texte protocole 2 Marian Lora Toro
TRAVAIL POUR LE CARTEL DU PROTOCOLE 3-10-2014
Je ne sais pas le reste de mes collègues, mais moi, ce qui m’est venu à l’esprit quand nous avons été désignés pour participer à ce cartel, c’est une phrase d’un groupe de musique espagnol appelé Vetusta Morla, qui dans l’une de ses chansons dit : « il semble si opportun d’échapper, il semble si impossible de s’en aller sans plus. »
Après ce désarroi qui venait rendre compte, entre autres, de ma méconnaissance du protocole institutionnel, malgré le fait que j’avais assisté à la présentation des textes et des listes des années précédentes, je ne gardais aucun souvenir ni des uns ni des autres, sauf la trace que certains d’entre eux auraient pu laisser en moi.
J’ai décidé alors de commencer par lire et traduire les textes des précédents cartels – tâche impossible !! Google vous propose une fantaisie brisée en mille morceaux, du fait de la difficulté du jeu signifiant.
Or, je voulais être à la hauteur de ce travail… Quelle hauteur ?, me suis-je demandé. Bien évidemment celle de mes divagations. En m’arrêtant un instant, je me suis dit que ce transit ne concernait pas l’expérience ni les textes des autres, mais mon propre passage. Forte de cette certitude, j’ai décidé d’occuper ma place dans ce « banquet » hors pair.
Nous sommes passés alors aux réunions, aux débats, aux difficultés avec la langue, aux divergences, aux textes, à notre transfert de travail et à notre désir. Nous nous sommes posé la question de la nécessité de dresser ou non une liste et de ce que cela supposait. Nous avons abordé différentes questions comme : l’éthique soutenue par AF, les éléments à prendre en compte au moment de la nomination, les questions subjectives autour de tout ça, etc.
Lors de la dernière réunion, l’un des membres a invité le cartel à se demander si ce que nous avions fait jusqu’à ce jour avait assez de consistance, si nous n’avions pas des arguments faibles. Comment ne pas y penser ! Y a-t-il un cartel qui ne se soit pas posé la question ? Qui n’ait pas pensé que les débats, les questions, les idées, ne viennent pas fermer, mais, au contraire, ouvrir une voie beaucoup plus large qui n’aboutit pas là ?
La question, pour moi, c’était de trouver la façon de transmettre ce qui avait été débattu, pensé, ressenti… Je me suis alors souvenue de ce paragraphe des Écrits 1. Quatrième, « La psychanalyse et son enseignement », où Lacan dit : « Sans m’arrêter à me demander si le texte de mon argument partait ou non d’une idée juste quant à l’audience qui m’attend, je préciserai qu’en questionnant ainsi : « Ce que la psychanalyse nous enseigne, comment l’enseigner ? », et à la fin du texte, de conclure : « Tout retour à Freud qui donne matière à un enseignement digne de ce nom, ne se produira que par la voie, par où la vérité la plus cachée se manifeste dans les révolutions de la culture. Cette voie est la seule formation que nous puissions prétendre à transmettre à ceux qui nous suivent. Elle s’appelle : un style. »
C’est là l’un des mots d’ordre d’AF, à savoir rendre compte d’un style. Et l’une des choses que j’ai apprises, au cours de cette période, en causant avec mes collègues et en lisant les textes des statuts, c’est que l’objet du cartel va au-delà de la constitution d’une liste. En effet, c’est une façon de construire petit à petit, de définir entre tous, cette fonction énigmatique qui est celle du psychanalyste. Et pas une fonction quelconque, celle qu’AF définit dans ses statuts et je cite : « l‘élaboration de la fonction analyste reste l’enjeu essentiel de tout notre effort de théorisation ». Puis… « S’il peut y avoir un fondement théorique à l’habilitation du psychanalyste, celui-ci réside dans la définition de la fonction d’analyste, notamment à travers le questionnement portant sur le désir de celui-ci ». Tout cela dans le cadre d’une éthique.
Le cartel du protocole m’a poussée à m’interroger non seulement sur le désir et sur la pratique des autres, de ceux qui figurent finalement sur la liste, mais aussi sur mon propre désir d’analyste et sur ma pratique également.
Prendre la décision de savoir qui allait être nommé n’a pas été chose évidente. De nombreux éléments entrent en jeu, qu’il est souvent difficile de contrôler, surtout la jouissance, jouissance du jouir ou du faire jouir. Rude tâche que de la limiter.
Et finalement, la liste… Et la question…
La liste est-elle une façon de contredire le principe « il y a une seule catégorie de membres » ? Dès le début, j’ai pensé que ce n’était pas le cas, et encore plus après le travail réalisé dans le cartel « il y a une seule catégorie de membres », présenté l’année dernière ; j’ai pris le parti de penser que le fait qu’il existe des différences entre les membres d’AF ne veut pas dire pour autant qu’il y ait différentes catégories. Cependant, il est vrai qu’on ne peut pas éviter des questions imaginaires ou narcissiques autour de la liste. La preuve qu’il s’agit bien là de quelque chose d’éphémère. Cette façon d’aborder aussi bien la passe que le protocole institutionnel rend compte de ce style d’AF, dont il a été question ci-dessus.
Néanmoins, la question sur une seule catégorie de membres persiste en moi :
Qu’est-ce que cela veut dire qu’« une seule catégorie », qu’est-ce que cela sous-tend ? Je pense que c’est là quelque chose dont nous allons débattre longuement…
Marian Lora Toro
3 octobre 2014