies de conversion6 en évoquant Charcot.

 

 

Réel politique et inconscient du trauma :

 

« Périples et traversées traumatisants, déracinement, solitude : la santé mentale des migrants est une « urgence de santé publique » ignorée, pour laquelle les autorités doivent enfin agir, s’indignent les deux organisations humanitaires ce 19 juin, veille de la journée mondiale des réfugiés. » écrit le journal L’obs le 19 juin 20187. Chacun s’entend pour évoquer la souffrance psychique des migrants, du Centre Primo Levi à médecins du Monde en citant le stress post-traumatique en lien à leur vécu. « Sur 580 cas de troubles psychiques graves diagnostiqués par le Comede (Comité pour la santé des exilés)

4           Publié le 27/06/2017 https://www.mcgill.ca/newsroom/fr/channels/news/effacement-des-souvenirs- douloureux-se-rapproche-du-268751

 

5           Sossin, W. Département de neurologie et neurochirurgie. Institut et hôpital neurologiques de Mont- réal.

 

6           Saj, Arnaud. « Les troubles de conversion et les neurosciences cognitives », Service de neurologie, Unité de neuropsychologie, Hôpital Universitaire de Genève ; LabNic, Département des Neuros- ciences, Université de Genève, Suisse, Revue de neuropsychologie, 2011/3 (Volume 3), p.64

 

7           https://www.nouvelobs.com/societe/20180619.OBS8383/les-troubles-psychiques-des-migrants-je- me-dis-que-si-je-meurs-ce-sera-pareil.html

 

entre 2012 et 2016, les formes les plus courantes étaient des syndromes psychotraumatiques (60% des patients), des symptômes dépressifs (22%), des troubles anxieux (8%) et des traumas complexes (8%).8″ Si le rapport ne manque pas d’intérêts, je relève un certain nombre de truismes. « Les raisons pour lesquelles ces enfants se retrouvent sur les routes de l’exil sont bien souvent les mêmes que pour les adultes : fuyant la guerre, les violences ou les discriminations, ils cherchent un avenir meilleur. »

Le Réel c’est le traumatisme9. (Lacan, 1976)

 

Au travers de deux vignettes cliniques, je présenterai l’apport et l’écart de mon analyse, en rapport aux hypothèses apportées par ce document.

 

 

1ère vignette :

 

Cette vignette concerne la première séance. Je nommerai ce jeune adolescent de 16 ans, Martial, congolais du Congo-Brazzaville, République du Congo, différente de la RDC. Je le reçois seul en face à face. La femme représentant sa famille d’accueil restera dans la salle d’attente. Si Tintin au Congo a marqué les esprits, ce n’est pas sans souligner la colonisation française à partir de 1882 et le racisme latent envers le bon nègre. Le Congo se positionne comme le deuxième producteur au monde de diamants. En quelques décennies, de nombreuse lignes de fractures ont remanié les limites de cette nation qui compte de nombreuses ethnies. Martial est Bonkongo, ethnie qui n’est pas celle majoritaire du Président actuel, les Mbochi qui sont bantoue. « Il n’y a aucun cas à faire en leur  parole. J’en ai eu dix fois la preuve depuis mon arrivée au bas Alima. Ils n’ont aucune notion, même vague, de ce que nous appelons l’honnêteté, fait assez bizarre, car la note dominante de leur caractère est l’esprit de” Propriété” poussé à l’extrême, sous toutes ses formes… » écrivait Ponel pendant la colonisation10. La première langue actuelle est le lingala qui ne définit pas la seule ethnie bantoue, mais serait la langue de communicationinter-ethnique.

Martial est un adolescent élancé, posé, coiffé afro qui se montre très attentif à ces premiers échanges. Il parle très bien le français qu’il manie d’une voix claire. Rapidement, je souligne une phrase de son discours : « Ma mère m’a dit que mon père avait été assassiné.» Etait-ce parce que son père était mort quand il était petit ? Je lui demande de m’expliquer les circonstances, s’il les connaissait. Il me raconte qu’en 2016, son village qui comptait environ 500 âmes a été attaqué par des ninjas (Les ninjas sont souvent assimilés à de petits brigands qui vivent de petits pillages et de revente de drogue. Ils se déplacent par bandes de quelques individus. Ils ont commis de nombreux crimes, vols, viols, dans leur propre région, le Pool, En fait des groupes de miliciens souvent manipulés politiquement…) de la même ethnie que la sienne me dit-il. Son père a été emmené avec les autres hommes du village, alors que dans la confusion chacun tente de sauver sa peau. Je pense au massacre d’Oradour-sur-Glane décimé par un détachement du 1er bataillon du 4e régiment de Panzergrenadier Der Führer

 

8           Centre Primo Levi, htps://www.primolevi.org/wp-content/themes/primo-levi/La%20soufrance%20psy-chique%20des%20exil%C3%A9s_Rapport%20pages.pdf , Rapport 2018

 

9           Lacan, J. Séminaire XXIII, 13 avril 1976

 

10 Médiapart, Artcle du 5/11/2011, htps://blogs.mediapart.fr/bishikanda-dia-pool/blog/051116/congo-braz- zaville-les-mbochi-est-le-peuple-est-le-plus-sauvage-que-j-ai-rencontre

 

appartenant à la Panzerdivision Das Reich de la Waffen-SS. Il s’agit du plus grand massacre de civils commis en France par les armées allemandes pendant la deuxième guerre mondiale.

 

 

Il est alors séparé de sa mère qui est restée avec sa sœur dans les bras. Il n’aura pas de nouvelles d’elles jusqu’à ces derniers 15 jours avant cet entretien préliminaire, 15 jours où il pleura tellement que cela décida sa famille d’accueil à m’appeler. « Nous avons assisté à partir du 4 avril 2016 à la reprise de l’opération Mouébara dans le Pool. De nombreux tués, des écoles dévastées, des populations en débandade. une véritable opération de dépeuplement – alors que la rentrée scolaire a débuté au Congo- Brazzaville. 11» Alors que « les affrontements ont débuté à l’arme lourde dans les quartiers Sud de Brazzaville , les combats se sont déplacés vers les localités de Soumouna et de Mayama, laissant la capitale à un calme précaire12 » Martial rejoint Brazzaville et errera dans les rues pendant 2ans1/2 sans nouvelles de sa famille. Il me dit que les journées passent vite à jouer avec d’autre enfants abandonnés, vivre de petits larcins et à vendre de l’eau. Ils rejoint des centaines d’enfants qui comme lui se retrouvent isolés, sans famille, sans papiers, étrangers dans leur propre pays.

Martial relate un moment d’espoir quand il croise, dans la rue, le regard d’un ami de son père qui venait à la maison. Il le recueille et lui propose de lui trouver des papiers dans le but de rallier ensemble la France. A l’arrivée à Paris, l’homme disparaît en le laissant à deux autres personnes noires parlant très bien français, me dit-il. Les événement survenus dernièrement sont sidérants et viennent répéter le sentiment d’abandon et l’angoisse de l’inconnu. Il vit dans un présent et l’immédiateté de la survie. Bergson13 écrit concernant la survivance: « Je crois que notre vie intérieure toute entière

11 http://demainlecongobrazzaville.over-blog.com/2016/10/le-pool-berceau-de-la-resistance-politique- congolaise-mais-aussi-nid-de-traitres.html

 

12 https://www.opinion-internationale.com/2016/04/06/congo-la-guerre-civile-pour-un-mandat-de- plus_42552.html

 

13 Bergson, H. « L’âme et le corps », PUF, 2011, pp.28-29

 

 

est quelque chose comme une phrase unique entamée dès le premier éveil de la conscience, phrase semée de virgules, mais nulle par coupée par des points. Et je crois par conséquent aussi que notre passé tout entier est là. C’est le cerveau qui nous rend le service de maintenir notre attention fixée sur la vie. Vivre, c’est donc s’insérer dans les choses par l’intermédiaire d’un mécanisme qui extraira de la conscience tout ce qui est utilisable pour l’action, quitte à obscurcir la plus grande part du reste. La mémoire ne sert pas à conserver le passé mais à le masquer d’abord.» Livré à ces 2 hommes, Martial n’a pas encore les mots pour évoquer ses peurs : un trafic d’êtres humains ? La prostitution ? Pour des raisons qui lui échappent, il est laissé par ces hommes dans la rue au mois de janvier, dans une ville du centre de laFrance.

Repéré par des passants, il est amené à l’ASEF (Aide sociale à l’Enfance). Entendu par le juge pour enfant sur Paris, il choisira un placement en famille d’accueil, ce que l’on peut comprendre comme une recherche de stabilité psychique.

Ce sera seulement au mois de juillet que lors des vacances de cette famille, profitant d’un rassemblement organisé par l’ASEF sur Paris, qu’il rencontre une jeune congolaise qui pense pouvoir demander des informations à sa tante au pays. La gorge serrée, il me raconte le coup de téléphone, au bout de quelques jours de cette femme qui aurait retrouvé sa mère dans un camp de réfugiés. Aux premiers mots il reconnaît sa voix mais me dit-il en pleurant : « Je la reconnais car elle m’appelle par le surnom que mes parents me donnaient depuis que je suis bébé. Il ne pouvait pas y avoir d’erreur. Le plus difficile, c’est qu’elle m’insulta violemment après m’avoir appris la mort de mon père et compris que j’étais en France. » Je lui dis que les sentiments de sa mère étaient très ambivalents entre la joie de le retrouver, de savoir qu’il était vivant, et l’impossible d’une rencontre pour le serrer dans ses bras. Je lui demande ce qu’il ferait s’il avait de l’argent. Après un long moment de silence, il me dit qu’il ne sait pas. Il entame une formation en Lycée professionnel à cette rentrée mais quels conflits intérieurs aura t-il à résoudre pour ne pas retourner au Congo prématurément, c’est-à-dire sans en avoir saisi les enjeux inconscients ? « Quand je suis comme ça, j’ai envie de tout casser, de frapper dans les portes et les murs. » « Quand je suis arrivé en France, j’ai pensé au suicide tous les jours. J’étais perdu et je me demandais ce que je faisais là. Ce qui me fait le plus de bien, c’est de préparer un plat de manioc et de parler lingala quand je retrouve d’autres jeunes comme moi à Paris avec l’ASEF, » me dit-il.

 

« Mais le plus dur, c’est au collège » me dit-il dans ses derniers sanglots, quand un jeune de sa classe lui dit qu’il terminera par ramasser les poubelles. « Je ne me reconnais pas parmi eux, ils n’ont jamais eu faim. A la cantine, je termine toujours mon assiette. »

Martial décide de la poursuite de nos entretiens et s’engage pour 6 mois à raison d’une fois par semaine. Accord de l’ASEF.

 

 

Seconde vignette :

 

Si les travaux de Ferenczi concernant les traumatismes de guerre nous sont particulièrement précieux, en quoi le DSM-5, bible psychiatrique américaine, et sa catégorie de stress post- traumatique14 309-81 nous apporterait-il quelques éléments diagnostics ? Remplacer le diagnostic de

«névrose traumatique » des nosographies européennes, récusé à cause de sa connotation freudienne, avec ses effets biopolitiques dévastateurs sur les corps ? Alors que la discipline se donnait comme anatomo-politique des corps et s’appliquait essentiellement aux individus, la biopolitique représente donc cette grande « médecine sociale » qui s’applique à la population afin de gouverner la vie : la vie fait désormais partie du champ du pouvoir15.

 

 

K, est un adolescent de 15 ans, guinéen, qui m’est adressé par l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) sous la responsabilité de sa famille d’accueil. Il consulte pour des troubles anxieux envahissants l’empêchant de trouver le sommeil ou, s’il le trouve, il est mobilisé par des images en boucle de différents vécus. Mais, je ne reste pas hypnotisé par ses récits, certainement répétés à d’autres depuis son arrivée il y a 4 mois, d’histoires plombées par d’intenses violences physiques et psychiques qui m’apparaîtront dans l’après-coup. Il faut sortir de cette écoute pour ne pas tomber dans un voyeurisme inconscient qui empêchera tout travail et ne permettra pas de lever les résistances. La rencontre avec le psychanalyste doit ouvrir sur du nouveau, du nouveau dans ce que ces jeunes entendront dans leur Discours entre le Dit et le Dire. Ces adolescents, s’ils ont vécu nombre d’effractions dans leur capacité à contenir et à symboliser des actes barbares ou défiants leur maturité psychique, ne se brisent pas tous suivant les mêmes lignes de rupture16. Un vase peut tomber plusieurs fois à terre sans dégâts, alors qu’un jour, le dernier coup, même s’il semble insignifiant, sera fatal, mais le vase ne rompra pas sous n’importe quels hospices. Ces ruptures, en écho à la dimension subjective de tout parlêtre, peuvent fragiliser durablement l’adolescent dans un moment déjà de grande vulnérabilité psychique, à entendre en tant que ruptures de chaînes signifiantes. Concernant le fil de la haine, ne minorons pas le risque djihadiste comme lesouligne

14 DSM-5 htps://www.memoiretraumatque.org/assets/fles/v1/Documents-pdf/DSM_5_Trouble_stress_post-traumatques.pdf

 

15 Foucault, M. « La découverte de la populaton est, en même temps que la découverte de l’individu et du corps dressable, l’autre grand noyautechnologique autour duquel les procédés politques de l’Occident se sont transformés. On a inventé à ce moment-là ce que j’appelerai, paroppositon à l’anatomo-politque que j’ai mentonnée à l’instant, la biopolitque », Les mailles du pouvoir, conférence à l’Université de Bahia,

1976 ; Dits et Ecrits, volume 4, texte 297).

 

16 Freud, S. « Les diverses instances de la personnalité psychique », in Nouvelles conférences sur la psychana- lyse, Gallimard, Paris, 1952, pp.84

 

Danièle Epstein, comme tentative de cri pour les inaudibles de toutes obédiences ou chapelles. « Pris dans les rêts d’une histoire qui s’inscrit à même le corps de leurs parents, ils échappent pour ne plus porter l’oppression, la dépression… 17» (Epstein,2016)

Le parcours du combattant n’est pas toujours celui qu’on croit.

 

 

  1. très attaché à son ami jeune majeur, décide précipitamment de quitter la Guinée par autobus. Après une épopée d’un an semée d’embûches que je ne développerai ici, mais parcours symbolique entre cheminement initiatique et rite de passage, il arrivera en France. Pourquoi la France ? Entre lalangue et langue…

L’exil, il en est imprégné dans sa chair : son père, enfant illégitime d’un homme marié, afin de le sauver d’un infanticide inévitable dans son pays de naissance, fut envoyé enfant dans une école coranique en Arabie Saoudite. Il revint jeune adulte en Guinée comme imam – ce pays à majorité musulmane  dont la langue officielle est le français – et fût assassiné quand K. avait 9 ans. Il appris à  sa mère, le long de son périple, au bout de quelques jours, sans mots pour nommer et me tr ansmettre ses affects dans le transfert, sans mots pour évoquer son sentiment de culpabilité inconscient, son choix irrésistible, déterminé. Malgré l’angoisse prévenante et le chagrin de celle-ci, il arrivera à Lampedusa, je ne dirai pas sain et sauf, il reste en lien avec elle, apprend sa maladie, et son décès quelques semaines plus tard alors qu’il a quitté une famille d’accueil italienne pour commencer à travailler dans la récolte de fruits. Ce moment vint briser l’ombilic de ses choix inconscients et, alors qu’il avait décidé de lui envoyer l’argent qu’il gagnerait, il changea définitivement d’optique, se sépara du jeune adulte qui l’accompagnait depuis la Guinée, et résolument décida de continuer ses études, choisissant la France aussi par facilité delangue.

 

 

Je vais relater une séance parmi la trentaine de séances où je reçu K.

 

 

Nous sommes au mois de juin. K. passe le brevet des collèges. Il est assidu. Je le reçois déjà depuis 5 mois. Il dort mieux. Il est même épanoui, jovial. Pendant des semaines, les séances sont teintées toutes à la fois de réminiscences et d’événement jour pour jour, de ce périple. Le corps parla fréquemment, il fut d’ailleurs hospitalisé plusieurs fois pour une hernie. Je pense à des trouble psycho-sensoriels à rapprocher d’illusions ou hallucinations18. (Fanon, 2015)

Pour demander la nationalité française, il en connaît les obstacles : prouver que l’on est suivi par l’ASEF19 depuis au-moins 3 ans, prouver que l’on est en formation ou mieux, avoir terminer son apprentissage. Il lui faut aussi justifier de son état civil. Le Réel, ce fût aussi quand il demanda son

17 Epstein, D. « L’interculturel : un traumatsme à l’épreuve de l’exil » in Dérives adolescentes : de la délin- quance au djihadisme, Eres, 2016, pp.130

 

18 Fanon, F. « Écrits sur l’aliénaton et la liberté », Éditons la découverte, 2015, pp.196

 

19 InfoMIE , La déclaraton de natonalité française des mineurs isolés étrangers, htp://www.infomie.net/spip.php?rubrique21

 

certificat de naissance à un oncle en Guinée. Cet envoi est toujours, au bout de plusieurs mois, source de marchandage et de chantage. Si la polygamie20 est interdite aujourd’hui en Guinée, son grand-père maternelle lui, épousa plusieurs femmes. Il me dit mieux comprendre les heurts dont son certificat de naissance est le signifiant : cet oncle et sa mère ne sont pas de la même mère. Quel rôle joue l’ambassade ? Pourquoi est-ce difficile de parler d’acte ou de situer un acte ? Pour cause de réel. Tout acte comporte une part de réel, et Lacan ajoute dans le Séminaire XI : « Réel qui n’y est pas pris d’évidence.21 » (Lacan,1973) Ces adolescents témoignent d’une étrange modification de la flèche du temps.

Pour ne pas conclure…

 

 

Nous avons pu entendre la destructivité inconsciente chez Martial ou K, et le risque de passage à l’acte. La haine comme symptôme de la dé-mère-itance ou dé-méritance, prémisse d’un comporte- ment antisocial. « L’expression “tendance antisociale” est utile parce qu’elle relie ce type de trouble à la normalité et à ce qu’elle est à son début : une réaction à une privation affective.22 » (Winnicott, 1963) Or, reconnaître sa propre destructivité, ce mouvement haineux, « consentir à laisser échapper son ancien objet d’amour, prendre la mesure de ses propres failles n’est jamais sans difficultés pour un sujet. 23» (Lauru, 2015) « Lorsque l’exil se défait de sa dimension métaphorique, il est vécu comme une blessure irréparable que l’absence d’étayage culturel vient mettre à nu. Cet étayage peut être com- paré à l’exemple Freudien du cristal qui se brise selon des lignes de fracture préétablies. Le sujet subit l’irruption d’une fêlure où des signes de désadaptation viennent faire appel d’une souffrance qui ne trouve parfois ni mots pour se dire, ni lieux pour être entendue.24 » L’accompagnent social, s’il est né- cessaire, ne remplace pas l’écoute à la fois subvectivante et prévenante. K. ou Martial ne présentent  pas les profils idéaux pour cabinet de recrutement, mais « ils ont quelque chose d’autre à nous ap- prendre sur le chaînon manquant entre homme-machine25, sa mécanique neurologique et les joyeux ac- teurs de success stories.26 »

 

 

20 La Guinée et la polygamie, htp://www.faxdeguinee.com/magr1.php? langue=fr&type=rub17&code=calb1191

 

21 Lacan, J. Le séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1973, pp. 50.

 

22 Winnicot, D.W. « Les soins hospitaliers en complément d’une psychothérapie intensive au cours de l’ado- lescence » (1963), dans Processus de maturaton chez l’enfant, Paris, Payot, 1989, pp. 238.

 

23 Lauru, D. « De la haine de soi à la haine de l’autre », Albin Michel, 2015, pp.36-37

 

24 Sttou, Rajja. « Drogue et « bougé » dans la structure » in Les formes contemporaines du malaise dans la ci- vilisaton, Presses universitaires du Mirail, 1996

 

25 De la Metrie, L’homme-machine, Pauvert, 1966

 

26 Davoine, F. « Histoire et trauma », L’autre pensée, Stock, 2004, pp.145

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